Feuerwerker David

Publié le par rodney42

Feuerwerker DavidDavid Feuerwerker, né le 2 octobre 1912 à Genève et mort le 20 juin 1980 à Montréal, est un rabbin et professeur d’histoire juive français. David Feuerwerker est né à Genève, 11 rue du Mont-Blanc, dans une famille juive nombreuse (il est le septième d’une famille de onze enfants).

Son père Jacob Feuerwerker est natif de Sighet, une petite ville de Transsylvanie (actuellement en Roumanie), rendue célèbre par les livres d’Elie Wiesel, qui en est également originaire. Sa mère Regina Neufeld est née à Lakenbach, une des fameuses sept communautés juives ["Sheva Kehillos"] dans le Burgenland, terre autrefois hongroise, actuellement en Autriche.

Il fait ses études au Talmud Torah de la rue Vauquelin, à Paris, terminant en 1925. Après un baccalauréat de sciences, lettres et philosophie, également obtenu à Paris, il entre en 1932 à l’École rabbinique de France (SIF), où il devient rabbin le 1er octobre 1937. Il poursuit parallèlement des études de Langues sémitiques anciennes à la Sorbonne, parmi lesquelles l’araméen et le syriaque.

Effectuant son service militaire en Alsace du 15 octobre 1937 au 1er septembre 1939, il n’est pas démobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale. Il sera chef des transmissions d’un groupe d’artillerie du 12e R.A.D. (Régiment d'Artillerie Divisionnaire) et Aumônier de la 87e D.I.A. Sa bravoure et le soutien moral qu’il procure aux troupes lui valent la Croix de guerre avec étoile de Bronze.
Démobilisé à Châteauroux le 25 juillet 1940, il reçoit une deuxième citation pour la Croix de guerre (1939-1945), à l’Ordre de l’Armée, avec palme.

Il est ensuite nommé rabbin pour les départements français de la Corrèze, de la Creuse et du Lot, et basé à Brive-la-Gaillarde. Il demeure Villa du Mont-Blanc, avenue Turgot, à Brive, et y crée son premier cercle d’études. La population juive comprend alors de nombreux réfugiés, incluant un large segment provenant d’Alsace et d’autres régions occupées par l’envahisseur nazi. Il aide nombre d'entre eux à trouver un pays de refuge, le plus souvent Cuba, avec l'aide de la plus ancienne agence s'occupant de réfugiés aux États-Unis, la HIAS. Lui-même ne songe pas à quitter le pays, au vu de ses responsabilités envers la communauté. Il réussit également à libérer nombre de détenus dans les camps de transit, dont le camp de Gurs.

Parallèlement à ses activités communautaires, David Feuerwerker se joint à Edmond Michelet, chef du mouvement de Résistance intérieure française Combat. Il fournira de nombreux faux papiers aux résistants. Son nom de guerre est Jacques Portal. Six mois avant la fin de la guerre, les Allemands finissent par se douter du rôle joué par le rabbin de Brive dans la résistance. Cependant celui-ci, après avoir reçu l’information fiable qu’il est sur la liste d’arrestation de la Gestapo, décide de prendre les devants, et prend la décision difficile, en accord avec son épouse Antoinette Feuerwerker, de quitter Brive seul pour la seule destination possible, la Suisse.

C’est Antoinette qui obtient de Jacques Soustelle, alors dirigeant de la Résistance, la filière pour le passage clandestin vers l’état neutre, qui se fera à Divonne-les-Bains. Arrivé en Suisse, dans sa ville natale de Genève, David Feuerwerker est emprisonné par les autorités suisses, mais sa vie n’est plus en danger immédiat. Le médecin d’enfants à l’OSE, Gaston Lévy (1902-1990) témoigne de l’aide apportée par le rabbin Feuerwerker en ce temps : La communauté juive de Genève avait été avertie par l’OSE de la présence d’un pédiatre parisien à Champel [camp d’accueil de réfugiés en Suisse].

Elle mit d’urgence à ma disposition beaucoup de fortifiants pour les enfants. En plus elle m’envoya le rabbin Feuerwerker que je connaissais bien de Paris et qui était lui-même réfugié à Genève dans sa propre famille, pour voir ce qu’on pourrait faire en plus pour ces enfants. Nous avons décidé de profiter d’un Oneg Shabath que le rabbin allait organiser au Bout du Monde pour faire défiler les enfants devant mon œil de pédiatre, et reconnaître parmi eux les plus déficients. Parmi ces enfants il y en avait beaucoup que je connaissais de nos homes en France. Je savais qu’ils étaient biens nourris mais qu’ils couchaient dans des conditions fort primitives. Un temps merveilleusement chaud du mois de juin permettait de ne pas se faire des soucis sur ce dernier point [...].

