Géorgie
La Géorgie est un pays sur la côte est de la mer Noire dans le Caucase, situé à la fois en Europe de l'Est et en Asie. Elle est considérée comme faisant culturellement, historiquement et politiquement parlant partie de l'Europe. La capitale de la Géorgie est Tbilissi. Le pays est peuplé à 70 % de Géorgiens de souche (minorités d'Arméniens, de Russes, d'Abkhazes, d'Ossètes, d'Adjars, etc.). Au S. du Grand Caucase, il possède un climat subtropical, au moins dans la plaine du Rioni et sur le littoral (animé par le tourisme). Il produit agrumes, thé, vins. Le sous-sol recèle surtout du manganèse.
Les Géorgiens de souche sont largement majoritaires (70 %) et connaissent une émigration numériquement peu importante, du moins jusqu'à la fin de l'ère soviétique. L'unité de la nation géorgienne s'est construite progressivement sans pour autant effacer les particularismes locaux, d'ordre linguistique et culturel, qui s'appuient sur les anciens royaumes et principautés et qui continuent d'influencer la vie politique. On distingue ainsi les Mingréliens et les Imérétiens à l'ouest, les Lazes au sud-ouest (aujourd'hui en Turquie), les Svanes au nord, les Géorgiens proprement dits à l'est et au centre, eux-mêmes subdivisés en une dizaine de groupes (Karthliens, Kakhétiens, Gouriens, Khevsours, Psavs, Touchs, etc.). Islamisés aux xvie-xviie s., lors de la conquête ottomane, les Adjars ont conservé la langue géorgienne, à la différence de leurs voisins Meskhets, également islamisés mais devenus turcophones et déportés en Asie centrale en 1943-1944 par Staline. Leur revendication du « droit au retour » se heurte à l'hostilité de la population et des dirigeants géorgiens.
Parmi les autres nationalités, certaines ont une assise territoriale ancienne. Ainsi, sur la côte pontique, des Abkhazes, peuple paléocaucasien, étaient organisés en un puissant royaume à l'époque médiévale. Chrétiens, puis en partie islamisés à partir du xvie s., ils ne représentent plus que 2 % de la population totale et sont devenus minoritaires sur leur territoire (environ 17 %), au fil des massacres, déportations ou exil forcé en Turquie qui ont accompagné la dure conquête russe du Caucase et sa colonisation, avant les avatars de l'ère soviétique. Les Ossètes constituent 3,2 % de la population totale, mais 70 % de celle de la Région autonome d'Ossétie du Sud. Ils sont les descendants des Alains, réfugiés sur les hautes terres du Caucase septentrional après la destruction de leur empire par les Huns (ive s.). Ils parlent une langue indo-européenne et sont majoritairement chrétiens orthodoxes. Leur volonté de réunification avec l'Ossétie du Nord, incluse dans la Fédération de Russie, a provoqué de violents affrontements avec les Géorgiens depuis 1991.
Les Arméniens constituent encore la principale minorité (8,1 %). Leur présence est ancienne à Tbilissi et dans les villes du littoral, et surtout dans la zone frontalière avec l'Arménie, la Djavakhétie (Akhalkalaki, Akhaltsikhe), où ils représentent 70 à 90 % des habitants. La majorité des Azéris (5,7 %) réside aussi dans la périphérie méridionale, à la frontière de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Les Russes (6,3 %), surtout présents dans la capitale et les garnisons, ont tendance à repartir. Les Juifs géorgiens, particulièrement bien intégrés, ont aujourd'hui presque tous émigré en Israël (environ 50 000 personnes). Ils n'étaient plus que 14 000 au recensement de 1989. D'une façon générale, la proportion des Géorgiens s'est accrue depuis le début du xxe s., tandis que celle des minorités a diminué, en dépit de taux de fécondité parfois supérieurs.
La Géorgie est la première des républiques de Transcaucasie à avoir achevé sa « transition démographique » : dès la fin des années 1930, le taux de mortalité était passé sous la barre des 10 ‰. Le taux de natalité, encore situé entre 20 et 25 ‰ jusqu'aux années 1960, est tombé à 11 ‰ en 2007. Celui de la mortalité infantile, fluctuant selon la conjoncture socio-économique, est estimé à 20 ‰ en 2007, un taux qui reste assez relativement élevé, et l'espérance de vie, à 71 ans. Le taux d'urbanisation (52 % en 2007), inférieur à la moyenne de l'ex-U.R.S.S. (66 %), atteste de la part importante de l'économie agricole. La taille encore importante de la famille (4,7 personnes en moyenne), le maintien de traditions et de valeurs patriarcales (hospitalité, sens de l'honneur, vertu des femmes, respect des anciens), une faible proportion de mariages mixtes figurent parmi les caractéristiques de la vie géorgienne.
Entre la barrière du Grand Caucase, au nord, et les montagnes d'Adjarie-Imérétie et de Trialeti (Petit Caucase), au sud, s'inscrit une zone déprimée, de structure complexe, largement ouverte sur la mer Noire à l'ouest (plaine de Colchide, irriguée par le fleuve Rioni, le Phasis des Anciens) et qui se resserre vers l'intérieur (bassins de Gori et de Tbilissi), dans la haute vallée de la haute Koura. La moitié du territoire est située à plus de 1 000 m d'altitude (point culminant : mont Kazbek, 5 033 m). L'agencement du relief accidenté et compartimenté par des chaînes transversales introduit des différenciations climatiques marquées, qui s'expriment dans la diversité des milieux naturels et des formes de mise en valeur.
