Bachelet Michelle
Michelle Bachelet, née le 29 septembre 1951 à Santiago, est une femme d'État chilienne. Membre du Parti socialiste du Chili, elle est ministre de la Santé, puis de la Défense dans les gouvernements de Ricardo Lagos. Elle est présidente de la République du Chili, une première fois, de 2006 à 2010. À ce titre, elle est présidente de l'Union des Nations sud-américaines de 2008 à 2009 et est à la tête de l'ONU Femmes de 2010 à 2013. Elle est à nouveau présidente de la République du Chili de 2014 à 2018, mais son second mandat est marqué par une dégradation de la situation économique et par son faible niveau de popularité. Elle est Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme depuis 2018.
Verónica Michelle Bachelet Jeria, dite Michelle Bachelet, dont le prénom a été choisi en hommage à Michèle Morgan, est la fille du général de l'armée de l'air Alberto Bachelet d'ascendance française (vignerons de Bourgogne à Chassagne-Montrachet en Côte-d'Or, d'où émigra en 1869 son arrière-arrière-grand-père, le vigneron Louis-Joseph Bachelet), et de l'anthropologue Ángela Jeria. Son père est entré en franc-maçonnerie sur l'insistance de son grand-père maternel, pacifiste et lui-même maçon.
Durant le gouvernement du président Salvador Allende, le général Bachelet fut nommé à la tête du Bureau de distribution de produits alimentaires. Après le coup d'État du 11 septembre 1973, accusé de trahison, il fut détenu et torturé par la dictature du général Pinochet. En mars 1974, il mourut d'un arrêt cardiaque sans doute dû aux mauvais traitements subis durant son emprisonnement, en présence de son compagnon d'infortune le général Sergio Poblete, tandis que sa femme et sa fille étaient également incarcérées et torturées dans un autre centre de détention de Santiago. Elle a élevé seule ses trois enfants.
Après avoir fréquenté un lycée pour jeunes filles dont elle est sortie avec le baccalauréat en 1969, elle a continué ses études en entrant, en 1970, à la faculté de médecine de l'université du Chili. En 1975, après avoir été libérées par le régime militaire, la veuve et la fille du général Bachelet se réfugièrent en Australie, où vivait son frère depuis 1969. Puis Michelle Bachelet partit étudier l'allemand à Leipzig et poursuivre ses études médicales à l'université Humboldt de Berlin. Elle revint s'installer au Chili en 1979, pour y achever ses études, sanctionnées en 1982 par l'obtention d'un diplôme de chirurgien. De 1983 à 1986, elle s'est spécialisée dans la pédiatrie et la santé publique dans les services de l'hôpital pour enfants Roberto del Río.
C'est à cette époque qu'elle s'est engagée en politique, militant pour le rétablissement de la démocratie, tout en participant à des ONG d'aide aux enfants des personnes torturées et disparues : de 1986 à 1990, elle dirigea d'ailleurs l'une de ces organisations, la PIDEE (Protección a la Infancia Dañada por los Estados de Emergencia). Elle adhère au Parti socialiste dans les années 1970. Elle est devenue membre de son comité central en 1995 et, de 1998 à 2000, fut également membre du bureau politique. En 1996, sous les couleurs socialistes, elle se présenta aux élections municipales à Las Condes, dans la banlieue de Santiago, mais n'y obtint que 2,35 % des suffrages.
Après la restauration de la démocratie en 1990, elle a travaillé pour le ministère de la Santé et comme conseillère pour l'Organisation panaméricaine de la santé, l'Organisation mondiale de la santé et la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ). De 1994 à juillet 1997, Bachelet a exercé les fonctions de conseillère au cabinet du secrétaire d'État à la Santé. Intéressée par les relations entre le monde civil et l'armée, elle entreprit des études de stratégie militaire à l'Académie nationale des études politiques et stratégiques (Anepe) au Chili, obtenant la première place de sa promotion, ce qui lui permit de continuer des études aux États-Unis, à l'Inter-American Defense College, tout en bénéficiant d'une bourse présidentielle.
En 1998, elle revint au Chili pour travailler comme conseiller auprès du ministre de la Défense, et fut encore diplômée, après avoir suivi un cursus de science militaire auprès de l'Académie de guerre de l'armée chilienne. Le 11 mars 2000, elle est nommée ministre de la Santé par le président Ricardo Lagos, puis, le 7 janvier 2002, ministre de la Défense, devenant la première femme à occuper ce poste en Amérique latine.