Après la guerre, ayant reçu la Croix du combattant volontaire 1939-1945 et la Médaille Commémorative de la Guerre 1939-45 avec barrette France, David Feuerwerker est fait chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire. Dès la libération de Lyon en 1944, à laquelle il participe en tant que Capitaine-Aumônier des Forces françaises de l'intérieur, le rabbin entreprend de rebâtir la communauté juive lyonnaise et, plus généralement française. Il retrouve également son épouse, restée clandestinement en France les six derniers mois de la guerre, et leur jeune fille, Atara. Devenu grand-rabbin de Lyon à la Libération, il est également Capitaine-Aumônier de la Place de Lyon et de la Division Alpine (27e brigade d’infanterie de montagne). Il intervient à la cérémonie commémorant la Libération de Lyon, sur la place Bellecour.

Dès son arrivée a Lyon, il abolit l'usage de l'orgue le Shabbat et les jours de fêtes, à la Grande synagogue de Lyon. Dans le cadre de ses activités, il est en relation avec l’ancien Président du Conseil et maire de Lyon, Édouard Herriot ainsi qu’avec le Primat des Gaules, le Cardinal Pierre Gerlier. Ce dernier recevra à titre posthume la médaille de Juste parmi les nations du Yad Vashem à Jérusalem, Israël, le 15 juillet 1980. Il publie à Lyon le premier hebdomadaire juif depuis la guerre, appelé l’Unité.

En 1946, David Feuerwerker est élu rabbin à Neuilly-sur-Seine. Il y crée un cercle d’études, au 12 rue Ancelle. C’est au cours de cette période que son épouse participe à la collecte de l’argent destiné au bateau l’Exodus, qui doit emmener clandestinement en Palestine mandataire des Juifs, pour la plupart survivants de la Shoah. David Feuerwerker n’y a cependant pris aucune part, et l’argent était caché, à son insu, par son épouse, sous son lit, car personne ne viendrait à le soupçonner.

En 1948 il devient rabbin de la grande synagogue parisienne, la Synagogue de la rue des Tournelles. Le cercle d’études qu’il anime au 14 place des Vosges, attire de nombreux, et prestigieux, participants, parmi lesquels : Raymond Aron, Robert Aron, Henri Baruk, le père Marie-Benoît, Jean Cassou, Georges Duhamel, Marcel Dunan, Edmond Fleg, Henri Hertz, Vladimir Jankélévitch, l’amiral Louis-Lazare Kahn, Joseph Kessel, Jacques Madaule, Arnold Mandel, Szolem Mandelbrojt, François Mauriac, André Maurois, Edmond Michelet, Pierre Morhange, François Perroux, le père Michel Riquet, Pierre-Maxime Schuhl (1902-1984), André Spire, Jean Wahl, et bien d’autres.

Roger Berg écrit en 1992 sur le Cercle d'Études du Marais: "Quelque temps après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et avant l'irruption de la télévision dans les foyers, des cercles d'études se créèrent un peu partout, dont le plus prestigieux fut le Cercle du Marais de David Feuerwerker." Les séances du Cercle d’Études du Marais avaient pour formule: un conférencier de renom invité, un compte rendu de livre récent, une partie musicale (chant, piano), et la disponibilité d’une bibliothèque. Il introduit l’hébreu comme langue étrangère au baccalauréat, en 1954, et est l’examinateur pour la ville de Paris. Parmi ceux qui se font examiner par lui, figure Haïm Brezis, le futur membre de l’Académie des sciences (France) et de la National Academy of Sciences (U.S.A).

En diverses occasions, il est fait appel à ses qualités d’orateur. Il participe ainsi, régulièrement, à la commémoration annuelle au Mémorial du Martyr Juif Inconnu, en présence des autorités civiles et militaires, réalise l’oraison funèbre du grand-rabbin Samuel Jacob Rubinstein (le seul discours fait en français pour le rabbin de la synagogue de la rue Pavée à Paris), et celui des parents de Pierre Mendès France, l’ancien Président du Conseil, dont il fut proche. Il fait aussi plusieurs sermons à la Grande Synagogue de Paris rue de la Victoire dans le 9e arrondissement de Paris.

