Zakaïev Akhmed

Publié le par Roger Cousin

Akhmed Khalidovitch Zakaïev (26 avril 1959), est un ancien commandant militaire du mouvement séparatiste tchétchène, devenu homme politique et considéré par la Russie comme un terroriste dangereux. Il est l'actuel premier ministre du gouvernement de la République Tchétchène d'Itchkérie, une entité politique non reconnue opérant en exil. Avant le rétablissement du régime pro-fédéral en Tchétchénie en 2000, il était ministre des affaires étrangères dans le gouvernement séparatiste, depuis sa nomination à ce poste par le président Aslan Maskhadov en 1997.

Zakaïev Akhmed Zakaïev Akhmed

Il est né en 1959 à Kirovski, au Kazakhstan, suite à la déportation des Tchétchènes en 1944. Il suit des cours d'art dramatique et de danse à Voronej et à Moscou, et devient acteur au théâtre de Grozny, jouant plus particulièrement dans de pièces de Shakespeare. En 1991, il devient président de l'Union Tchétchène des Acteurs de Théâtre. En 1994, il devient ministre de la culture dans le gouvernement de Djokhar Doudaïev. Il prend les armes lorsque la guerre éclate cette même année, participe à la bataille de Grozny et dirige la défense du village de Goïskoï en mars-avril 1995. Son groupe est basé dans le sud-ouest du pays avec son QG à Ourous-Martan dont il dirige le front avec le grade de brigadier général. En février 1996, il devient commandant de l'ensemble du Groupe de Défense Ouest de l'Itchkérie. En août ses forces participent à la reprise de Grozny, où il dirige l'assaut sur la gare centrale dans lequel mourront, d'après les informations russes, 200 soldats du ministère de l'Intérieur.

Son action pendant la guerre lui ouvre la voie de la politique. Il devient conseiller à la sécurité du président par intérim Zelimkhan Iandarbïev et secrétaire du Conseil de Sécurité Tchétchène. Il participe aux négociations de Khassaviourt qui débouche sur un cessez-le-feu en 1996, et qui met fin au conflit. Il devient ensuite vice-Premier Ministre chargé de l'éducation et de la culture et délégué auprès des autorités fédérales de Moscou du président Aslan Maskhadov, élu en 1997. Au début de la seconde guerre, il dirige la garde présidentielle de Maskhadov et participe aux négociations avec des représentants de Moscou avant et après la reprise des hostilités. En 2000 il est blessé durant le siège de Grozny. Il quitte le pays et devient le porte-parole de Maskhadov en Europe de l'Ouest. En janvier 2002, il s'installe au Royaume-Uni avec sa famille.

Le 18 novembre 2001, Zakaïev est déjà recherché par la Russie, se rend à Moscou (Aéroport international Cheremetievo), pour rencontrer le général Viktor Kazantsev, chargé des négociations avec les séparatistes tchétchènes, mais ces négociations n'aboutiront pas. Le 18 juillet 2002, il rencontre à Zurich le précédent secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie Ivan Rybkine. Vivant à Londres, il organise le World Chechen Congress à Copenhague en octobre 2002. Durant ce congrès il est accusé par la Russie d'être impliqué dans la prise d'otages du théâtre de Moscou. Il est arrêté le 30 avec un mandat délivré par Interpol, sur demande de la Russie qui l'accuse d'être impliqué. Il dément cette implication, et est retenu 34 jours au Danemark puis relâché, le ministre de la Justice danois évoquant un manque de preuves. Le 7 décembre 2002, il retourne au Royaume-Uni mais est de nouveau arrêté à l'aéroport d'Heathrow, puis est relâché contre une caution de 50 000 livres, payée par la fondation de Boris Berezovsky et l'actrice britannique Vanessa Redgrave qui l'avaient accompagné au Danemark.