La qualité des terres arables compense souvent leur pénurie. Avec un climat subalpin ou alpin suivant l'altitude, une zone forestière importante (conifères, feuillus) et de hauts pâturages, le versant sud du Grand Caucase est un monde pastoral traditionnel, avec transhumance de bovins dans l'Ouest, davantage humide, et d'ovins dans la partie orientale, plus aride. C'est aussi le cas des hauts plateaux du Sud, au climat plus continental, qui servent de frontière avec l'Arménie et la Turquie. Des cultures vivrières (céréales, pommes de terre, fruits et légumes) et fourragères occupent les bas versants ; on y pratique également la sériciculture. Bénéficiant d'un climat subtropical humide, l'ouest de la zone de plaines encastrée entre les chaînes bordières est le domaine de cultures spécialisées (thé, agrumes, tabac, fruits et légumes méridionaux), très recherchées dans l'ex-U.R.S.S. Dotées d'un climat de type méditerranéen mais plus sec qui rend l'irrigation nécessaire, les plaines orientales sont aussi une riche zone agricole, aux vergers et vignobles réputés (vins de Kakhétie).
À Tchiatoura, l'exploitation d'un des plus grands gisements mondiaux de manganèse (aujourd'hui en voie d'épuisement) a été à l'origine du développement industriel. Quelques autres minerais (zinc, tungstène, molybdène, fer, cuivre), un peu de charbon (Tkibouli, Tkvartcheli), de la houille blanche et des sources thermales (Borjomi) constituent les rares ressources énergétiques et minérales du pays. Celui-ci tire néanmoins profit de sa position centrale dans le Caucase et de son ouverture sur le monde grâce à son large débouché maritime.
Au centre de la zone de plaines, Tbilissi, la « ville des eaux chaudes » en raison de ses sources sulfureuses, capitale d'un des royaumes géorgiens, au carrefour des voies commerciales entre l'Asie Mineure et l'Asie centrale, la Russie et la Perse, doit son essor à son rôle de capitale du Caucase, après l'annexion à l'empire tsariste (1801) et jusqu'en 1918, puis à nouveau de 1922 à 1936. Centre administratif, universitaire et culturel, c'est aussi une métropole industrielle (banlieue sidérurgique de Roustavi) à la croissance hypertrophique. Sur le littoral étroit qui s'étend sur 300 km et constitue la « Riviera » géorgienne, stations estivales et ports industriels et commerciaux se succèdent, dont Batoumi, en Adjarie, le débouché maritime du pays, Poti, et Soukhoumi, en Abkhazie, importante station touristique.
Malgré la prégnance du caractère montagneux du pays, la Géorgie a de nombreux atouts, pour le développement à la fois de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et du commerce. Elle avait une image enviée de pays de Cocagne dont les habitants étaient perçus comme des profiteurs, spéculant sur leur rente du soleil quand ils venaient vendre leurs fruits et légumes méditerranéens sur les tristes marchés kolkhoziens de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Les indices de niveau de vie étaient les plus élevés d'URSS. La Géorgie est aujourd'hui l'un des pays les plus frappés par la récession qui suivit l'effondrement de l'Union soviétique. Dépendants d'elle pour leur approvisionnement comme pour leurs débouchés, les secteurs clés de son économie – cultures spécialisées, industries alimentaires, matériel de transport (camions, locomotives), aéronautique militaire (avions Soukhoï), matériel agricole, transformations des minerais, tourisme – ont été touchés, à des degrés divers, par la rupture des échanges, la perte du marché russo-soviétique et les aléas des livraisons de ressources énergétiques et de matières premières, consécutifs à l'écroulement du système communiste et aux crises politiques et ethniques intérieures et régionales.
Engagées par l'État et soutenues par l'aide internationale et le Fonds monétaire international (FMI), les réformes s'effectuent à des rythmes et avec des résultats variables suivant les secteurs et les régions. Le rôle de l'économie privée dans le secteur agricole (lopins individuels) était déjà important à la fin de la période soviétique. Entamée en 1992, la privatisation des terres ne touchait néanmoins que la moitié des surfaces en 1996. La production agricole a augmenté, sans que cela assure l'autosuffisance céréalière. Cette croissance traduit surtout la crise de l'ensemble de l'industrie, hormis peut-être l'agroalimentaire. La privatisation des grandes entreprises industrielles est lente, souvent faute de repreneurs locaux ou étrangers, en dépit d'une politique d'ouverture aux investissements extérieurs. Les petites et moyennes entreprises artisanales et commerciales se sont en revanche multipliées. La tendance aux investissements non productifs et la consommation croissante de biens et de services achetés à l'étranger, notamment en Turquie (25 % des importations), compromet la restructuration d'une économie nationale dont l'offre n'est pas encore adaptée à la demande des marchés occidentaux et qui manque de ressources financières. Une monnaie nationale, le lari, a été créée en 1995.