Il contribue à la commémoration sur le site du camp de Drancy. David Feuerwerker est en outre directeur de l’instruction religieuse (Paris, 1952), et vice-président du Conseil pour l’Education et la Culture Juive en France (CECJF) (1953). Le 23 décembre 1956, la communauté juive de France lui rend hommage, à l’occasion de sa vingtième année de rabbinat et de la deux cent cinquantième séance du Cercle d’Études du Marais, pour « honorer le guide et le maître dont l’activité est féconde et efficiente pour la communauté juive de France. » La Ville de Paris, et en son nom, le Bureau du Conseil Municipal, en sa séance du 14 décembre 1957, lui décerne la grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris.

Parallèlement à ses activités de rabbin, il crée la fonction d’aumônier général dans la Marine nationale française. Il effectue à ce titre des missions en Algérie et en Tunisie (à la base navale de Bizerte), et représente la Marine nationale à des Congrès internationaux à Amsterdam en Hollande et à Milan en Italie. Il officie également comme aumônier de prisons, notamment à La Petite Roquette, dans les lycées (Lycée Henri-IV, Lycée Fénelon) et les hôpitaux (l’Hôtel-Dieu de Paris).

En 1963, le général de Gaulle le nomme officier de la Légion d'honneur pour son travail au sein de la Marine nationale. La médaille lui est remise au Ministère de la Marine, Place de la Concorde, par l’amiral Georges Cabanier, Compagnon de la Libération, chef d'état-major de la marine (1960-1968). Le doyen des poètes français André Spire avait tenu à assister à cette cérémonie. L’amiral Louis Kahn, président du Consistoire central et les frères André et Simon Schwartzenberg, pères de Roger-Gérard Schwartzenberg et de Léon Schwartzenberg, assistèrent également à la cérémonie. Il obtient une licence ès lettres et un doctorat d’histoire de la Sorbonne, et intègre la VIe section de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) de 1962 à 1965. Parmi ses nombreuses communications, notons celles données à la Société de l’Histoire de Paris, ou à l’Institut Napoléon de Paris. Il publie des articles, notamment dans la Revue des Annales, Évidences, le Bulletin de nos communautés, et le Journal des communautés.

Après la guerre du Sinaï et la Crise du canal de Suez (en 1956), il représente La communauté juive de France à une cérémonie sous l’Arc de triomphe de l'Étoile lors de la visite de Moshe Dayan en France. Il se lia d’amitié et donna refuge à Aimé Pallière (1868-1949), considéré comme le Noahide (Lois noahides) par excellence. Il devint le Rabbin de la Synagogue du 15 rue Chasseloup-Laubat (Synagogue Chasseloup-Laubat), à Paris XVe. En 1966, il émigre avec sa famille (six enfants: Atara, Natania, Elie, Hillel, Emmanuel, et Benjamine) à Montréal, au Canada. Il demeure au 5583 avenue Woodbury à Montréal, à quelques pas de l’Université de Montréal. Son voisin de l’avenue Woodbury, René Lévesque, futur premier ministre du Québec, lui rendra hommage en son nom personnel et au nom du gouvernement du Québec, à son décès.

Il devient professeur de sociologie à l’Université de Montréal, de 1966 à 1968, et il crée dans cette université le département des études juives. Il devient juge à la Cour rabbinique de Montréal (Beth din) et membre du Vaad Hair (Conseil de la Communauté Juive de Montréal), aux côtés du Grand Rabbin de Montréal Pinchas Hirschprung (1912-1999). Il introduit le Rabbin Moshe Feinstein (1895-1986), l’autorité halachique (lois religieuses) de son temps, au maire de Montréal, Jean Drapeau, à l’Hôtel de ville de Montréal. Il est l’éditeur des pages françaises du Journal "Voice of the Vaad", la "Voix du Conseil". Pour son livre sur l’émancipation des juifs en France, l’Émancipation des Juifs en France. De l’Ancien Régime à la fin du Second Empire (Albin Michel, Paris, 1976), devenu un classique, et qui continue année après année à être cité, il reçoit le Prix Broquette-Gonin d’histoire de l’Académie française. À sa parution, un compte rendu figure en première page du journal Le Monde.

Il participe à de nombreux programmes de radio et de télévision en France et au Canada, est consulté comme expert, et donne de nombreuses conférences. Il porte un intérêt particulier à la musique juive. Il organise la venue du célèbre Hazzan Moshe Koussevitzky à la Synagogue de la rue des Tournelles. Il participe à diverses reprises à l’émission "la Musique des nations", animée par Alain Stanké à Radio-Canada. Il est mort à Montréal le 20 juin 1980 et a été enterré à Sanhedria, à Jérusalem, Israël.

Publié dans Résistants

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