Cambadélis Jean-Christophe
Jean-Christophe Cambadélis est un homme politique français, né le 14 août 1951 à Neuilly-sur-Seine (Seine).
D'abord militant d'extrême gauche - il participe au courant trotskiste lambertiste - il est actif dans le syndicalisme étudiant et préside l'Union nationale des étudiants de France – Indépendante et démocratique (UNEF-ID) de 1980 à 1984. Il entre au Parti socialiste en 1986 : député de Paris de 1988 à 1993, il l'est à nouveau depuis 1997. Au sein du PS, il s'illustre notamment par son opposition au Front national et, dans les années 1990, par son rôle dans la construction de la coalition de la gauche plurielle. Il est un temps le bras droit de Dominique Strauss-Kahn. Le 15 avril 2014, il devient premier secrétaire du Parti socialiste.
Il est né d'un père grec plus tard tailleur de diamant en Grèce, et d'une mère employée à la banque de France, d'origine picarde. Jean-Christophe Cambadélis adhère vers 1971 à l'Alliance des jeunes pour le socialisme (AJS), la structure jeune de l'Organisation communiste internationaliste (OCI) (puis Parti communiste internationaliste (PCi), organisation trotskiste lambertiste) sous le pseudonyme de « Kostas », en référence au philosophe marxiste grec Kostas Axelos. Il est rapidement apparu comme le principal animateur du travail de cette organisation en direction de la jeunesse étudiante. Il participe au congrès de scission de l'UNEF en 1971 et il est un des principaux animateurs du mouvement étudiant contre la réforme Saunier-Seïté de 1976 avec d'autres futurs dirigeants socialistes comme Julien Dray (qui milite alors à la LCR), Jean-Marie Le Guen (qui anime la Tendance reconstruction syndicale, autogestionnaire, à l'UNEF-US) ou encore Benjamin Stora.
Toujours étudiant, il s'inscrit à l'université Paris Diderot en 1985 pour présenter une thèse de doctorat consacrée au bonapartisme gaulliste2, qu'il parvient à rédiger en moins d'un an, entre juin 1984 et mai 19853. D'après Mediapart en septembre 2014, il ne disposerait pourtant pas des diplômes requis pour soutenir cette thèse4, ce que dément l'université qui affirme « après vérification » que l'obtention de ses diplômes est régulière5. Comme beaucoup d'étudiants de sa génération, il côtoie des figures intellectuelles du mouvement trotskiste telles que Claude Chisserey ou Pierre Broué. Le mouvement étudiant de 1976 est le point de départ de la démarche qui aboutit à la « réunification » de l'UNEF avec les organisations étudiantes non communistes (Congrès de Nanterre de mai 1980).
Élu à 29 ans président de l'UNEF-ID en 1980, il prend la parole au nom de cette organisation le 10 mai 1981, place de la Bastille au soir de la victoire de François Mitterrand. Il quitte la présidence de l'UNEF-ID en 1984. Bientôt, un désaccord l'oppose à Lambert sur l'évolution du PCI. Il reproche au dirigeant de sous-estimer la montée du Front national et de refuser la transformation et la démocratisation du PCI — qui s'enferme dans des procès en exclusion dignes des méthodes staliniennes que les lambertistes dénoncent pourtant (affaires Varga, Mélusine, Berg ou Just). Il rompt avec le PCI en avril 1986 en emmenant avec lui au PS près de 450 autres militants, l'essentiel du secteur jeunes pour rejoindre le Parti socialiste. Ce départ de Cambadélis ruine l'activité du PCI en direction de la jeunesse étudiante.