Outre le tourisme culturel et de villégiature, le pays mise sur sa position de « pont » entre l'Europe et l'Asie ainsi que sur sa façade maritime. La Géorgie a adhéré à la Zone de coopération économique de la mer Noire (1992), lancée à l'initiative d'Ankara. Le projet européen de « corridor transcaucasien », qualifié par certains de « nouvelle route de la soie », lui donne un rôle stratégique de porte de l'Asie centrale. Le pays mise également sur le renforcement de ses infrastructures de transport pour participer à l'exportation du pétrole de la mer Caspienne, ce qui le met dans une concurrence délicate avec les intérêts russes : en 1999 est ouvert un deuxième oléoduc destiné au transport du brut de l'Azerbaïdjan (Bakou) à destination de l'Europe de l'Ouest, via le port géorgien de Soupsa sur la mer Noire ; il double l'ancien oléoduc en partant également de Bakou mais en transitant par le port russe de Novorossiisk. Le développement de l'Adjarie, qui tire parti de sa double frontière terrestre et maritime avec la Turquie, est considéré avec suspicion par le gouvernement central géorgien, qui le juge porteur d'aspirations séparatistes. Fortement endettée, la Géorgie se tourne vers l'Union européenne (adhésion au Conseil de l'Europe en 1999) et les alliances locales (comme celle du GUAM, qui regroupe la Géorgie, l'Ukraine, l'Ouzbékistan, l'Azerbaïdjan et la Moldavie). En 2009, un an après la guerre avec la Russie, la Géorgie quitte la Communauté des États indépendants (CEI). Après trois ans de fermeture, la frontière terrestre est rouverte en 2010 avec la Russie. Ce poste-frontière, appelé gorge de Darial en Géorgie, est le seul point de passage entre les deux pays qui ne se trouvent pas dans les régions séparatistes géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie.
Peuplée dès le paléolithique inférieur, la Géorgie possède de nombreux témoignages archéologiques du néolithique. Des vestiges d'habitats remontant au IIIe millénaire avant notre ère ont été mis au jour autour de Tbilissi. À cette époque apparaît une métallurgie d'art ; dans l'Antiquité, le Caucase était considéré comme le berceau de la métallurgie, ainsi qu'en témoigne le mythe de Prométhée. Aux populations paléocaucasiennes se sont mêlés des envahisseurs successifs (Hittites, Cimmériens, Scythes, Assyriens, Ourartéens). Le morcellement du pays a souvent été expliqué par le relief compartimenté, l'organisation clanique de la société, les rivalités entre familles princières et de forts particularismes provinciaux. Suivant une division naturelle, une ligne de partage constante oppose les parties occidentale et orientale de la Géorgie, que se disputent les grands empires de la région. C'est vers la fin du viie s. avant J.-C. qu'apparaissent les premières formations politiques qui peuvent être identifiées avec les tribus proto-géorgiennes.
L'essor du fabuleux royaume de Colchide (la Mingrélie et l'Imérétie actuelle, capitale Aea, aujourd'hui Koutaïssi), dont la richesse mythique donna sans doute naissance à la légende de la Toison d'or, coïncide presque avec celui de l'Empire achéménide perse et avec l'arrivée de colonisateurs grecs (originaires de Milet) sur la côte orientale de la mer Noire. Au iiie s. avant J.-C., après la mort d'Alexandre le Grand qui soumit les Géorgiens, le roi Pharnabaze (299-234 avant J.-C.), que la tradition fait descendre de l'ancêtre éponyme Karthlosi, réunit les provinces orientales de Karthli et de Kakhétie dans le royaume d'Ibérie (capitale Mtskheta). Colonisée par les Grecs de Milet, puis passée dans la sphère d'influence de Mithridate le Grand, roi du Pont, la Colchide (ou Lazique) est conquise avec l'Ibérie par Pompée (65 avant J.-C.) et passe ensuite dans la zone d'influence de Byzance, jusqu'à l'arrivée des Turcs. Au début du ive s., l'Ibérie passe sous le protectorat de la Perse sassanide, alors que la Colchide est un État client de Rome. Au siècle suivant, le roi Vakhtang Gorgaslani (ou Gorgasal) rend à la Géorgie sa souveraineté nationale, agrandit son royaume et transfère la capitale de Mtskheta à Tbilissi. Le Sassanide Khosrô Ier (531-579) met à bas la monarchie ; le pays est à nouveau l'objet des rivalités entre Byzance et la Perse jusqu'à la conquête arabe (vers 650).
Une christianisation précoce (début du ive s. par l'action de sainte Nino, esclave cappadocienne), une Église orthodoxe autocéphale et un alphabet propre (ve s.) cimentent l'identité nationale, avant l'unification au xie s. de la Colchide et de la Karthli-Kakhétie en un royaume de Sakartvelo – nom par lequel les Géorgiens désignent leur pays aujourd'hui – par une branche de la dynastie d'origine arménienne des Bagratides. Les Turcs Seldjoukides qui occupent Tbilissi en 1088 sont chassés par David III le Bâtisseur (1089-1125). Sous son règne et ceux de ses successeurs, dont la fameuse reine Thamar (1184-1213), fille de Georges III (1156-1184), la Géorgie devient l'État le plus puissant et le plus prospère du Caucase, étendant son autorité de Trébizonde à la Caspienne. Cet âge d'or, référence mythique jusqu'à nos jours, est interrompu par les invasions mongoles de Gengis Khan (1222) et Timur Lang (entre 1386 et 1403). Dévasté, désintégré en plusieurs royaumes et principautés, le pays est écartelé entre Ottomans et Persans jusqu'à la fin du xviiie s. La population alimente le commerce d'esclaves turcs ou est déportée en Iran, l'islam commence à s'implanter dans les provinces frontalières (Lazistan, Gourie [actuelle Adjarie], Abkhazie).
