Une stèle pour les victimes du Ban Saint-Jean
Le Républicain Lorrain publié le 23/06/2012 à 05:00
Inauguration demain matin au Ban Saint-Jean, près de Boulay, d’une stèle commémorative en hommage aux victimes de cet ancien camp de prisonniers. Un vœu qui devient enfin réalité pour
l’Association franco-ukrainienne.
À force de réclamer aux autorités l’édification d’une stèle commémorative au Ban Saint-Jean, l’Association franco-ukrainienne
(AFU) a fini par se faire entendre.
Il y a dix ans déjà, le sujet était « en discussion». Il aura fallu taper à la porte de Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, et du colonel Pflimlin,
son conseiller, pour les inviter « à passer des paroles aux actes. » André Wojciechowski, alors député, est également intervenu en haut-lieu pour plaider la cause de l’AFU.
La médiatisation du Ban Saint-Jean et sa reconnaissance parisienne, grâce au travail d’investigation d’Olivier Jarrige – journaliste au Républicain Lorrain, lauréat du prix Varenne pour son
enquête sur le sort des ouvriers soviétiques déplacés manu militari dans la région pendant la Seconde Guerre mondiale – y sont également pour beaucoup dans la construction de cette stèle.
Celle-ci a été aménagée sur le site du Ban Saint-Jean, en lisière de forêt, à l’endroit même où se trouvait l’ancien charnier. Son inauguration aura lieu demain à 10h, avec le concours du conseil
général.
Des personnalités ukrainiennes, russes, biélorusses et françaises sont attendues. Quelques familles de victimes originaires de Russie également. La diaspora ukrainienne, répartie dans toute la
France, aura à cœur de rendre un nouvel hommage à ses disparus.
300 000 prisonniers
Le camp du Ban Saint-Jean a été construit entre 1934 et 1936. Comme le relate le secrétaire de l’AFU, Gabriel Becker, l’endroit a servi tout d’abord de camp de sûreté pour les soldats français de
la Ligne Maginot. Il est ensuite devenu un camp d’internement pour prisonniers d’abord français, puis soviétiques (majoritairement ukrainiens) entre l’automne 1941 et l’automne 1944. « Le Ban
Saint-Jean voit transiter 300 000 prisonniers, déjà très éprouvés par un voyage interminable dans des conditions précaires, et une fois arrivés au camp, affamés, les voilà exposés aux épidémies
», explique M. Becker.
En 1946, le camp est utilisé par des soldats français et des aviateurs de la base Frescaty de Metz, mais les autorités françaises délèguent, par la suite, la gestion du cimetière aux Ukrainiens.
En 1978, l’URSS va imposer l’exhumation des corps qui seront regroupés à la nécropole soviétique de Noyers-Saint-Martin, dans l’Oise. 2 879 corps vont être retrouvés, répartis dans les 204 fosses
communes. Mais ce nombre est toujours sujet à polémique (lire ci-dessous).
Dans les années 80, certains bâtiments sont encore loués à des particuliers, mais le site devient peu à peu désert. En 1986, le cœur n’y est plus et il n’y a plus âme qui vive au Ban
Saint-Jean.
Aujourd’hui, l’AFU peut se féliciter de l’aboutissement de ce dossier ; l’entêtement du président Silbernagel et des siens a fini par rallier les plus récalcitrants.
Situé à quelques kilomètres de Boulay, le Ban Saint-Jean avait été détourné de sa vocation première et transformé par l’occupant allemand en camp de détention. Dans ses articles de 1945, la
presse locale est unanime pour évaluer à plus de 20 000 le nombre des victimes jetées dans les fosses communes du camp. Le chiffre est peu ou prou corroboré par les exhumations qui ont lieu
plusieurs années plus tard, avec pour main-d’œuvre des prisonniers allemands. Mais les documents officiels, eux, ne retiennent « que » 2 879 victimes en 1980. La différence est de taille.
Certains témoignages recueillis par le secrétaire de l’AFU et retranscrits dans ses livres consacrés au Ban Saint-Jean attestent de l’existence d’un four crématoire sur le site. Ceci pourrait
expliquer cela…
Bien sûr, tous ces témoignages ne sont pas des preuves irréfutables, mais leur prolifération ne cesse d’interpeller tout esprit curieux.