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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

Driant Emile

Émile, Augustin, Cyprien Driant (11 septembre 1855 - 22 février 1916) était un officier de carrière français. Gendre du général Boulanger, écrivain sous le pseudonyme de Danrit, député de Nancy, il reprend le service au début de la Première Guerre mondiale. Il meurt à Verdun à la tête des 56e et 59e bataillons de chasseurs, en février 1916. 

Driant EmileDriant Emile

Émile Driant dit Capitaine Danrit quitte l’armée à 50 ans, le 31 décembre 1905. Bien noté mais ayant publiquement pris position sur son institution car défenseur intransigeant de l’armée, ennemi de toute concession faite à l’Allemagne, il se lance sans tarder en politique. Il est élu aux élections législatives de 1910 dans la troisième circonscription de Nancy, sous l’étiquette de l’Action libérale. Il renouvelle son mandat quatre ans plus tard. Il consacre ces législatures aux questions militaires comme membre actif de la commission de l’Armée. Ami de Paul Déroulède et de Maurice Barrès, il devient rapidement un des principaux intervenants contre la gauche dans les débats parlementaires portant sur l’armée et la défense. Assidu aux séances de la Chambre des députés, mêlant le catholicisme social d'Albert de Mun aux idées de Vogüé et de Lavisse, il intervient pour faire voter les crédits militaires et soutient Barthou lors du vote de la «loi de Salut» qui porte à trois ans le service national. Il s'insurge contre le déclassement des places fortes frontalières - il parvient à sauver celle de Lille en 1912 - et s'intéresse avant guerre à la toute récente aéronautique militaire. Driant s'oppose aux thèses de Briand et de Jaurès, s'appuyant sur des exemples tirés des événements de Russie. L'armée doit jouer un rôle essentiel, avant tout comme instrument d'éducation des classes populaires et le cas échéant comme instrument contre-révolutionnaire.

C'est le concept de l'armée-école et de l'apostolat social, qui s'inscrit alors dans la mouvance des Dragomirov, Art Roë et Lyautey. Il s'intéresse ainsi aux luttes sociales, dans la mesure où elles peuvent compromettre la Défense nationale. Il soutient le syndicalisme indépendant, dit «jaune», fondé par Pierre Biétry avec l'appui de l'industriel Gaston Japy. Ceux-ci prônent l'association entre le capital-travail et le capital-argent. Les textes de Driant défendent le principe de la liberté par la propriété individuelle, au moyen de la participation progressive des ouvriers au capital des entreprises. Parmi les principaux votes du député Driant, durant la législature 1910-1914, figurent des résolutions telles que la journée de dix heures, les retraites, les libertés syndicales, et diverses mesures d'aide sociale. Très tôt, encore en activité, Émile Driant s’était lancé dans la littérature.

Driant aborde les thèmes militaires les plus divers en écrivant près de trente romans en vingt-cinq ans, et le succès est au rendez-vous. Ses récits se sont inspirés du modèle vernien du roman d'aventures, mais relu à travers la défaite de Sedan et l'expansionnisme colonial français. La découverte du monde et de ses merveilles devient l'évocation de richesses à puiser ou de menaces à circonscrire ; les machines extraordinaires, qui permettaient, chez Verne, de voyager à travers les airs et les mers, sont désormais avant tout des engins de guerre, pour détruire l'adversaire. Son œuvre est caractéristique du roman d'aventures coloniales de la fin du XIXe siècle à la logique plus spécifique des années précédant la Première Guerre mondiale. Dans ses écrits, une vaste place est accordée à l'armée. Il affirme son goût des grands hommes et sa méfiance à l'égard des parlementaires. Ils sont le reflet d'une opinion publique obsédée par la menace d'une guerre. Ils accompagnent les discours quotidiens de la presse, toujours attentive aux incidents internationaux.

Son premier livre paraît en 1892, La Guerre des forteresses, qui met en avant la valeur stratégique des forts construits sur la frontière est de la France, forts qui préservent le pays d’une attaque surprise et qui, en résistant quelques jours, permettent aux armées françaises de se mobiliser et de rejoindre les frontières. Le fort de Liouville qu’il décrit dans son livre connaîtra effectivement le feu en septembre 1914. Son deuxième roman s’intitule La Guerre en rase campagne et donne un exemple de mobilisation, de transport des troupes par mer et par voie ferrée. Son troisième roman, La Guerre en ballon apporte un peu d’apaisement à sa préoccupation majeure qui est la prochaine guerre. Cette trilogie porte un nom générique : La Guerre de demain. Dans cette œuvre au caractère romanesque, Driant exalte sans cesse le service de la France, l’exemple de l’officier, la mission à accomplir.

