Roumanie
La Roumanie (en roumain : România) est un État d'Europe orientale, le septième pays le plus peuplé de l'Union européenne et le neuvième par sa superficie. La géographie du pays est structurée par les Carpates, le Danube et le littoral de la mer Noire. Située aux confins de l'Europe du Sud-Est et de l'Europe centrale et orientale, la Roumanie a comme pays frontaliers la Hongrie, l'Ukraine, la Moldavie, la Bulgarie et la Serbie. Une forte majorité de la population s'identifie comme de langue roumaine (89 %) et de tradition chrétienne orthodoxe (81 %) ; 11 % des habitants déclarent appartenir à des minorités ethniques et 19 % à des confessions minoritaires ou être sans religion. L'État roumain moderne émerge au milieu du XIXe siècle, mais l'histoire des Roumains est bien plus ancienne. Leur langue est latine et leurs origines se déclinent depuis les Thraco-Romains, à travers la Mésie (province romaine danubienne), la Dacie (pays des Thraces du Nord, conquis par l'empereur romain Trajan en 106), la Dacie aurélienne dans l'Empire romain d'Orient (dont les Roumains ont hérité leur tradition religieuse, majoritairement chrétienne orthodoxe), les principautés médiévales de Transylvanie, Valachie et Moldavie et enfin le « vieux royaume » roumain issu de l'union des « Principautés danubiennes ».
À l'époque moderne, c'est l'influence des Lumières qui, avec ses idéaux d'émancipation et de progrès, manifestés par le drapeau et l'hymne, inspire toute une série de révoltes et révolutions (transylvaine en 1784, moldave et valaque en 1821, roumaine globale en 1848, anti-totalitaire en 1945-1960 et en 1989). La monarchie constitutionnelle du XIXe siècle a évolué en démocratie parlementaire entre 1918 et 1938, puis un régime autocratique s'est installé, suivi par deux totalitarismes : fascisme des années 1940, et communisme de type soviétique dans la seconde moitié du XXe siècle, jusqu'en 1989 (chute de la dictature communiste d'une durée de 45 ans, et instauration d'une démocratie semi-présidentielle). Après une croissance économique rapide au début des années 2000, l'économie roumaine s'est principalement tournée vers les services, la production et l'exportation d'automobiles et d'énergie, avec des entreprises comme Dacia et Petrom. Le pays est membre de l'OTAN depuis 2004 et de l'Union européenne depuis le 1er janvier 2007.
La population actuelle de la Roumanie est le résultat de la fusion successive de nombreuses populations, qu'elles soient préromaines, romaines ou qu'elles soient venues au Moyen Âge. Il semble que les montagnes de Transylvanie et les Carpates aient abrité des communautés plus stables que celles des plaines steppiques du Sud et de l'Est. Ces plaines, extrémité des premiers empires des steppes, sont successivement occupées par les Cimmériens (vers 1200-700 avant J.-C.), les Scythes (vers 700-300 avant J.-C.), les Sarmates (vers 300 avant J.-C.-200 après J.-C.), mais servent aussi de refuge à des tribus vaincues et peu organisées, comme les Gètes (ou Géto-Daces).
Parallèlement, la côte est occupée dès le viie siècle avant J.-C. par des cités grecques. Au ier siècle avant J.-C., sous Burebista, les Gètes posent les bases de l'État dace. Puis les Romains, qui cherchent à soumettre les Thraces, créent, à l'époque d'Auguste, la province de Mésie, au sud du Danube. En 106, Trajan soumet le royaume des Daces après avoir vaincu une très vive résistance. La province de Dacie est créée, limitée à la région montagneuse et à la Valachie occidentale. Au nord, certains Daces restent indépendants, mais les Romains étendent leur influence sur les plaines de l'Est, où vivent les Sarmates. Trajan reconstitue la population décimée par la guerre en attirant des colons originaires de l'est de l'empire. Sous la pression de nouveaux envahisseurs, Aurélien doit, entre 271 et 275, évacuer la province, ne conservant que la Dobroudja, mais il est certain que les paysans, romains ou romanisés, sont restés en majorité sur place.
Ceux qui ne peuvent échapper aux Barbares, en se réfugiant dans les montagnes, devront se soumettre successivement aux Goths (iiie-ve siècles), aux Gépides (ive-ve siècles), aux Huns (ive-vie siècles), aux Avars (vie-viie siècles), aux Slaves (viie siècle), aux Hongrois (ixe siècle), aux Coumans (xie-xiiie siècles) et aux Tatars (xiiie siècle).
Si la plupart de ces envahisseurs ne s'implantent pas durablement dans le pays, les Slaves s’y installent à la différence des autres tribus, se mélangeant aux Daces et apportant dans la langue roumaine d’importants éléments de leurs propres idiomes. Une grande partie de l’ancienne Dacie est intégrée dans l’empire bulgare de Siméon Ier (893-927). Le christianisme, dont la première introduction remonte au ive siècle, se diffuse, l’Église roumaine adoptant le slavon comme langue liturgique jusqu’au xviie siècle.
Ce n'est qu'au xiiie siècle, alors que les Tatars sont encore présents, que les documents commencent à montrer des populations de confession orthodoxe et parlant une langue dérivée du latin avec un fort apport de vocabulaire slave. De petites principautés apparaissent, mais, dès le xe siècle, la Transylvanie est conquise par la Hongrie, qui la colonise avec des Magyars et des Saxons ; les orthodoxes y sont persécutés, ce qui provoque l'exode d'une partie des habitants vers les plaines danubiennes. Dès lors, le peuple roumain peut s'étendre en assimilant d'autres populations, mais il devra attendre le xxe siècle pour réaliser son unité politique.
Trois entités territoriales se dégagent aux xiiie et xive siècles :
- la Transylvanie, dominée par les minorités magyare et saxonne, jouit d'une certaine autonomie par rapport à la Hongrie. L'élément roumain se réduit à une paysannerie souvent en révolte contre ses maîtres (émeute de Bobîlna, 1437-1438). Le pays est fortement influencé par la culture magyare.
- la Valachie (Ţara Românească), au sud, assimile des Serbes et des Bulgares, s'émancipe avec Jean Basarab par la victoire de Posada sur le roi de Hongrie Charles Ier Robert (1330) et réussit à accroître sensiblement son territoire.
- la Moldavie, à l'est, absorbe des Ruthènes et rejette, avec Bogdan Ier, la suzeraineté hongroise (1359).
Les deux principautés ont leur voïévode, ou hospodar, souverains absolus qui réussissent à se débarrasser de la tutelle hongroise. La société se divise en boyards, en francs-tenanciers et en tenanciers qui peuvent quitter à leur guise les terres qui leur sont confiées. L'élément essentiel de l'économie réside dans l'élevage de chevaux et de bovins, qui paraît plus important que les cultures céréalières (millet). Les ports de Chilia (Kilia) et de Cetatea Albă (→ Bilhorod-Dnistrovskyi), débouchés des grands fleuves, commercent avec l'Orient et les villes italiennes. Au xve siècle, les principautés sont convoitées par la Hongrie et la Pologne, leurs rois attisant les querelles dynastiques.
