Pertini Sandro
Alessandro Pertini, dit Sandro Pertini (né le 25 septembre 1896 à Stella San Giovanni, en Ligurie - mort le 24 février 1990 à Rome) est un homme d'État, avocat et journaliste italien, médaille d'or de la valeur militaire, médaille d'argent de la valeur militaire. Il est le septième président de la République italienne de 1978 à 1985.
Membre du Parti socialiste italien, il est, au lendemain de l'arrivée du fascisme au pouvoir, l'un des plus fervents opposants au régime et, de ce fait, est condamné par le tribunal spécial pour la sécurité de l'État, d'abord à la relégation, puis à l'emprisonnement ; il s'exile, longtemps durant, en France. Au lendemain de la chute du régime de Benito Mussolini, il devient l'une des grandes figures de la Résistance italienne, puis devient membre du Comité de libération nationale. En 1946, après la proclamation de la République, il est élu député à l'Assemblé constituante. En 1968, il est élu président de la Chambre des députés ; il assume cette charge pour deux législatures, jusqu'en 1976. Le 8 juillet 1978, Pertini fut largement élu président de la République par les parlementaires et les représentants des régions d'Italie réunis en session conjointe, au 16e tour de scrutin. Considéré comme ayant été le président le plus populaire de l'Histoire républicaine de la péninsule, il respecta la tradition instaurée par ses prédécesseurs, ne sollicitant guère un second mandat présidentiel et devint sénateur à vie.
« [...] Pour moi la liberté et la justice sociale, qui sont les objectifs du socialisme, constituent un binôme indissociable, il ne peut y avoir liberté sans justice sociale, comme il ne peut y avoir justice sociale sans liberté. Ainsi, si à moi socialiste, on m'offrait la réalisation de la réforme la plus radicale à caractère social en me privant de la liberté, je la refuserais [...] Voici comment je suis socialiste [...] » — Sandro Pertini, dans une interview. Alessandro Sandro Pertini naît dans une famille aisée composée de quatre enfants : l'ainé Luigi, peintre ; la sœur Marion, qui épouse un diplomate italien ; Giuseppe, officier de carrière et Eugenio, déporté et tragiquement disparu dans le camp de concentration de Flossenberg le 25 avril 1945. Le père Alberto est un propriétaire terrien. Pertini, très lié à sa mère Maria Muzio, fait ses premières études au collège des salésiens Don Bosco de Varazze, puis il entre au lycée Gabriello Chiabrera de Savone, au sein duquel il a pour professeur de philosophie Adelchi Baratono, socialiste réformiste et collaborateur de la Critica Sociale de Filippo Turati, lequel le fait se rapprocher du socialisme et du milieu des mouvements ouvriers ligure. Il s'inscrit à l'Université de Gênes, de laquelle il sort diplômé en droit.
En 1917, le jeune Pertini est appelé comme sous-lieutenant et envoyé sur le front d'Isonzo et il se distingue par une série d'actes héroïque, il est décoré de la médaille d'argent de la valeur militaire pour avoir mené, en août 1917, un assaut sur le mont Jelenik, lors de la bataille de la Bainsizza. Après la guerre, il ne reçut pas sa décoration, le régime fasciste lui en ayant refusé le mérite, en raison de ses convictions socialistes. En 1918, Sandro Pertini adhère au Parti socialiste italien. Il s'installe à Florence, hôte de son frère Luigi, et s'inscrit à l'Institut universitaire Cesare Alfieri di Sostegno ; c'est en 1924 qu'il reçoit son second titre en science politique, avec une thèse ayant pour titre La Coopération (La Cooperazione). À Florence, Pertini prend contact avec les milieux de l'interventionnisme démocratique et socialiste proche de Gaetano Salvemini, des frères Nello Rosselli et Carlo Rosselli et de Ernesto Rossi, c'est à cette période qu'il adhère au mouvement d'opposition au fascisme, Italie libre (Italia Libera).
Hostile au régime fasciste, Sandro s'inscrit au PSU, à la suite de l'assassinat du député socialiste Giacomo Matteotti. En raison de son appartenance politique, qu'il revendique avec conviction, il est souvent l'objet d'agression des squadristes, et, le 22 mai 1925, il est arrêté pour avoir distribué un opuscule clandestin, imprimé à ses frais, celui-ci étant titré : « Sous la barbare domination fasciste » (Sotto il barbaro dominio fascista) et dans lequel il dénonce la responsabilité de la monarchie envers l'instauration du régime fasciste, les violences du fascisme et la défiance populaire à l'égard du travail du Sénat, composé en majorité de « philofascistes », appelé à juger, au sein de la Haute Cour de Justice, les éventuelles complicités du général Emilio De Bono dans l'assassinat du député Matteotti.