Pour répondre à l’attente des lecteurs Driant laisse parler son imagination en décrivant La guerre des bicyclettes en 1894 puis L’Invasion Noire, où les populations d’Afrique Noire soulevées par les Turcs envahissent l’Europe et ne seront stoppées que par des gaz asphyxiants lâchés des dirigeables français. Cet état d’esprit inspire des ouvrages plus pédagogiques avec Histoire d’une famille de soldats. Il s’agit d’une trilogie courant de la Révolution à l’époque de l’auteur qu’il écrit à partir de 1898. Jean Tapin évoque 1792 à 1830 et démontre au travers de l’histoire d’un jeune tambour la nécessité de s’instruire pour prétendre commander les hommes. Vient ensuite les Filleuls de Napoléon, sous le Second Empire, qui souligne le rôle d’éducateur de l’officier. Enfin, Petit Marsouin débouche sur cette armée de la Troisième République en pleine refondation avec la généralisation de la conscription.

En 1898, il échafaude La guerre fatale qui se déroule d’abord sur les mers contre la perfide Albion (sans-doute influencé par la grave crise diplomatique franco-anglaise liée à l’affaire de Fachoda et à la Seconde Guerre des Boers) avec le rôle prédominant du sous-marin. Driant défend et illustre ainsi les thèses de l'amiral Aube et de la Jeune École. En 1905, très fortement impressionné par la victoire japonaise sur la flotte russe lors de la bataille des îles Tsoushima, Driant conçoit L’Invasion jaune où les Japonais soulèvent la masse humaine chinoise et indienne contre l’Europe. Le roman se termine par le succès des armées sino-japonaises sur la meilleure armée européenne, celle de l’empire allemand, et donc la fin de la prédominance de l’Europe. Paru en 1910, La Révolution de demain décrit la populace parisienne déchaînée attaquer une caserne et massacrer les soldats désarmés à coups de pavés lancés du haut des toits.

À cette époque, il a décrit Les Quatre dangers qui doivent être à l’esprit des Français : l’Angleterre, l’Allemagne, les Jaunes, les Noirs. Il en avait bien entrevu un cinquième qu’il avait esquivé dans la Révolution de demain… Les robinsons sous marins (1901), Ordre du Tzar (1906), Au-dessus du continent noir, Alerte (1911) et La Guerre souterraine (1913) sont écrits sous la pression des évènements car Driant a le pressentiment d’une guerre imminente. Dans L’Aviateur du Pacifique écrit en 1910, il raconte l’histoire d’un génial inventeur français qui a inventé un aéronef au moteur polycarburant. Il décide de faire le tour du monde pour prouver aux nations industrialisées la fiabilité de son invention. Quand il arrive au-dessus du Pacifique du côté de Pearl Harbour – Midway attaqué, il ne peut prévenir les États-Unis par radio-télégraphie car les Japonais ont disposé dans le Pacifique une chaîne de chalutiers équipés d’antennes destinées à brouiller les ondes radio. Prémonition ? C’était en 1910…

Le succès de ces ouvrages, illustrés le plus souvent par Paul de Sémant ou Georges Dutriac, fut tel qu’ils étaient remis lors des distributions des prix en fin d’année scolaire. En décembre 1915, il brigue le siège d’Albert de Mun à l’Académie française : sa mort, le 22 février 1916, fit avorter sa candidature. Député à l’entrée de la guerre, il a 59 ans. Son mandat de député et son âge l’écartent facilement de toute obligation militaire. Cet anglophobe (La Guerre Fatale) demande pourtant à reprendre du service contre l'Allemagne et obtient le 14 août 1914 le commandement des 56e et 59e bataillons de chasseurs. C’est à l’automne 1915 qu’il prend en charge le secteur du bois des Caures, devant Verdun. Fin 1915, sans préjuger encore d’une attaque sur Verdun qu’on n’imaginait pas, Driant avait alarmé les élus, et même le président de la République, sur la très grande insuffisance des moyens de défense de la zone. Le 1er décembre, il en faisait état auprès de la Commission de l’Armée de la Chambre. Gallieni, ministre de la Guerre écrivait le 16 suivant à Joffre, qui prit mal la chose et ne sut pas trouver autre chose que d’offrir sa démission.

À partir de janvier, de nombreux indices annoncent pourtant une offensive prochaine. Le 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, le lieutenant-colonel Driant adresse ce dernier courrier à sa femme : « je ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l'ordre du général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé. À la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois encore pour cette fois. Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu'à présent… Qui sait! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures là. »

Le 21 février 1916, à 7h15, la Ve armée allemande déclenche un orage d’acier d’une puissance inouïe. Les positions de la Côte de Brabant, des bois d’Haumont, des Caures, de Ville et de l’Herbevois. Le tir laboure la première et en même temps la deuxième ligne. Des obus à gaz explosent dans les ravins séparant le bois d’Haumont de Vacherauville. Les chasseurs de Driant attendent l’assaut. Au bois des Caures, c’est le 59e Bataillon de Chasseurs qui est en ligne. La première ligne est complètement désorganisée. De nombreux chasseurs périssent ensevelis par le bombardement. À la ferme de Mormont, le 56e B.C.P. se prépare à appuyer le 59e. Vers 16 heures, le feu se reporte sur l’arrière, signe de l’assaut imminent. Les régiments du 18e Corps surgissent devant le bois des Caures et les bois voisins. Au bois d’Haumont, il ne reste rien des deux bataillons en ligne. L’ennemi occupe le terrain sans difficulté.