Les Ottomans vont profiter de ces faiblesses. Ils réussissent à imposer un tribut à la Valachie, puis à la Moldavie. Leur poussée est constante aux XVe et XVIe siècles, en dépit d'une résistance acharnée des Roumains : victoire d'Étienne III le Grand de Moldavie à Vaslui en 1475, résistance des Valaques menée par Mircea le Grand (1386-1418), puis par Vlad l'Empaleur (1456-1462). Les victoires turques dans les Balkans (→ bataille de Mohács, 1526) achèvent l'encerclement des principautés. Pourtant, à la fin du xvie siècle, le prince valaque Michel le Brave (1593-1601) réussit à chasser les Turcs (1594-1597) et ceint les Couronnes de Transylvanie et de Moldavie, unissant ainsi, pour la première fois depuis l'époque dace, le peuple roumain en un seul État, qui sera aussitôt vaincu par les Habsbourg.
Dès lors, les voïévodes, surtout ceux de Valachie, plus exposés, se soumettent presque tous au sultan par opportunisme. La Porte semble d'abord se contenter de la vassalité des principautés, qui ne sont astreintes qu'à un tribut modéré et à un contingent militaire ; il n'y a ni colonie turque ni mosquée sur leur territoire. Bientôt, cependant, le sultan exploite l'ambition des innombrables prétendants qui espèrent s'enrichir en pressurant leurs sujets. Le trône est souvent mis aux enchères, le vainqueur étant déposé peu après sous un vague prétexte. L'essentiel de la puissance est détenu par les boyards, qui se disputent les fonctions, spolient les francs-tenanciers et imposent à la masse paysanne le statut de serf lié à la terre. La propriété monastique ne cesse de s'étendre, et, comme les princes ont lié les communautés de moines à de grands monastères grecs, les revenus de ces terres vont à des étrangers, tandis que de nombreux aventuriers grecs s'abattent sur les principautés.
Les boyards se divisent alors en parti national et en parti hellène. Ce dernier triomphe avec l'élection de certains de ses membres (Şerban Cantacuzène en Valachie, 1678-1688 ; Dimitrie Cantemir en Moldavie, 1710-1711), et sa victoire est totale en 1711 lorsque la Porte décide de ne plus nommer que des Phanariotes en Moldavie, puis en Valachie (1716). De son côté, la Transylvanie est restée pratiquement détachée de la Hongrie de 1538 à 1691, les prétentions de la Porte et celles des Habsbourg s'équilibrant. La pénétration de la Réforme accroît son particularisme, mais la reconquête autrichienne ne lui laisse, au xviiie siècle, qu'une autonomie illusoire. La réaction catholique accroît les ressentiments et on assiste à la renaissance du sentiment national transylvain.
Les autres pays roumains connaissent, de leur côté, un important essor de la culture nationale, enrichie, dès le xve siècle, par les nombreux contacts qu'ils ont noués avec les pays latins pour s'opposer aux influences hongroise et ottomane. Cette culture, surtout d'influence française existe aussi en Transylvanie, où l'Église uniate et l'évêque Micu lui sont favorables. Cependant, la ruée des Grecs sur les fonctions ecclésiastiques provoque l'abandon du slavon comme langue liturgique ; le clergé célèbre les offices en roumain. Ainsi peut naître la première littérature nationale.
Profitant du déclin de la Pologne, la Russie commence, dès l'époque de Pierre le Grand (1682-1725), à convoiter les principautés. Mais les Russes se font détester pour la brutalité de leur occupation militaire. Les principautés ne seront sauvées que par la rivalité du tsar et de l'Autriche. La Valachie peut récupérer l'Olténie, annexée par les Habsbourg de 1718 à 1739, mais la Moldavie perd définitivement la Bucovine, cédée à l'Autriche (1775), et la Bessarabie, prise par les Russes en 1812. À partir du traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774), le protectorat russe remplace progressivement le contrôle de la Porte. Les principautés sont d'ailleurs occupées à chaque guerre. Le sultan perd le droit de destituer les hospodars de sa seule initiative et se voit même contraint de les désigner pour sept ans (1802). Le prince de Valachie, Constantin Ypsilanti, soutient la révolte serbe (1804), ce qui provoque sa destitution par la Porte et l'occupation du pays par la Russie (1806).
Son fils, Alexandru, tente de soulever les chrétiens de l'Empire turc, et le régime phanariote s'effondre car, pour empêcher la collusion entre les Grecs révoltés et les Roumains, les Turcs nomment désormais des princes d'origine roumaine (Ion Sturdza en Moldavie, Grigore Ghica en Valachie, 1822) ; les nouvelles lois seront dès lors rédigées en roumain. Après le traité d'Andrinople (1829), le tsar impose un « règlement organique » aux deux principautés (1831 et 1832) : l'hospodar est désormais élu à vie par les boyards, il établit des « assemblées publiques », embryon de régime parlementaire. Mais, en fait, ce système privilégie les propriétaires de grands domaines, qui bénéficient, en outre, de la liberté totale d'exporter le blé. L'influence occidentale se renforce, se traduisant par une aspiration croissante à l'union des principautés et à la libéralisation du régime.
Le mouvement national de 1848 est écrasé par les forces russes et turques, la convention de Baltalimani (1849) réduit à sept ans le pouvoir des hospodars et remplace les deux assemblées par des Divans ad hoc. C'est l'action de Napoléon III qui permet au mouvement national d'aboutir lors de la guerre de Crimée, pendant laquelle les principautés ont été occupées par les Russes, puis par les Autrichiens, qui agissaient « au nom de l'Europe ». En 1856, le congrès de Paris rend la Bessarabie méridionale à la Moldavie, place les principautés sous la garantie des Puissances et sous la souveraineté turque. Les élections de 1857 donnent une écrasante majorité aux partisans de l'union. Le congrès de Paris reconnaît les principautés unies de Moldavie et de Valachie, mais l'hostilité de l'Autriche et de la Turquie réduit cette union à la création d'une communauté centrale de 18 membres et d'une cour d'appel.
En 1859, les deux principautés de Moldavie et de Valachie élisent le même hospodar, le prince Alexandre Cuza (1859-1866) : c'est l'acte de naissance de la Roumanie, dont l'unité constitutionnelle et administrative sera définitivement réalisée en 1862. Aidé de Kogălniceanu, le prince exproprie les couvents grecs et réalise une première réforme agraire sur le modèle de celle d'Alexandre II ; renversé par les propriétaires fonciers et les bourgeois, hostiles aux réformes, il sera remplacé par Charles de Hohenzollern (1866-1914), qui, au début de son règne, heurte ses compatriotes par sa germanophilie ; le nouveau prince réussit cependant à s'imposer et confiera l'essentiel du pouvoir au libéral Ion Brătianu.