Son rôle déterminant et son ascension rapide au Parti socialiste peuvent paraître d'autant plus spectaculaire que Jean-Christophe Cambadélis, lorsqu'il intègre le PS en 1986, sort tout juste de quinze ans de militantisme d'extrême gauche lambertiste, à l'OCI puis au PCI. La « sortie du PCI » s'organise avec la constitution du Cercle d'études contemporaines avec Benjamin Stora et Pierre Dardot qui théorisent la démarche, puis de Convergences socialistes qui se dissout au moment de l'entrée au PS. Il s'agit de « renforcer la gauche au Parti socialiste », sans pour autant constituer de courant. Certains, comme Philippe Darriulat ou Liêm Hoang-Ngoc, rejoignent Henri Emmanuelli, d'autres abandonnent la politique. Cambadélis et Julien Dray, fondateur de SOS Racisme, venu, lui, de la LCR, aident chacun avec ses réseaux, le Parti socialiste à maintenir le lien avec les organisations étudiantes lors du mouvement contre la loi Devaquet.
En 1988, il devient député PS de Paris, dans le 19e arrondissement, en éliminant, avec l'appui décisif de l'Élysée, le député socialiste élu en 1981, Alain Billon. Au PS, il est proche de Lionel Jospin. Il est battu aux législatives de 1993, dans la circonscription pourtant la plus à gauche de la capitale. En juin 1990, il fonde Manifeste contre le Front national. Apparu en même temps que Ras l'front et l'Appel des 250, le Manifeste contre le FN fut une organisation militante pour qui la lutte contre le Front national devait être adossée à un combat pour le rassemblement de la gauche en vue de constituer un « grand parti de toute la gauche ». Le Manifeste se différenciait de SOS Racisme par sa volonté de politiser le débat anti-lepéniste, là où SOS racisme restait sur un registre purement moral. Le Manifeste contre le FN partageait les analyses de Pierre-André Taguieff, de Pascal Perrineau, de Nonna Mayer ou de Jean-Yves Camus sur la nature national-populiste du lepénisme et sur la nécessité d'analyser le discours frontiste. Il a porté une attention particulière au mégrétisme qui, venu de la Nouvelle Droite, avait souhaité s'inspirer de la stratégie de Gianfranco Fini en Italie en 1994 où celui-ci était parvenu à sortir l'ancienne MSI de l'extrême droite italienne pour la transformer en un grand parti conservateur, l'Alliance nationale, membre d'une coalition appelée Maison des libertés qui porta au pouvoir en 1994 le premier gouvernement de Silvio Berlusconi.
Jean-Christophe Cambadélis avait développé la stratégie du « harcèlement démocratique » : pas un évènement du FN sans mobilisation de masse de toute la gauche. Le point culminant fut la manifestation du 29 mars 1997, à l'initiative du groupe local du Manifeste à Strasbourg contre la tenue du congrès du parti lepéniste. À partir de 1994, il organise les Assises de la transformation sociale, de grands forums où la gauche politique, associative ou syndicale, se parle. Cambadélis active ou réactive les réseaux de militants qui évoluent chez les écologistes, les communistes, les socialistes ou les alternatifs, les syndicalistes ou les associatifs. Seuls les amis de Jean-Pierre Chevènement refusèrent d'y participer. Ces rencontres se font avec la collaboration de Gilbert Wasserman, Yves Cochet des Verts, Philippe Herzog ou Patrick Braouezec, représentant de la tendance des "réformateurs" du PCF. Les Assises de la transformation sociale furent l'occasion d'un appel signé par plus d'un millier de militants de toute la gauche lancé dans les colonnes du Monde le 9 janvier 1994. Le comité d'organisation des Assises rassemble divers clubs de gauche comme les clubs Convaincre, de sensibilité rocardienne. Cinq débats eurent lieu : en février à Paris sur le thème « Pourquoi transformer la société ? », en avril à Rennes sur « Quelle économie pour l'emploi ? », en septembre à Vaulx-en-Velin sur « Vivre ensemble », en octobre à Toulouse sur « Pratique du pouvoir, citoyenneté et démocratie » et en décembre à Lille sur « Repenser le monde ». On peut y voir le prélude à ce qui va devenir la gauche plurielle.