Après avoir cherché en vain une alliance avec l'Occident chrétien, le roi Iraqli II de Karthli-Kakhétie (1744-1798) place son pays sous protectorat russe (traité de Gueorguïevsk avec Catherine II, 1783), ce qui n'évitera pas à Tbilissi son dernier sac par les troupes iraniennes d'Agha Muhammad Chah Qadjar. En 1801, la Russie annexe purement et simplement ce royaume, puis toutes les terres géorgiennes : Imérétie (1811), Gourie (1828), Mingrélie (1857), Svanétie (1858), Abkhazie (1864), non sans se heurter à de nombreuses révoltes paysannes et nobiliaires, sévèrement réprimées ou neutralisées par l'intégration progressive de la noblesse géorgienne à celle de l'empire. À la suite des diverses guerres russo-turques, Poti et Batoumi sur la mer Noire, ainsi que les régions du Sud-Ouest sont encore rattachés à l'Empire tsariste. L'autocéphalie de l'Église géorgienne, ravalée au rang d'exarchat de l'Église orthodoxe russe, est abolie dès 1811 (l'autocéphalie ne sera rétablie formellement qu'en 1917, et reconnue par le Patriarcat œcuménique qu'en 1988).
Comme l'ensemble de la région, la Géorgie est découpée en plusieurs gouvernements qui ne tiennent pas compte des frontières ethniques. Elle est alors intégrée à la vice-royauté du Caucase (1844), dont Tbilissi est le siège (sous son nom persan de Tiflis, en usage jusqu'en 1917). Exilés politiques russes et premières générations d'étudiants en Russie ou en Europe y sont les vecteurs d'idées nouvelles qui, avec la langue, l'héritage littéraire, la tradition étatique et militaire, alimentent la conscience nationale, parallèlement aux débuts de la modernisation (chemins de fer) et de l'industrialisation. La société, essentiellement rurale, supporte mal la prolétarisation liée au développement industriel, et les élites, la pléthorique noblesse terrienne, paupérisée par la confiscation de ses terres au profit de l'Empire russe et par l'abolition du servage (1864-1871), manifeste son antagonisme envers la bourgeoisie citadine, incarnée par les Arméniens, majoritaires à Tbilissi. Les Géorgiens sont très actifs dans le mouvement social-démocrate russe. À la fin du xixe s., la politique de russification et de répression des revendications sociales ou nationales vise cependant l'ensemble des peuples.
En mars 1918, dans le contexte de la révolution russe et de l'éclatement de l'Empire tsariste, Tbilissi sera également la capitale de l'éphémère Fédération indépendante de Transcaucasie, avant la scission en trois républiques séparées. La Géorgie est la première à proclamer son indépendance, le 26 mai 1918. Le gouvernement, sous la présidence du menchevik Noé Jordania, essaie d'instaurer un régime parlementaire et d'appliquer un programme socialiste (nationalisations, réformes agraires). Des guerres frontalières pour le contrôle des régions méridionales d'Akhalkalaki, d'Akhaltsikhe et du Lori l'opposent à l'Arménie. Malgré la paix signée avec la Russie soviétique (7 mai 1920) et en janvier 1921 sa reconnaissance de jure par la Société des Nations (SDN), la Géorgie, lâchée par les Alliés, est envahie par l'Armée rouge le 16 février 1921. Ses anciens dirigeants mencheviks se réfugient à Paris, où ils constituent un gouvernement en exil. Après une dernière grande insurrection armée en 1924, brutalement réprimée, l'histoire de la Géorgie entre dans la chronologie de l'URSS.
Si elle supprime la souveraineté du pays, la soviétisation a pour effet de réunir les terres. Le traité soviéto-turc de Moscou (16 mars 1921) redonne à la Géorgie le port de Batoumi, cédé au traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), qui devient la capitale de l'Adjarie , organisée en république autonome. Elle sera d'ailleurs la seule entité territoriale instaurée sur une base religieuse et non ethno-linguistique en URSS. L'Abkhazie (capitale Soukhoumi), ravalée au rang de république autonome depuis 1931, et l'Ossétie du Sud (capitale Tskhinvali), avec un statut de Région autonome, lui sont aussi rattachées. Englobée dans la République fédérative de Transcaucasie (décembre 1922, capitale Tbilissi), la Géorgie devient une République socialiste soviétique en décembre 1936. Sous la direction du Mingrélien Lavrenti Beria, à la tête du parti de la République de 1931 à 1938 avant d'être nommé chef du NKVD de l'URSS, elle n'est pas épargnée par les purges staliniennes qui déciment l'intelligentsia nationale. Mais, en 1956, les violentes manifestations en réaction à la condamnation du « culte de la personnalité » et des crimes de Staline par le PCUS témoignent de l'ambivalence des sentiments que suscite cet illustre enfant du pays. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci avait revendiqué à la Turquie les territoires géorgiens cédés par le traité de Brest-Litovsk.