L'entrée en guerre de la Roumanie contre les Turcs, aux côtés des Russes (1877-1878), a pour conséquence l'indépendance totale (mai 1877) du pays, qui doit cependant échanger la Bessarabie méridionale, reprise par le tsar, contre la Dobroudja, peuplée de Bulgares et de Turcs (traité de Berlin, 1878). En 1881, le prince Carol prend le titre de roi (→ Carol Ier). Il s'allie secrètement avec l'Allemagne et l'Autriche (1883), et, par l'entremise de Berlin, accepte de mettre en sommeil les revendications de son pays sur la Transylvanie, qui avait été définitivement annexée par la Hongrie lors du compromis austro-hongrois de 1867.
En 1913, la Roumanie participe à la deuxième guerre balkanique, ce qui lui permet de prendre à la Bulgarie la région du sud de la Dobroudja (→ traité de Bucarest, 10 août 1913). Peu de temps avant sa mort, le roi tente en vain d'entraîner son pays dans la guerre mondiale aux côtés de l'Allemagne. Son neveu et successeur, Ferdinand Ier (1914-1927), conseillé par Ion Brătianu, s'engage en 1916 dans le camp de l'Entente ; son armée, rapidement écrasée, doit évacuer la majorité du pays. À la faveur de la révolution russe, la Bessarabie se constitue République socialiste ; elle sera cependant occupée, en décembre 1918, par les troupes roumaines et annexée au pays.
L'effondrement des empires centraux permet la reconstitution de la Roumanie et son agrandissement. En effet, la Bucovine (assemblée de Cernăuţi [Tchernovtsy], 27 octobre), la Transylvanie et le Banat (assemblée d'Alba Iulia, 1er décembre) proclament leur union à la Roumanie, qui conserve en outre la Bessarabie. Ces annexions sont reconnues par l'Autriche (→ traité de Saint-Germain-en-Laye, 10 septembre 1919) et par la Hongrie (→ traité de Trianon, 4 juin 1920), qui cède en outre le banat de Temesvár.
Le territoire national passe ainsi de 130 000 à 295 000km2, mais les nationalistes jugent ces agrandissements insuffisants. En avril-mai 1919, l'armée roumaine détruit le régime de Béla Kun en Hongrie ; le gouvernement refuse d'accorder les garanties réclamées par les Alliés pour les minorités nationales, qui constituent un quart de la population du royaume, tandis que l'antisémitisme se développe. Les paysans, qui ont longtemps réagi à l'oppression par des émeutes ou même par des révoltes générales, telle celle de 1907, brutalement réprimée, obtiennent en 1921 le vote d'une réforme agraire qui redistribue 5 800 000 ha. Souvent trop pauvres pour payer leurs échéances, de nombreux bénéficiaires de cette réforme en sont réduits à revendre leur lopin. Les capitaux étrangers contrôlent une grande partie de l'économie, en particulier les gisements de pétrole. La Constitution de 1923 a confirmé le suffrage universel, mais le roi et les ministres continuent à fausser le jeu parlementaire, et les rivalités entre les partis sont rendues encore plus aiguës par la crise de 1929.
En 1931, Corneliu Codreanu fonde le parti fascisant de la Garde de fer, qui connaît un certain succès. Le roi Ferdinand, qui a déshérité son fils Charles, laisse, lors de sa mort (1927), le trône à son petit-fils, Michel Ier, âgé de 6 ans (1927-1930) ; mais Charles II réussit à reprendre le pouvoir et impose sa dictature personnelle en 1938. La Garde de fer est dissoute la même année et son chef est abattu, mais ses partisans continueront leurs attentats. En politique extérieure, la Roumanie, bénéficiaire des traités de 1919, suit d'abord une politique d'amitié avec la France, qui patronne la Petite Entente (1920), mais le déclin de l'influence française place progressivement le pays dans l'orbite de l'Allemagne. Le pacte germano-soviétique de 1939 permet à l'URSS de reprendre la Bessarabie et la Bucovine du Nord (juin 1940), tandis que Hitler et Mussolini obligent la Roumanie à rétrocéder à la Hongrie le nord de la Transylvanie (Vienne, 30 août 1940).
Ion Antonescu et Wilhelm Keitel - L’ancien Premier ministre roumain Ion Antonescu (au centre) avant son exécution pour crimes de guerre. Camp de Jivava, près de Bucarest, Roumanie, 1er juin 1946.
Ces désastres provoquent l'arrivée au pouvoir du général Ion Antonescu (septembre 1940) ; il obtient l'abdication du roi en faveur de Michel Ier, mais doit encore accepter la cession de la Dobroudja à la Bulgarie (accord de Craiova) ; il prend le titre de Conducător, fonde « l'État légionnaire » et se place résolument sous la domination des Allemands. Au début d'octobre, la Wehrmacht occupe le pays, la Garde de fer, reconstituée, assassine un grand nombre d'hommes politiques et de juifs, mais finit par s'entre-déchirer en de sanglants combats (septembre 1940-janvier 1941). Antonescu forme un gouvernement militaire et interdit les partis ; le 22 juin 1941, il déclare la guerre à l'URSS, et les troupes roumaines remportent d'abord des succès faciles.
La Bessarabie est reprise, les Roumains poussent leur avance jusqu'à Odessa. Antonescu, qui s'est nommé lui-même maréchal, peut proclamer l'annexion de la Transnistrie, entre le Dniestr et le Boug (octobre 1941), mais, dès la fin de la même année, la situation change. Le Reich connaît ses premiers revers et l'opinion roumaine s'inquiète. Le ministre des Affaires étrangères, Mihai Antonescu, commence une série de contacts discrets auprès des Anglo-Saxons ; ces pourparlers dureront jusqu'en 1944, sans résultat, les Occidentaux laissant aux Soviétiques le soin de libérer la Roumanie.
En 1944, l'Armée rouge entre dans le pays ; le 23 août, le roi Michel Ier fait arrêter les deux Antonescu, forme un gouvernement de coalition et demande l'armistice aux Alliés, puis, après un bombardement allemand de Bucarest, déclare la guerre au Reich. Lors de l'armistice, signé à Moscou, la Roumanie renonce à la Bessarabie, à la Bucovine et à la Dobroudja, mais se voit promettre la Transylvanie du Nord, que la Hongrie devra lui restituer ; elle devra verser 330 millions de dollars et participera à la lutte contre l'Allemagne ; les clauses de cet armistice seront confirmées par le traité de Paris (1947). Sous la protection de l'armée soviétique, qui stationne dans le pays, le Front national démocratique prend le pouvoir au printemps 1944 ; issu des mouvements clandestins de la Résistance, il regroupe le parti communiste (fondé le 8 mai 1921), les partis national-paysan, libéral et social-démocrate.