Dans un ouvrage publié en septembre 2014, le journaliste Laurent Mauduit accuse Jean-Christophe Cambadélis d'avoir obtenu de manière frauduleuse un doctorat de troisième cycle, soutenu en 1985 à l'université Paris VII, sous la direction du professeur Pierre Fougeyrollas. L'usurpation résiderait dans le fait qu'il ne disposerait d'aucun des diplômes lui permettant de s'inscrire en doctorat, n'étant titulaire ni d'une licence, ni d'une maîtrise ou d'un DEA. Jean-Christophe Cambadélis dément, évoquant une dérogation de l'université Paris-VII tout à fait usuelle. L'université Paris-VII a de son côté démenti toute irrégularité. Selon Laurent Mauduit, l'inscription aurait été permise par la complicité du professeur Pierre Fougeyrollas – lui-même membre de l'OCI – et par la production d'un faux diplôme universitaire. La thèse de Jean-Christophe Cambadélis, intitulée Bonapartisme et néocorporatisme sous la Ve République, révèlerait de fortes lacunes scientifiques et des soupçons de plagiat, selon les seules premières pages numérisées par Laurent Mauduit. Ce dernier assure également que Jean-Christophe Cambadélis aurait plagié l'essentiel du texte de son premier livre, Pour une nouvelle stratégie démocratique (1986). Cette thèse universitaire – que Laurent Mauduit apprécie comme très médiocre et « reprenant sans distance ni nuances » les analyses « frustes » et « sectaires » des lambertistes – ainsi que ce livre, auraient aidé Jean-Christophe Cambadélis à s'affirmer au sein du Parti socialiste, qu'il venait d'intégrer. Cette interprétation est discutée, aucune condition de diplôme n'étant nécessaire à l'accession à des postes de responsabilités comme en attestent d'autres biographies de dirigeants du PS.
Jean-Christophe Cambadélis a pour sa part démenti les accusations de Laurent Mauduit11, produisant à l'appui de ses dires quatre fac-similés (pdf) : de dispense de maitrise du 3 mai 1983, sur avis du Conseil scientifique du 2 mai 1983 (avis non produit) ; d'attestation d'obtention du DEA de sociologie (attestation en date du 3 décembre 1984, diplôme obtenu en juin 1984) ; du rapport du directeur de thèse (28 mai 1985) ; enfin du procès-verbal (26 juin 1985) de soutenance de cette thèse. Cependant, selon Mediapart loin d'apporter un véritable démenti, ce communiqué révèlerait de nouvelles zones d'ombres sur le cursus universitaire de Jean-Christophe Cambadélis. Ce dernier a produit devant les écrans le 21 septembre dans l'émission C' politique son mémoire de DEA et un relevé de notes. Les documents produits par Jean-Christophe Cambadélis tendent à attester qu'il est parvenu à réaliser sa thèse en moins d'un an après son DEA, entre juin 1984 et mai 19853. Ce délai ne constituait pas le minimum légal, puisqu'il fallait alors en principe au minimum deux ans et maximum trois ans (année de DEA comprise) pour produire une thèse de troisième cycle en sciences humaines.
Poursuivi pour recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire Agos – Agos est une société gestionnaire de foyers de travailleurs immigrés – car il a bénéficié d'un emploi fictif entre 1993 et septembre 1995 lui ayant rapporté plus de 442 000 francs (environ 67 382 euros), Jean-Christophe Cambadélis est mis en examen en novembre 1996. Il est condamné en janvier 2000 à cinq mois de prison avec sursis et 100 000 francs (environ 15 244 euros) d'amende par le tribunal correctionnel de Paris. Quand éclate l'affaire de la MNEF, les médias pointent du doigt les liens connus entre l'imprimerie Efic et le député socialiste. Les enquêtes concluront, en effet, sur un système de fausses factures mis en place notamment par l'intermédiaire de cette imprimerie. Jean-Christophe Cambadélis sera condamné dans le cadre d'un autre volet de ce scandale.
