Karol Józef Wojtyła, né le 18 mai 1920 à Wadowice (Pologne) et mort le 2 avril 2005 au Vatican, est un prêtre polonais, évêque puis archevêque de Cracovie, cardinal, élu pour être le 264e pape de l’Église catholique le 16 octobre 1978 sous le nom de Jean-Paul II (en latin Ioannes Paulus II, en italien Giovanni Paolo II, en polonais Jan Paweł II). Il est appelé saint Jean-Paul II par les catholiques depuis sa canonisation en 2014. Étudiant polonais en philologie, il joue dans un groupe de théâtre antinazi et entre au séminaire clandestin en 1942. Ordonné prêtre en 1946 en Pologne communiste, il est envoyé pour des études à Rome, et de retour en Pologne, affecté auprès de la jeunesse à partir de 1949. Après sa thèse sur l'amour, particulièrement conjugal, il est nommé à l'université par le cardinal Sapieha. Il devient, en 1958, le plus jeune évêque polonais et s'oppose au matérialisme communiste, notamment en faisant construire une église à Nowa Huta, malgré l'opposition du pouvoir. Pendant Vatican II, sa maîtrise des langues et de la théologie en font le porte-parole de l'épiscopat polonais, ce qui le fait remarquer par le futur Paul VI.
Archevêque, puis cardinal en 1967 (le plus jeune), il se fait l'avocat des ouvriers face au régime communiste, défendant les droits de l'homme. S'intégrant à la Curie sous le pontificat de Paul VI, il reçoit des voix lors du conclave d'août 1978. À l'issue du conclave d'octobre 1978, qui fait suite à la mort subite de Jean-Paul Ier, il est élu, sur proposition du cardinal König. C’est le premier pape non italien depuis le pape néerlandais Adrien VI en 1522, ainsi que le premier pape polonais et slave de l’histoire du catholicisme. En tant que pape, il s'oppose à l'idéologie communiste et par son action, notamment en Pologne, favorise la chute du bloc de l'Est. Sa volonté de défense de la dignité humaine le conduit à promouvoir les droits de l’homme, tant que cela concerne les pays communistes. Il améliore sensiblement les relations du catholicisme avec les juifs, les orthodoxes, les anglicans et les musulmans.
Il est à l’origine de la première réunion internationale inter-religieuse d’Assise en 1986, réunissant plus de 194 chefs de religion. Son pontificat (26 ans, 5 mois et 18 jours) est à ce jour le troisième plus long de l’histoire catholique après ceux de saint Pierre (37 ou 34 ans selon la tradition, non documentée) et Pie IX (31 ans et 8 mois). Il a parcouru plus de 129 pays pendant son pontificat, plus de cinq cents millions de personnes ayant pu le voir durant cette période, et institué de grands rassemblements, comme les Journées mondiales de la jeunesse. Il a béatifié 1 340 personnes et canonisé 483 saints, soit plus que pendant les cinq siècles précédents. Jean-Paul II est généralement considéré comme l’un des meneurs politiques les plus influents du XXe siècle. Plus encore, il est présenté de plus en plus comme le modèle de la nouvelle évangélisation, portée par l'ensemble de sa vision pastorale et incarnée jusque dans sa sainteté de vie. Béatifié en 2011 par son successeur le pape Benoît XVI, puis canonisé par le pape François en 2014, il est considéré comme saint par l'Église catholique et est fêté le 22 octobre, date de son intronisation pontificale.
Pape de l'Église catholique romaine, l'archevêque de Cracovie, Karol Wojtyła, élu le 16 octobre 1978, succède, sous le nom de Jean-Paul II, à Jean-Paul Ier, mort subitement le 28 septembre après un pontificat de trente-trois jours seulement. Cette élection est pour l'opinion une surprise. D'une part, en effet, c'est la première fois depuis Adrien VI (originaire d'Utrecht et pape en 1522 et 1523) que la charge de souverain pontife est confiée à un cardinal qui n'est pas italien. D'autre part, le nouveau pape, qui n'a jamais appartenu à la curie romaine, est un pasteur venu d'un pays de l'Est européen, la Pologne, qui, profondément attachée au catholicisme traditionnel, trouve insupportable le joug du communisme soviétique. Le message que délivre d'emblée Jean-Paul II, la vitalité qu'il déploie dans l'exercice de sa charge, sa capacité charismatique à mobiliser les foules et à raviver, même lorsqu'elles sont devenues chancelantes, les références à l'identité chrétienne, la longueur même de son pontificat font de lui un des très grands papes de l'époque contemporaine.
