Man on the Moon
Man on the Moon est un film anglo-germano-américano-japonais, réalisé par Miloš Forman et sorti en 1999. Enfant, dans les années 50, Andy Kaufman animait déjà des émissions imaginaires, pour son seul plaisir. Devenu adulte, il entreprend d'imiter Elvis dans un cabaret, tout en se faisant passer pour un réfugié d'Europe de l'Est. Contacté par l'agent George Shapiro, il abandonne son apparente modestie pour confesser sa plus chère ambition : conquérir le monde, ni plus ni moins. Après avoir chanté, sans trop convaincre, sur le plateau du célèbre show «Saturday Night Live», il s'impose dans la série comique «Taxi», où il incarne, il est vrai, son personnage fétiche de petit immigré. Ayant monté sa propre émission, il recrute un chanteur sans classe, Tony Clifton...
Man on the Moon de Miloš Forman
Fiche technique
- Titre : Man on the Moon
- Titre québécois : L'Homme sur la Lune
- Réalisation : Miloš Forman
- Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
- Musique : R.E.M.
- Production : Danny DeVito
- Distribution : États-Unis : Universal Pictures, Suisse romande : Elite
- Pays : États-Unis, Allemagne, Japon et Royaume-Uni
- Budget : 52 000 000 $
- Langue : anglais
- Durée : 118 minutes
- Genre : Comédie musicale
- Dates de sortie : États-Unis : 22 décembre 1999, Allemagne : 18 février 2000 à la Berlinale, Allemagne : 11 mai 2000 (sortie nationale), Suisse romande : 22 mars 2000, France : 15 mars 2000, Royaume-Uni : 5 mai 2000, Belgique : 10 mai 2000, Japon : 10 juin 2000
Distribution
- Jim Carrey (VF : Emmanuel Curtil) (VQ : Daniel Picard) : Andy Kaufman
- Danny DeVito (VF : Patrick Raynal) (VQ :Luis de Cespedes) : George Shapiro
- Courtney Love (VF : Marie Vincent) (VQ: Chantal Baril) : Lynne Marguiles
- Paul Giamatti (VF : Jean-Loup Horwitz) (VQ : Pierre Auger) : Bob Zmuda
- Vincent Schiavelli : Maynard Smith
- Peter Bonerz (VF : Bernard Tiphaine) : Ed Weinberger
- George Shapiro (VF : Pierre Baton) : M. Besserman
- Christopher Lloyd : Lui-même (en tant qu'acteur de la série Taxi)
- Jerry Lawler (VF : Bernard-Pierre Donnadieu) VQ : Benoit Rousseau) : Lui-même
- David Letterman (VF : Jean-Luc Kayser) : Lui-même
Genre : l'humour qui tue.
Comique très populaire aux Etats-Unis, Andy Kaufman a connu une carrière fulgurante : révélé en 1975, il meurt d'un cancer en 1984, à l'âge de 35 ans. Mort précoce. Mais pouvait-il en être autrement ? Le doute est permis lorsqu'on voit défiler son existence de forçat du rire. Agitateur pataphysique, farceur conceptuel, terroriste médiatique, Kaufman révolutionne le spectacle en jouant « contre » le public. En l'agressant, en refusant de lui offrir ce qu'il attend. Répéter un gag qui a marché est contraire à ses principes. Chaque prestation est un quitte ou double dramatique. Projet suicidaire pour cet homme qui se disait avant tout « sérieux ». Ce sérieux allait lui nuire. Après la grandeur vient le déclin, lorsque Kaufman voit peu à peu ses émissions supprimées.
Man on the Moon brûle sciemment les étapes, n'hésite pas à se montrer lacunaire sur la vie de ce bonhomme protéiforme. Le film montre Kaufman comme une énigme, une machine humaine qui s'emballe et prolifère. L'incapacité de se trouver, le sentiment d'imposture, l'imminence de la mort sont toujours en filigrane... Jim Carrey, grand admirateur de Kaufman, impressionne ici par sa capacité à changer de registre, de ton, d'accent dans la même phrase. Grâce à lui, Forman réalise un truc constamment sur le fil, ébouriffant sans chercher à être efficace, joyeux et morbide, transgressif et tranquille.
Pré-générique. Sur une petite scène, un grand type nous fixe avec un air ahuri. Silence. Puis il bredouille avec un accent indéterminé une plainte sur le film « idiot » qui va suivre et se propose de le raccourcir au plus vite. Il se penche sur un électrophone, lance la musique : un générique final défile alors à l'écran. « Voilà, le film est terminé. Ce n'est pas une blague. Partez ! » Il sort enfin du champ. Plus d'image, noir total. Noir qui perdure une bonne dizaine de secondes. Au cinéma, cela semble interminable. On hallucine. Soudain, le zozo passe une tête avant de revenir plein champ, soulagé, dit-il, « de s'être débarrassé de ceux qui ne le comprendraient pas ». Soufflant, non ?
