Adalet ve Kalkınma Partisi (AKP)
Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la justice et du développement) est un parti de centre droit, au pouvoir en Turquie depuis 2002. Ahmet Davutoğlu, Premier ministre depuis le 28 août 2014, en est le président. Son nom est souvent abrégé en « AK Parti », ce qui signifie « Parti blanc ». Fondé le 14 août 2001, il est issu d'une scission du Parti du bien-être (Refah Partisi), de Necmettin Erbakan, qui a également donné naissance au Parti de la félicité (Saadet Partisi).
Le Parti de la justice et du développement se définit lui-même comme un parti populaire démocrate conservateur situé au centre de l'échiquier politique turc. Il revendique un attachement au pluralisme idéologique et comportemental, au respect des droits et des libertés fondamentaux et à une vision politique basée sur la citoyenneté et la tolérance. Le parti prêche pour une Realpolitik s'appuyant sur une culture du compromis et considère tout autoritarisme comme ennemi de la démocratie. Il a pour objectif de normaliser la vie politique turque en dépassant les tensions engendrées par les éternels antagonismes religion-politique, tradition-modernité, religion-gouvernement et état-société-individus. L'AK Parti revendique une « révolution silencieuse » basée sur l'appréhension des modifications graduelles de la dynamique sociétale. Selon sa conception de la politique, la volonté du peuple est l'ultime source de légitimité et toute option de gouvernance éclipsant cette volonté ne saurait être tolérée.
Le parti pour la justice et le développement prétend également vouloir accroître la transparence et combattre la corruption. L'AKP souhaite par ailleurs faire adopter, de façon démocratique, une nouvelle constitution qui reflète ses valeurs concernant notamment les droits et libertés fondamentaux, le respect du droit ainsi que la liberté de pensée et de religion. L'AKP et le Parti de la vertu ont émergé des cendres du Parti du bien-être. Le fondateur de l'AKP, Recep Tayyip Erdoğan, a commencé sa formation politique dans les années 1970 au sein de l'organisation de jeunesse du Parti du Salut National (Milli Selamet Partisi) fondé par Necmettin Erbakan. Le Parti du bien-être, fondé par Necmettin Erbakan en 1983, est arrivé au pouvoir en 1996. En réponse à la domination de l'Ouest au niveau international, Necmettin Erbakan estimait que le monde islamique devait mettre en place une structure parallèle avec un marché commun islamique, un équivalent islamique des Nations unies et de l'UNESCO et une monnaie unique islamique - le Dinar. Erbakan a initié la création du Developing-8 - sur le modèle du G8 - comprenant la Turquie, l'Iran, le Pakistan, l'Indonésie, la Malaisie, le Bangladesh et le Niger.
La politique étrangère du Parti du bien-être entendait offrir une alternative indépendante à l'alignement historique de la Turquie aux États-Unis et à l'Europe tout en donnant la priorité aux intérêts du pays et à ses valeurs culturelles, mais Erbakan n'a jamais eu les moyens de mettre en œuvre cette vision. Malgré ses concessions politiques – notamment la signature d'un accord cadre de coopération militaire avec Israël – Erbakan est poussé à la démission par l'armée et la société civile lors du « coup d'État post-moderne » ; son parti sera dissous par la Cour Constitutionnelle, le 16 janvier 1998, au motif qu’il était devenu un « centre d’activités contraires au principe de laïcité ». À la suite de sa dissolution, le Parti du bien-être se reconstituera sous l'appellation de Parti de la vertu. Ce nouveau parti assurera la transition entre les proches d'Erbakan et la jeune génération politique plus moderniste conduite par le futur fondateur de l'AKP Recep Tayyip Erdoğan. Ce dernier marquera toutefois son éloignement de l'idéologie initiale en prônant le respect de la démocratie et en soutenant la candidature de la Turquie à l'Union Européenne. Le Parti de la vertu enregistrera un net recul lors des élections de 1999.
Le 22 juin 2001, la Cour constitutionnelle prononcera la dissolution du Parti de la vertu considérant qu'il n'était qu'un avatar du Parti du bien-être et un noyau fondamentaliste Islamique. La Cour ordonnera également la confiscation des biens du parti et l'exclusion de deux de ses membres de la Grande Assemblée Nationale Turque. Le 14 août 2001, le Parti pour la justice et le développement (AKP) sera créé par Recep Tayyip Erdoğan, autour des principaux leaders de l'ex Parti de la vertu, avec des personnalités issues de la société civile ou de différents partis politiques comme le Parti de la Mère Patrie ou le Parti Démocrate Turc. L'AKP réfute catégoriquement toutes les accusations le considérant comme conservateur, et déclare respecter la laïcité inscrite dans la Constitution. Deux manifestations kémalistes ont précédé l'élection présidentielle de 2007. L'AKP est sorti vainqueur aux élections législatives anticipées de juillet 2007 avec 46,47 % des voix.
