Winsloe Christa

Publié le par Mémoires de Guerre

Christa Winsloe, née le 23 décembre 1888 à Darmstadt (Allemagne) et morte le 10 juin 1944 à Cluny (France), est une écrivaine et une sculptrice germano-hongroise. Elle était ouvertement lesbienne et a mené en conséquence une vie qui allait contre les attentes de sa famille et les normes sociales reconnues. On le voit dans son œuvre au centre de laquelle se trouvent l'identité sexuelle, la position et le rôle des hommes et des femmes. Ses livres et ses pièces de théâtre nous présentent des femmes qui se refusent à faire comme tout le monde. Elle est surtout connue comme l'auteur de la pièce de théâtre Gestern und heute (1930) sur laquelle sont basées les deux versions de Mädchen in Uniform (1931 et 1958).

Winsloe Christa
Winsloe Christa
Winsloe Christa
Winsloe Christa

Elle n'avait que onze ans quand sa mère mourut. Son père se sentit dépassé par les évènements et mit l'enfant en pension à l'Institution Impératrice-Augusta (Kaiserin-Augusta-Stift), réservée aux filles d'officiers, où les filles étaient élevées avec une discipline militaire et des règles extrêmement strictes ; ce fut pour elle un cauchemar qui la marqua pour le reste de sa vie et dont on trouve des traces dans son œuvre. Au lieu d'épouser un officier, ce à quoi l'obligeait plus ou moins son milieu, elle décida de faire carrière comme sculptrice et alla à Munich étudier à la Königliche Kunstgewerbeschule München (Académie artistique royale de Munich), s'intéressant particulièrement aux animaux. En 1913, elle en passa toutefois par où le voulait sa famille en se mariant avec le baron hongrois Lajos Hatvany. Quand éclata la première Guerre mondiale tous les deux étaient à Paris en voyage de noces et il leur fallut en toute hâte revenir en Hongrie où Christa continua à travailler comme sculptrice et entra en relations avec des cercles littéraires. Au cours de ce mariage, elle écrivit son premier roman encore inédit, intitulé Das schwarze Schaf (Le mouton noir). L'héroïne est une fille qui, aussi bien à l'école que dans sa carrière comme sculptrice, est une marginale et qui n'arrive à arracher l'approbation de la société qu'en se mariant avec un monsieur comme il faut. Son mariage ne dura pas longtemps, mais Hatvany était quelqu'un d'étrange et, après leur divorce, il accorda à Christa une rente vraiment royale grâce à laquelle elle put mener une vie indépendante financièrement.

Dans les années 1920, elle partit pour Vienne où le succès lui vint grâce à l'opéra théâtral Hier et aujourd'hui qui parle d'érotopédagogie, puis pour le Berlin de la République de Weimar, où à cette époque florissait une subculture lesbienne prospère ; elle put s'afficher comme telle et s'inscrire au parti socialiste allemand. Elle travaillait comme sculptrice d'animaux et se fit un ample cercle d'amis ; à côté de cela elle écrivit entre autres Männer kehren heim (Les hommes reviennent chez eux), où elle nous parle d'une fille qui, pendant la Première Guerre mondiale, s'habille en homme afin de se défendre. Elle ne perça véritablement qu'avec la pièce de théâtre Gestern und heute (1930) où une collégienne en pension, Manuela von Meinhardis, tombe amoureuse de sa professeure, mademoiselle von Bernburg. Sous le titre Mädchen in Uniform (Jeunes filles en uniforme), la pièce fut portée à l'écran en 1931 par Leontine Sagan avec dans les rôles principaux Dorothea Wieck et Hertha Thiele. En 1958, un remake en a été fait par Géza von Radványi, avec Lilli Palmer et Romy Schneider dans les rôles principaux.

En 1933, Christa Winsloe commença une histoire d'amour avec la journaliste américaine Dorothy Thompson, la première femme qui eût interviewé Hitler et qui tenta inutilement de mettre en garde contre le danger que représentait son accession au pouvoir. Cette relation amoureuse ne dura pas du fait que Thompson ne se faisait pas au mode de vie lesbien et que Winsloe ne put trouver de travail aux États-Unis. Winsloe retourna donc en Europe mais préféra s'installer en France pour fuir le nazisme. Au cours de la Seconde Guerre mondiale elle servit dans la Résistance. Dans la maison, qu'elle partageait avec sa compagne, l'écrivaine suisse Simone Gentet, plus jeune qu'elle de dix ans, elle cachait des clandestins. En juin 1944, quatre Français abattirent les deux femmes dans une forêt près de Cluny. L'affaire n'a jamais été entièrement éclaircie. Le chef du commando, un certain Lambert, prétendit avoir agi sur ordre de la Résistance car elles espionnaient pour le compte des Allemands. Les sentiments antinazis de Winsloe étaient pourtant bien connus.

C’est alors qu’Hilde Walter, une journaliste reconnue dans l'émigration allemande aux États-Unis parla le 2 juin 1946 dans la Neue Volkszeitung de cette exécution sous le titre « Qu'avait fait Christa Winsloe ? » (« Was hat Christa Winsloe getan? ») avec toutes sortes de suppositions. Cet article poussa Dorothy Thompson à demander des éclaircissements à l'ambassadeur de France aux États-Unis. Il lui fit savoir en décembre 1946 que Christa Winsloe n’avait pas été arrêtée par le maquis, mais avait été assassinée par un dénommé Lambert qui prétendait faussement avoir reçu des ordres de la Résistance. À ce moment-là Lambert était en prison, accusé de meurtre avec préméditation. L'auteur américain Peter Kurth s’intéressa plus tard à cette accusation de meurtre. En juin 1987 il reçut de France les noms des trois coaccusés de Lambert et l’information que tous les quatre auraient été acquittés en 1948 mais on ne lui en dit pas plus. En 2012, dans la biographie de Christa Winsloe qu’elle publia, Doris Hermann se référa aux documents du procès d’où il ressortait de façon certaine que les deux victimes n'étaient absolument pas des espionnes. Les accusés auraient tout de même été acquittés en 1948, bien qu'ils fussent des criminels de droit commun, au motif que le comportement des femmes avait éveillé des soupçons, mais qu’il s’agissait, c’est ce que dit Doris Hermann, d'une erreur épouvantable.

De façon brève et concise Christa Reinig écrit de Christa Winsloe : « Elle était toujours de l’autre côté » (« Sie war immer eine ‚von denen ») Pour le monde des civils auquel elle voulait pourtant appartenir, elle faisait partie des filles d'officier. Pour ses collègues artistes dans l'atelier, elle était l'une de ces images de femme qui ne convenait pas au dessin de nu, ni même au drapé. Au point de vue littéraire, elle était l'une de ces écrivassières qui publient des romans pour bonnes femmes et des comédies de société. Pour les émigrants, elle faisait partie de ceux qui avaient émigré parce qu'ils ne voulaient pas vivre sous Hitler. Comme elle n'était pas juive et ne faisait pas de politique, aucun comité et aucune administration ne s’intéressait à elle. Et dans la guerre, elle était l'un de ceux qui couraient çà et là sans armes et sans défense. Toujours dans le no man’s land. Aucune société humaine n’a voulu la recueillir. »

Publications

  • 1935, Life begins, Londres, Chapman and Hall; publié en 1936 à New York sous le titre Girl alone
  • 1938, Passagiera, roman, Amsterdam, Allert de Lange
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