Ce boute-en-train impudent auquel Jim Carrey prête son visage et son corps protéiforme s'appelait Andy Kaufman. Un type hors norme, inénarrable. De ceux que Milos Forman, friand de défis, aime justement raconter dans un style baroque. Après Mozart et Larry Flynt, voici de nouveau la biographie d'un « phénomène ». Comique extrêmement populaire aux Etats-Unis, Andy Kaufman a connu une carrière fulgurante : révélé en 1975, il meurt peu après, en 1984, d'un cancer du poumon, à l'âge de 35 ans. Mort précoce. Mais pouvait-il en être autrement ? Le doute est permis lorsqu'on voit défiler cette existence qui ressemble à celle d'un forçat. Un forçat du rire tragique.
En s'appuyant sur un scénario linéaire mais subtil de Scott Alexander et de Larry Karaszewski (déjà auteurs d'Ed Wood et de Larry Flynt), Milos Forman retrace les épisodes marquants de l'épopée scénique de ce clown étrange : ses premiers shows dans sa chambre d'enfant, où la petite soeur est mise à contribution, ses débuts au cabaret, sa carrière à la télévision, où il enchaîne sitcoms, one-man-show et matchs de catch contre des femmes ! On le voit la plupart du temps sur scène, on le voit aussi dans les coulisses élaborer ses sketchs avec son fidèle collaborateur, Bob Zmuda, et « traiter » avec son producteur, ange gardien financier qui le soutient, même quand son protégé va trop loin. Ce qui arrive souvent, car Kaufman n'est pas vraiment un comique. Qu'est-il alors ? Difficile à résumer : agitateur pataphysique, farceur conceptuel, terroriste médiatique, idiot génial... Tout cela, et plus encore.
Car Kaufman ne se contente pas de jongler avec les accents et les identités. Il a créé un double, un crooner minable et hargneux du nom de Tony Clifton, qui fait ses premières parties, puis une carrière séparée. A eux deux, ils génèrent une formidable pagaille. Ainsi, lors d'une émission télé, Kaufman provoque délibérément le brouillage de l'image, incitant l'Amérique entière à se lever pour cogner sur son poste. Gravement malade, il propose aux personnes de venir toucher son kyste (beurk !) en échange de 1 dollar. Enfin, il organise un concert au Carnegie Hall (salle fameuse de New York), où il fait croire au décès d'une vieille femme sur scène, puis, le spectacle fini, emmène le public en bus (2 800 personnes !) déguster du lait et des cookies !
Dérangeant et incontrôlable, tantôt hilarant, tantôt nul, Kaufman révolutionne le spectacle en jouant en quelque sorte « contre » le public. En l'agressant, en refusant de lui offrir ce qu'il attend. Répéter un gag qui avait marché était contraire à ses principes. On entrevoit du coup le caractère insensé de son geste : faire de chaque prestation une mise en danger, un quitte ou double dramatique. Projet suicidaire, digne de Sisyphe, pour cet homme qui se disait avant tout « sérieux ». Inutile de dire que ce sérieux allait lui nuire. Après la grandeur vient le déclin : Kaufman voit peu à peu ses émissions supprimées. Jusqu'à son rachat, lors du show triomphal au Carnegie Hall.
Sur la vie privée d'Andy Kaufman et sa liaison avec Lynne Margulies, Forman ne dit presque rien. Tout juste souligne-t-il sa pratique de la méditation transcendantale. Et, s'il évoque certains troubles (son obsession des mains propres), c'est en les suggérant de manière furtive. Il ne donne jamais d'explication à son comportement compulsif : la scène d'enfance cocasse où son père le sort de ses monologues solitaires et le force à jouer en public peut même apparaître comme une parodie d'éclairage psy. Man on the moon a l'intelligence d'aller vite, de brûler les étapes, voire d'être lacunaire. Certains ne manqueront pas de relever que le mystère reste épais, qu'on apprend finalement peu sur la vie du bonhomme. Mais c'est sans doute parce qu'il n'en avait pas, ou alors cent possibles.
La force du film est justement de brouiller la frontière entre la vie et la scène, de montrer Kaufman comme une énigme, une machine humaine qui s'emballe et prolifère tel un cancer. L'incapacité de se trouver, le sentiment d'imposture, l'imminence de la mort sont toujours en filigrane de ses prestations. Les supercheries de cette figure kafkaïenne finissent par contaminer la réalité elle-même. A l'hôpital, sa soeur ne croit pas à sa maladie, pense à un coup monté de plus. Sous les coups de boutoir de cet incorrigible Andy, la réalité est définitivement sujette à caution, au point que certains aujourd'hui le croient toujours vivant...
Le film doit bien sûr énormément à Jim Carrey, grand admirateur de Kaufman. Il impressionne par sa capacité à changer de registre, de ton, d'accent, dans la même phrase pour ainsi dire. A peine pense-t-on le cerner qu'il nous échappe. Inénarrable, disions-nous plus tôt. Au point que, lorsque vous racontez autour de vous les sketchs, vous sentez bien que la mayonnaise ne prend pas facilement, que vous frôlez le bide à votre tour. La raison en est simple : il faut le voir pour le croire, il faut les conditions du spectacle pour que l'art absurde de Kaufman puisse s'exprimer. Forman lui rend un bel hommage, en reprenant en quelque sorte le flambeau. Son film est constamment sur le fil, ébouriffant sans jamais chercher à être efficace, joyeux et morbide, transgressif et tranquille. Voilà un mégashow hollywoodien, mais ravagé de l'intérieur. Un show brillamment amputé de son business.