Begin Menahem
Menahem Volfovitz Begin (né Mieczysław Biegun le 16 août 1913 à Brest-Litovsk - mort le 9 mars 1992 à Jérusalem) est un homme d'État israélien. Il est Premier ministre d'Israël de juin 1977 à octobre 1983. Begin négocie les accords de paix de Camp David avec le président égyptien Anouar el-Sadate, sous la médiation américaine du président Jimmy Carter. Il est alors convenu du retrait de Tsahal de la péninsule du Sinaï, restituée à l'Égypte. Ces accords, qui concrétisèrent le principe diplomatique d'échange « Territoires contre Paix », valent aux deux négociateurs le prix Nobel de la paix en 1978. Les négociations continuent jusqu'à la signature du traité de paix israélo-égyptien de 1979.
Né à Brest-Litovsk à une époque où la vie des juifs y était très dynamique, Begin reçut une éducation combinant l'étude religieuse traditionnelle de la Torah et des études laïques ; il fréquenta notamment le mouvement de jeunesse juive sioniste de gauche hachomer hatzaïr. Il conserva toute sa vie l'application des principes religieux et resta proche du judaïsme rabbinique orthodoxe. Cela lui valut d'ailleurs le pseudonyme de « rabbi Haim Sussover » des années plus tard lorsqu'il luttait au sein de l'Irgoun contre le pouvoir britannique en Palestine. Le père de Menahem Begin était un leader de sa communauté et un sioniste convaincu, admirateur de Théodore Herzl. Les parents de Begin périrent au cours de la Shoah. Begin finit ses études de droit à Varsovie en 1935. Mais le grand tournant de la vie de Begin fut sa rencontre avec Vladimir Jabotinsky, le fondateur du Sionisme révisionniste anti-socialiste et du mouvement de jeunesse Betar. Jabotinsky marqua beaucoup le jeune Begin. Begin intègre le Betar dès sa création en 1928 puis en prend la tête en 1939, malgré quelques désaccords avec Jabotinsky, qui meurt en 1940.
Cela marque les débuts de l'engagement politique de Begin. En 1939 il s'enfuit à Vilnius ville faisant alors partie de la Pologne jusqu'à l'invasion de ce pays par l'Allemagne nazie. Le 20 septembre 1940, il est arrêté par le NKVD et détenu à la prison de Lukiskes. Accusé d'être un agent de l'impérialisme britannique, il est alors condamné à 8 ans de goulag puis transféré le 1er juin 1941 au camp de travail de Petchora en Sibérie, expériences racontées plus tard dans son autobiographie. Libéré après la signature des accords Sikorski-Maïski en août 1941, il s'engage dans l'armée polonaise en Union soviétique, armée placée sous le commandement du général Władysław Anders. Évacué d'URSS avec le gros de cette armée, début 1943, il transite par l'Iran, l'Irak, puis la Palestine où s'organise le 2e Corps polonais. Caporal à la 5e division d'infanterie polonaise, il déserte en septembre 1943 comme 3 000 autres soldats juifs alors que leur unité stationnait en Palestine.
Rapidement, il s'opposa aux groupes sionistes à idéologie socialiste menés par David Ben Gourion, car il les trouve trop complaisants avec la puissance coloniale britannique. Il milite pour le Sionisme révisionniste. En 1943, Begin rejoint l'Irgoun et en prend le commandement en 1947. De 1944 à la création de l'État d'Israël, Begin vit dans la clandestinité. Il n'a de cesse de dénoncer les mesures prises contre l'immigration juive en Palestine et de lutter pour que le gouvernement britannique retire ses troupes et tienne la promesse que constituait la déclaration Balfour. Pourtant, malgré le traitement réservé aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et l'afflux des réfugiés des camps d'extermination de la Shoah, les Britanniques maintiennent des limitations strictes à l'immigration juive en Palestine, afin de ménager les populations arabes. Begin en est outré et accuse les Britanniques d'appliquer des mesures pro-arabes. Il appelle aux armes et l'Irgoun déclenche une rébellion qui vise les installations et les positions britanniques. Begin continue à échapper aux services britanniques et à l'Agence juive qui le pourchassent et à commander depuis ses cachettes une armée de milliers de combattants, jusqu'au retrait britannique en 1948.
