Boussac Marcel

Publié le par Roger Cousin

Boussac MarcelMarcel Boussac, 17 avril 1889 à Châteauroux - 21 mars 1980 à Dammarie-sur-Loing (Loiret), fut un industriel du textile et un éleveur de chevaux de course. Il entre à 16 ans dans l'entreprise de confection que son père dirige. Puis il s'installe à Paris dans le négoce du tissu. Le premier, il a l'intuition que les femmes adoreraient s'habiller avec des couleurs gaies. Sûr de lui, il dessine une collection qui décoiffe, commande des centaines de milliers de mètres de tissu et proclame en 1911 la « révolution dans les fanfreluches ». La réussite est fabuleuse et trois ans plus tard il s'offre son premier cheval de course. Pendant la Première Guerre mondiale il obtient la commande par l'armée de l'uniforme bleu horizon. Georges Clemenceau devient son ami.

En 1919, contre l'avis de son entourage, il rachète à bas prix tous les surplus de toile d'avions et avec ce tissu inusable, il confectionne des blouses, chemises à col souple, et invente le pyjama. Il rachète plusieurs usines notamment dans les Vosges et une gigantesque filature en Pologne. Cette dernière sera confisquée par le pouvoir en 1935. Sa réussite lui permet de monter, sur les conseils avisés du comte Gaston de Castelbajac, une des plus importantes écuries de course au monde dont la casaque orange et la toque grise remportera les plus prestigieuses épreuves internationales. Lorsque la crise frappe en 1929 il parvient à baisser ses coûts suffisamment pour diminuer ses prix en restant profitable lui permettant d'augmenter son empire. Il sent tout, vérifie tout, contrôle tout. Ce patron est un tyran qui connaît chacune de ses usines, débarque tous les ans au débotté pour des visites d'inspection, étudie minutieusement le fonctionnement des métiers à tisser. Sans cesse, il houspille les ouvrières, les contremaîtres et ses directeurs pour que les malfaçons soient détectées et corrigées. Un tissu Boussac, pense-t-il, doit être impeccable. Une signature. Une garantie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale ses bonnes relations avec nombre d'officiers supérieurs allemands et avec le ministre de la production industrielle de Vichy, Jean Bichelonne, lui permettent de sauver ses usines et de continuer à payer son personnel. Mais son entregent trouve ses limites. Il est impuissant à lutter contre la convoitise des nazis pour Pharis, son plus bel étalon. Le crack est enlevé par un commando durant l'été 1941. Il n'est pas inquiété par l'épuration notamment grâce aux remerciements des rescapés de la déportation qui découvrent que leurs salaires ont été versés consciencieusement à leurs familles.

Il engage Christian Dior et participe grandement à ce que Paris redevienne la capitale de la mode. Il s'offre dans le Loiret près de Chatillon-Coligny une superbe propriété de chasse, le château de Mivoisin, de 3.600 ha où il recevra avec sa femme Fanny tous les ténors de la politique sauf Charles de Gaulle dont il voudrait être l'éminence grise. Au début des années 1950 il s'offre les journaux L'aurore, Paris-Turf et les machines à laver le linge Bendix dont il offre un exemplaire à chacune de ses ouvrières pour qu'elles puissent se reposer. En 1952, il rachète les haras de Jardy et l'hippodrome de Saint-Cloud, marchant ainsi, dans les traces de son illustre prédécesseur, Edmond Blanc, dont il s'inspira.

Mais, cet entrepreneur ne sait pas déléguer ses pouvoirs et veut tout contrôler. Au moment de la décolonisation et des fibres synthétiques, qui réduisent ses marchés, ses profits disparaissent et ses soucis financiers s'accélèrent. Il ne pourra éviter le démantèlement de son empire et meurt ruiné après avoir été l'homme le plus riche d'Europe. Depuis 1980, le Critérium des Pouliches a été rebaptisé Prix Marcel Boussac, en son honneur.

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bookDirection des Renseignements Généraux - Audition du 23/12/1946 d'Helmut Knochen, 36 ans, ex-chef de la Police de Sûreté et du SD en France

Poursuivant ses déclarations, Knochen met en cause Marcel Boussac en termes particulièrement précis :

"Pour les matières premières, les renseignements nous étaient fournis du côté allemand par le Général de l'administration militaire, Jehle, du Militarbefehlshaber et du côté français, par Marcel Boussac.

J'ai fait la connaissance de Marcel Boussac par l'intermédiaire de Maulaz qui le fréquentait. Je lui ai été présenté par Maulaz dans son appartement et je l'y ai rencontré, par la suite, à déjeuner ou à dîner.

Marcel Boussac approuvait la politique de Laval mais lui reprochait, cependant, un manque d'énergie et surtout son laizzez-aller dans l'administration économique du pays. Il ne reprochait pas, en somme, à Laval ce qu'il faisait, mais bien plutôt ce qu'il ne faisait pas, Boussac était partisan d'une collaboration absolue avec l'Allemagne, afin d'augmenter la production de la France, production dont nos deux pays auraient pu profiter à la fois.

Les renseignements que Marcel Boussac nous fournissaient étaient très importants, du fait qu'il était une tête de l'industrie française et de l'économie et parce qu'il représentait la centralisation de tous ceux qu'il avait pu glaner auprès des diverses personnalités politiques, littéraires, économiques, etc... qu'il connaissait et fréquentait.

Lischka, mon adjoint permanent et Lehrer, homme d'affaires allemand, ayant habité la France avant la guerre et qui s'occupait plus particulièrement des usines électriques et hydrauliques, fréquentaient Boussac.

Lehrer connaissait personnellement Laval et de Brinon et renseignait Maulaz sur les affaires économiques en général. Il s'est également rendu en Suisse d'où il nous a rapporté des rapports sur la production de guerre des pays ennemis et la situation militaire et politique en général. Je me souviens d'avoir déjeuné ou dîné avec lui chez Maulaz en compagnie de Boussac.

Pour conclure, en ce qui concerne Boussac, je puis dire que les renseignements qu'il nous a fournis, nous ont permis d'adresser d'excellents rapports au RSHA à Berlin, rapports qui ont été très appréciés.

Bien entendu, de notre côté, nous avons tout fait pour être agréables à Boussac et avons accueilli favorablement ses demandes ainsi que celles de ses amis. Je pense qu'il a dû retirer de très appréciables avantages de sa collaboration avec Lehrer, mais je n'entrais pas dans le détail des combinaisons de ces deux hommes d'affaires. Boussac était également en bons termes avec Michel. Il y a un seul point sur lequel il a été mécontent, c'est celui de ses chevaux, car Ribbentrop, je crois, avait réquisitionné ou acheté un de ses meilleurs chevaux."

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