Au cours de l'année 2004, constatant sa brusque hausse de popularité dans les sondages d'opinion, et avec les encouragements implicites du président Lagos, elle décide de se présenter à l'élection présidentielle devant se tenir le 11 décembre 2005, et démissionne du gouvernement afin de préparer sa campagne. Une élection primaire aurait normalement dû se tenir au sein de la Concertation afin de désigner le candidat unique des quatre formations coalisées. Toutefois, sa seule rivale potentielle, la démocrate-chrétienne Soledad Alvear, ancienne ministre dans les deux derniers gouvernements de la Concertation, se retira de la course en raison d'un manque de soutien au sein de son propre parti et de sa faible cote de popularité dans les sondages.
Les principaux rivaux de Michelle Bachelet, pour le premier tour de l'élection présidentielle du 11 décembre 2005, sont, à droite, Joaquín Lavín, soutenu par l'Union démocrate indépendante (UDI, Unión Demócrata Independiente) et, au centre-droit, Sebastián Piñera, soutenu par Rénovation nationale (RN). M. Lavin avait déjà été candidat à l'élection présidentielle de 1999, obtenant 47,52 % des voix au premier tour, et 48,69 % au second tour, face à Ricardo Lagos. Au soir du premier tour, Michelle Bachelet arriva en tête avec 45,96 % des voix devant le candidat de Rénovation nationale, Sebastian Piñera (25,41 %), celui de l'UDI Joaquín Lavín (23,23 %) et celui de l'extrême-gauche, Tomás Hirsch (5,40 %).
Le 15 janvier 2006, Michelle Bachelet remporte la présidentielle par 53,5 % des voix contre 46,5 % à son adversaire de droite Sebastián Piñera. C'est une victoire historique car c'est la première fois en Amérique du Sud qu'une femme est élue présidente au suffrage universel direct. Pendant sa campagne, elle était soutenue par la « Concertation des partis pour la démocratie » (CPD, Concertación de Partidos por la Democracia), coalition au pouvoir, qui regroupe le Parti socialiste du Chili (PSC, Partido Socialista de Chile), le Parti pour la démocratie (PPD, Partido por la Democracia), le Parti radical social-démocrate (PRSD, Partido Radical Socialdemócrata) et le Parti démocrate-chrétien du Chili (PDC, Partido Demócrata Cristiano de Chile).
Michelle Bachelet devient la cinquième femme parvenue à la magistrature suprême en Amérique latine, après Isabel Martínez de Perón (présidente de la Nation argentine de 1974 à 1976), Lidia Gueiler (présidente de la République de Bolivie de 1979 à 1980), Violeta Chamorro (présidente de la République du Nicaragua de 1990 à 1997) et Mireya Moscoso (présidente de la République de Panama de 1999 à 2004) et la quatrième en Amérique du Sud après les deux premières citées et Janet Jagan (présidente de la République coopérative de Guyana de 1997 à 1999).
Michelle Bachelet a annoncé la composition de son futur gouvernement le 30 janvier 2006, après avoir eu la confirmation officielle de son élection par le Tribunal Calificador de Elecciones. Le gouvernement est composé de 10 hommes et de 10 femmes, comme elle l'avait promis durant sa campagne. Sept proviennent du parti chrétien démocrate (PDC), cinq du parti pour la démocratie, quatre du parti socialiste, un du parti radical social démocrate, tandis que trois sont indépendants.
Michelle Bachelet a notamment réformé le système obligatoire de retraite par capitalisation instauré en 1980, en instaurant un « filet de sécurité » de 120 euros par mois, et un complément pour ceux recevant moins de 315 euros par mois (des millions de Chiliens ne recevaient que de 8 à 16 euros par mois de retraites grâce aux fonds de pension).
Elle figure dans la liste des femmes les plus puissantes au monde du magazine Forbes en 2006 et 2007.
Du 14 septembre 20109 au 15 mars 2013, Michelle Bachelet est directrice exécutive de l'ONU Femmes, organisme de l'ONU qui défend les droits des femmes dans le monde.