Il est accusé par les autorités russes de nombreux crimes d'enlèvements, des meurtres de plus de 300 soldats et 12 civils (employés du bureau de commandement militaire), d'avoir formé et dirigé des groupes armés, de l'exécution de deux prêtres orthodoxes russes ainsi que de la préparation d'attaques terroristes en Russie, sur une période allant de décembre 1995 à janvier 2000. Mais un des deux prêtres prétendus morts (le père Sergueï) s'est avéré être toujours en vie, alors qu'un autre témoin, le révérend Filip, supposé enlevé par Zakaïev en 1996 revient sur son témoignage et accuse les autorités russes d'impliquer l'Église dans les affaires politiques4. Une autre accusation est d'avoir coupé les doigts d'Ivan Soloviov, suspecté d'être un informateur du FSB et est basée sur un témoignage de Douk-Vakha Dochouïev fourni par la Russie. Cependant il semblerait qu'il ait perdu ses doigts à la suite d'engelures, et il déclarera plus tard au tribunal britannique qu'il a été torturé dans une base de l'armée russe pour écrire ce témoignage.

Sergueï Kovalev, activiste défendant les droits de l'homme dit également que Zakaïev sera en danger de mort s'il est détenu en Russie, prenant comme exemple le cas de deux prisonniers tchétchènes, Salman Radouïev et Tourpal-Ali Atgeriev morts en prison et celui de Rouslan Alikhadjiev, disparu après son arrestation. Amnesty International évoque « des craintes justifiées pour la sécurité physique d’Akhmed Zakaïev, s’il était renvoyé en Russie ». D'après l'activiste russe Aleksandr Goldfarb, un des principaux arguments de la défense pour contrer les accusations russes est la rencontre entre Zakaïev et Karantsev en 2001, alors que Zakaïev était déjà recherché par la Russie, et pendant laquelle Sergueï Iastrjembski (conseiller de Vladimir Poutine) a déclaré à la télévision russe que le gouvernement n'avait rien à lui reprocher.

Devant ces éléments, le 13 novembre 2003, la Bow Street Magistrates Court britannique rejette la requête russe d'extradition, motivée selon elle par des raisons purement politiques, et jugeant qu'il existait un risque de mauvais traitement en cas « d'injuste et oppressive extradition ». En ce qui concerne les crimes concernant la force armée utilisée contre des combattants, ce n'est pas une cause d'extradition en raison du contexte de « conflit armé interne ». Les autorités russes répondent en accusant le tribunal de « double standards », car s'opposant à l'idée russe de considérer les séparatistes tchétchènes dans leur ensemble comme étant liés au terrorisme international. En effet Igor Ivanov, le ministre russe des Affaires Étrangères avait comparé Zakaïev à Oussama Ben Laden.

Certains députés du parlement européen considèrent au contraire que Zakaïev construit la démocratie en Tchétchénie (sic). En signe de solidarité, ils lui donnent un passeport de la liberté symbolique Il s'agit de Fodé Silla, Michel Rocard, Catherine Lalumière, Daniel Cohn-Bendit et d'autres qui le qualifient même de pacifiste ! Le 29 novembre 2003, il se voit accorder l'asile politique par le Royaume-Uni. Il visite ensuite l'Allemagne et la Pologne sans être inquiété. Pendant la prise d'otages de Beslan, il tombe d'accord avec les autorités d'Ossétie du Nord pour se rendre sur place et tenter de négocier, mais la crise prend fin avant son arrivée. À Londres, il s'est lié d'amitié avec le dissident Alexandre Litvinenko, assassiné en novembre 2006. Zakaïev accuse évidemment ouvertement le président russe Vladimir Poutine d'avoir commandité cet assassinat! En 2007, la police britannique l'informe qu'il fait l'objet de menaces accrues juste avant la tentative d'assassinat sur Berezovski. D'après le transfuge du KGB Oleg Gordievsky, Zakaïev a été placé en 2008 n°2 sur la liste d'assassinat du FSB, entre Berezovski et Litvinenko.

Le 31 octobre 2007, il se désolidarise du « président » Dokou Oumarov (et de Movladi Oudougov) lorsqu'il dissout la République Tchétchène d'Itchkérie et proclame l'Émirat du Caucase. Il appelle le reste du parlement séparatiste à former un nouveau gouvernement. Le 20 novembre il donne sa démission, mais déclare que ce n'est pas un abandon du « combat pour notre indépendance, notre liberté et pour la reconnaissancede notre État ». Il devient ensuite « Premier Ministre » du gouvernement séparatiste en exil. Dans le livre "Tchétchénie, an III" de Jonathan Littell, alors que la guerre semble être gagnée par Vladimir Poutine, Akhmed Zakaïev serait en train de monnayer son retour au pays.

Publié dans Militaires, Terroristes

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