Karol Wojtyła naît le 18 mai 1920 à Wadowice, bourg proche de Cracovie, alors que la Pologne vient de retrouver sa place sur la carte de l'Europe après en avoir disparu depuis plus d'un siècle. Dès son entrée au lycée, il se passionne pour le théâtre, sous l'influence de Mieczysław Kotłarczyk, qui le soutiendra longtemps dans cette voie. À l'université Jagellon de Cracovie, il s'adonne, en même temps qu'au théâtre et à la poésie, à l'étude de la langue et de la littérature polonaises, ainsi qu'à celle du russe, de l'allemand, du français et de l'espagnol. En 1940, les Allemands exigeant de tout Polonais qu'il exerce un métier, Karol Wojtyła en trouve un dans une carrière de pierre, puis à l'usine Solvay de Cracovie. C'est au cours de cette sombre période, en 1942, qu'il déclare un jour à un ami : « J'ai décidé de devenir prêtre. »
Les séminaires étant alors interdits, il s'y prépare dans la clandestinité, sous la tutelle, qui ne lui fera jamais défaut, de l'archevêque de Cracovie, Adam Sapieha. Ce dernier l'ordonne prêtre le 1er novembre 1946 et l'envoie étudier la théologie à Rome chez les dominicains de l'Angelicum, où il soutiendra une thèse de doctorat sur la Doctrine de la foi chez saint Jean de la Croix. À son retour, il est nommé curé d'une petite paroisse, Niegowic, puis de Saint-Florian à Cracovie, que fréquentent des intellectuels et des étudiants. Parallèlement à cette charge, il enseigne comme assistant à l'université et défend une thèse de philosophie intitulée Considérations sur la possibilité de construire une éthique chrétienne sur les bases du système de Max Scheler. Il publie aussi à cette époque des pièces de théâtre, des recueils de poèmes et un ouvrage intitulé Morale sociale catholique (1953), qui est une critique à la fois du capitalisme et du marxisme.
Le 28 septembre 1958, Karol Wojtyła est ordonné évêque et nommé auxiliaire de l'archevêque de Cracovie, Eugeniusz Baziak. Il se lie d'amitié, dès le début du concile, en 1962, avec le cardinal Koenig, archevêque de Vienne, dont il partage l'ouverture d'esprit. Le 8 mars 1964, il prend possession du siège archiépiscopal de Cracovie et sera nommé cardinal le 26 juin 1967. Au cours du concile, il défend les droits de la personne et la liberté religieuse, en précisant au sujet de celle-ci : « Nous, Européens de l'Est, nous en avons besoin pour combattre le communisme. » Devant la multiplication des conflits entre les masses populaires et le pouvoir marxiste de Varsovie, Karol Wojtyła soutient des groupes comme Znak et des publications comme Tygodnik Powszechny (« Hebdomadaire du peuple »), de Jerzy Turowicz. Il tente d'apaiser les désaccords entre les membres de l'opposition, qui réunit des intellectuels catholiques et d'anciens communistes. Le soutien qu'il apporte aux positions morales de Paul VI lui vaut d'être invité par celui-ci à prêcher le carême de 1976 devant la curie romaine. Par l'influence qu'il exerce ainsi dans l'Église, l'archevêque de Cracovie n'est donc pas un inconnu pour la hiérarchie catholique.