Le ministère est dirigé par Petru Groza, fondateur du « Front des agriculteurs » (6 mars 1945) ; les communistes y détiennent certains postes clés. Une nouvelle réforme agraire est promulguée (loi du 22 mars 1945) et, le 19 novembre 1946, le Bloc des partis démocratiques, dans lequel le parti communiste occupe une place sans cesse croissante, remporte les élections. Les communistes vont progressivement acquérir la totalité du pouvoir : ils éliminent leurs opposants avec la condamnation de Maniu (paysan), celle de Tătărăscu (libéral), de Petrescu (socialiste de droite) ; ils réussissent à interdire le parti national-paysan, et, enfin, ils obtiennent, le 30 décembre 1947, l'abdication du roi. Le gouvernement proclame alors la République populaire roumaine.
L'acteur dominant de la vie politique devient le parti ouvrier roumain, issu de la fusion des communistes et des socialistes de gauche ; il est dirigé par Gheorghiu-Dej. La Grande Assemblée nationale, élue sous le régime de la liste unique (mars 1948), vote une nouvelle Constitution en avril 1948. Les sources d'énergie et les industries sont nationalisées, les paysans riches sont expropriés, mais la collectivisation des terres ne sera achevée qu'en 1962. Les premiers plans quinquennaux entrent en vigueur. Les communistes orthodoxes renforcent encore leur position. Un certain nombre de purges éliminent les « déviationnistes de droite », comme Ana Pauker ; Groza doit céder son poste à Gheorghiu-Dej, qui fait adopter une nouvelle Constitution, le 24 septembre 1952 (création d'une région autonome hongroise au sud-ouest de la Transylvanie). Les liens avec l'Union soviétique sont renforcés, en particulier sur le plan économique, avec la création des « Sovrom », sociétés d'économie mixte russo-roumaines. La mort de Staline permet un certain assouplissement du régime. La Roumanie adhère au pacte de Varsovie (1955), mais l'URSS renonce progressivement aux « Sovrom ».
Devenu premier secrétaire du parti ouvrier roumain, Gheorghiu-Dej cède la tête du gouvernement à Stoica Chivu (1955) et décide la même année une large amnistie politique. La dénonciation du stalinisme au XXe Congrès du parti communiste de l'URSS (février 1956) lui permet en outre de renouer avec la Yougoslavie, d'éliminer les opposants antiparti (1957 et 1958) et d'obtenir l'évacuation des forces soviétiques. Après les élections de 1961, un nouveau Conseil d'État désigné par l'Assemblée nationale remplace l'ancien praesidium et contrôle l'action du gouvernement. Gheorghiu-Dej est porté en mars 1961 à la présidence du Conseil d'État (chef de l'État). Le poste de président du Conseil des ministres est assumé par Stoica Chivu jusqu'en 1961, puis par Ion Gheorghe Maurer. Après la mort de Gheorghiu-Dej (19 mars 1965), celui-ci est remplacé à la tête de l'État par Chivu et à la tête du parti par Nicolae Ceauşescu.
En juillet 1965, le parti prend le nom de « parti communiste roumain », et, le 21 août, Nicolae Ceauşescu annonce à l'Assemblée nationale que, la collectivisation agraire étant achevée, tous les biens de production appartiennent désormais à la société. La Roumanie devient alors une « République socialiste », et une nouvelle Constitution est promulguée le 21 août 1965. Ceauşescu remplace Chivu le 9 décembre 1967 à la présidence du Conseil d'État tout en restant à la tête du parti. Les élections de mars 1969 renforcent sa position. Le Xe Congrès du parti, ouvert le 6 août, accroît encore sa puissance. Gheorghe Apostol, président des syndicats, est mis à l'écart, ainsi que Stoica Chivu ; Ceauşescu est réélu premier secrétaire par les délégués et non par le Comité central. Trois mois après, les ministères (sauf les Affaires étrangères, la Défense et la Sécurité) passent sous direction collégiale. En effet, le pays est en butte à des difficultés économiques encore aggravées par les inondations de 1970 ; la production globale stagne et le pays commence à s'endetter. Aussi les dirigeants font-ils porter leur effort sur la pureté idéologique et la propagande politique.
Entre 1965 et 1974, l’antisoviétisme – qui s’exprimera notamment par la condamnation de l’écrasement du printemps de Prague en 1968 et par la distance prise à l’égard du pacte de Varsovie – confère au régime une certaine popularité aux yeux des Occidentaux, à la fois des États-Unis et de la France. La position de Nicolae Ceauşescu se renforce encore en juin 1973 avec l'élection de sa femme au comité exécutif du parti, et en 1974 avec le départ de Ion Gheorghe Maurer et son remplacement par Manea Mănescu. Le pays passe alors sous la direction pratiquement unique du premier secrétaire, en l'honneur de qui se développe un certain culte de la personnalité. Ce triomphe se concrétise le 28 mars 1974, lorsque Ceauşescu est élu président de la République par l'Assemblée nationale, après le vote d'un amendement qui créait cette nouvelle charge.
La situation économique et sociale de la Roumanie, soumise à la fois aux contrecoups de la crise mondiale et à la régression de sa production de pétrole, se dégrade peu à peu à partir de 1980 : afin de rembourser la dette extérieure du pays, le gouvernement impose un rationnement drastique des denrées alimentaires et de la consommation privée d’énergie, tandis que le salaire minimum est supprimé en 1983. Cette détérioration des conditions de vie de la population s’accompagne d’un renforcement de la répression confiée à la Securitate. Pour répondre au mécontentement, Ceauşescu limoge régulièrement les ministres qu'il rend responsables des crises qui se produisent. La contestation se développe (création d'un syndicat libre en 1979) et se radicalise dans les années 1980.
À partir de 1985, Ceauşescu relance le plan de « systématisation » du territoire qui prévoit, d'ici l'an 2000, la destruction de plusieurs milliers de villages et leur remplacement par quelques centaines de centres agro-industriels. Par ailleurs, au nom de la fidélité au socialisme authentique, le conducător s'oppose à la politique de perestroïka initiée par Mikhaïl Gorbatchev. En 1987, à Braşov, ont lieu des manifestations et des grèves contre la diminution des salaires et la rigueur du rationnement. Depuis de nombreuses années, la minorité magyare (ou hongroise), qui vit essentiellement en Transylvanie, est victime d'une politique d'assimilation forcée. Après les départs massifs des Juifs et des Allemands, nombreux sont les Magyars qui émigrent, à partir des années 1970, en Hongrie, le plus souvent, ou vers l'Occident. Ce mouvement, qui s'accélère après 1987, va participer à la chute du régime de Ceauşescu.
Le mécontentement, finissant par se généraliser, atteint les cercles proches du pouvoir. En novembre 1989, au XIVe Congrès du parti, Ceauşescu est réélu secrétaire général. Mais des membres du parti, regroupés dans un Front de salut national (FSN), adressent un appel aux délégués pour réclamer sa destitution. Le 16 décembre ont lieu à Timişoara des manifestations de soutien au pasteur protestant László Tőkés, sommé de quitter sa paroisse pour avoir critiqué les discriminations auxquelles était soumise la minorité magyare. Ce soutien se transforme rapidement en protestation contre le régime de Ceauşescu.
