Bombacci Nicola
Nicola Bombacci, dit Nicolò Bombacci ou Nicolino Bombacci (né le 24 octobre 1879 à Civitella di Romagna et mort le 28 avril 1945 à Dongo) est un homme politique italien de la première moitié du XXe siècle.
Dirigeant socialiste pendant la Première Guerre mondiale et dans l'immédiat après-guerre, Nicola Bombacci fut en 1921 l'un des fondateurs du Parti communiste d'Italie. Resté en Italie en dépit de l'instauration de la dictature fasciste, il chercha, dans la décennie 1930, alors qu'il était directeur de la revue La Verità, à se rapprocher du fascisme. Il participa à la République sociale italienne (RSI) et fut fusillé en même temps que Benito Mussolini en avril 1945. Originaire de Civitella di Romagna, dans le sud de la province de Forlì, Nicola Bombacci fréquenta d'abord quelques années le séminaire, avant de devenir ensuite instituteur. Il s'engagea dans le mouvement syndical et fut actif, pendant toute la première décennie du XXe siècle et au-delà, entre les villes de Crema, Plaisance et Cesena, et sut en 1911 se faire élire membre du Conseil national de la Confederazione Generale del Lavoro (CGdL). Sa carrière politique prit véritablement son essor pendant la Première Guerre mondiale à Modène, où il s'érigea en chef incontesté du socialisme local, à telle enseigne que Mussolini lui-même (qui le connaissait depuis 1906, quand tous deux étaient maître d'école) l'appelait « le Kaiser de Modène ». Entre les guerres des Balkans et la Révolution russe, il fut à la fois secrétaire de la Chambre du Travail, secrétaire de la Fédération socialiste provinciale de Modène et directeur de la revue socialiste Il Domani (litt. le Lendemain).
En juillet 1917, nommé membre du Comité directeur et vice-secrétaire du Parti socialiste italien (PSI), Bombacci aida le secrétaire Costantino Lazzari à rédiger ses célèbres circulaires adressées aux sections du parti et seconda le directeur de la revue socialiste Giacinto Menotti Serrati dans ses efforts de conquête du mouvement ouvrier par le courant socialiste maximaliste. En 1918, après l'arrestation de Lazzari en janvier et de Serrati en mai, il se retrouva quasiment seul à la tête du parti. Lui-même, arrêté pour défaitisme en janvier, puis mis en jugement en liberté, il fut finalement incarcéré le 31 octobre 1918, mais relâché dès le 20 novembre. Partisan d'une politique clairement antiréformiste, il centralisa et verticalisa tout le socialisme italien : les fédérations provinciales du parti et le groupe parlementaire socialiste (GPS) dépendaient désormais directement de la direction du PSI, à laquelle furent rattachées y compris les organisations syndicales et les coopératives rouges. En octobre 1919, il rédigea en compagnie de Serrati, Gennari et Salvadori le programme de la fraction maximaliste, victorieuse au XVIe Congrès national du Parti socialiste italien qui se tint à Bologne du 5 au 8 octobre 1919 : élu secrétaire du parti (le 11 octobre 1919) et, le mois suivant, lors des premières élections politiques générales de l'après-guerre (le 16 novembre 1919), élu député à la Chambre des députés du Royaume d'Italie pour la circonscription de Bologne avec plus de cent mille voix, il fut l'une des figures les plus puissantes et les plus visibles du socialisme maximaliste au cours du biennio rosso.