Selon l'article 120 du Code Zanardelli, Pertini se trouve accusé d'« instigation à la haine entre les classes sociales », de délit d'imprimerie clandestine, outrage au Sénat et lèse prérogative de l'irresponsabilité du roi pour des actes du gouvernement. Au cours de l'interrogatoire mené par le procureur du roi et lors de l'audience publique, il revendique son action, assumant son entière responsabilité et se disant prêt à poursuivre la lutte antifasciste en faveur du socialisme et de la liberté, quelle qu'en soit la condamnation. Le 3 juin 1925, il est condamné à huit mois de détention et se voit infliger une amende pour les divers délits qu'il commit. Mais cette condamnation ne ralentit guère son activité, qu'il reprend, à peine libéré. En novembre 1926, après l'échec de l'attentat de Anteo Zamboni contre Mussolini, il est, comme beaucoup d'autres antifascistes, l'objet de nouvelles violences de la part des fascistes, et c'est contraint qu'il quitte Savone pour revenir à Milan. Le 4 décembre 1926, avec la proclamation des lois exceptionnelles contre les antifascistes, Pertini est envoyé en relégation cinq ans durant, la plus lourde peine présentée par la loi, dans la prison de la petite île de Santo Stefano.
Le 12 décembre 1926, dans le dessein d'éviter la capture, il quitte Milan et s'exile en France, en compagnie de Filippo Turati, avec l'aide de Carlo Rosselli et Adriano Olivetti. Après avoir passé quelques mois à Paris, il prend finalement ses quartiers à Nice et devient un membre de premier ordre des exilés, assumant une intense propagande contre le régime fasciste par des écrits et dess conférences. En avril 1926, il installe, dans sa résidence de Nice, une station de radio clandestine, dans le dessein de maintenir un lien avec ses compagnons, demeurés en Italie, et pouvoir communiquer et recevoir des nouvelles ; cependant, la police française le découvre et il est condamné à un mois de réclusion, peine suspendue avec la conditionnelle après le paiement d'une amende. C'est en mars 1929 que son exil français prit fin : il quitta Nice avec un faux passeport, sous le nom de Luigi Roncaglia ; il passe la frontière par la gare de Chiasso le 26 mars et rentre en Italie.
Le 14 avril 1929 à Pise, cours Vittorio Emanuele, l'actuel cours Italia, Sandro Pertini est reconnu, puis arrêté. Le 30 novembre 1929, il est condamné par le Tribunal spécial pour la sécurité de l'État à 10 ans et 9 mois de réclusion ; une peine endurcie par trois ans de surveillance particulière. Durant son procès, Pertini refuse de se défendre, conscient du fait qu'il se trouve confronté à un tribunal à la solde du régime, et c'est ainsi qu'il exhorte la cour à prononcer directement la condamnation, qu'il estime déjà préparée. Lors de l'annonce de la sentence, il se lève et crie : « À bas le fascisme ! Vive le socialisme ! » Enfermé dans l'île de Santo Stefano, il est transféré, le 10 décembre 1930, à la prison de Turi, pour des raisons de santé ; il partage sa cellule avec Athos Lisa et Giovanni Lai. À Turi, seul socialiste emprisonné, Pertini fait la connaissance d'Antonio Gramsci, avec lequel il se lie d'amitié, celle-ci se trouvant renforcée par un profond respect mutuel tant pour leurs personnes que pour leurs convictions ; ils deviennent l'un pour l'autre confident, ami et soutien.
En 1932, Pertini est transféré au sanatorium judiciaire de Pianosa, dans lequel sa santé ne s'améliore guère, et ce malgré les soins, au point que sa mère présente une demande de grâce aux autorités. Ne reconnaissant pas l'autorité fasciste et donc le tribunal qui l'a condamné, Pertini rejette avec force cette initiative, dénonçant ainsi sa mère comme le président du Tribunal spécial. « [...] Pourquoi maman, pourquoi ? Ici dans la cellule en cachette j'ai pleuré des larmes d'amertume et de honte — quelle défaillance t'a surprise pour que tu aies pu réaliser un tel acte de faiblesse ? Et je me sens humilié à la pensée que toi, seulement même pour un instant, tu aies pu supposer que moi, je pouvais abjurer ma foi politique afin de retrouver ma liberté. Toi, qui m'as toujours compris et qui étais orgueilleuse de moi, comment as-tu pu penser cela ? Tu t'es soudainement éloignée de moi au point de ne plus entendre l'amour que j'ai pour mes idées ? [...] » — Lettre à sa mère, Maria Muzio 1933.
