Loujkov Iouri
Iouri Mikhaïlovitch Loujkov, né le 21 septembre 1936 à Moscou (Russie, ex-Union soviétique) et mort le 10 décembre 2019 à Munich (Allemagne), est une personnalité politique russe. Il est maire de Moscou du 12 juin 1992 au 28 septembre 2010, date à laquelle il est démis de ses fonctions par le président russe Dmitri Medvedev.
Son père, Mikhaïl Andreïevitch Loujkov, était un menuisier originaire d'un petit village de l'oblast de Tver qui s'installa à Moscou dans les années 1930. Sa mère, Anna Petrovna, était originaire de Bachkirie.
De 1953 à 1958, Loujkov suit des études à l'Université d'État du pétrole et du gaz I.M. Goubkine à Moscou. De 1958 à 1964, il travaille comme chercheur à l'Institut de Recherche Scientifique sur le Plastique à Moscou. Il rejoint le Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) en 1968. Les vingt années suivantes, il travaille dans des projets d'automatisation de différents secteurs de l'industrie chimique (1964-1971 : chef de département du secteur automatisation, Comité d'État de Chimie ; 1971-1974 : chef de département des systèmes de gestion automatisé, Ministère de l'Industrie chimique de l'Union soviétique; 1974-1980 : directeur général, Bureau du Plan d'expériences d'Automatisation, ministère de l'Industrie chimique de l'Union soviétique; 1980-1986 : directeur général, Association scientifique industrielle Petrochemautomation).
En 1977, au début de sa carrière politique, il est membre du conseil municipal de la ville de Moscou (Mossovet). En 1987, il intègre l'organe exécutif du gouvernement de la ville de Moscou (Mosgorispolkom). Il occupe différents postes, généralement des fonctions d'adjoint au maire. En 1991, au cours des premières élections libres et ouvertes, Gavriil Popov est élu maire de Moscou. Popov n'était pas un homme politique expérimenté, mais un professeur d'université dont la popularité fut acquise grâce à ses discours pro-démocrates et ses différents écrits. Popov démissionne en juin 1992.
Loujkov, qui occupait la position de président du gouvernement de la ville de Moscou (c'est-à-dire l'organe exécutif du Conseil de la ville), est nommé maire par Boris Eltsine le 6 juin 1992. Loujkov jouissait alors d'un soutien plus important de la part de la population moscovite que Popov. Sa politique municipale consiste à donner aux personnes âgées les transports gratuits et à encourager fortement l'entrepreneuriat local. Il remporte trois autres mandats successifs. Ainsi, il est élu maire le 16 juin 1996 (emportant 95 % des suffrages), le 19 décembre 1999 (avec 69,9 % des suffrages) et le 7 décembre 2003 (avec 75 % des suffrages).
En 1998, au moment des problèmes politiques de Boris Eltsine, Loujkov forme un parti politique minoritaire, l’Otetchestvo (la « Patrie »), afin de participer à l’élection présidentielle. L'Otetchestvo bénéficie du soutien de beaucoup de personnalités politiques régionales puissantes. Par la suite, il put bénéficier d'un soutien encore plus important en fusionnant avec le parti Vsya Rossiïa (« Toute la Russie »). Ces deux partis forment l'Otetchestvo-Vsya Rossiïa. Beaucoup de politologues russes pensent alors que Loujkov et son nouvel allié et ancien Premier ministre Ievgueni Primakov, remplaceront Eltsine et son parti majoritaire à l'occasion des élections parlementaires et présidentielle programmées respectivement pour fin 1999 et milieu 2000.
Mais la chance de Loujkov tourne au moment où Boris Eltsine nomme Vladimir Poutine, Premier ministre (predsedatel) en août 1999. Quand il est nommé, Vladimir Poutine est alors inconnu. Les experts politiques russes expliquent que Poutine a pu rapidement bénéficier du soutien populaire grâce à son image de fermeté et son souci de l'ordre public appuyé et soutenu par les médias d'État, les alliés de la puissance publique et ceux qui avaient des intérêts économiques. Lors de la campagne difficile d'automne 1999 pour gagner la Douma, les ambitions politiques de Loujkov sont déçues quand l'Otetchestvo-Vsya Rossiïa donne l'investiture à Poutine pour l’élection présidentielle 2000, que celui-ci remporte. Après cet échec, Loujkov devient moins actif dans la vie politique fédérale.