« N'ayez pas peur… Ouvrez les frontières. » C'est par cette formule que Jean-Paul II inaugure son pontificat. Il déploie d'emblée une grande activité, se déchargeant des tâches administratives sur ses collaborateurs pour se consacrer à son rôle de pasteur universel. Il effectue des dizaines de « voyages apostoliques » à travers le monde (il y en aura 104 au total) et rencontre les représentants des autres religions (comme à Assise en 1986 et 1991). Il est le premier pape à être reçu dans un pays musulman (→ islam), le Maroc, et à y parler en public en 1985 à Casablanca, où il prône un rapprochement entre les deux monothéismes chrétien et islamique, comme il le répétera en 1992, lors d'un voyage en Afrique noire. Peu après, le 13 avril 1986, au cours de sa visite à la synagogue de Rome (→ judaïsme), il déclare, sans toutefois se prononcer sur l'attitude de Pie XII pendant la guerre : « L'Église déplore la haine, les persécutions, les manifestations d'antisémitisme dirigées contre les Juifs, quelle que soit l'époque et par quiconque. »
Dans son enseignement, ses encycliques et dans d'innombrables allocutions, Jean-Paul II se montre fort de sa foi et rigoureux quant aux principes de la morale traditionnelle. À la violence, au matérialisme et à la sécularisation, il oppose la nécessité d'une « nouvelle évangélisation » de l'Europe et du monde. Après Redemptor hominis (« le Rédempteur de l'homme », 1979), Dives in misericordia (« Dieu riche en miséricorde », 1980), Laborem exercens (« l'Homme travailleur », 1981), Slavorum Apostoli (« les Apôtres des Slaves », 1985), Dominum et vivificantem (sur le Saint-Esprit, 1986), Redemptoris Mater (« la Mère du Rédempteur », 1987), Sollicitudo rei socialis (« l'Inquiétude pour la question sociale », 1988) et Redemptoris missio (« la Mission du Rédempteur », 1991), Jean-Paul II publie en mai 1991, à l'occasion du centenaire de Rerum novarum de Léon XIII, sa neuvième encyclique, Centesimus Annus, où il déclare : « On ne saurait accepter l'affirmation selon laquelle la défaite du socialisme réel fait place au seul modèle capitaliste d'organisation économique. » Elle est suivie, en octobre 1993, par Splendor veritatis, où sont exposés les fondements théologiques et anthropologiques de la morale. La onzième encyclique, Evangelium vitae (mars 1995), revient sur les rapports entre morale et loi civile, notamment à propos des États qui ont légalisé l'avortement et l'euthanasie. La douzième (mai 1995), Ut sint unum, est consacrée à l'œcuménisme. Enfin, l'encyclique, très importante du point de vue doctrinal, publiée le 15 octobre 1998, Fides et Ratio (« Foi et Raison »), traite des rapports entre la théologie et la philosophie ou la science.
L'activité pastorale de Jean-Paul II n'est pas sans incidences, fût-ce indirectement, sur la situation politique de telle ou telle région du monde. Le rôle qu'il a joué à ce titre en Pologne et, par voie de conséquence, dans toute l'Europe de l'Est a eu une portée réellement historique. L'élection du « pape polonais » a immédiatement renforcé dans son pays le moral des forces populaires, surtout des jeunes, dans leur contestation du régime communiste (→ Pologne : histoire). Aussi le premier voyage qu'il devait y faire en juin 1979 créa-t-il au pouvoir en place des difficultés extrêmes, d'autant plus que le pape Wojtyła ne s'était nullement détaché de son pays d'origine et y avait gardé des liens étroits avec les opposants. Accueilli à chaque étape de son périple (en particulier Cracovie, Poznań, Varsovie, Gniezno, le berceau de la Pologne chrétienne, où le prince Mieszko Ier avait été baptisé en 966) par des centaines de milliers de compatriotes, il revendique pour son pays les « droits fondamentaux de la nation » et pour ses habitants la liberté de s'exprimer et de s'organiser.
À son retour à Rome, il crée un service chargé de communiquer avec le peuple polonais. Le régime soumis à Moscou (→ URSS) décide de réagir contre l'influence grandissante du pape, lorsque, le 1er juillet 1980, éclate la révolte des ouvriers de Gdańsk, au cours de laquelle s'imposent la personnalité de Lech Wałęsa et la puissance du syndicat Solidarność. Les tensions s'intensifient sous le pouvoir du successeur d'Edward Gierek, le général Wojciech Jaruzelski. Le grave attentat dont le pape est victime, le 13 mai 1981, sur la place Saint-Pierre, à Rome, force celui-ci au repos pendant plusieurs semaines. Mais, lorsque Solidarność est frappé d'interdiction, Jean-Paul II condamne cette « atteinte aux droits de l'homme ». Fort d'un tel appui, le peuple trouve dans les églises les seuls lieux où puisse s'exercer la liberté, en dépit de multiples arrestations et même d'assassinats, comme celui du père Jerzy Popieluszko.
