Abdullah Öcalan

Publié le par Mémoires de Guerre

Abdullah Öcalan, connu sous le nom d'Apo (signifiant « oncle » en kurde), né le 4 avril 1949 dans le village de Ömerli (Amara en kurde), rattaché à la ville de Halfeti à Urfa, est l’un des fondateurs et le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, Partiya Karkêren Kurdistan), organisation considérée comme terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne entre autres.
 

Abdullah Öcalan
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Abdullah Öcalan

Après avoir été capturé au Kenya au cours d'une opération menée conjointement par les services secrets turcs, américains et israéliens le 15 février 1999, il est jugé le 28 avril 1999 pour trahison à la nation (d'après la loi 125 du code pénal turc) et condamné à mort le 29 juin 1999 pour avoir fondé et dirigé une organisation armée considérée comme terroriste. La peine est commuée en prison à vie en 2002 lorsque la Turquie abolit la peine de mort dans la perspective de son adhésion à l'Union européenne. Depuis, il est le seul détenu de l'île-prison d’İmralı sur laquelle, selon ses avocats, il subit régulièrement des agressions psychologiques – situation dénoncée notamment par Amnesty International et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. En 2009, des travaux ont été réalisés pour agrandir la prison afin que d'autres détenus, dont des membres du PKK, y soient incarcérés. Selon la presse turque, son incarcération coûterait 70 000 euros par jour. Öcalan est également l'initiateur du confédéralisme démocratique, courant politique partagé par plusieurs formations de la gauche kurde. Ce courant est défavorable à la création d'un État kurde : « Il vise à accomplir le droit à l’autodéfense des peuples en contribuant à la progression de la démocratie dans toutes les parties du Kurdistan, sans toutefois remettre en cause les frontières politiques existantes ». 

Abdullah Öcalan, dont la mère (Öveys) était turque et le père (Ömer) kurde, est né le 4 avril 1949 dans une famille modeste à Amara, Şanlıurfa, dans le sud-est de la Turquie. Le village ne possédant pas d’école, il commence sa scolarité dans un village voisin s'appelant Saylakkaya (Appelé Cibin, anciennement village arménien). Après des études à l’école du cadastre, il exerce le métier de fonctionnaire administratif durant une année. Par la suite, il entreprend des études à la faculté de droit d'Istanbul et fait un passage à la faculté de sciences politiques d’Ankara. Les années 1970 sont marquées en Turquie par un mouvement populaire et politique très intense. Les mouvements étudiants deviennent actifs en particulier à Ankara et à Istanbul. D'abord sympathisant des idées de certains courants religieux islamistes, Öcalan se montre finalement attiré par le développement des mouvements révolutionnaires et démocratiques étudiants durant ses études en école de cadastre. À la suite de la disparition des leaders étudiants tels que Mahir Cayan et Deniz Gezmis, il participe aux manifestations de protestations. En 1972, il est arrêté et purge une peine de prison de six mois. Durant sa période de détention, il effectue des recherches poussées, il lit et analyse beaucoup. Ces mois de détention seront le tournant de sa conception politique et de sa pensée.

Dès sa sortie de prison, il participe à la réunification du mouvement étudiant et y joue un rôle primordial. Il est rapidement mis en avant en tant que leader de la jeunesse et fait partie des fondateurs de la ligue des étudiants démocratiques d’Ankara. Néanmoins, les avis diffèrent au sein de la ligue lorsque l'on aborde les discussions concernant le problème kurde. Öcalan est convaincu que la gauche turque ne développe pas une solution efficace quant à la résolution de ce problème et entreprend des recherches théoriques et idéologiques. Il en déduit que la question kurde nécessite une organisation et une réflexion particulière au problème. Il forme un groupe d'étudiants qui prennent l'initiative d'en faire leur perspective de lutte. Il avance que la question de la liberté des Kurdes est importante dans un milieu où l'on planifie l'avenir du pays. Avec ce groupe d’étudiants, il étend ses activités d'Ankara au sud-est de la Turquie.  Ses idées attirent l'intérêt de la jeunesse et de la population au sud-est de la Turquie. Ce groupe de quelques personnes prend de l'ampleur. L'État turc remarque assez rapidement ce groupe qui revendique la liberté du peuple kurde et devient une force politique, l'un des fondateurs du mouvement originaire de la mer Noire nommé Haki Karer est condamné (Antep, 1977).

