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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

Blanchard Maurice

Maurice Blanchard, né à Montdidier le 14 avril 1890 et mort dans la même ville le 19 mars 1960, était un ingénieur en aéronautique et poète lié au surréalisme. Enfant unique, il vit avec sa mère abandonnée par son père dès sa naissance. De cette période, il dira ne se souvenir d’aucune marque de tendresse et en gardera une profonde blessure qui le marquera toute sa vie. Excellent élève à l'école, c'est à cause de son existence misérable que sa mère, contre l’avis de son instituteur, l’engage à douze ans comme apprenti serrurier. De seize à dix-huit ans, il travaille à Paris dans ce qu’il appellera « le bagne industriel ».

La lecture d'une pensée de Nietzsche donne un sens à sa vie : « C’est seulement si le savoir n’est pas une occupation, mais la révélation de l’être à la volonté première de savoir, qu’il vaut la peine d’avoir du courage ». En 1907, il fuit cette vie « d’esclave » en partant à pied pour Toulon (Var) afin de s’engager pour cinq ans dans la marine. Ce voyage est une rupture avec tout ce que représente son enfance. Durant la période de son engagement, jusqu'en 1917, il ne pense qu’à s’instruire et donner libre cours à sa curiosité dévorante, à sa soif d’apprendre. « De dix-neuf à vingt-deux ans, crise indescriptible, boulimie de toutes les connaissances, digéré des cailloux, rattrapé la file des garçons instruits. Dans les doubles fonds, à la lumière des quinquets ».

Durant la Première Guerre mondiale, il est pilote de l’escadrille de Dunkerque dont il sera l'un des rares rescapés. Grâce à un travail d'autodidacte acharné, il accède aux mathématiques et à la physique de très haut niveau. Il se prend de passion pour la philosophie (lecture des philosophes anciens et modernes et des textes religieux fondamentaux), allant jusqu'à apprendre le Grec ancien et le latin. Il apprend également l’anglais pour lire Shakespeare, dont il traduira plusieurs sonnets et l’italien pour lire Dante. En 1917, il est reçu premier à l’École des ingénieurs mécaniciens de la Marine. Il remporte également un appel d’offre lancé par les forces alliées pour la construction d’un hydravion de haute mer. Il conçoit l'hydravion GL-300 pour le constructeur Georges Lévy.

En 1919, après sa démobilisation, il est engagé comme ingénieur aéronaute dans une filiale du constructeur Farman. Il se marie avec Isabelle Rappaz. Ils auront deux fils : Maurice, né en 1920, et Jean, né en 1921. Il exerce son métier d’ingénieur jusqu’en 1955 dans différentes entreprises de construction aéronautiques. De 1922 à 1930, il travaille avec Louis Blériot. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fait partie du réseau de résistance Brutus. Pour ce réseau, il est en mission de 1942 à 1944 en tant que chef des calculs dans les bureaux parisiens de la firme allemande Junkers (période au cours de laquelle il rédigera son journal). Le 10 octobre 1945 il reçoit à ce titre la Croix de guerre. Il prend sa retraite d’ingénieur en 1955.

En 1927, la lecture d’une page de Paul Éluard à la devanture de la librairie José Corti lui révèle la poésie surréaliste. Tout change avec cette découverte : « À partir de trente-sept ans, écrit des poèmes pour guérir. L’ont sauvé. Instinct des bêtes sauvages, choisissant l’herbe qu’il faut. A publié sept ans plus tard. Touché par la grande libération du surréalisme. Tout est permis. Toutes les graines ont leur chance, et un jour la graine de l’arbre chanteur germera. Tout est possible, condition du progrès. Mort à l’État. » Il est reconnu comme un pair par Éluard, Joë Bousquet et René Char qui lui dédie un poème du recueil Le Marteau sans maître : « les Observateurs et les rêveurs », et devient un ami proche.

Durant l'occupation, il apporte son concours aux publications clandestines de «La Main à plume » que dirigent Noël Arnaud et Jean-François Chabrun et qui poursuivent l’aventure du surréalisme. Dans ses écrits, Maurice Blanchard tente de cicatriser sinon refermer les blessures de son enfance : « Ce fut un enfant abandonné sur un fagot d’épines. Ce fut un adolescent sans espoir et sans lumière. Ce fut une taupe dans un royaume souterrain et la terre lui fut un refuge contre la bassesse du ciel [...] le monde hostile de mon enfance devint ma nourriture coutumière. »

La révolte également est au cœur des engagements : « De dures, de très silencieuses années ont fait mûrir les poisons de mon cerveau [...] Pour insulter les puissants, il construisit un silence noir et givrant qui lui ouvrit les portes de l’enfer [...] Vivre, c’est la guerre avec les trolls sous la voûte du cœur et du cerveau, la naissance, c’est la guillotine. » La sensibilité affleure constamment : « J’ai tant aimé l’avenir, j’ai tant souffert [..] la vengeance en lame de sabre ».

Il affiche sa liberté intraitable, hautaine, combattante et qui ne plie jamais : « Qu'un pouvoir hostile se lève, fût-ce à l’extrême lisière de mon domaine, je fonce pour le terrasser avant qu’il n’ait fini de bâiller. La peur vous gèle ? La peur m’embrase. Mes escarboucles s’enflamment à l’oxygène de la lutte ; au moment où je frapperai, à la suprême jouissance de la haine, elles cracheront leur rouge encens. Et il vous faudra vos mains d’esclaves pour traîner de la pitié à pleines brouettées ! [...] Le poète n’est rien, c’est ce qu’il cherche qui est tout. »

Ses lecteurs seront surtout des poètes, comme René Char qui écrit de lui dans une lettre à Marcel Béalu : « Blanchard le véloce, le discret, le noueux, le bleuté, le déchirant Blanchard… », ou Noël Arnaud, l’« Avenir du Surréalisme » en 1945 : « Aujourd’hui, le soleil s’est levé sur le jour de Maurice Blanchard. Aujourd’hui encore, vous auriez pu rencontrer le plus pur des poètes de ce temps. Il est à ce temps ce que l’heure qui vient est à l’heure qu’il est. »

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