La répression s'adoucit toutefois à la veille du deuxième voyage en Pologne de Jean-Paul II, en juin 1983, de telle sorte que sa venue prend la dimension d'un événement qui marque un véritable tournant dans l'Europe de l'après-guerre. Au cœur de la crise politique et sociale de la nation, le souverain pontife déclare devant une foule de un million de jeunes réunis en août 1991, à Czestochowa, pour les VIe Journées internationales de la jeunesse : « L'avenir de la Pologne et des Polonais commence aujourd'hui. » Si, après ce voyage pontifical, la situation du pays reste bloquée, il apparaît néanmoins que, en grande partie grâce à l'action du pape, l'aventure polonaise a commencé à ébranler l'empire soviétique. Or ce dernier entreprend de se transformer de l'intérieur sous l'impulsion du nouveau chef du Kremlin, Mikhaïl Gorbatchev, qui devait déclarer en 1992 : « Rien de ce qui est arrivé en Europe de l'Est au cours des dernières années n'aurait été possible sans la présence de ce pape, sans le grand rôle – même politique – qu'il a joué sur la scène internationale. »
L'influence de Jean-Paul II dans l'histoire politique contemporaine touche, quoique de façon moins spectaculaire, bien d'autres régions d'un monde profondément transformé par l'effondrement du communisme. Le souverain pontife intervient notamment en Afrique noire et en Amérique latine, au Proche-Orient et en Israël, nation avec laquelle il est le premier pape à établir des relations diplomatiques (30 décembre 1993), dans les pays du Golfe et en Extrême-Orient, à Cuba, où il est reçu en 1998 par Fidel Castro, dans les Balkans… Depuis le début de son pontificat, Jean-Paul II ne cesse de rappeler partout les droits de la personne et des groupes sociaux à la liberté, en particulier dans les importants discours qu'il prononce aux Nations unies, à New York (1979 et 1995), à l'Unesco, à Paris (1980), et au Parlement européen, à Strasbourg (1988).
Il considère son rôle de chef de l'Église universelle comme lui donnant pleine autorité pour s'adresser à la communauté internationale, même en matière de simple morale, de politique ou de philosophie de l'homme, ce qu'il appelle son « anthropologie ». Certes, qu'il s'agisse de discours solennels aux dirigeants mondiaux ou d'allocutions d'une tonalité parfois jugée populiste à l'adresse des foules, le message du pape n'est pas toujours bien reçu. Mais c'est peut-être au sein de son Église même que Jean-Paul II rencontre les plus vives difficultés. Ainsi il lui faut intervenir dans plusieurs crises intérieures, telles que la dissidence du petit groupe intégriste de Monseigneur Lefebvre (excommunié en 1988), l'affaire des carmélites polonaises installées dans le camp d'Auschwitz et l'expansion de la théologie de la libération.
Le mouvement de la théologie de la libération, né à la fin des années 1960 en Amérique latine, connaît son plein essor lorsque Karol Wojtyła est élu pape, et il va constituer l'un des premiers grands soucis de son pontificat. À la suite de sa participation – avant même qu'il ne se rende en Pologne – à la conférence épiscopale de Puebla, au Mexique (janvier 1979), il fera plus d'une dizaine de voyages sur ce continent. À la différence de Paul VI, il est, au départ, fort prévenu à l'encontre des théologiens de la libération, lui qui a connu le marxisme réel dans sa propre patrie. En 1964, déjà, lors du concile, il a eu une très vive discussion sur ce sujet avec dom Hélder Pessõa Câmara. Ce dernier, que certains appellent l' « archevêque rouge » (d'Olinda et de Recife, au Brésil), n'est nullement un membre du réseau des théologiens de la libération ni, encore moins, un adepte du communisme, mais il admet, avec ceux-là, qu'on puisse se référer à certaines analyses du marxisme pour mobiliser et « conscientiser » les masses populaires d'Amérique latine vouées à la misère et à l'injustice, et que prêtres et évêques regroupent dans des « communautés de base ».