Ministre de l'Intérieur, puis chef du PC de 1972 à 1985, Edouard Chevardnadze s'emploie, en vain, à venir à bout de la corruption de cette république, parmi les plus prospères d'URSS, et à mettre au pas les dissidents, défenseurs de la langue et de l'Église nationales. En témoignent les manifestations de 1978 à Tbilissi pour le maintien du statut de langue officielle du géorgien dans la nouvelle Constitution soviétique. Durant cette période, c'est peut-être au travers de son cinéma que la Géorgie a le mieux démontré son originalité. En 1985, le film anti-stalinien Repentir de Tenguiz Abouladze amorce la nouvelle politique de glasnost en URSS.
Edouard Chevardnadze - Mikhaïl Saakachvili
La perestroïka réactive l'expression du nationalisme culturel géorgien, dès 1985-1986, dans la continuité du slogan « Langue, terre, religion » prôné par le prince Ilia Tchavtchavadze (1837-1907), chef de file des patriotes du siècle dernier dont se réclament les nombreux groupes informels. Sous l'égide du catholicos Ilia II (élu en 1977), cela se manifeste notamment par un fort renouveau orthodoxe, souvent accompagné d'intolérance envers les autres cultes, en particulier les religions non traditionnelles (Témoins de Jéhovah, etc.). Un mouvement écologiste fait aussi son apparition : mobilisation contre le projet de tunnel sous le Caucase ou pour la sauvegarde de la mer Noire. Les Géorgiens sont bientôt confrontés aux aspirations équivalentes de leurs minorités, en particulier aux revendications à l'émancipation des Abkhazes et des Ossètes, interprétées comme une manipulation de Moscou pour entraver leur accès à la souveraineté. D'où la volonté d'accélérer le processus d'indépendance pour conserver l'intégralité de leur territoire et des heurts sanglants avec les minorités, ces « hôtes ingrats » de la Géorgie.
Le 9 avril 1989, la répression d'une manifestation pacifique à Tbilissi par l'armée soviétique radicalise la population. Le bloc indépendantiste de la Table ronde, présidé par un ancien dissident, défenseur des droits de l'homme, Zviad Gamsakhourdia, fils d'un écrivain populaire, Konstantine Gamsakhourdia, remporte les premières élections législatives libres d'octobre 1990. Le 9 avril 1991, après le référendum du 31 mars, l'État indépendant et démocratique, aboli 70 ans auparavant par les bolcheviks, est restauré, avec tous ses symboles (drapeau, hymne, date-anniversaire de la création du 26 mai). Z. Gamsakhourdia est triomphalement élu à la première élection présidentielle au suffrage universel. L'émiettement politique (plus de 120 partis), la multiplication des milices paramilitaires, l'aggravation des tensions en Abkhazie et en Ossétie face à l'ultranationalisme de Z. Gamsakhourdia et le désenchantement rapide des Géorgiens devant ses méthodes dictatoriales aboutissent à une crise grave, accentuée par le « putsch » manqué de Moscou d'août 1991. Après plusieurs mois de guerre civile, Z. Gamsakhourdia est contraint à la fuite (janvier 1992). Jusqu'à son « suicide » (31 décembre 1993), s'appuyant sur sa légitimité institutionnelle et son fief natal de Mingrélie, et escomptant une alliance avec les peuples du Caucase (notamment les Tchétchènes), il n'avait pas renoncé à reprendre le pouvoir par les armes.
De retour à Tbilissi en mars 1992, en « homme providentiel » apte à sortir la Géorgie du chaos et de l'isolement, Edouard Chevarnadze, l'ancien chef du PC géorgien et de la diplomatie de l'URSS sous Mikhaïl Gorbatchev, obtient la reconnaissance internationale de son pays et son admission à l'ONU. Mais la ruine économique, l'insécurité des voies de communication vitales sous le feu des multiples milices armées et la menace de désintégration du pays après l'échec de sa guerre contre les indépendantistes abkhazes (14 août 1992-30 septembre 1993), avec pour conséquence l'exode massif des 250 000 Géorgiens de la région, le contraignent à revenir dans la sphère d'influence russe. En octobre 1993, il signe l'adhésion de la Géorgie à la Communauté des États indépendants (CEI) [ratifiée le 1er mars 1994]. Un traité d'amitié et de coopération avec la Russie (février 1994) prévoit la protection conjointe des frontières avec la Turquie et le maintien de trois bases militaires russes sur le territoire géorgien. En juin 1994, l'envoi de forces russes de maintien de la paix en Abkhazie, avec l'accord des parties en conflit et de l'ONU, avalise le rôle de « gendarme régional » de Moscou malgré les demandes de médiation de Tbilissi auprès de l'ONU et de l'OSCE. Depuis les accords de Sotchi de mai 1992, à l'issue des violents heurts de 1991-1992 qui ont mené au « nettoyage ethnique », les Russes participent aussi aux forces d'interposition mixtes en Ossétie du Sud.