Malgré la répression, le mouvement gagne Bucarest le 21 décembre. Le 22, le Conseil du Front de salut national (CFSN) s'érige en gouvernement ; l'armée se rallie à lui. Les combats, qui opposent alors les militaires à des factions de la police politique, fidèles à Ceauşescu, font plus de 1 000 morts et 3 000 blessés. Le conducător et son épouse, en fuite depuis le 22 décembre, finalement arrêtés, sont condamnés à mort et exécutés le 25 décembre, après une parodie de procès.
Dès le 22 décembre, le CFSN s'engage à établir un régime politique pluraliste et démocratique. Se présentant d'abord comme une structure provisoire, il réunit des dissidents et des membres de l'ancienne nomenklatura ; son président, Ion Iliescu, ancien premier secrétaire des jeunesses communistes, chef de propagande du Comité central, a été marginalisé à partir de 1971 pour avoir critiqué Ceauşescu. En janvier 1990, le FSN annonce sa participation aux élections de mai : décision qui provoque le départ des dissidents, ces derniers dénonçant la mainmise des membres de la nomenklatura sur le pouvoir. Le 20 mai 1990, les Roumains plébiscitent Ion Iliescu (plus de 85 % des suffrages), et le FSN, qui remporte 66 % des voix lors des premières élections législatives pluralistes. Un gouvernement est constitué sous la direction de Petre Roman.
Mais les nouvelles autorités sont qualifiées de « néo-communistes » par l'opposition et par la population. Entre avril et juin, la contestation s'empare de la rue : appelés à la rescousse par Ion Iliescu, les mineurs de la vallée du Jiu mettent fin avec brutalité aux manifestations. Les hésitations du pouvoir pour introduire dans le pays les mécanismes du marché renforcent la désorganisation économique. Tandis qu'on assiste, en 1991, à une division du FSN, entre libéraux regroupés autour de Petre Roman, et conservateurs proches d'Ion Iliescu, l'Alliance civique, qui regroupe l'opposition extraparlementaire, tente de mobiliser les Roumains pour un renforcement de la démocratisation et se constitue en parti politique. En septembre 1991, de violents affrontements opposent dans Bucarest les mineurs à la police : P. Roman démissionne. Une nouvelle Constitution est adoptée par référendum le 8 décembre 1991. Cependant, le texte est rejeté par l'opposition, qui réclame le retour à la monarchie, et notamment par l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), fondée en décembre 1989, qui récuse la définition de l'État roumain comme État national. Lors des élections locales de février 1992, le FSN enregistre une nette baisse d'influence, l'opposition – rassemblée en une Convention démocrate roumaine – gagnant la direction de la plupart des grandes villes. Les tensions au sein du FSN aboutissent en avril à l'éclatement du parti : le courant dirigé par I. Iliescu se constitue en parti autonome sous le nom de Front démocratique de salut national (FDSN).
À l'issue des élections législatives de septembre 1992, le FDSN devient la première formation politique du pays devant la Convention démocrate roumaine (CDR) et le FSN de P. Roman, mais aucune majorité très nette ne se dégage. Après la réélection, en octobre, de I. Iliescu à la présidence de la République (61 % des voix), un gouvernement de techniciens se met alors en place, sous la direction de Nicolae Văcăroiu. En 1993, le FSN fusionne avec une autre formation d'opposition et prend le nom de parti démocrate (mai). Fusionnant de son côté avec trois de ses satellites, le FDSN devient le parti de la Démocratie sociale de la Roumanie (PDSR) en juillet. Sous les consignes du Fonds monétaire international (FMI), avec lequel un plan de réformes a été mis au point à la fin de 1993, le gouvernement poursuit une politique d'austérité. Le développement du chômage, la hausse des prix, la baisse du pouvoir d'achat et du niveau de vie alimentent une forte contestation sociale, qui s'exprime lors de la grève générale de février 1994.
Sur la scène internationale, les dysfonctionnements du régime (et notamment l'intervention des mineurs de juin 1990) inquiètent les élites occidentales, d'abord séduites par la « révolution roumaine » de décembre 1989. De plus en plus, la Roumanie cherche à se rapprocher de l'Europe occidentale (option que viennent renforcer, en 1992, l'ouverture de la voie Rhin-Main-Danube et la signature d'un accord d'association avec la Communauté européenne). Elle adhère au Conseil de l'Europe en 1993, puis, en 1994, au Partenariat pour la paix, programme de coopération avec les pays de l'OTAN Quant à la politique de rapprochement de l'URSS, elle est brutalement arrêtée par la dissolution de l'Union soviétique, en décembre 1991.
Confirmant le bon résultat obtenu lors des élections municipales de juin 1996, la Convention démocrate roumaine remporte les législatives du 3 novembre, devançant le PDSR de I. Iliescu et l'Union sociale-démocrate (nom pris en janvier par le parti démocrate de Petre Roman). Le 17 novembre 1996, son candidat à la présidence, Emil Constantinescu, est élu à la tête de l'État face à I. Iliescu. La CDR, l'Union sociale-démocrate et l'UDMR forment une coalition gouvernementale, dirigée par Victor Ciorbea. Celui-ci affirme vouloir accélérer les réformes, moraliser la vie publique et combattre la corruption, mais, fragilisé par des tensions surgissant périodiquement au sein de la coalition, en particulier à propos du dossier des restitutions des biens expropriés ou des droits à accorder à la minorité magyare, doit démissionner en mars 1998. Il est remplacé par Radu Vasile, secrétaire général du PNTCD (le parti paysan), la coalition tardant par ailleurs à adopter les réformes annoncées. En décembre 1999, isolé dans son propre parti et lâché par l'ensemble de la coalition au pouvoir, R. Vasile est destitué par le chef de l'État ; le gouverneur de la banque centrale, Mugur Isarescu, est appelé à former un nouveau gouvernement.
La nouvelle majorité affiche clairement sa volonté d'ancrer la Roumanie dans les structures occidentales, l'OTAN et l'Union européenne notamment. Si l'Alliance atlantique ne retient pas, lors de son sommet de juillet 1997, la candidature roumaine pour le premier cercle de l'élargissement – les États-Unis proposant à la place un partenariat stratégique à Bucarest – l'attitude pro-atlantiste de la Roumanie, lors des frappes de l'OTAN.sur la Yougoslavie (mars-juin 1999), lui vaut néanmoins d'être placée en tête des prochains candidats. Le Conseil européen, réuni à Helsinki en décembre 1999, décide d'entamer des négociations d'adhésion dès février 2000 avec Bucarest, qui bénéficie désormais du processus d'élargissement lancé en décembre 1997 pour les six pays jugés alors les mieux préparés. Reste la coopération régionale, intensifiée depuis 1996, et illustrée notamment par la signature du traité d'amitié avec l'Ukraine, en juin 1997.