Le 10 septembre 1935, Pertini quitte Pianosa pour être transféré à Ponza, en sa qualité de prisonnier politique, et, le 20 septembre 1940, est envoyé en prison pour cinq années supplémentaires ; un séjour carcéral qu'il passe entre Ponza et Ventotene, là-même où il rencontre deux autres antifascistes, Altiero Spinelli et Ernesto Rossi. Ce n'est que le 7 août 1943 que Sandro Pertini retrouve la liberté ; mais son combat politique ne s'est pas éteint, et c'est ainsi qu'il reprend immédiatement la lutte antifasciste, participant notamment à Rome, le 8 septembre, aux combats contre les Allemands à Porte San Paolo, avec Luigi Longo, Emilio Lussu et Giuliano Vassalli. Capturé avec Giuseppe Saragat par la SS, Pertini est condamné à mort pour son activité de résistant, mais la sentence n'a pas le temps d'être exécutée, grâce à l'intervention d'un groupe de résistants des groupes d'action patriotique (GAP), qui permet la fuite des deux hommes, le 24 janvier 1944, alors qu'ils sont internés dans la prison de Regina Cœli. Pertini se rend à Milan pour participer activement à la Résistance, comme membre du CLNAI et avec l'intention de réorganiser le Parti socialiste.
En juillet 1944, à la libération de Rome, il est appelé par Pietro Nenni, qui vient de rentrer dans la capitale. Celui-ci le charge de prendre ses quartiers à Gênes, puis de contacter le monarchiste Edgardo Sogno, qui doit le mettre en contact avec les Alliés, dans le dessein de le faire entrer à Rome par un vol depuis la Corse. La situation se complique, car arrivé à Gênes, Pertini ne parvient pas à rejoindre la Corse. ; mais, par des contacts avec les résistants de la Spezia, il part avec l'intention de trouver dans la cité ligure un moyen approprié pour leur voyage, ce qu'il fait. Or, de retour à Gênes, il apprend que Sogno a trouvé un bateau à moteur et qu'il est parti avec d'autres personnes pour la Corse ; Pertini se retrouve abandonné dans un territoire occupé. Il décide de retourner à la Spezia pour tenter de rejoindre la capitale, et, obtenant un laissez-passer pour Prato, il arrive, à pied, à Florence. C'est à Florence qu'il rencontre le professeur Gaetano Pieraccini ; celui-ci trouve une cachette à Pertini, via Ghibellina. Le 11 août, il participe aux combats pour la libération de la ville, organisant l'action du Parti socialiste et dirigeant la publication des premiers tirages de l'Avanti!.
Arrivé à Rome, Pertini comprend que sa présence est inutile, et manifeste ainsi son intention de retourner dans le Nord, dont il est le secrétaire du Parti socialiste et représentant du parti au sein de Comité de Libération de l'Italie du Nord. Il reçoit de faux documents, un permis de conduire au nom de Nicola Durano, et est transféré par avion de Naples vers Lyon puis Dijon, en France. Une fois arrivé à Chamonix, il prend contact avec la Résistance française, la route du retour en Italie passant par le Mont Blanc ; c'est avec Cerilo Spinelli, le frère de Altiero, qu'il entreprend la traversée de la mer de Glace, et parviennent enfin à rencontrer avec les résistants du Val d'Aoste, grâce à l'aide du champion de ski Émile Allais. Arrivés à Aoste puis à Ivrea, ils évitent les patrouilles et les barrages des Allemands et ils arrivent à Turin.
En avril 1945, Pertini est, avec Leo Valiani et Luigi Longo, l'un des organisateurs de l'insurrection de Milan. Le mercredi 25 avril 1945, il proclame à la radio4 la grève générale insurrectionnelle de la ville milanaise : « Travailleurs ! Grève générale contre l'occupation allemande, contre la guerre fasciste, pour la sauvegarde de notre terre, de nos usines. Comme à Gênes et à Turin, mettez les Allemands face au dilemme : vous rendre ou périr » Quelques jours auparavant, à quelques pas de l'archevêché de Milan, il rencontre pour la première fois Benito Mussolini : « [...] lui descendait les escaliers, moi je les montais. Il était émacié, le visage livide, détruit » — « À Milan et à Turin dans la flambée insurrectionnelle », dans Avanti!, 6 mai 1945. Le même jour, le Comité de libération nationale de l'Italie du Nord se réunit dans le collège des Salésiens, via Copernico à Milan. L'exécutif, présidé par Luigi Longo, Emilio Sereni, Sandro Pertini et Leo Valiani, décrète, à la suite de l'échec de la tentative de médiation du cardinal Alfredo Ildefonso Schuster, la condamnation à mort de Mussolini.
