Nisman Alberto
Alberto Nisman est un procureur argentin, mort pendant l'enquête qu'il dirigeait sur l'attentat de Buenos Aires en 1994. Né le 5 décembre 1963 à Buenos Aires, il est mort dans cette même ville le 18 janvier 2015.
Alberto Nisman a commencé sa carrière dans la fonction publique en tant que fonctionnaire de l'administration fiscale argentine. Il s'est ensuite spécialisé dans les mouvements financiers frauduleux, voire mafieux. Devenu procureur, il a enquêté sur de nombreuses affaires politico-financières sensibles, et notamment sur les activités de Cristina Kirchner, soupçonnée d'avoir entravé l'enquête concernant l'attentat de Buenos Aires en 1994. Le 18 juillet 1994, une association juive, l'Association mutuelle israélite argentine (AMIA) à Buenos Aires a subi une attaque terroriste à la voiture piégée qui a complètement détruit le bâtiment où siégeait l'association, faisant 85 morts et des centaines de blessés. Cet attentat est l'attaque la plus meurtrière contre les Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale. La communauté juive en Argentine est la plus importante en Amérique latine et la cinquième en nombre dans le monde.
Nisman dirige une section spécifique du Parquet national argentin à partir de 2004 à ce sujet. Il a orienté l'enquête vers la piste iranienne, reliant la responsabilité de l'attaque avec des représentants de la République islamique d'Iran et le Hezbollah libanais. Des membres des services de renseignement argentins semblent avoir manipulé Alberto Nisman afin de le pousser à retenir la piste iranienne, malgré le manque de preuves. Un agent du FBI américain qui a participé à l’enquête reconnait en 2020 que tout a été fait pour arriver à « une conclusion décidée à l’avance », qui arrangeait les États-Unis et Israël dans un contexte de fortes tensions avec l'Iran. Le 25 octobre 2006, la justice argentine, après des années d'instruction de l'affaire, a formellement accusé le gouvernement iranien de la planification de l'attaque et le Hezbollah de l'avoir exécutée. La justice argentine a ordonné l'arrestation de sept anciens responsables iraniens.
Le 7 novembre 2007, Interpol a délivré un mandat d'arrêt international pour capturer cinq des suspects iraniens et les traduire en justice. Depuis, le gouvernement argentin a demandé à l'Iran d'extrader ses citoyens accusés de l'attaque afin qu'ils soient jugés par un tribunal argentin ou étranger mais l'Iran a refusé de les extrader. En 2009, la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner a demandé à l'Iran, dans un discours à l'ONU, d'extrader ses ressortissants soupçonnés d'être impliqués dans l'attentat. Néanmoins, en 2013, Cristina Kirchner a annoncé que le ministre argentin des Affaires étrangères avait signé un accord avec le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad pour coopérer avec l'enquête et pour décider que le juge du procès et le procureur Alberto Nisman pourraient interroger des suspects iraniens en Iran. Les organisations juives ont exprimé leur inquiétude que la conséquence de ce mémorandum était que l'Argentine a levé les mandats d'arrêt internationaux émis par Interpol.
Le 14 janvier 2015, Nisman a accusé Cristina Fernandez de Kirchner de « décider et organiser l'impunité des réfugiés iraniens dans l'affaire de l'AMIA avec le but de disculper l'Iran ». Néanmoins, d’après la plupart des juristes, l’acte d’accusation n’apportait pas de preuves de ces allégations. Le 19 janvier 2015, la veille d'une audition officielle par la commission spéciale de la chambre des députés de Cristina Kirchner, Nisman est retrouvé mort, une balle dans la tête dans l'appartement d'un immeuble du quartier chic de Puerto Madero à Buenos Aires, alors qu'il était censé être protégé par une garde permanente de dix policiers fédéraux, y compris son chauffeur, et bien que l’édifice soit doté de 170 caméras de surveillance. La thèse du suicide a d'abord été avancée car son corps est trouvé derrière la porte de la salle de bain, un pistolet Bersa .22 Long Rifle à son côté.
Toutefois, elle est vite mise en doute, son décès intervenant la veille d'une audition officielle par la commission spéciale de la chambre des députés à l’encontre de Cristina Kirchner et alors qu'il avait remis un mémorandum de 300 pages sur son enquête. Néanmoins, des soupçons d'assassinat politique sont émis car il avait reçu de nombreuses menaces anonymes contre sa vie et contre celle de sa famille. De nombreux témoignages le décrivent comme très nerveux durant les 24 heures précédant sa mort. Divers échanges recueillis par des journalistes indiquent qu'on lui avait promis des preuves de l'implication iranienne qu’il n’a jamais reçues. En outre, le procureur s’interrogeait sur la crédibilité des informations que lui avait fournies un agent, dont il apparut qu’il ne faisait pas partie des services de renseignements. Nisman semblait donc craindre avoir été victime d’une manipulation.
Après sa mort, des manifestations ont lieu dans plusieurs régions du pays pour réclamer justice et demander des éclaircissements sur la cause de la mort. Le 4 février 2015, 2 000 personnes défilent à Buenos Aires pour exiger la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur son décès. « On ne sait pas si Nisman s'est suicidé ou si on l'a suicidé », dit le Prix Nobel de la paix 1980 Adolfo Pérez Esquivel. Le 18 février 2015, un mois après sa mort, de grandes manifestations ont lieu en sa mémoire, toujours accompagnées de cette demande d'enquête. Une plainte est déposée à l'encontre de la présidente au sujet de cette affaire mais elle est d'abord rejetée par le juge Rafecas. En décembre 2016, la Cour de cassation fédérale ordonne de mener une enquête pour dissimulation et trahison contre Cristina Fernandez de Kirchner. En 2017, un juge argentin, Julian Ercolini, conclut qu'il existe suffisamment de preuves pour affirmer que la mort de Nisman est un assassinat et non pas un suicide.
Cette décision est confirmée par la Cour d'appel fédérale. Les conclusions de la justice sont controversées puisqu'elles contredisent les résultats de deux autopsies réalisées par les meilleurs experts du pays immédiatement après la mort du procureur. Un documentaire du britannique Justin Webster diffusé sur Netflix en exclusivité pour l’Argentine vient renforcer les soupçons de règlement de compte politique. Le documentaire met en avant la personnalité d'Antonio Jaime Stiuso, homme fort des services de renseignement pendant plus de quatre décennies jusqu'à son éviction par la présidente Cristina Fernandez de Kirchner, et connu comme ayant été le principal informateur de Nisman. D'après l'expert sollicité par le journaliste, la disposition du sang au sol exclut que Nisman n’ait pas été seul au moment où la balle a été tirée.