En 2000, Ion Iliescu et son parti, le PDSR, reviennent au pouvoir à la faveur des élections législatives (26 novembre) et présidentielle (10 décembre). Cependant, l'ancien apparatchik est élu après être apparu comme l'ultime rempart contre la menace extrémiste représentée par le parti de la Grande Roumanie (România Mare), formation ultra-nationaliste et extrémiste arrivée en deuxième position avec 19,5 % des suffrages, derrière le PDSR (39 %), et loin devant le parti démocrate (7 %) aux législatives.
Dirigé par Adrian Năstase (PDSR), le nouveau gouvernement est approuvé par le Parlement grâce au soutien de l'opposition démocratique avec laquelle il passe un accord pour tenir l'extrême droite à l'écart du pouvoir. Ayant obtenu le soutien sans faille de l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), le PDSR, rebaptisé parti social-démocrate (PSD) à la suite de sa fusion avec le petit parti social-démocrate roumain (juin 2001), signe un an plus tard un accord avec le parti démocrate des Roms d'une part, le Forum démocratique des Allemands d'autre part, poursuivant sa politique d'ouverture vers les minorités nationales, à laquelle les instances européennes sont très attachées.
Entamées début 2000, les négociations d'adhésion à l'Union européenne avancent très lentement. Au Conseil européen de Laeken, en décembre 2001, la Roumanie, voit, avec la Bulgarie, son intégration repoussée, au mieux, à l'horizon 2007 ; elle est invitée à accomplir de sérieux efforts dans les domaines de la lutte contre la corruption, du renforcement de la transparence de l'État et des structures judiciaires, et des réformes économiques. L'adoption d'une nouvelle Constitution – en conformité avec le modèle européen –, au terme d'une campagne fortement contestée, et d'un référendum difficilement validé (18-19 octobre 2003), puis le limogeage de trois personnages clés du gouvernement, ne convainc pas Bruxelles, qui menace temporairement les autorités roumaines d'une suspension des négociations d'adhésion en cas de non-respect de leurs engagements (février-avril 2004).
Lors du sommet de Prague (novembre 2002), la Roumanie obtient – ainsi que six autres pays d'Europe centrale et orientale – la promesse de devenir membre de l'Alliance atlantique en mars 2004. Convoitée par les États-Unis pour sa situation géostratégique, elle se soumet sans restriction aux diverses exigences américaines, dominées, après les attentats du 11 septembre 2001, par la lutte contre le terrorisme : premier pays à signer avec Washington un accord bilatéral de non-extradition de ressortissants américains vers la Cour pénale internationale (CPI) [juillet 2002], elle participe à la lutte contre les talibans en Afghanistan, puis ouvre aux forces américaines son port de Constanţa, son espace aérien et terrestre, avant de cosigner, en février 2003, la déclaration du groupe de Vilnius, appuyant le projet américano-britannique d'intervention militaire en Iraq. Le 29 mars 2004, elle est officiellement intégrée à l'OTAN.
En 2004, les Roumains sont appelés à élire leurs représentants locaux (6 et 20 juin), à désigner leurs députés et leurs sénateurs ainsi que leur président de la République (28 novembre), I. Iliescu ne pouvant se présenter pour un quatrième mandat. Largement remportées par l'Alliance Justice et Vérité (DA) – regroupant les deux principales formations d'opposition, le parti démocrate (PD) du maire de Bucarest, Traian Băsescu, et le parti national libéral (PNL) –, les élections locales, auxquelles participent la moitié des électeurs, confirment l'ancrage territorial des principales forces politiques : le parti social-démocrate (PSD) reste bien implanté dans les campagnes, où vivent 45 % des Roumains, ainsi qu'à l'Est du pays, en Moldavie, en Dobroudja et en Olténie, tandis que l'opposition est dominante dans la capitale, Bucarest – où T. Băsescu est réélu au premier tour –, et dans la plupart des grandes villes.
Aux élections législatives du 28 novembre, le PSD et ses alliés du parti humaniste roumain (PUR) arrivent en tête avec 36,8 % des suffrages, devant l'Alliance Justice et Vérité (DA), créditée de 31,5 % des voix. Le parti de la Grande Roumanie (România Mare), formation ultranationaliste et extrémiste de Corneliu Vadim Tudor, enregistre un net recul (13 %) par rapport au scrutin législatif de 2000. Alors qu'il était devancé de 8 points par le Premier ministre sortant A. Năstase, T. Băsescu, candidat de l'Alliance Justice et Vérité, emporte le second tour de l'élection présidentielle avec 51,2 % des suffrages contre 48,77 % à A. Năstase, soutenu par le PSD. Le leader du PNL, Călin Popescu-Tăriceanu, à qui est confiée la tâche difficile de former un nouveau gouvernement, parvient à susciter un renversement d'alliance de la part du parti humaniste roumain (PUR) – rebaptisé parti conservateur – et un ralliement de l'UDMR. Recueillant par ailleurs les suffrages de quelques transfuges du PSD, du parti de la Grande Roumanie et de 18 députés représentant les minorités, C. Popescu-Tăriceanu obtient l'investiture du Parlement le 28 décembre.
Le 25 avril 2005, T. Băsescu arrime son pays à l'Union européenne en signant le traité d'adhésion auxquels aspirent 22 millions de Roumains. Une clause de sauvegarde prévoit néanmoins que l'adhésion, prévue au 1er janvier 2007, peut être retardée si d'importants efforts ne sont pas entrepris dans la lutte contre le crime organisé, le respect des droits de l'homme ou encore la réforme de la justice. L'adoption d’une stratégie anticorruption pour 2005-2007 et de réforme de la justice pour 2005-2008 constituent alors une priorité nationale. Toutefois, les dissensions opposant le président T. Băsescu au Premier ministre C. Popescu-Tăriceanu – lui-même à la tête d'une coalition hétéroclite et divisée – sont aussi nombreuses que les difficultés rencontrées (inondations meurtrières de juillet 2005 et d'avril 2006, menaces d'épizootie de grippe aviaire en 2005 et 2006). Plusieurs fois envisagée, la tenue d'élections anticipées est évitée, la nécessaire sauvegarde de la cohésion l'emportant face à l'éventualité d'un report par Bruxelles.
Impatiente de se forger un destin européen, la Roumanie tente de se défaire de son passé trouble. La décision de transférer les archives de la Securitate, l'ancienne police politique, à une agence indépendante, et la création du Département national anticorruption (DNA), également indépendant, permettent la mise en examen de plusieurs personnalités politiques – dont l'ex-Premier ministre et leader du PSD, A. Năstase (février 2006), dès lors contraint à la démission de la présidence de son parti et de la Chambre des députés –, ce qui bouleverse l'ensemble des partis politiques. Le 18 décembre, le président T. Băsescu condamne solennellement le régime communiste devant le Parlement. Le 1er janvier 2007, la Roumanie rejoint, avec la Bulgarie, l'Union européenne.