Après les évènements qui menèrent à la mort du dictateur, Pertini écrit dans les colonnes de l'Avanti! : « [...] Mussolini se comporta en lâche, sans un mot de fierté. Présentant l'insurrection, il s'était adressé au cardinal archevêque de Milan, lui demandant de pouvoir se retirer dans Valtellina avec trois mille des siens. Aux partisans qui l'arrêtèrent, il offrit un empire qu'il n'avait pas. Au dernier moment encore, il quémandait d'avoir la vie sauve pour parler à la radio et dénoncer Hitler qui selon lui l'avait trahi neuf fois[...] » — « À Milan et à Turin dans la flambée insurrectionnelle », dans Avanti!, 6 mai 1945. Selon Pertini, les émotions éprouvées pendant la libération symbolisent la « capacité du peuple italien à réaliser les plus grandes choses pour peu qu'il soit animé du souffle de la liberté et du socialisme ». Le 25 avril, alors que Sandro participe fièrement à la fête de la libération, son frère, Eugenio, est sommairement exécuté dans le camp de concentration nazi de Flossenbürg. La perte cruelle de son frère sera pour lui un évènement tragique qui l'influencera davantage sur son engagement politique. Le 8 juin 1946, Sandro Pertini épouse la journaliste et résistante Carla Voltolina, dont il a fait la connaissance lors de la libération de Milan.
En avril 1945, Pertini devient secrétaire du PSI, charge qu'il assume jusqu'en août 1946. Au cours du XXVe Congrès du Parti, qui se tient à Rome entre le 9 et le 13 janvier 1947, Pertini use de toutes ses forces, dans le dessein d'éviter la scission avec l'aile démocratico-réformiste du parti, menée par le président de l'Assemblée constituante, Giuseppe Saragat. Des jours durant, il se met au centre des conflits, afin de tenter une médiation entre les deux courants mais malgré ses efforts, « la force des choses », comme le définit Pietro Nenni, provoque la scission entre socialistes ; cet épisode, surnommé « la scission du palais Barberini », constitua l'acte fondateur du Parti Socialiste des Travailleurs Italiens. Bien qu'il soit partisan de l'unité du mouvement des travailleurs, mais depuis toujours fervent défenseur de l'autonomie socialiste au regard du Parti communiste italien, il s'oppose, au sein du Parti socialiste italien, à la constitution du Front démocratique populaire, constitué pour les élections de 1948 ; or, son courant se trouve minoritaire.
Membre socialiste de l'Assemblée constituante5, Pertini participe à la rédaction des articles du Titre I de la nouvelle Constitution, concernant les rapports civils. Il s'oppose à l'amnistie accordée aux délits politiques commis par les responsables fascistes et c'est en cette occasion qu'il intervient à l'Assemblée, le 22 juillet 1946, posant une question à l'adresse du ministre de la Grâce et de la Justice, Fausto Gullo. L'interrogation du député porte sur les motivations de l'interprétation généreuse des mesures d'amnistie, comme sur l'inaccomplissement du gouvernement de De Gasperi dans l'application du décret en faveur du retour des travailleurs antifascistes éloignés de leur travail pour des motifs politiques. L'action politique de Pertini au cours de cette période a pour dessein le soutien des réformes sociales nécessaires à la croissance du pays, alors ruiné par le régime fasciste et par la tragédie de la guerre, mais surtout la réparation des injustices commises par le régime mussolinien.
Au cours de la Ire législature, Sandro Pertini est nommé sénateur de la République et devient président du groupe socialiste au Sénat. Le 27 mars 1949, durant la 583e séance du Sénat, Pertini, au nom de son parti, vote contre l'adhésion du pays au Pacte Atlantique, le présentant comme un instrument de guerre, de plus anti-soviétique, et ayant pour seul dessein la division de l'Europe. Soulignant la manière dont le Pacte Atlantique pourrait influencer la politique italienne, le sénateur Pertini mit en garde sur les probables conséquences négatives de ce Pacte qui pourraient frapper la classe ouvrière. Dans son discours, il défend la position pacifiste du groupe socialiste, exprimant la solidarité envers les compagnons communistes - véritables cibles, à ses dires, du Pacte Atlantique - et concluant avec les paroles suivantes : « Aujourd'hui nous avons entendu crier Vive l'Italie quand vous avez posé la question de l'indépendance de la Patrie. Mais je ne sais pas combien de ceux qui aujourd'hui pousse ce cri, serait prêt demain vraiment à prendre les armes pour défendre la Patrie. Beaucoup de ceux-ci n'ont pas su les prendre contre les nazis. Les paysans et les ouvriers les ont pris, et ils se sont fait tuer pour l'indépendance de la Patrie » — Actes parlementaires. 1re législature, Sénat. Vol. V : Discussions 1948-49
Élu à la Chambre des députés en 1953, puis réélu en 1958, 1963, 1968, 1972 et 1976, dans les collèges de Gênes-Imperia-La Spezia-Savone, Pertini prend la présidence de la Commission parlementaire des Affaires intérieurs, puis celle des Affaires constitutionnelles, et, en 1963, devient l'un des vice-présidents de la Chambre des députés. Il fait partie des parlementaires qui dénoncent publiquement, avec indignation, que le congrès du Mouvement social italien puisse se tenir dans la ville de Gênes ; le 1er juillet 1960, il dénonce à la Chambre les violences des forces de l'ordre commises contre les manifestants, tant dans le chef-lieu ligure que dans les autres villes d'Italie. Quelques jours après, les désordres conduisent au tragique massacre de Reggio d'Émilie. Au printemps 1978, lors de l'enlèvement de Aldo Moro, Pertini, à la différence de la majorité de la direction du parti socialiste, soutient la « ligne de fermeté » envers les kidnappeurs, refusant toutes négociations avec les Brigades rouges.