Peu après son départ de l'ONU, elle se déclare prête pour une nouvelle candidature à l'élection présidentielle de novembre 2013. Elle est officiellement intronisée comme candidate des partis de gauche en avril 2013. Le 30 juin suivant, elle remporte les élections primaires en s'imposant avec 74,92 % des voix de la coalition de gauche regroupant notamment socialistes, démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates et radicaux. Soutenue par la « Nouvelle majorité », une coalition regroupant communistes, démocrates-chrétiens et divers courants socialistes, elle est opposée à huit autres candidats dont Evelyn Matthei, la première femme candidate conservatrice à une présidentielle chilienne, présentée comme sa principale rivale. Bachelet promet de mettre en place des réformes qu’elle n’a pu opérer lors de son premier mandat : révision d'une Constitution issue de la période dictatoriale, une refondation du système éducatif public financé par réforme fiscale augmentant l’impôt des sociétés de 8 milliards de dollars, l’amélioration du réseau de la santé et des services publics, réforme de la loi sur l’avortement…
L'élection présidentielle est combinée avec des élections législatives qui renouvellent la totalité des 120 sièges de la Chambre et 18 sièges sur 38 au Sénat. La semaine précédant le scrutin, Michelle Bachelet est créditée en moyenne de 47 % des intentions de vote, devant Evelyn Matthei, candidate de l'Alliance, qui rassemble 14 % des sondés. Finalement, au terme d'un premier tour marqué par une forte abstention, elle obtient 46,67 % contre 25,01 % à sa rivale, qu'elle doit affronter 15 décembre 2013. Par ailleurs, avec 68 sièges remportés sur 120 au Parlement ainsi que 12 sur les 18 mis en jeu au Sénat, la « Nouvelle majorité » remporte les élections législatives, sans pour autant assurer à Michelle Bachelet la majorité qualifiée des 2/3 permettant la réforme constitutionnelle sans alliance ou négociation avec la droite. Le 15 décembre 2013, elle est élue à nouveau à la présidence de la République au deuxième tour avec 62,16 % des voix, contre 37,83 pour Evelyn Matthei.
Michelle Bachelet entame son second mandat de présidente de la République le 11 mars 2014.
Elle favorise une politique écologique, parfois au détriment de projets économiques. Elle s'oppose ainsi à un projet minier qui menaçait une réserve nationale où se réfugient un grand nombre de manchots de Humboldt, menacés d'extinction, provoquant une crise avec la frange libérale de son gouvernement. Elle tente également de favoriser les énergies renouvelables. Par ailleurs, la croissance chilienne souffre à partir de 2015 du recul des cours du cuivre, principal facteur de croissance économique du pays. En 2016, la croissance du pays tombe à 1,6 %.
Pour le sociologue et homme politique de gauche Manuel Antonio Gareton, son « gouvernement a été le plus important au Chili depuis le début de la démocratie. Il a permis un saut pour la société qui n'avait pas tourné le dos à la dictature ». Son bilan porte notamment sur les allocations retraite pour les mères de famille, l'union homosexuelle et une réforme fiscale augmentant les impôts des grandes entreprises. En juillet 2017, un projet de légalisation de l’avortement pour les cas de viols ou de risques pour la mère est rejeté par le Parlement. Michelle Bachelet s'était déclarée favorable à ce projet. Alors que le système éducatif chilien est le plus coûteux et qui exclut le plus par rapport aux pays voisins, elle présente une réforme du financement des études dans l'enseignement supérieur. Celle-ci est jugée trop modeste, ce qui provoque des manifestants d'étudiants jusqu'à la fin de son mandat.
Des scandales de financement occulte de la politique éclatent pendant le second mandat de Michelle Bachelet, alors que le Chili était jusqu'alors considéré comme un exemple de transparence en Amérique latine. En février 2015, son fils, Sebastian Davalos, démissionne de son poste de directeur socioculturel de la présidence à la suite d'une affaire de trafic d'influence au sujet d'un prêt de 10 millions d'euros concernant la dernière campagne présidentielle de sa mère. Celle-ci, qui déclare vivre « des moments difficiles et douloureux », est critiquée pour la lenteur de sa réaction face à ce scandale et pour son refus de désavouer explicitement son fils.
En septembre 2015, la popularité de Michelle Bachelet tombe à 22 %, un niveau jamais atteint pour un président chilien depuis le retour de la démocratie en 1990. Cette impopularité s'explique par ces scandales financiers et par ses réformes sociétales, qui suscitent l'opposition de la droite. Plus à gauche, le Front large lui reproche de ne pas avoir tenu sa promesse de campagne sur l’enseignement supérieur, privatisé depuis la dictature et représentant un investissement financiers majeur pour les étudiants, qu'elle promettait de rendre gratuit.
Le 8 août 2018, António Guterres, secrétaire général des Nations unies, la nomme à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Dans son discours inaugural, le 10 septembre, elle met en cause plusieurs pays occidentaux sur leur façon d’accueillir les migrants, ce qui lui attire de vives critiques, notamment de la part du gouvernement italien. En mars 2019, elle demande à la France de mener une enquête sur les cas de violences policières pendant le mouvement des Gilets jaunes, ce qui conduit le porte-parole du gouvernement français à s'étonner que la France se soit retrouvée sur « une liste entre le Vénézuela et Haïti ».
Sur le plan religieux, elle se définit agnostique. Elle entretient des relations chaleureuses avec la franc-maçonnerie qu'elle tient pour « défenseur de la liberté de conscience ».