Le conflit qui oppose depuis plusieurs mois le président T. Băsescu au Premier ministre C. Popescu-Tăriceanu éclate en guerre ouverte. Au « limogeage » du ministre des Affaires étrangères, proche du président, le 5 février 2007, fait suite, le 1er avril, l'exclusion du gouvernement des huit ministres issus du PD par le Premier ministre. Après l'investiture d'un gouvernement minoritaire, composé du PNL et de l'UDMR, avec le soutien du PSD et du groupe parlementaire des minorités nationales (3 avril), le Parlement décide le 19 de suspendre par 322 voix contre 108 le président Băsescu pour « violations multiples » de la Constitution. Toutefois, les Roumains rejettent massivement la destitution de leur président lors du référendum organisé un mois plus tard. Affaibli, le gouvernement minoritaire de C. Popescu-Tăriceanu résiste à la motion de censure déposée en juin contre lui par le PD, mais sa survie dépend entièrement du PSD.
À l'issue des élections européennes du 25 novembre 2007, marquées par une très faible participation, le PD du président Băsescu arrive en tête avec 28,8 % des suffrages, devant le PSD (23,1 %) et le PNL qui n'obtient que 13,4 % des suffrages. Ce dernier a souffert du succès rencontré par le parti libéral démocrate, créé en décembre 2006 par Theodor Stolojan à la suite de son expulsion du PNL (7,7 % des voix). Contrairement à certains pronostics, les partis extrémistes et populistes – le parti de la Nouvelle Génération de George, dit Gigi, Becali et le parti de la Grande Roumanie de C. Vadim Tudor – ne parviennent pas au seuil des 5 % nécessaires pour siéger au Parlement. À la suite de ces élections, le président Băsescu s'empresse de proposer une alliance à T. Stolojan en vue de créer un grand parti présidentiel qui se substituerait à la défunte coalition Justice et Vérité dans la perspective des prochaines élections, la fusion des deux formations dans un nouveau parti démocrate-libéral (PD-L) étant effective en décembre 2007.
La victoire du PD est cependant assombrie par l'échec du référendum organisé en parallèle – portant sur la réforme électorale et l'introduction du vote uninominal – invalidé faute d'avoir atteint le quorum nécessaire. Âprement défendue par le président Băsescu, soucieux d'assainir la vie politique et de combattre la corruption, l'introduction du vote uninominal est finalement promulguée le 11 mars 2008. Au mois de juin 2008, les élections municipales et départementales se déroulent ainsi selon ce mode de scrutin. Le PSD vient légèrement en tête des premières en remportant 35,7 % des sièges de maires et 30,1 % des postes de conseillers municipaux, contre 28,5 % et 27,6 % pour le PD-L, qui réalise un meilleur score aux secondes, bien que dix-sept présidences de département (contre quatorze) soient remportées par la gauche. Suivent le PNL (18 % à 20 % des voix) et l'UDMR (6 % – 8 % des suffrages). À Bucarest, bastion traditionnel de la droite, Sorin Mircea Oprescu, candidat indépendant mais soutenu par le PSD, l'emporte avec 56,5 % des suffrages face à Vasile Blaga, candidat des démocrates libéraux. Les élections législatives de novembre 2008, marquées par un très fort taux d'abstention (plus de 60 %) ne modifient guère ce rapport de forces : le PD-L et le PSD (allié au parti conservateur [PC], crédité de 2 % à 3 % des suffrages) restent au coude à coude avec respectivement 115 et 114 sièges à la Chambre et 51 et 49 au Sénat, devant le PNL (65 députés et 28 sénateurs) et l'UDMR (22 députés et 9 sénateurs).
Afin d'affronter la crise économique et financière internationale qui n'épargne pas la Roumanie, la classe politique et le président Băsescu optent finalement pour une grande coalition PSD/PD-L. Après le renoncement de T. Stolojan, Emil Boc (président du PD-L) prend la tête du gouvernement – dont le poste de vice-Premier ministre est confié au social-démocrate Dan Nica – qui obtient la confiance du Parlement le 22 décembre. Les élections européennes de juin 2009 (qui ne mobilisent que 27,4 % des électeurs, un taux plus faible encore qu'en 2007) confirment les rapports de force entre les principaux partis : avec 31 % des voix, le PSD-PC arrive en tête devant le PD-L (29,7 % suffrages) mais auxquels il faudrait ajouter une partie des voix qui se sont reportées sur la turbulente fille du président, Elena Băsescu, élue sous son propre nom avec 4,2 % des voix après avoir été écartée de la liste du parti présidentiel. Le PNL arrive en troisième position avec 14,5 % des suffrages devant l'UDMR (8,9 %). Sans faire de percée spectaculaire, le parti populiste et nationaliste de la Grande Roumanie réussit néanmoins cette fois à faire élire 3 députés avec 8,6 % des suffrages.
Des dissensions entre les deux partenaires de la coalition au pouvoir renaissent à quelques semaines de l'élection présidentielle et, en octobre, à la suite du limogeage de l'un d'entre eux (le ministre de l'Intérieur), les représentants du PSD démissionnent en bloc, laissant seul le PD-L à la tête d'un gouvernement minoritaire. En novembre-décembre 2009, grâce au vote des Roumains de l’étranger, T. Băsescu l’emporte d’extrême justesse pour un second mandat présidentiel au second tour de scrutin devant son adversaire social-démocrate Mircea Geoană. Parallèlement, les électeurs se prononcent à une majorité écrasante en faveur de la création d'un Parlement unicaméral et de la réduction à 300 du nombre de ses représentants, une réforme destinée à contrer le pouvoir de blocage des deux assemblées. Déjà sous le coup d’une motion de censure, E. Boc est finalement confirmé à la tête d’un gouvernement qui reçoit le soutien de l’UDMR, du groupe parlementaire des minorités nationales et d’indépendants mais qui reste soumis à la pression de l’opposition et sous la menace de votes de défiance.
Alors que la Roumanie connaît une récession de plus de 7 % en 2009 et un déficit budgétaire dépassant 8 % du PIB, le gouvernement doit répondre aux attentes du FMI, de l’UE et de la Banque mondiale qui lui ont accordé un prêt de 20 milliards d'euros. Prévoyant notamment une hausse de la TVA, une baisse du traitement des fonctionnaires de 25 %, des allocations-chômage ainsi que des retraites, un plan de rigueur drastique provoque d’importantes manifestations, le gouvernement échappant à quatre motions de censure au cours de l’année 2010. La contestation reprend l’année suivante et en février 2012, le gouvernement Boc démissionne à la suite de violentes manifestations contre la privatisation d’une partie du système de santé et la politique d’austérité. Mihai Razvan Ungureanu prend la tête d’un nouveau gouvernement de centre droit qui obtient la confiance du Parlement, l’opposition ne prenant pas part au vote. Mais accusé d’avoir favorisé des maires de son camp politique dans la perspective des prochaines élections locales et critiqué pour son manque de transparence dans sa politique de privatisation exigée par le FMI et l’UE, ce gouvernement est renversé trois mois plus tard à la suite de l’adoption d’une motion de censure déposée par l’Union sociale libérale (USL), alliance entre le PSD, le PC et le PNL. Nommé Premier ministre, le chef de l’opposition social-démocrate, Victor Ponta, forme un gouvernement de transition dans l’attente des prochaines échéances électorales.