Jean-Christophe Cambadélis est mis en examen le 7 juin 2000 pour abus de confiance dans l'affaire de la MNEF. Il est soupçonné d'avoir bénéficié d'un emploi fictif au sein de la mutuelle étudiante MNEF entre 1991 et 1995, pour lequel il aurait touché 620 500 francs (94 580 euros) d'une filiale de la MNEF, au titre d'une activité permanente de conseil, comme l'explique Libération : « De 1991 à 1993, c'est en qualité de « sociologue » que Jean-Christophe Cambadelis a été rétribué à hauteur de 420 499 francs par la Mutuelle interprofessionnelle de France (MIF), une filiale de la Mnef. Cambadelis était alors député, avec revenus afférents. Non réélu en 1993, il reçoit jusqu'en 1995 quelque 200 000 francs supplémentaires de la MIF, en tant qu'administrateur « chargé des contacts auprès des ambassades ou des universités ». » Seuls « trois documents manuscrits » auraient attesté du « travail » du député. Le 2 juin 2006, reconnu « coupable de recel d'abus de confiance », il est condamné à six mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende par la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Cette peine n'est pas assortie de période d'inégibilité.
Jean-Christophe Cambadélis fut l'un des proches de Lionel Jospin dès son arrivée au PS. En 1995, il est l'un des porte-parole de la campagne présidentielle, et, en 1997, il devient numéro 2 du PS, chargé des relations extérieures. Lors de la campagne présidentielle de 2002, il est chargé des relations avec le monde associatif et syndical. En 2000, il participe avec des jospinistes et des rocardiens au lancement du courant Socialisme et démocratie qui se propose d'être le courant de pensée qui anticipe ou qui prolonge le réformisme que Jospin applique au gouvernement. L'échec de 2002 pose la question du leadership, mais il apparaît bientôt que Dominique Strauss-Kahn est celui qui incarne le mieux la synthèse jospino-rocardienne dont le débouché doit être la mutation vers la social-démocratie. Il anime aussi le courant Socialisme et démocratie. Il est élu député le 16 juin 2002, pour la XIIe législature (2002-2007), dans la 20e circonscription de Paris (19e arrondissement).
Lors du Congrès du Parti socialiste au Mans en 2005, Jean-Christophe Cambadélis soutient la motion 1 du premier secrétaire François Hollande. Il est investi pour représenter le Parti Socialiste aux élections législatives de juin 2007 dans la 20e circonscription de Paris, qui correspond à la plus grande partie du 19e arrondissement. Il y milite depuis longtemps pour la couverture du périphérique et pour la création de centres d'animation par quartiers. Il est réélu avec 59,1 % des suffrages. Considéré comme le principal « lieutenant » de Dominique Strauss-Kahn, il lance l'initiative des Reconstructeurs pour rassembler divers courants du PS qui aboutit bientôt à un soutien à Martine Aubry dans sa course au poste de premier secrétaire du Parti socialiste. Au congrès de Reims, il est nommé secrétaire national à l'Europe et à l'international, succédant à ce poste à Pierre Moscovici. Auparavant, Pierre Guidoni et Lionel Jospin avaient également occupé cette fonction au sein de la direction du PS. Il est est réélu député aux élections législatives de 2012.
En 2012, comme 15 ans auparavant, Jean-Christophe Cambadélis est pressenti pour devenir Premier secrétaire du Parti socialiste, mais Harlem Désir lui est préféré suite à l'appel de quatre ministres (Stéphane Le Foll, Pierre Moscovici, Manuel Valls et Vincent Peillon) en sa faveur. Fin octobre 2012, il devient vice-président du Parti socialiste européen. Après la défaite du PS aux élections municipales de 2014 et l'entrée d'Harlem Désir comme secrétaire d'État chargé des Affaires européennes dans le Gouvernement Manuel Valls, Jean-Christophe Cambadélis est élu le 15 avril 2014 avec 67 % des voix par le conseil national Premier secrétaire du Parti socialiste, non sans provoquer les critiques de l'aile gauche du parti, qui réclamait une direction collégiale intérimaire jusqu'au prochain congrès du parti.