Le 22 juillet 1946, Menahem Begin coordonne l'attentat contre l'hôtel King David à Jérusalem. Des membres de l'Irgoun, déguisés en Arabes, font sauter la partie de l'hôtel abritant le Secrétariat britannique, le Commandement militaire et une branche de la Division d'Investigation criminelle. En dépit d'un coup de téléphone prévenant de l'attaque, les Britanniques n'avaient pas fait évacuer le bâtiment. Quatre-vingt-douze personnes sont tuées, la plupart employées du Secrétariat ou de l'hôtel : 28 Britanniques, 41 Arabes, 17 Juifs et 5 non répertoriés. Environ 45 personnes sont plus ou moins grièvement blessées. Le 9 avril 1948, Menachem Begin assume la responsabilité du Massacre de Deir Yassin perpétré par une centaine de combattants de l'Irgoun et du Lehi. L'attaque du village et le massacre qui suivit, dont des exécutions dans une carrière attenante, fit plus de cent morts.
Après la Déclaration d'indépendance d'Israël, David Ben Gourion conclut un accord avec les principales factions sionistes pour placer les forces paramilitaires sous commandement unifié. L'accord prévoyait également que toutes les fournitures de matériel militaires seraient placées sous contrôle de l'armée. Rompant l'accord, Menahem Begin fit acheminer des armes de France afin de les fournir en priorité aux membres de l'Irgoun. L'ayant appris, David Ben Gourion met Menahem Begin en demeure de respecter l'accord. Ce dernier refuse et rejoint le bateau pour organiser le débarquement clandestin des armes sur une plage de Tel-Aviv. Après que l'endroit fut localisé, David Ben Gourion donne l'ordre à un contingent du Palmah de tirer au canon sur le bateau qui est coulé et sa cargaison perdue (22 juin 1948). Dans les jours qui suivent la déclaration d'indépendance de l'État d'Israël du 14 mai 1948, Begin fait un discours diffusé par la radio pour appeler ses hommes à rendre les armes. Les Israéliens entendent alors sa voix pour la première fois. Lors de parades de ses troupes, il renouvelle sa demande de rendre les armes et de rejoindre la Haganah afin de constituer les nouvelles "Forces de Défense d'Israël", Tsahal.
Photo de Menahem Begin lors de son arrestation par le NKVD (photo retrouvée dans les archives du KGB)
Les actions de l'Irgoun et du groupe clandestin Lehi (également connu sous la dénomination de « groupe Stern ») sont dénoncées par la gauche israélienne qui les considère comme relevant d'actes terroristes. Ces deux organisations sont dissoutes en 1948 pour éviter tout risque de guerre civile, et Begin s'engage alors dans un combat politique pendant les trente années suivantes. Begin fonde son propre parti politique, le Herout ("Liberté") en 1948, à la droite de l'échiquier politique israélien, et en marge de l'ancien parti révisionniste déclinant qui avait été fondé par Jabotinsky lui-même. Aux élections de 1949, le Herout gagna 18 sièges au Parlement de la Knesset. Le parti révisionniste sans représentant à l'Assemblée est alors dissout et Begin devient ainsi l'unique leader du courant révisionniste. De 1948 à 1977, le Herout représente la principale alternative au parti travailliste dominant à la Knesset et la tension est grande entre Menahem Begin et David Ben Gourion. Le public est à l'époque surpris par l'apparence de Begin et ses manières qui semblent d'une autre époque. Par exemple, Begin, qui a été diplômé en Droit en Pologne, continue de préférer le costume et la cravate, là où les socialisants préfèrent des tenues informelles.
Refusant l'accord d'indemnisation des victimes de la Shoah que Ben Gourion négocie avec le chancelier allemand Konrad Adenauer, Begin est accusé d'être l'un des commanditaires d'un attentat raté commis envers le chancelier (de fait, les commanditaires pensaient que le colis piégé n'atteindrait pas sa cible, mais un policier fut tué). L'engagement de Begin a un écho particulier auprès des citoyens défavorisés et notamment des nouveaux immigrants d'origine séfarade, plutôt religieux dans leur ensemble, et qui fuient les pays arabes. Ils sont pleins de ressentiment envers l'élite israélienne ashkénaze hautaine, majoritairement athée et politiquement (très vaguement) proche du communisme soviétique. Begin accepte de participer au gouvernement d’union nationale en 1967 et influe sur le déclenchement de la guerre des Six Jours. Les messages anti-socialistes, anti-élitistes et empreints de signification religieuse que formule Begin attirent ainsi cette base populaire qui lui accorde systématiquement ses voix aux élections et finit par le porter au pouvoir en mai 1977. Pour cela, Begin avait accepté en 1973 le plan du Général Ariel Sharon de former une coalition plus large des partis de l'opposition, en s'alliant au Parti libéral, au Parti du centre et à d'autres groupes plus petits pour constituer le Likoud (« consolidation »).