Or au bois des Caures, les chasseurs de Driant sont toujours là et accueillent les Allemands. Trois compagnies sur quatre finissent par céder. Driant fait monter en ligne le 56e B.C.P. Ses chasseurs contre-attaquent à la nuit tombée et reprennent presque toutes les tranchées perdues. Mais il faut tenir, et Driant réclame des renforts qui arrivent sous les obus allemands. Toute la nuit du 21 au 22 février, les renforts affluent sous la neige et les obus. En pleine nuit, l’artillerie allemande redouble de violence. Au matin, elle suspend son tir et l’infanterie attaque à nouveau. Lancée en masse, elle submerge les chasseurs. Le 59e B.C.P. disparaît presque sur place. Le lieutenant-colonel Driant, un fusil à la main, se tient sur la ligne de repli avec les survivants de ses bataillons alors que l’ennemi enveloppe ses positions. Vers 16 heures, il décide le repli vers le sud-ouest, en direction de Beaumont. Les chasseurs partent en quatre colonnes. Une seule parviendra à peu près intacte. Driant part dans les derniers, accompagné des sergents Coisne et Hacquin, sautant de trous d’obus en trou d’obus. Driant s’arrête pour faire un pansement provisoire à l’un de ses hommes, blessé au fond d’un entonnoir. Alors qu’il repartait et qu’il allait sauter dans un nouveau trou d’obus, une balle de mitrailleuse le frappe à la tempe. « Oh, là, là, mon Dieu » entendent les deux sergents !

Le bois des Caures a été pris par les Allemands avec deux divisions contre les deux bataillons de chasseurs. Il ne reste pas le tiers des effectifs de ces unités, mais leur sacrifice est sans prix pour l’armée française : le 56e et le 59e bataillons de chasseurs ont suffisamment ralenti l’ennemi, dès son premier assaut, pour permettre aux troupes envoyées en renfort de contenir peu à peu la poussée allemande et de protéger Verdun. Le lieutenant-colonel Driant est inhumé par les Allemands à proximité des lieux de son trépas, alors que ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse. En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé. Sur le monument, on peut lire "Ils sont tombés, silencieux sous le choc, comme une muraille." Chaque année, une cérémonie y est célébrée le 21 février, en souvenir du colonel Driant et de ses chasseurs tombés pour la défense de Verdun.

Le bruit de la mort du lieutenant-colonel Driant circule à Paris dès les 24 et 25 février. Maurice Barrès, qui prit une part décisive dans la construction du « mythe Driant », refusa tout d’abord de croire aux « premières rumeurs ». Il attend le 8 avril pour écrire dans l’Écho de Paris : « le lieutenant-colonel Driant, député de Nancy, demeure allongé sur la terre lorraine, baignée de son sang. » Mais « il respire, il agit, il crée ; il est l’exemple vivant », ajoute le lendemain Maurice Barrès. Sa mort a un retentissement d’autant plus important que pour beaucoup, elle est celle du « capitaine Danrit », dont les ouvrages ont été la lecture de la jeunesse française avant la Grande Guerre. La mort de l’écrivain a dépassé et magnifié celle du soldat.

Son sacrifice est récupéré par la presse et les publications de la guerre, pour galvaniser les troupes. La Chambre des députés annonce officiellement sa mort, son éloge funèbre est prononcé le 7 avril par Paul Deschanel, le 28 juin, la Ligue des patriotes de Maurice Barrès fait célébrer un service solennel à Notre-Dame (Paris) présidé par le cardinal Amette. Après la Grande Guerre, le lieutenant-colonel Driant est élevé au rang de gloire nationale au même titre que les maréchaux Joffre, Gallieni, Pétain et Foch… En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé. Chaque année, une cérémonie y est célébrée le 21 février, en souvenir du colonel Driant et de ses chasseurs tombés pour la défense de Verdun. La résistance héroïque de ses chasseurs et sa mort sont aussi l’illustration d’une bataille, celle de Verdun, où les hommes furent opposés aux canons (163 000 français tués, 143 000 du côté allemand), 80 % des pertes furent causées par des obus. Cette bataille accrédita l’idée que la guerre avait été gagnée par les simples soldats, en dehors du commandement et parfois contre celui-ci…

Le lieutenant-colonel Driant fut un officier dévoué à son pays. Il illustre, par la fidélité à ses principes, par la défense de la grandeur de la France dans sa carrière d’écrivain ou d’officier, par l’influence des idées du début du XXe siècle sur ses écrits et ses pensées, un homme français de son temps, attaché à la défense de son pays, honnête et courageux. Il ne fut jamais pris en contradiction entre ses idéaux et ses actes. Son arrière-petite-fille, Laure Driant, a épousé Xavier Darcos, et postérité.

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