Malgré l'élimination progressive des milices, le climat politique reste tendu et E. Chevardnadze échappe de justesse à plusieurs attentats. Il est réélu à la présidence de la République en novembre 1995 avec 70 % des voix, après l'adoption (17 octobre 1995) d'une Constitution instaurant un régime présidentiel fort, un parlement monocaméral, la séparation de l'Église et de l'État, la liberté de croyance, tout en posant le rôle particulier de l'Église nationale, au cœur de l'identité. La Constitution inclut, dans le territoire « unifié, indivisible » et « inviolable » de l'État géorgien, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud au statut controversé. Des tensions se font aussi jour dans les zones frontalières du Sud avec les Arméniens de Djavakhétie, les Azéris de Marneouli, ainsi qu'en Adjarie, fief d'Aslan Abachidze, descendant d'une ancienne dynastie princière locale et tenté par une plus grande autonomie. La Géorgie, qui affirme sa vocation européenne et a signé des accords de partenariat avec l'Union européenne, essaie de déployer une diplomatie multilatérale, en se rapprochant, entre autres, du Proche-Orient (Turquie, Israël, Iran). En 1997, la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et la Moldavie se regroupent au sein du GUAM, forum régional bientôt rejoint par l'Ouzbékistan et encouragé par les Occidentaux pour contrecarrer l'influence russe dans l'espace post-soviétique à travers les voies d'exportation du pétrole et du gaz de la Caspienne.
En l'absence d'alternative crédible, E. Chevardnadze est réélu, en avril 2000, au premier tour de l'élection présidentielle avec plus de 80 % des voix. Il met fin à l'anarchie, désarme les principales milices, tente de contrer le clanisme et de jeter les bases d'une vie politique pluraliste. L'hégémonie du parti présidentiel – l'Union des citoyens – et les fraudes électorales restent la règle. L'économie connaît, à partir de 1995, des signes d'amélioration, après des premières années de transition catastrophiques. L'inflation, qui dépassait les 8 000 %, retombe à 7 %, alors que la croissance s'envole. Pays essentiellement agricole, dépourvu de ressources minières et énergétiques, la Géorgie dépend, pour sa production industrielle, de l'énergie russe. L'importance démesurée de l'économie parallèle (60 % du PIB), de l'évasion fiscale et de la corruption constituent des freins majeurs au redressement économique d'un pays dont 52 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté en 2003.
Une corruption généralisée et l'impunité dont bénéficient divers dignitaires et milieux d'affaires contribuent à discréditer un pouvoir marqué par l'héritage soviétique et bientôt en concurrence avec une nouvelle génération d'élites formées en Occident. La victoire du bloc pro-présidentiel, « Pour une Géorgie nouvelle », aux élections législatives de novembre 2003 est fortement contestée par les principaux partis d'opposition dont le Mouvement national uni du président de l'Assemblée municipale de Tbilissi, Mikhaïl Saakachvili. Ce jeune juriste polyglotte, marié à une Néerlandaise, qui a fait ses études en Ukraine, aux États-Unis et en France, est un ancien proche de Chevardnadze dont il fut le ministre de la Justice (2000-2001) avant de démissionner avec fracas faute de ne pouvoir mener ses réformes contre la corruption. À l'issue de manifestations massives et de la prise d'assaut du Parlement par les opposants rose au poing, Chevardnadze, lâché par l'armée, doit démissionner (23 novembre 2003). Les présidentielles du 4 janvier 2004 plébiscite M. Saakachvili, candidat unique de l'opposition, dont l'élection avec plus de 96 % des voix atteste de l'enthousiasme pour cette « révolution des roses » pacifique dans le contexte des « révolutions de couleur » de l'ex-URSS (« révolution orange » en Ukraine, « révolution des tulipes » au Kirghizistan), dans lesquelles Moscou voit pour sa part la « main de Washington ». Le 28 mars 2004, le parti de M. Saakachvili emporte confortablement les législatives tout comme les municipales d'octobre 2006.
Cinq ans après, la politique et les résultats de M. Saakachvili apparaissent contrastés. Son premier décret (25 janvier 2004) remplace le drapeau tricolore de la première république indépendante de 1918-1921 par le drapeau à cinq croix de référence médiévale et chrétienne, hommage à la grandeur nationale du passé. Il s'engage dans une réforme de la police et la modernisation de l'armée avec l'appui des États-Unis. Il poursuit des réformes économiques d'orientation très libérale avec le souci de créer, au prix de la protection sociale, un environnement propice aux investissements étrangers qui ont afflué depuis 2003. La croissance rapide (10 % par an en moyenne), soutenue par une importante aide au développement du PNUD et des États-Unis, les rénovations urbaines et portuaires, les constructions de tubes, etc., n'a pas enrayé le fort taux de chômage et reste fragile du fait de l'inflation, de la dépendance énergétique – malgré une diversification des approvisionnements (Azerbaïdjan) –, de la structure de l'économie, essentiellement agricole (la moitié de la population active) dépendante de ses exportations vers le marché russe qui varient au gré des tensions politiques. La lutte contre la corruption a obtenu des résultats reconnus, mais variables selon les niveaux. L'opposition dénonce les inégalités accrues. L'immigration de travail en Russie concerne plus d'un million de personnes. Importante source de transferts financiers, elle a pour revers un autre moyen de pression de Moscou.