C'est donc en arguant de la connaissance personnelle qu'il a acquise naguère des dangers du communisme soviétique que l'évêque Wojtyła devenu pape s'en prendra à l'idéologie dont se réclament les théologiens latino-américains. Il voit alors en eux des militants politiques qui font de Jésus-Christ un révolutionnaire prémarxiste plutôt que des prêtres soucieux de propager l'Évangile, seul capable de proclamer la vérité de l'homme. Au cours de ses périples en Amérique latine, Jean-Paul II adopte parfois un ton plus compréhensif, mais pour retomber très vite dans une attitude de réprobation, par exemple lorsqu'il condamne, en juillet 1979, plusieurs prêtres devenus ministres du gouvernement sandiniste du Nicaragua ou lorsque, au cours d'un voyage au Brésil en juin 1980, il dénonce de nouveau tout engagement politique de la part des théologiens de la libération. Et même, tandis que les dictatures locales et leurs polices soumettent ces derniers à des persécutions, des emprisonnements ou des assassinats (comme, au Salvador, celui de l'archevêque Oscar Romero), il va nommer à la tête de la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi (l'ancien Saint-Office) le théologien conservateur Joseph Ratzinger. Par l’instruction Libertatis nuntius du 6 juillet 1984, il met en garde contre une conception de la liberté fondée sur la négation de Dieu, incompatible avec le christianisme.
Tandis que Jean-Paul II tente de réduire la crise latino-américaine, son pontificat suscite un renouveau spirituel qui s'exprime sous des formes très diverses : les Journées mondiales de la jeunesse, selon une formule de rendez-vous périodiques instaurée en 1984 ; le regain de l'antique esprit de pèlerinage ; l'expansion d'îlots de ferveur et d'apostolat comme le mouvement des charismatiques ou l'Opus Dei (institut contesté dont le fondateur, Monseigneur José María Escrivá de Balaguer, est cependant béatifié en 1992) ; des efforts de pédagogie doctrinale avec, par exemple, la promulgation d'un nouveau « catéchisme universel », dont l'édition définitive paraît en 1998 (en 35 langues) et qui s'adresse à l'ensemble de l'Église catholique, à l'instar du Catéchisme romain publié à la suite du concile de Trente et approuvé par Pie V.
Mais il reste que les inspirations et incitations multiformes de Jean-Paul II, tout en demeurant édifiantes et apparemment optimistes, se heurtent à d'autres obstacles internes plus insidieux que ceux qui concernent une région donnée ou un mouvement dissident particulier. Ils consistent notamment dans le fait qu'une bonne partie du peuple croyant – y compris dans la Pologne contemporaine, naguère si conservatrice – estime pouvoir rester fidèle à la foi chrétienne tout en faisant la sourde oreille à la morale que ce pape continue de lui inculquer sans le moindre aménagement possible (condamnation de la contraception, de la procréation assistée, du préservatif, de la sécularisation, du mariage des prêtres, de l'ordination des femmes – refus déclaré « infaillible » –, etc.).
Prenant conscience que le temps lui est compté, Jean-Paul II redouble de vigueur pour dénoncer une crise croissante de la civilisation qui s'exprime dans les guerres civiles, la recrudescence des nationalismes et une « culture de mort » banalisée, à ses yeux, par l'avortement et l'euthanasie. C'est avec ce sentiment d'urgence qu'il décide, les 13 et 14 juin 1994, au cours d'une assemblée extraordinaire des cardinaux, de préparer l'entrée de l'Église dans le IIIe millénaire par le jubilé de l'an 2000. Cet événement, qui attire à Rome des millions de pèlerins, fournit l'occasion d'un approfondissement de la foi personnelle et communautaire, en même temps que celle d'une vaste campagne de réconciliation et de pénitence.