Très vite, des dissensions éclatent entre les deux têtes de l’exécutif et entre le président, accusé d’abus de pouvoir, et la nouvelle majorité. Après avoir démis de leurs fonctions les présidents des deux chambres et de l’avocat du Peuple puis limité les prérogatives de la Cour constitutionnelle, le Parlement vote la destitution du président Băsescu, accusé d’abus de pouvoir. Ce dernier dénonce de son côté le camp adverse, qui par ces mesures voudrait prendre le contrôle des institutions du pays, en particulier de la justice. Cette procédure et ce bras de fer suscitent les inquiétudes et les fortes réserves de l’UE. Le taux de participation (46 %) n'ayant pas atteint le seuil nécessaire d'au moins 50 % pour valider cette décision (qui est approuvée toutefois par plus de 87 % des votants), la destitution n’est pas confirmée par référendum le 29 juillet.
Avec 274 sièges dont 152 pour le PSD et 74 pour le PNL, l’USL remporte cependant largement les élections législatives de décembre, confortant le Premier ministre Victor Ponta, qui doit être reconduit dans ses fonctions par un président très affaibli après la défaite de son parti, réduit à 33 députés. L’USL n’est toutefois qu’une alliance de circonstance et, en février 2014, les désaccords entre libéraux et sociaux-démocrates conduisent à sa dissolution et au départ du PNL du gouvernement de coalition. Ce parti connaît lui-même des remous dus aux rivalités internes. La rupture au sein de l’USL puis le projet de « fusion-absorption » entre le PNL et le PD-L, approuvé en juillet, provoquent la sécession de l’ex-président du parti et ancien Premier ministre C. Popescu-Tăriceanu qui prend la tête d’un nouveau « parti libéral réformateur » (PLR). Les deux grands partis libéraux décident de leur côté de créer l’Alliance chrétienne-libérale en vue de l’élection présidentielle de novembre 2014.
Quatorze candidats se présentent à ce scrutin qui met fin aux deux mandats turbulents de T. Băsescu. Représentant le PSD et ses alliés, le chef du gouvernement V. Ponta arrive en tête du premier tour avec 40,3 % des voix. Issu de la minorité allemande (et luthérienne) de Transylvanie où il s’est illustré comme maire de Sibiu, son adversaire est le nouveau président du PNL, Klaus-Werner Iohannis, qui décroche la deuxième place avec 30,44 % des suffrages après une campagne axée sur la modernisation économique, la lutte contre la corruption et l’indépendance de la justice. Si les sondages donnent le Premier ministre largement vainqueur, l’abstention (près de 48 %), la dispersion des voix restantes entre les autres candidats libéraux ainsi que le vote des Roumains de l’étranger, normalement favorable à la droite, rendent le second tour très incertain. En mobilisant ces derniers, qui lui apportent quelque 340 000 voix (près de 90 % de ces suffrages) et grâce à une meilleure participation (63 %), K.-W. Iohannis s’impose ainsi largement avec 54,43 % des voix, notamment dans la plupart des grandes villes dont Bucarest. Entré en fonctions le 21 décembre, il s'efforce, dans un premier temps, de composer avec V. Ponta qui, bien que fragilisé, s’appuie toujours sur une majorité au Parlement et reste Premier ministre.
Mais, l'affrontement entre le chef de l'État et le chef de gouvernement ressurgit dès le printemps 2015, lorsque ce dernier est accusé par le parquet national anticorruption (DNA) d'usage de faux, de complicité d'évasion fiscale et de blanchiment pour des faits commis entre 2007 et 2011. Mis en examen et soutenu par le Parlement, V. Ponta démissionne en juillet de la tête du PSD, tout en refusant de quitter son poste, comme le lui demande le président. Autre pomme de discorde au sommet de l'État, le projet de réforme fiscale lancé par le gouvernement qui prévoit une baisse de la TVA (de 24 % à 20 %) et une réduction massive des taxes et impôts. De plus en plus isolé sur la scène politique y compris dans son propre camp (il échappe fin de septembre à une motion de censure), V. Ponta finit par démissionner le 4 novembre, poussé par d'amples manifestations provoquées par l'incendie d'une discothèque de Bucarest révélant, outre de nombreux manquements à la sécurité, la corruption des autorités locales.
À l'écoute des revendications exprimées par un vaste mouvement citoyen dressé contre une classe politique incapable de se réformer, le président Iohannis désigne au poste de Premier ministre Dacian Cioloş, ex-commissaire européen à l’agriculture. Les élections législatives de décembre 2016, marquées par une abstention toujours très forte (autour de 60 % depuis 2008) se soldent cependant par la victoire du PSD, dirigé désormais par Liviu Dragnea, qui reste le premier parti du pays avec 154 sièges, devant le PNL (69 députés). L’Union Sauvez la Roumanie (USR), nouveau parti libéral qui avait percé à Bucarest aux municipales de juin, vient en troisième position avec 30 sièges devant l’UDMR (21), l’Alliance des libéraux et démocrates (20), née de la fusion du PLR et du PC, et le Parti mouvement populaire (PMP) de T. Băsescu (18). Liviu Dragnea ayant été empêché de postuler à ce poste en raison de ses démêlés avec la justice, Sorin Grindeanu accède au poste de Premier ministre le 4 janvier 2017.
Fort de cette nouvelle victoire, le gouvernement tente d’assouplir par ordonnances la législation anti-corruption, qui a entraîné la condamnation de nombreux responsables politiques depuis plusieurs années et qui menace plusieurs dirigeants du PSD – dont son chef. Mais sous la pression de milliers de manifestants (soutenus notamment par le président K.-W. Iohannis) et devant les inquiétudes exprimées par la plupart des pays de l’UE ainsi que par la Commission européenne, le gouvernement finit par reculer et retire les ordonnances. S. Grindeanu doit toutefois démissionner en juin sous la pression de son propre parti (et de son chef, véritable homme fort du pays et président de la Chambre des députés) qui doit déposer une motion de censure pour le faire céder.
Le ministre de l’Économie, Mihai Tudose, lui succède avant d’être à son tour écarté en janvier 2018 pour être remplacé par Viorica Dancila, une proche de L. Dragnea et première femme à accéder à ce poste. Alors que le chef du PSD est condamné en juin à trois ans et demi de prison pour abus de pouvoir dans une affaire d’emplois fictifs, les tensions entre la présidence de la République et la majorité parlementaire s’accentuent pourtant et se focalisent sur la révocation de Laura Codruța Kövesi, procureure en chef de la Direction nationale anticorruption. Menacé par une procédure de destitution, le président, qui refusait d’entériner cette décision du ministre de la Justice validée par la Cour constitutionnelle, accepte finalement de la relever de ses fonctions.