L'image de démocrate de celui que l'on appelle volontiers par son diminutif de « Micha » a été ternie par une certaine impulsivité, son autoritarisme, des pressions contre les médias et les opposants, la présidentialisation du régime. La mort accidentelle, en février 2005, du Premier ministre, Zourab Jvania, autre artisan, avec la présidente du Parlement, Nino Burjanadze, de la « révolution des roses », suscite des rumeurs. La dispersion violente des manifestations de masse de plusieurs mouvements d'opposition qui, en novembre 2007, demandent des législatives anticipées, l'affaiblisse encore. Après avoir instauré l'état d'urgence pendant une dizaine de jours, M. Saakachvili démissionne pour organiser des présidentielles anticipées qu'il emporte le 5 janvier 2008, avec 53 % des voix, contre son principal adversaire, Levan Gatchechiladze, non sans accusation de fraudes. Les législatives de mai 2008 (63 % des voix au Mouvement national uni) sont également contestées. Ses détracteurs mettent aussi en cause sa gestion des conflits avec les régions sécessionnistes.
Une des priorités de M. Saakachvili, dans la perspective d'achever la construction d'un État de droit, est de rétablir l'autorité de l'État central sur l'ensemble du territoire. Il réussit dans la république autonome d'Adjarie dont l'homme fort, Aslan Abachidze, est contraint à la démission (5 mai 2004), ainsi que dans les gorges de Kodori en écartant manu militari son préfet, Emzar Kvitsiani, resté proche de Chevardnadze (juillet 2006). Avec l'aide des autorités arméniennes, M. Saakachvili parvient à neutraliser les tensions dans la région à majorité arménienne de Djavakhétie. Il échoue en revanche en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Les négociations relatives au futur statut de l'Abkhazie et au retour des réfugiés géorgiens ne progressent pas et l'élection en janvier 2005 de Sergueï Bagapch conforte le courant indépendantiste. Les opérations de police contre l'Ossétie du Sud de l'été 2004, fortes du récent succès en Adjarie, radicalisent le président séparatiste ossète Edouard Kokoïty (élu en 2001). Après le rejet de la proposition géorgienne d'un statut d'autonomie élargie (janvier 2005), ce dernier organise, le 12 novembre 2006, un plébiscite en faveur de l'indépendance, non avalisé par la communauté internationale, et sa réélection à la présidence de l'Ossétie du Sud. Le même jour, Tbilissi fait élire un président dissident, Dimitri Sanakoyev, dans les zones de peuplement géorgien.
Après des mois d'escarmouches et de préparatifs militaires, l'intervention de l'armée géorgienne le 8 août 2008, qui bombarde la capitale Tskhinvali faisant des centaines de morts, déclenche une riposte massive de l'armée russe, au nom de la protection de ses ressortissants (nombre d'Ossètes ont reçu des passeports russes). Les troupes russes et les milices de Kokoïty chassent la population géorgienne encore présente et, prenant l'armée géorgienne à revers à partir de l'Abkhazie, déloge cette dernière des gorges de Kodori. Les deux camps s'accusent mutuellement de « crimes de guerre », de « génocide » et se rejettent la responsabilité de l'initiative de l'attaque. Les États-Unis condamnent l'usage disproportionné de la force par Moscou, mais nient avoir été informé et partisan de l'initiative de leur allié géorgien. Après le cessez-le-feu (12 août 2008) dans lequel s'est impliqué l'Union européenne (UE) sous la présidence française de Nicolas Sarkozy, la Russie, faisant valoir le précédent du Kosovo, reconnaît l'indépendance des deux territoires (décret présidentiel du 26 août 2008 au lendemain du vote de la Douma). Deux ans après, malgré la condamnation de la communauté internationale qui, hormis les présidents du Nicaragua, du Venezuela et le Hamas, n'a pas reconnu ces proclamations d'indépendance, le maintien de l'intégrité territoriale de la Géorgie apparaît compromis. En juin 2009, la Russie oppose son veto au renouvellement de la mission de l'UNOMIG en Abkhazie. M. Saakachvili sort affaibli de cette guerre désastreuse, à l'intérieur comme sur la scène internationale.