C'est en relation avec ce jubilé solennel que le pape accomplit, du 20 au 26 mars 2000, un pèlerinage en Terre sainte. Souhaité par lui depuis longtemps et considéré jusqu'au dernier moment comme très risqué en raison des tensions religieuses et politiques dans cette partie du monde, ce voyage pouvait répondre au désir de Jean-Paul II de se rendre avant la fin de son pontificat sur les lieux mêmes où Celui dont il est le vicaire avait inauguré son message évangélique. Mais ce retour aux sources du christianisme se veut aussi – et surtout – un appel nouveau adressé aux juifs, aux musulmans et aux chrétiens de la région et du monde entier, en vue d'une réconciliation dans la justice. Plusieurs gestes de ce « pèlerin de la paix » prennent alors, dans un État d'Israël de plus en plus franchement reconnu, une valeur hautement symbolique. Après avoir affirmé, à Bethléem, que la « souffrance » des Palestiniens avait duré trop longtemps, le souverain pontife, se rendant ensuite au mémorial de la Shoah puis au Mur des lamentations, demande pardon, au nom de l'Église, pour toutes les souffrances que le peuple juif a pu subir de la part de celle-ci.
Pèlerin de la paix, Jean-Paul II l'est encore lors de son 93e voyage hors d'Italie, du 4 au 9 mai 2001. Son « pèlerinage » sur les pas de l'apôtre Paul l'amène en Grèce puis en Syrie, avant de s'achever à Malte. À Athènes, où Paul avait essuyé un échec mémorable devant l'Aréopage, le pape pouvait redouter de subir un sort analogue de la part d'une Église grecque particulièrement hostile à Rome. Mais il produit sur les chrétiens orientaux une forte impression en leur exprimant le pardon des catholiques pour les fautes commises notamment lors du sac de Constantinople par les croisés en 1204 (→ Empire latin de Constantinople), et en prenant l'initiative d'un début de réconciliation avec eux. Le séjour de Jean-Paul II en Syrie a un retentissement plus important encore, non seulement dans ce pays, mais aussi dans l'ensemble du monde arabe (musulman et chrétien). Deux de ses gestes revêtent une portée historique : d'une part, sa visite à la Grande Mosquée des Omeyyades à Damas, perçue comme le pendant de celle qu'il a faite naguère à la synagogue de Rome ; d'autre part, sa halte dans la ville de Qunaytra, détruite à la suite d'impitoyables combats entre Israéliens et Arabes.
Jean-Paul II a voulu être le pape qui réconcilie l'Église catholique avec le judaïsme, avec les autres confessions chrétiennes, avec l'islam, avec toute autre religion dans le monde, enfin avec l'humanité entière à laquelle elle dit sa repentance pour « les nombreuses formes de violence que l'on a exercées au nom de la foi chrétienne ». En même temps, il a voulu être le pape qui atteste l'action vivante de l'Église dans le temps en lui offrant le modèle de ses hommes et de ses femmes. Pour cela, il a prononcé plus de canonisations et de béatifications (plus de 2 000) que tous ses prédécesseurs réunis depuis la création de la Congrégation des rites en 1588. Lui-même est d'ailleurs béatifié en 2011. En outre, Jean-Paul II est le pape qui a créé le plus de cardinaux, privilégiant par là même l'essor des Églises d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique ; il a ainsi augmenté le nombre des membres du conclave, qui avait été fixé à un maximum de 120 par Paul VI. Son pontificat – le troisième de l'histoire à avoir célébré ses vingt-cinq ans – restera comme celui qui aura le plus fait pour transformer la papauté romaine en papauté universelle.
Gravement malade depuis plusieurs années, Jean-Paul II décède le 2 avril 2005 au Vatican. Plus de 3 millions de personnes se rendent à Rome au moment des funérailles. Dans la foule des 500 000 fidèles qui se regroupent sur la place Saint-Pierre, certains scandent « Santo Subito », appelant à la canonisation immédiate. Jean-Paul II est béatifié le 1er mai 2011 par Benoît XVI, le miracle de la guérison de la Sœur Marie Simon-Pierre de la maladie de Parkinson lui ayant été reconnu. Suite à un second miracle survenu lors de la béatification (la guérison d’une Costaricienne atteinte d’anévrisme cérébral), sa canonisation survient neuf ans après sa disparition, un délai extrêmement court, le 27 avril 2014 (en même temps que la canonisation de Jean XXIII). L’événement accueille des délégations de 54 pays et plusieurs chefs d’État, affirmant la popularité du pape, notamment auprès des jeunes.