Le 5 juin 1968, Sandro Pertini est élu président de la Chambre des députés, à l'issue du premier tour de scrutin, ayant recueilli 364 suffrages sur les 583 députés ayant pris part au vote ; il préside la Chambre basse pour la Ve législature, issue des élections générales du 19 mai. Entre le 9 et le 24 décembre 1971, Sandro Pertini, en sa qualité de président de la Chambre des députés, a présidé la session conjointe des députés, sénateurs et représentants des régions réunis à Montecitorio pour l'élection du sixième président de la République italienne. Respecté de tous, Pertini est aisément reconduit à la présidence de la Chambre le 25 mai 1972, pour la VIe législature, issue des élections du 7 mai ; il est réélu à l'issue du premier tour de scrutin, par 519 députés sur les 615 ayant pris part au vote.
Le 29 juin 1978, fut convoquée la session conjointe des députés, sénateurs et représentants des régions d'Italie, réunis pour l'élection du septième président de la République italienne ; une élection présidentielle anticipée, qui fit suite à la démission du président Giovanni Leone, soupçonné d'être plus ou moins impliqué dans une affaire de corruption, le « scandale Lockheed ». Au cours des trois premiers tours de scrutins, la Démocratie chrétienne (DC) s'appuie sur la candidature de l'ancien ministre Guido Gonella, le Parti communiste italien (PCI), lui, soutenant son propre candidat, en la personne de l'écrivain Giorgio Amendola, figure de la Résistance au régime fasciste ; quant à l'aile parlementaire socialiste, elle concentre ses suffrages sur le nom de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Pietro Nenni. Jusqu'au 13e tour de scrutin, le PCI maintient la candidature de Amendola, bien que le PSI ait, cette fois, décidé de proposer la candidature d'un ancien vice-président du Conseil, Francesco De Martino, mais au 16e scrutin, le 8 juillet 1978, la convergence des trois partis politiques se porte sur le nom de Sandro Pertini, ancien président de la Chambre, qui est élu président de la République italienne ; il a recueilli 832 suffrages des 995 électeurs ayant pris part au vote, soit 83,62 % du corps électoral. Il s'agit, à ce jour, de la plus large majorité acquise par à un candidat à la présidence de la République.
Avec l'élection de Pertini au Quirinal, la République italienne a pour président une figure de la Résistance italienne, populaire, charismatique et fort respectée. Le journaliste Indro Montanelli évoque ainsi la personne du nouveau président de la République : « Il n'est pas nécessaire d'être socialiste pour aimer Pertini. Quoi qu'il dise ou fasse, odeur de propreté, de loyauté et de sécurité » Dans son discours d'investiture8, le président Pertini rendit hommage à son compagnon de cellule et ami Antonio Gramsci, et il souligne la nécessité de mettre fin aux violences terroristes, rappelant à cette occasion la tragique disparition de l'ancien président du Conseil Aldo Moro. De même, le nouveau chef de l'État se présente comme « le Président de tous les Italiens ».
Au cours de sa présidence au palais du Quirinal, il contribue à la fusion de l'image du président de la République avec la population et grâce à sa stature morale, il permet le rapprochement des citoyens avec les institutions dans des moments difficiles entachés d'évènements délictueux comme ceux des années de plomb. À la suite du tremblement de terre du 23 novembre 1980 à Irpinia, l'expression « Faites vite » (Fate presto) reste dans la mémoire de tous comme l'appel au secours face à la tragédie des victimes, phrase qui est publiée le jour suivant dans le quotidien Il Mattino sur neuf colonnes. Après sa visite à Irpinia, le 26 novembre, peu de jours après le tremblement de terre qui coûta la vie de 2 735 personnes, il dénonce publiquement l'impuissance et l'inefficacité des secours de l'État dans un discours télévisé ; durant ce même discours, il souligne l'insuffisance des moyens en matière de protection du territoire et d'intervention en cas de calamité et il dénonce le secteur de l'État qui a spéculé sur le malheur lors du tremblement de terre de Belice.
