Pierre Laval, le collaborateur en chef
Une réunion assez exceptionnelle
Le 19 décembre 1942, Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, rencontre Hitler dans son Wolfsschanze (« la tanière du loup » en Allemand), situé dans les bois du hameau de Forst Görlitz près de Rastenburg en Prusse-Orientale. Au cœur de ce « blockhaus » constitué de cabanes en rondins de bois aux toits recouverts d'herbe, il assiste à une réunion en compagnie du Führer, de Gian Galeazzo Ciano (gendre de Mussolini et Ministre italien des Affaires Etrangères), du Maréchal Hermann Göring (Commandant en chef de la Luftwaffe et ministre de l'Air) et de M Ribbentrop (Ministre des Affaires Etrangères du Reich). Les discussions portent notamment sur la création d'une police française supplétive exigée par Hilter et censée collaborer avec les allemands pour maintenir l'ordre en France.
Photographiée et filmée par les services personnels d’Hitler, les images de la réunion sont diffusées principalement en Allemagne et en France, via la presse et les actualités animées. C’est notamment le cas du cliché Adolf Hitler et Pierre Laval pendant une réunion ici étudié. Si Laval et Hitler se rencontrent à quelques reprises entre 1940 et 1944, une telle entrevue dans l’un des lieux les plus « intimes » du pouvoir nazi reste unique et assez exceptionnelle. A ce titre, Adolf Hitler et Pierre Laval pendant une réunion possède une valeur documentaire mais aussi politique et symbolique.
Dans la « tanière du loup »
Prise dans l’une des maisons forestières du Wolfsschanze où se tient cette rencontre diplomatique Adolf Hitler et Pierre Laval pendant une réunion montre un décor assez original pour ce type d’événement. C’est en effet dans une simple (et relativement petite) pièce aux murs faits de planches que ces hommes de pouvoir se réunissent. Le mobilier est aussi extrêmement sobre, dépouillé, constitué de quelques meubles de bois, de lampes fonctionnelles et d’un encadré modeste (mur du fond).
Autour d’une table ronde, on découvre six hommes assis dont, visibles de face et de gauche à droite, Laval (costume civil sombre), Hitler (costume civil décoré d’une croix de guerre), le comte Galeazzo Ciano et Hermann Göring (tous deux en uniforme). De dos mais visible de profil (deuxième en partant de la droite), on croit peut-être reconnaître Ribbentrop.
Si quelques carnets servant à la prise de note se trouvent sur la table, les hommes semblent à ce moment écouter Göring, qui se sert de ses notes. Laval est concentré sur son interlocuteur, l’air et le visage grave, la mâchoire presque serrée. Hitler, une main dans la poche et un peu ailleurs, semble regarder dans le vide. Ciano se gratte le menton de la main et, en pleine réflexion, fixe sans la voir l’une des feuilles de Göring.
Au cœur de la collaboration
C’est tout d’abord par son cadre assez étonnant que Adolf Hitler et Pierre Laval pendant une réunion est assez remarquable. En effet, il ne s’agit pas ici d’une rencontre officielle entre le chef de l’Etat allemand et son homologue français, mais d’une réunion de travail entre collaborateurs, sans faste et sans cérémonial. Le décor si simple où aucune marque du pouvoir n’est visible (sinon les uniformes de certains) dit ainsi une forme de familiarité, confirmée par les postures et les attitudes. C’est bien au cœur du pouvoir nazi, dans un endroit pratique et intime qu’est reçu Laval. Une rencontre sans distinctions qui témoigne tout autant (et paradoxalement) de l’étroitesse de cette collaboration (pas de distance formelle) que du manque d’égards pour un vassal.
A ce titre, l’attitude d’Hitler peut aussi être interprétée comme le signe involontaire de sa supériorité. Si ce dernier peut se permettre d’être un peu absent, pensif sinon relâché, Laval semble plus tendu, nécessairement attentif. Remis au pouvoir à Vichy par les allemands qui l’ont choisi parmi plusieurs personnalités depuis le 18 avril 1942, Laval est bien un collaborateur auquel on accorde une confiance modérée, mais aussi le représentant d’un Etat vaincu duquel on exige toujours plus sans beaucoup accorder en retour. Pour celui qui dit « souhaiter la victoire de l’Allemagne » (discours du 22 juin 1942), qui vient de voir la zone libre envahie par les allemands (11 novembre 1942) et de recevoir les pleins pouvoirs accordés par Pétain sous pression nazie (13 novembre), le moment figuré par Adolf Hitler et Pierre Laval pendant une réunion est donc visiblement ambivalent : conforté dans son statut, il est aussi humilié et dominé. Convoqué dans « la tanière du loup », il ne peut que lui obéir.