Begin parvient à réaliser ce qui paraissait impensable jusque-là : remporter les élections contre le parti travailliste, ce qui était une première dans la courte histoire de l'État d'Israël. Il devient alors Premier ministre. Le Likoud gagna les élections de 1977 mais fut loin des 60 sièges sur 120 nécessaires pour appuyer un gouvernement sur une majorité parlementaire. Afin d'exclure le parti travailliste du futur gouvernement, il dut compter sur les 15 sièges du DASH (Mouvement démocratique pour le changement) fondé un peu plus tôt par des personnalités comme le général Yigal Yadin, le Professeur Amnon Rubenstein, Shmuel Tamir et Meir Amit. Yadin jouera un rôle important lors des négociations israélo-égyptiennes. Les 5 représentants du parti religieux Agoudat Israel se joignirent également à cette majorité de centre-droite. Moshe Dayan, ancien Ministre « travailliste » de la Défense de 1967 à 1973, devint ministre « Likoud » des Affaires étrangères. Les principales réalisations du mandat de Menahem Begin furent les Accords de Camp David et le Traité de paix israélo-égyptien. Il procéda au retrait israélien du Sinaï, comme demandé partiellement par la controversée Résolution 242 (1967) qui avait formulé la nécessité qu'Israël se retire « de(/des) territoires » après la guerre des Six Jours pour mettre fin au conflit israélo-arabe. (Voir les articles qui y sont consacrés, notamment pour une explication sémantique des termes de la résolution de l'ONU).
Les bases militaires du Sinaï furent réimplantées dans le Néguev, avec des aides financières et des garanties politiques des États-Unis. La démolition de colonies de peuplement israéliennes dans le Sinaï (notamment la ville de Yamit) suscita une opposition interne dans le Likoud qui menaça de scinder le parti. Begin prit très au sérieux l'anti-sionisme menaçant de Saddam Hussein. Israël discuta avec la France pour ne pas fournir à l'Irak son réacteur nucléaire de Osirak. Puis en 1981, Begin ordonna le bombardement et la destruction du réacteur nucléaire de Tamnuz par l'aviation israélienne. « À aucun prix, Israël ne permettra à un ennemi de développer des armes de destruction massive qu'il pourrait utiliser contre notre peuple » est connu comme la 'doctrine Begin'. Cette opération fut dénoncée par de nombreux gouvernements étrangers dont les États-Unis par le biais d'une lettre de protestation de Ronald Reagan, et la résolution 487 du Conseil de sécurité des Nations unies la condamna. La gauche israélienne condamna également l'opération, mais plutôt pour des raisons électorales car l'attaque s'était déroulée à trois semaines de nouvelles élections.
En 1982, Begin autorisa Tsahal à envahir le Liban pour en déloger l'OLP qui pilonnait la Galilée à partir de la frontière nord d'Israël. L'opération israélienne au sud-Liban dura trois ans puis se prolongea dans une moindre mesure avec une présence israélienne jusqu'en 2000. Begin fut très marqué par les échecs de la campagne du Liban : le revirement puis l'assassinat de Béchir Gemayel, les nombreuses victimes parmi les soldats israéliens, la mauvaise image dans l'opinion d'une guerre non nécessaire à la sécurité d'Israël, le drame du Massacre de Sabra et Shatila... Il fut également très affecté par la mort de sa femme Aliza survenue en Israël alors qu'il était en voyage officiel à Washington. Déprimé, Begin annonça sa démission le 15 septembre 19833, passa les commandes du gouvernement à Yitzhak Shamir le 10 octobre 1983. Begin se retira de la vie politique et quitta rarement son appartement au cours de ses dernières années, sauf pour se rendre sur la tombe de son épouse. Il s'éteint à Jérusalem en 1992 et fut enterré sans grande cérémonie au mont des Oliviers.