En sa qualité de président de la République, Sandro Pertini avait nommé cinq sénateurs à vie : l'historien Leo Valiani, l'acteur Eduardo De Filippo, l'ancienne députée communiste Camilla RaveraN 2, l'intellectuel Carlo Bo et le philosophe Norberto Bobbio. Avec ces nominations, les sénateurs à vie siégeant au palais Madame sont au nombre de sept. Selon l'interprétation de Pertini, l'article 59 de la Constitution ne prévoyait pas une limitation à cinq sénateurs pouvant siéger au Parlement mais permettait, en revanche, au président de la République d'en nommer jusqu'à cinq, durant son mandat. Une telle lecture constitutionnelle ne se trouvait pas contestée, probablement en raison de la qualité des sénateurs nommés et, peut-être plus encore, en raison de la grande popularité dont Pertini jouissait. Son image est liée aux évènements heureux de l'histoire de l'Italie, comme aux moments les plus difficiles. Les Italiens se souviennent notamment de la joie de leur président dans le stade de Madrid, lors de la victoire mémorable de l'équipe italienne de football à la Coupe du monde de football de 1982, et comment il voulut être présent lors des tentatives de sauvetage du jeune Alfredino Rampi, un enfant de six ans de Vermicino tombé dans un puits en 1981. Le Président Pertini a, par ailleurs, introduit le rite du « baiser au drapeau » tricolore, une tradition qui sera honorée par ses successeurs.
Lors de la disparition du secrétaire général du Parti communiste italien (PCI), Enrico Berlinguer, le Président Pertini quitte Rome par un vol présidentiel, dans le dessein de s'incliner devant sa dépouille. Durant les obsèques, qui se tinrent place Saint Giovanni, la présidente de la Chambre des députés, Nilde Iotti, depuis la tribune des autorités, salue publiquement la présence du chef de l'État, lequel, chaleureusement applaudi, laisse échapper quelques larmes. C'est ému que Pertini se rendit aux funérailles du président égyptien Anouar el-Sadate, marchant derrière le cercueil au milieu de la foule, tout au long du parcours du convoi funéraire ; le chef de l'État évoquait cet épisode lors de son discours télévisé de fin d'année, datant du 31 décembre 1981 : « [...] Nous sommes préoccupés, nous avons assisté aux funérailles du Président Sadate assassiné par des fanatiques. Il œuvrait pour la paix de son pays avec Israël et le Monde Arabe. Et bien, nous avons assisté à ces funérailles, nous y avons assisté avec une âme emplie d'angoisse. Ce sont des situations qui nous concernent tous, elles ne peuvent être circonscrites aux peuples et aux Nations où elles se déroulent, elles concernent chacun de nous, chaque homme qui aime la liberté et chaque homme qui a à cœur la liberté[...] » — Message de fin d'année aux Italiens, Palais du Quirinal 31 décembre 1981. Pertini s'est, chaque jour, montré intransigeant envers la criminalité organisée, dénonçant « la néfaste activité contre l'humanité » de la mafia et invitant toujours à ne pas confondre les phénomènes criminels de la mafia, de la camorra et de la 'Ndrangheta avec les lieux et les populations où elles sont présentes.
Dans son discours de fin d'année, le 31 décembre 1982, le chef de l'État évoqua un instant le problème mafieux, évoquant à ce titre le combat du député Pio La Torre et du général Carlo Alberto Dalla Chiesa, tous deux froidement assassinés par la mafia durant l'année : « [...] Il y a d'autres maux qui tourmentent le peuple italien : la camorra et la mafia. Ce qui est train de se produire en Sicile vraiment nous horrifie. Il y a des morts presque tous les jours. Il faut faire attention à ce qui se produit en Sicile et en Calabre et avec la camorra à Naples. Il faut faire attention à ne pas confondre le peuple sicilien, le peuple calabrais et le peuple napolitain avec la camorra ou avec la mafia. Les mafieux sont une minorité et les camorristes à Naples sont aussi une minorité. Ceci en est la preuve : quand Pio La Torre a été assassiné, tout Palerme était autour du cercueil. Quand le général Dalla Chiesa a été assassiné, avec sa douce épouse, qui est venu plusieurs fois me rencontrer dans ce bureau, tout Palerme s'est serré autour des deux cercueils pour protester. Donc le peuple sicilien, le peuple calabrais et le peuple napolitain sont contre la camorra et contre la mafia.[...] » — Message de fin d'année aux Italiens, Palais du Quirinal 31 décembre 1982.