M. Saakachvili a repris les trois axes de la politique extérieure de son prédécesseur : rapprochement avec l'Occident et adhésion à l'OTAN, amélioration des relations avec la Russie et diplomatie régionale active avec une stratégie d'internationalisation du rôle de la Géorgie. La nomination de l'ambassadeur de France en Géorgie, Salomé Zourabichvili, au poste de ministre des Affaires étrangères de Géorgie (avril 2004-octobre 2005), avant qu'elle ne passe dans l'opposition, symbolise l'orientation pro-européenne réaffirmée comme priorité. Après l'inclusion de la Géorgie, aux côtés de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, dans la politique de nouveau voisinage de l'UE (14 juin 2004), le plan d'action respectif des trois pays du Sud-Caucase est finalement adopté le 14 novembre 2006. Avec des attitudes variables selon les États membres, l'UE cherche cependant à préserver un certain équilibre dans les tensions opposant la Géorgie à une Russie forte de sa domination énergétique. Elle s'est impliquée pour résoudre la crise russo-géorgienne de l'été 2008 et a condamné l'intervention russe mais sans prendre de sanctions contre Moscou. Elle a mis sur pied une mission d'observation en Géorgie dans les zones limitrophes de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie et participe au financement de reconstruction d'après-guerre (4,5 milliards de dollars). Le 7 mai 2009, au sommet de Prague de l'Union, la Géorgie fait partie – avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Moldavie, l'Ukraine et la Biélorussie, – des six pays invités à participer au nouveau Partenariat oriental destiné à approfondir les relations bilatérales. Au terme d'un processus entamé à la suite du conflit d'août 2008 avec la Russie, la Géorgie quitte la CEI le 18 août 2009.
Sous l'administration de George Walker Bush dont la visite en Géorgie (novembre 2005) a constitué un symbole fort de la volonté de rapprochement, les États-Unis ont entrepris une intégration croissante dans leur système de défense collective de ce pays stratégique aux marches de leur grand rival de la guerre froide comme du nouveau « Grand Jeu ». La Géorgie a ainsi bénéficié d'une importante augmentation de l'assistance financière (plus de 1,7 milliards de dollars depuis 1992 dans le cadre de divers programmes de réformes) et a signé des accords de coopération militaire. Le contingent géorgien dans la coalition en Iraq (2 000 soldats) est le 3e en nombre après celui des Américains et des Britanniques. Les États-Unis fournissent une assistance de sécurité bilatérale. La souscription de la Géorgie au Plan d'action individuel pour le partenariat (IPAP) de l'OTAN, en 2004, constitue la troisième et ultime étape avant l'adhésion à part entière à l'Alliance atlantique qu'elle sollicite. Après l'acceptation par le Conseil de l'Alliance d'un « dialogue intensifié » (21 septembre 2006) et au lendemain de l'expulsion spectaculaire de militaires russes accusés d'espionnage, Moscou réplique par diverses mesures de représailles : suspension des liaisons aériennes, ferroviaires, routières, maritimes et postales, embargo sur les importations, expulsion de résidents géorgiens. Quatre mois après le sommet de l'OTAN à Bucarest (3 avril 2008), où la France et l'Allemagne s'opposent aux États-Unis pour proposer un « plan d'action pour l'adhésion » à la Géorgie et à l'Ukraine, éclate le conflit autour de l'Ossétie. La contre-attaque de Moscou peut apparaître comme une revanche sur les empiétements des États-Unis et de l'Alliance atlantique dans son « pré carré » depuis la fin de l'URSS.
La Géorgie après Mikhaïl Saakachvili
En octobre 2012, la coalition de l’opposition, « le Rêve géorgien », dirigée par Bidzina Ivanichvili, remporte les élections législatives avec 85 sièges sur 150, mettant ainsi fin à neuf années de règne du Mouvement national uni du président M. Saakachvili. Une cohabitation à couteaux tirés commence entre ce dernier et le nouveau Premier ministre, un homme d’affaires ayant fait fortune en Russie et engagé tardivement dans la vie politique. Favorable à une normalisation des relations avec la Russie, le gouvernement entame en décembre les premiers pourparlers directs entre les deux pays depuis la rupture de 2008, un exercice difficile marqué par des gestes de bonne volonté de la part de la Géorgie qui conserve toutefois l’orientation proeuropéenne et atlantiste du précédent cabinet et exige toujours la restauration de son intégrité territoriale.
Si la réforme constitutionnelle privant le président du droit de nommer ou limoger un Premier ministre ou un membre du gouvernement sans l’accord du Parlement, est votée à l’unanimité en mars 2013, les tensions avec l’exécutif n’en sont pas moins vives. La responsabilité du chef de l'État dans le déclenchement de la guerre en Ossétie du Sud est ouvertement mise en cause tandis qu’une commission parlementaire est chargée d’enquêter sur les « crimes » commis lors de sa présidence. Parmi les premières personnes visées, l’ancien Premier ministre Vano Merabichvili est ainsi arrêté et inculpé de détournement de fonds en mai 2013, faisant craindre des règlements de compte à quelques mois de l’élection présidentielle.
Le 27 octobre, la très large victoire (62 % des voix) de Gueorgui Margvelachvili, allié du Premier ministre, clôt ainsi « l’ère Saakachvili ». Ayant annoncé qu’il se retirerait aussitôt cet objectif atteint, le Premier ministre B. Ivanichvili laisse son poste à son bras droit, le ministre de l’Intérieur Irakli Garibachvili, qui est confirmé par le Parlement. Le 29 novembre, à l’issue du sommet de Vilnius sur le « partenariat oriental », un accord d’association avec l’UE est paraphé ; il entre en vigueur en septembre 2014. L’impopularité croissante du gouvernement conduit cependant à la démission du Premier ministre, qui est remplacé par le ministre des Affaires étrangères Gueorgui Kvirikachvili en décembre 2015. Ce dernier s’engage à poursuivre dans la voie du rapprochement avec l’Union européenne tout en prônant une politique pragmatique à l’égard de la Russie.