Face à l’État turc, le groupe décide de former un parti, c’est une période où l'on commence à rédiger ce qui deviendra plus tard le manifeste du PKK. En 1978, dans un village appelé Fis, non loin de la ville de Diyarbakir, se tient le premier congrès qui donne naissance au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Le parti à l'idéologie anti-nationaliste se développe alors rapidement dans le sud-est du pays. La popularité du PKK, conjugué à l'état de violence et d'anarchie que connait alors le pays, met gravement en danger la survie même de l’État nation turc, ce que ne peut tolérer l'armée turque. Le 12 septembre 1980, un coup d’État militaire est organisé par le général Kenan Evren afin de rétablir l'ordre en Turquie et garantir la pérennité des institutions étatiques léguées par Mustafa Kemal Ataturk. La junte militaire se fait un devoir de réprimer toute révolte. Les cadres meneurs du parti tels que Mazlum Dogan, Hayri Durmus, Kemal Pir et de nombreux autres prisonniers, sont arrêtés, condamnés à mort et exécutés pour avoir provoqué des rébellions. Toutes les voies vers une lutte politique étant fermées, le mouvement kurde sous la direction d'Öcalan s'engage dans la lutte armée en août 1984. Cette lutte armée prend, en 1990, la tournure d’un soulèvement populaire. Afin d’empêcher les destructions causées par la guerre et d’ouvrir la voie vers une résolution politique et démocratique, Öcalan propose des trêves en 1993, 1995 et 1998 mais celles-ci s’avèrent être unilatérales.

Les dirigeants turcs n’ont jamais répondu favorablement à ces trêves. Malgré cela, Öcalan déclare la fin des combats le 1er septembre 1998 afin de permettre des négociations politiques et diplomatiques. La Turquie, refusant les négociations, menace la Syrie de guerre et Öcalan doit s’exiler en Europe afin de trouver une solution au problème. Il séjournera en Grèce, en Russie et en Italie. Depuis 1998, il poursuit sa lutte contre la guerre et rappelle qu’une résolution est possible. En février 1999, il est arrêté au Kenya par des agents turcs, très probablement grâce à l'aide des services de renseignements américains et kényans, et emprisonné en Turquie par la suite. Six tentatives d'attentats-suicides sont alors organisées par le PKK de mars à août 1999. Au mois d'octobre 2008, il aurait, selon ses avocats, été attaqué physiquement par les gardes de la prison qui l'ont également menacé de mort. Ces informations ont été démenties par le ministre de la Justice turc Mehmet Ali Sahin. À la suite de ces propos, le parti kurde DTP a organisé des rassemblements dans les grandes villes à majorité kurde de Turquie.

Début 2012, un important mouvement de contestation vis-à-vis du gouvernement turc naît en France à Strasbourg. La communauté kurde, très présente dans la ville, réclame une amélioration de ses conditions de détention, la possibilité pour Abdullah de rencontrer ses avocats... Ces manifestations ont rassemblé jusqu'à 40 000 personnes en février (10 500 selon les autorités). Par ailleurs, quinze Kurdes entament dans une église strasbourgeoise le 1er mars 2012 une grève de la faim. Elle s'achève 52 jours plus tard, à la suite des déclarations du Parlement européen et du Conseil de l'Europe selon lesquelles celui-ci envoie des experts de son Comité pour la prévention de la torture afin d'examiner les conditions de détention d'Öcalan. Les autorités turques autorisent, après deux ans d'interdiction, sa famille et en particulier son frère, Mehmet Öcalan, à lui rendre visite en prison durant la semaine de l'Aïd al-Adha. Son frère, après sa visite du 12 septembre 2016, rapporte ainsi les paroles d'Öcalan au public : « Il a dit que si l’État était prêt pour ce projet, nous pourrions le finir en six mois, et que le précédent processus n’était pas complètement effacé. Aucune partie ne peut gagner cette guerre. Il est temps de faire cesser les larmes et le bain de sang, c’est ce qu’il a dit. » 

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