En outre, la Cour constitutionnelle a été saisie d'une procédure d'interdiction de l'AKP, qu'elle a déclaré recevable en mars 2008 pour « atteinte à la laïcité », dont l'examen a débuté le 28 juillet 2008. Les milieux laïcs ayant déposé le recours lui reprochaient notamment de comploter contre la République kémaliste et la laïcité turque. La Cour, dont majorité des juges a été nommée par l'ancien président de la République, Ahmet Necdet Sezer, un ultra-laïque, a annulé en juin 2008 deux amendements, votés le 7 février 2008 par le Parlement turc, autorisant le voile dans les universités (9 voix contre 2, sans motiver cette décision, contrairement à la loi). En juillet, l'AKP s'attendait à être dissoute, à l'instar du Parti du bien-être et du Parti de la vertu, fermés pour cause d'« activités anti-laïques », en 1998 et 2001, ce qui aurait ouvert une crise politique majeure en Turquie, ainsi qu'un précédent mondial (aucun parti au pouvoir n'ayant fait l'objet, jusqu'à présent, d'une telle procédure, bien que la Cour turque ait dissous 24 partis depuis 1962). 71 membres de l'AKP, dont le président de la République, Abdullah Gül, et le premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, étaient menacés d'une interdiction de 5 ans d'appartenir à un parti politique, en raison de leurs déclarations au sujet du voile (dont Mehmet Elkatmis, député, poursuivi pour avoir affirmé : « L'interdiction du port du foulard est contraire aux droits de l'homme, personne n'a le droit de l'interdire »).
Dans le même temps, les arrestations se multipliaient dans les rangs ultra-nationalistes, 86 personnes, appartenant au réseau dit Ergenekon (proche de l'État profond) ayant été accusé, fin juillet 2008, de conspiration pour semer la terreur et renverser le régime. Les kémalistes accusaient le pouvoir d'avoir fait de ce second procès une riposte au premier. La tension était ainsi au plus vive, un attentat non revendiqué faisant en outre 16 morts à Istanbul le 27 juillet. La Cour a néanmoins décidé, fin juillet 2008, de ne pas prononcer la dissolution de l'AKP (6 juges ont voté pour, sur 11, alors qu'il en fallait 7), tout en la condamnant financièrement pour « activités anti-laïques », en la privant de la moitié des 26 millions d'euros de subvention publique annuelle. La décision de la Cour a sans doute été influencée par les mises en garde des États-Unis et de l'Union européenne (UE), s'opposant à une telle interdiction. Le général Yasar Büyükanit, chef d'état-major des armées, a déclaré : « La position des forces armées turques sur la laïcité ne change pas. Ni avant moi, ni avec moi, ni après moi. » Selon Le Monde, l'UE et les laïques libéraux attendent pourtant une réforme de la Constitution, issue du coup d'État militaire de 1980, qui permettrait de limiter la possibilité de dissolution des partis politiques.
Le 25 décembre 2013, Recep Tayyip Erdoğan procède à un important remaniement ministériel qui affecte dix postes sur vingt-cinq de son gouvernement, à la suite d'opérations judiciaires et policières ayant mis au jour un possible réseau de corruption concernant des membres éminents de l'AKP et leurs proches. Même s'il s'en défend et dénonce un complot de l'étranger, le propre fils du Premier ministre est mis en cause dans ces affaires de corruption ; le procureur qui menait l'enquête à son sujet a pourtant été dessaisi du dossier, ce qui a provoqué l'indignation du Conseil supérieur des juges et des procureurs, Erdoğan étant accusé de vouloir étouffer l'affaire. Ces évènements ont également engendré des manifestations, l'effondrement de la livre turque à la Bourse d'Istanbul et compromet les chances du Premier ministre à l'approche des élections de 2014 et 2015. Par la suite, six députés démissionnent, une première dans l’histoire du parti, ne manquant pas au passage de critiquer le Premier ministre.
Ertuğrul Günay, ancien ministre de la Culture dénonce ainsi « l'arrogance du gouvernement » alors qu'Erdoğan Bayraktar, jusque là député d'Ankara déclare : « Un parti politique ne peut pas être géré comme s'il était la propriété d'une personne, particulièrement de M. Tayyip Erdoğan » et que d'autres demandent même sa démission. Le parti remporte les élections législatives de dimanche 1er novembre en Turquie de façon surprenante étant donne les indications des instituts de sondage qui le donnaient perdant mais se sont fourvoyés. Erdoğan regagne la majorité parlementaire perdue lors du scrutin du 7 juin. Pour Tancrède Josseran, la large victoire de l'AKP aux élections s'explique par sa capacité à rassembler la majorité turco-sunnite tout en parvenant à attirer les Kurdes dévots.