En 1983, Sandro Pertini prend la décision de dissoudre le Conseil municipal de Limbadi dans la province de Vibo Valentia car Francesco Mancuso, chef de de l'homonyme famille mafieuse, en fut le président. Le 31 décembre 1983, lors de son traditionnel discours télévisé de fin d'année, le Président Pertini revient sur le thème lié à la criminalité organisée. Ce fut sous la présidence de Sandro Pertini, que fut nommé le premier gouvernement socialiste de la République italienne : en effet, le chef de l'État, ayant tenu compte des résultatsla formation d'un gouvernement au socialiste Bettino Craxi. Deux ans durant, pour la première fois, le président de la République et le président du Conseil des ministres sont socialistes. Cependant, bien que partageant les mêmes convictions politiques, c'est une relation mitigée, voire empreinte d'une certaine animosité qu'entretiennent les deux hommes ; le chef de l'État semble ne guère approuver certains actes politiques de Craxi, comme lors du XLIIIe Congrès du PSI, qui se tint à Vérone, le 15 mai 1984, et durant lequel Bettino Craxi se vit reconduit au secrétariat du parti par acclamation plutôt que par l'habituel vote. Le porte-parole du Quirinal, Antonio Ghirelli, a rapporté que le 4 août 1987, quelques instants précédant la prestation de serment du nouveau gouvernement, le chef de l'État, outré de voir le président du Conseil désigné se présenter en jeans pour une telle occasion, avait sèchement congédié Craxi, lui intimant l'ordre de revenir correctement vêtu.
Durant son mandat présidentiel, Sandro Pertini dissout par deux fois le Parlement, provoquant des élections en 1979, puis en 1983. Il confie la formation d'un gouvernement à Giulio Andreotti, Francesco Cossiga par deux fois, Arnaldo Forlani, Giovanni Spadolini par deux fois, Amintore Fanfani et Bettino Craxi ; d'autre part, il nomme Virgilio Andrioli, Giuseppe Ferrari et Giovanni Conso juges à la Cour constitutionnelle. La présence constante de Pertini dans la vie publique, lors des grands événements ayant pour contexte son septennat, est à l'origine de sa grande popularité. Pour beaucoup, il est considéré comme le président de la République le plus aimé des Italiens, et ce pour bien des raisons : charismatique et patriote, le vieux président était réputé pour son ironie, pour l'amour envers les enfants qu'il accueillait en personne au Quirinal et pour avoir assumé une certaine franchise vis-à-vis des citoyens, parlementaires et politiques ou journalistes. Éminemment respecté pour sa grande rigueur morale comme pour sa prestance, Sandro Pertini semblait sincère et pragmatique lorsqu'il assumait les décisions propres à sa fonction. Sa personnalité est imprégnée de principes qui ont inspiré la démocratie parlementaire et républicaine, née de l'expérience de la résistance; il a toujours refusé la pensée fasciste et toutes les idéologies qui ne reconnaissent pas la liberté de l'homme : « Le fascisme est l'antithèse de la foi politique, parce qu'il opprime tous ceux qui pensent différemment » — CESP Centro Espositivo Sandro Pertini, interview.
Le 29 juin 1985, peu de temps avant la fin de son mandat, il démissionne afin de faciliter la procédure de l'élection de son successeur. Il devient, comme ses prédécesseurs et comme cela est prévu par la Constitution, sénateur à vie. L'unique charge officielle qu'il accepte reste la présidence de la fondation d'études historiques Filippo Turati, créé à Florence en 1985 avec l'objectif de conserver le patrimoine documentaire du socialisme italien. En sa qualité de sénateur à vie le plus âgé, il présida la séance inaugurale de la Xe législature du Sénat de la République, le 2 juillet 1987, au cours de laquelle l'ancien président du Conseil, Giovanni Spadolini, fut élu président de la Chambre haute ; ce fut là son ultime acte officiel. Bien qu'il n'ait guère renouvelé son adhésion au Parti socialiste italien, lorsqu'il fut élu président de la République, Pertini, tenant à sortir du jeu politique dans le dessein d'assumer une parfaite impartialité, n'a cependant jamais renié ses convictions socialistes, qu'il défendait avec habileté lors de son mandat présidentiel. Sandro Pertini s'est éteint dans la nuit du 24 février 1990. Âgé de 93 ans, l'ancien président de la République est décédé dans la mansarde de 35 m² qui lui faisait guise d'appartement ; celle-ci se trouvait face à la fontaine de Trevi, à Rome. Sa volonté ayant été respectée, son corps fut incinéré, puis inhumé au cimetière de Stella San Giovanni, la ville natale de l'ancien président.