Il interdit une Gay Pride dans sa ville parce qu'il considère que « l'homosexualité est contre nature », voire « satanique ». Le 28 septembre 2010, il est suspendu de ses fonctions de maire par un décret du président Medvedev. Le quotidien Novye Izvestia qualifie cet événement d'« événement unique dans la vie politique russe ». Vladimir Poutine, alors Premier ministre réagit en déclarant : « Loujkov a beaucoup fait pour le développement de Moscou, et il est reconnu comme un personnage clé de la Russie contemporaine. Mais il est évident que les relations du maire de Moscou avec le président ne fonctionnaient pas. Or, le maire est un subordonné du président et non l’inverse, donc il fallait prendre à temps des mesures indispensables pour normaliser cette situation ».
À la suite de sa révocation, il quitte le parti Russie unie, dont il était jusqu'alors vice-président du conseil supérieur, organe de direction du parti. Dès lors relativement discret sur le plan politique et médiatique, il meurt en 2019 lors d'une opération du cœur en Allemagne.
Loujkov s'est marié avec sa première femme, Marina Bachilova, en 1958 dont il a eu deux fils, Mikhaïl et Alexandre. Bachilova est morte d'un cancer du foie en 1989. Il s'est remarié avec Elena Batourina en 1991. Ils ont eu deux filles, Elena, née en 1992 et Olga, née en 1994. Loujkov apparaît souvent en public à l'occasion de différents festivals et de célébrations et il est un ardent promoteur de sa ville. Ses hobbies sont le tennis et l'apiculture. Son intérêt pour l'exercice physique est réputé, aussi une statue du maire en tenue de tennis fut érigée récemment en son honneur dans un parc de Moscou.
Dans l'ex-Union soviétique chaque citoyen devait obtenir une autorisation pour s'installer dans certaines agglomérations, comme Moscou, le gouvernement voulant limiter l'afflux vers les grandes villes. Après la chute du communisme, la Constitution de la Fédération de Russie accorda la liberté de circuler aux citoyens russes. Loujkov restreint ce droit en instaurant une politique d'enregistrement des citadins, une mesure illégale et anticonstitutionnelle qui s'opposait à l'article 27 déclarant : « Quiconque se trouve légalement sur le territoire de la Fédération de Russie a le droit à la liberté de circulation, au choix du lieu de séjour et de résidence ».
Pour se justifier, il avança que le développement des infrastructures de la ville de Moscou ne pouvait pas suivre le rythme d'une croissance démographique galopante. Durant cette période des enregistrements, les résidents non recensés ne pouvaient pas trouver légalement un emploi et étaient régulièrement harcelés par la police. La police de Moscou pouvait arrêter n'importe quel individu sans aucune raison et exiger de la personne qu'elle présente sa carte d'identité. Après une longue lutte entre les avocats de Loujkov et l'État, la Cour suprême et la Cour de justice Constitutionnelle exigèrent que certaines des restrictions les plus dures soient retirées et que la procédure d'enregistrement soit simplifiée. Maintenant, un moscovite peut passer 90 jours à Moscou sans qu'il lui soit nécessaire de se faire enregistrer.
Loujkov fut accusé par des agents de l'État d'avoir illégalement privatisé une partie du patrimoine de la ville de Moscou pour le compte d'hommes d'affaires russes fortunés, notamment les milliardaires Vladimir Goussinski et Vladimir Ievtouchenkov. La presse russe et étrangère déclara que l'entreprise de constructions et de fournitures de la femme de Loujkov, Elena Batourina, avait obtenu illégalement un grand nombre de marchés publics très lucratifs et lancés par la ville de Moscou. Sa compagnie accumula un capital de plus de 1,4 milliard de dollars.
Mikhaïl Gorbatchev, ancien président de l'ex-Union soviétique, a dénoncé dans la presse la possible corruption criminelle d'Eltsine, de Loujkov et d'autres fonctionnaires. La corruption de Loujkov n'a jamais été prouvée et il se présente même comme un combattant de la corruption. Au Congrès du parti Russie unie qui se tenait à Moscou en novembre 2005 il a déclaré : « La corruption est un inconvénient et notre tâche est de lutter contre cela. Il est nécessaire de changer notre façon de combattre la corruption ; cela ne concerne pas seulement la corruption rattachée aux grandes quantités d'argent, mais aussi la petite corruption ».