Bataille d'Anoual
La bataille d'Anoual, connue comme le désastre d'Anoual par l'historiographie espagnole (desastre de Annual en espagnol), opposa un contingent militaire espagnol à l'armée rifaine de Mohamed Abdelkrim Al Khattabi, dans la région du Temsamane, dans le Rif en juillet 1921.
Les affrontements ont eu lieu à 120 km de Melilla dans le Nord du Maroc et marquent le début de la guerre du Rif. La victoire d’une armée de résistants rifains sur l’armée espagnole devint un important symbole de la lutte anticoloniale, marque un tournant de la résistance au double protectorat espagnol et français instauré au Maroc. Le désastre d'Anoual est une défaite cuisante de l'armée espagnole. Elle marque la naissance d’un mythe : celui d’Abdelkrim, héros de guerre, fin stratège et chef charismatique de la résistance. La crise politique que provoqua cette défaite fut une des plus importantes que dût subir la monarchie libérale d'Alphonse XIII. Elle fut la cause directe du coup d'État et de la dictature de Miguel Primo de Rivera.
Depuis dix ans, l’Espagne éprouve beaucoup de difficultés à administrer la région nord du Maroc placée sous son autorité depuis 1912. Ses troupes se heurtent continuellement à des poches de résistance, particulièrement face aux tribus Temsamane et Aït Ouriaghel. En 1921, trois tribus du Rif, les Aït Ouriaghel, les Temsamane et les Ait Touzine, déclenchent véritablement un vent de révolte et de résistance. À leurs tête, Mohamed ben Abdelkrim al-Khattabi, alias Abdelkrim, 39 ans à cette date, fils de cadi (« juge ») du clan des Ait Youssef Ouaâli de la tribu des Aït Ouriaghel. Journaliste à ses heures et possédant un bagage d'étude sur la technologie militaire, avant d’entrer dans l’administration espagnole.
Le général Manuel Fernández Silvestre, qui commande les forces espagnoles dans la région, est convaincu d’avoir affaire à une petite bande de brigands et continue d’avancer vers le cœur du Rif. Abdelkrim lui fait alors porter un message d’avertissement en le mettant en garde contre le franchissement de l'Oued Amekrane que le fier général décide d’ignorer en chargeant néanmoins Jésus Villar un de ses chefs de bataillon, de poster 250 hommes à une dizaine de kilomètres à l'ouest d'Anoual dans la région de Temsamane à "Dhar Obaran", qui n'est autre qu'un mont surplombant la région et offrant une vue stratégique sur la ville d'Al hoceima.
Le 1er juin 1921, à peine les hommes de Villar franchissent-ils l'Oued Amekrane pour prendre position sur le "Dhar Obaran" qu’ils se retrouvent encerclés par un millier de combattants rifains et sont massacrés. Une poignée d’entre eux seulement parviennent à fuir, abandonnant leur artillerie aux combattants d’Abdelkrim. Grâce à la prise de ces canons, ces derniers poursuivent, près de deux mois durant, leur offensive. Dans l’après-midi du 21 juillet 1921, à Anoual, 5 000 combattants rifains fondent sur les 18 000 soldats espagnols, les contraignant à battre en retraite. Au bout de trois semaines de combats acharnés, le contingent espagnol est taillé en pièces (le général Fernández Silvestre se suicida à Anoual).
Les guerriers d'Abdelkrim récupèrent à l'issue de la bataille le matériel abandonné par les troupes espagnoles en retraite soit : 20 000 fusils, 400 mitrailleuses, 200 canons de calibres différents (des 75, des 65 et des 77), un stock important d'obus et des millions de cartouches, des camions, des approvisionnements en vivre, des médicaments, du matériel médical ainsi que 2 avions. L'Espagne perdit plus de 16 000 soldats, en plus des 1 100 prisonniers faits par le contingent rifain. Cette défaite cinglante des forces coloniales est lourde de conséquences de part et d’autre de la Méditerranée. C'est cette « humiliation » qui, en 1923 à Barcelone, incite le général Miguel Primo de Rivera à lancer un pronunciamiento et à instaurer une dictature militaire. La guerre du Rif dure encore cinq années et se solde par la victoire de la France et de l'Espagne.