La Fondation Sandro Pertini a été créée le 23 septembre 2002, à Florence, sur l'initiative de la veuve du Président Pertini, Carla Voltolina, décédée en 2005. La signature de l'acte public de création s'est déroulée à l'occasion de la cérémonie dans l'amphithéâtre de la la faculté des sciences politiques « Cesare Alfieri » qui vit, en 1924, Sandro Pertini se remettre son diplôme. La Fondation Sandro Pertini a pour dessein la réflexion de la pensée de Sandro Pertini par le biais du patrimoine du grand homme d'État constitué de livres, d'archives historiques, de photographies, de tableaux et de divers documents destinés au public, ces œuvres défendant les valeurs pour lesquelles Pertini s'est battu toute sa vie.
Le Président Pertini reçut sa médaille d'argent de la valeur militaire obtenue pendant la Première Guerre mondiale seulement quand il devint président de la République, après des recherches de l'état-major des armées. Lorsqu'on proposa de la lui remettre, il refusa indiquant que si le régime d'alors lui en niait le mérite, il ne lui paraissait pas juste de la récupérer en raison de sa position de président de la République. Il reçut la médaille à la fin de son mandat présidentiel, dans son bureau de sénateur à vie, des mains du président du Sénat de la République, Giovanni Spadolini. Pertini fut élu président de la Chambre des députés durant la période contestataire estudiantine de 1968. En 1978, lors des Années de plomb, quelques semaines après l'assassinat de l'ancien président du Conseil Aldo Moro, il fut élu président de la République avec l'appui de tous les partis démocrates et antifascistes.
Pertini fut le premier président de la République à conférer la formation d'un gouvernement à une personnalité laïque non démocrate-chrétienne, Giovanni Spadolini, lequel présenta son gouvernement le 28 juin 1981. Élu président de la République italienne en 1978, Pertini, à la demande de son épouse, Carla, refusa de s'installer dans les appartements présidentiels du palais du Quirinal, le couple désirant conserver l'usage de son appartement romain situé face à la fontaine de Trevi. Le Président Pertini avait pour habitude de séjourner à Selva di Val Gardena, se logeant dans la caserne des carabiniers, dans le dessein de ne pas troubler les habitants avec les mesures de sécurité. C'est à proximité du Val di Fassa, dans la commune de Campitello, qu'il a été construit, en 1986, le refuge Sandro Pertini, un hommage à l'amitié qui liait le chef de l'État au gardien du refuge.
Pertini a été un acteur d'une bande dessinée (Pertini, ou Pertini Partigiano) dessinée par Andrea Pazienza et publiée dans différents journaux satiriques parmi lesquels Cuore, Frigidaire, Cannibale et Il Male. L'ensemble a été publié dans un volume par l'éditeur Primo Carnera en 1983 et par Baldini & Castoldi en 1998. La bande dessinée immergeait le président Pertini dans les années de la résistance italienne contre le nazisme, le dépeignant comme un guerrier courageux et pragmatique, accompagné par Paz (l'auteur même) son aide incompétent. La serie eut un certain succès et elle fut appréciée par Pertini même s'il discutait beaucoup le style de Andrea Pazienza. Selon le mensuel italien Ciak, en 1938 Pertini joua dans le film Feux d'artifice (Fuochi d'artificio), dirigé par Gennaro Righelli.
À la mort de Joseph Staline, ses interventions parlementaires saluèrent sans réserve le chef de l'Union des républiques socialistes soviétiques, probablement en raison de l'alliance étroite entre le Parti socialiste italien et le Parti communiste italien : « [...] nous restons étonné par la grandeur de cet homme que la mort nous présente dans sa juste valeur. Hommes de toutes croyances, amis et adversaires, chacun aujourd'hui reconnait l'immense stature de Joseph Staline. C'était un géant de l'histoire et sa mémoire ne connaitra pas de déclin. » — Vittorio Messori, Pensare la storia, SugarcoEdizioni, (2006). En 1980 Carmelo Bene lui dédie un disque Carmelo Bene - Majakovskij, un concert pour voix récitantes et percussions. En 1982, il fit rentrer d'Espagne, avec l'avion présidentiel, l'équipe d'Italie de football, sacrée championne de la Coupe du monde de football. À bord, il entreprit une partie de scopone, s'associant à Dino Zoff contre Franco Causio et Enzo Bearzot. Après avoir perdu la partie, il accusa en plaisantant le gardien de s'être trompé et d'être responsable de la défaite. En 1983 le chanteur et l'auteur Toto Cutugno présente au Festival de Sanremo la chanson L'Italiano qui cite Pertini : [..nous avons] un partisan comme Président [...] (Partigiano come Presidente). En 2006, le groupe musical ligure Buio Pesto a dédié une chanson en dialecte ligure au président Pertini.