En janvier 1920, il présenta un projet d'instauration de soviets en Italie, lequel projet, s'il ne rencontra que peu d'approbation et recueillit de nombreuses critiques, contribua néanmoins à ouvrir un vif débat théorique dans les organes de presse du parti. En avril, il sera le premier socialiste italien à rencontrer des représentants bolchéviques à Copenhague8, et en été de cette année fera partie de la délégation italienne qui se rendit dans la Russie soviétique, participant même au IIe Congrès de l'Internationale communiste. Fondateur, à l'automne 1920, conjointement avec Antonio Gramsci, Amadeo Bordiga, Egidio Gennari et Antonio Graziadei, de la Fraction communiste, en plus d'être directeur de la revue Il Comunista, il opta résolument, lors du XVIIe Congrès national du PSI à Livourne en janvier 1921, pour la scission, et fut l'un des fondateurs du Parti communiste d'Italie (PCd'I), section italienne de la IIIe Internationale, au sein duquel il devint membre du Comité central. Réélu député lors des élections politiques générales au printemps 1921 pour la circonscription de Trieste, mais n'ayant aucun de ses propres courants représentés dans le nouveau parti, Bombacci se retrouva en fait plutôt isolé aux côtés d'une part du groupe des collaborateurs de la revue l'Ordino Nuovo, savoir Gramsci, Togliatti, Terracini et Tasca, et d'autre part des tenants de l'abstentionnisme stratégique de Bordiga. Il se situait, avec Francesco Misiano, dans l'aile droite du PCd'I, inclinant à un rapprochement avec les maximalistes et adversaire du parti sectaire et très idéologisé tel que voulu par Bordiga.
Il fut bientôt exclu des instances de direction du PCd'I, à commencer par le Comité central du parti. La polémique parvint jusque dans les hautes sphères soviétiques lorsque, en novembre 1923, le Comité exécutif du PCd'I décida unilatéralement de l'expulser sans en référer à l'Internationale communiste. Bombacci, alors secrétaire du groupe parlementaire communiste, fut accusé d'avoir évoqué une possible union des deux révolutions – celle bolchévique et celle fasciste – dans une intervention à la Chambre des députés le 30 novembre 1923. Il n'avait pourtant fait rien autre chose que proposer, sur indication de l'ambassadeur russe en Italie, Jordanskij, un traité économique italo-russe, au demeurant fortement souhaité par le Kremlin. En janvier 1924, Bombacci fut donc appelé à Moscou, où il représenta la délégation italienne aux funérailles de Lénine : Grigori Zinoviev décida sa réintégration dans le PCd'I, dont les rangs avaient du reste été décimés dans les derniers mois par la campagne d'arrestations décrétée par le gouvernement fasciste de Mussolini. À son retour en Italie, Bombacci commença à travailler à l'ambassade russe à Rome, au service du commerce et de la diplomatie soviétiques. En 1925, il fonda la revue L'Italo-Russa, assez mince, puis une société d'import-export homonyme, qui n'eurent toutes deux qu'une existence éphémère. Entre-temps, sa séparation d'avec le parti fut consommée, les dirigeants communistes en exil ayant en effet décrété son exclusion définitive en 1927. Son expulsion fut sanctionnée par un laconique communiqué publié dans un numéro de l'Unità : « Nicola Bombacci est expulsé du parti communiste d'Italie pour cause d'indignité politique ».
Dans les années du silence, Bombacci continua de vivre à Rome avec sa famille, alors qu'il semble que la collaboration avec l'ambassade soviétique ne se soit pas prolongée au-delà de 1930. Les besoins économiques et la maladie grave dont souffrait son fils Wladimiro et qui nécessitait de coûteux traitements, le portèrent à solliciter de l'aide auprès de haut-placés du régime fasciste qu'il connaissait d'auparavant : Leandro Arpinati, Dino Grandi, Edmondo Rossoni, et enfin Benito Mussolini lui-même, avec qui il avait eu des rapports politiques au cours de la période giolittienne (1901-1914). Le Duce lui octroya quelques subsides en argent pour les traitements de son fils, et lui procura un emploi à l'Institut de Cinématographie éducative de la Société des Nations à Rome. À partir de 1933, Bombacci se rapprocha de plus en plus clairement du fascisme, si bien qu'après 1935, c'est d'une véritable adhésion qu'il y a lieu de parler. Mussolini l'autorisa début 1936 à fonder la Verità, revue politique alignée sur les positions du régime, laquelle revue durera – abstraction faite de quelques interruptions dues à l'opposition des tenants d'un fascisme intransigeant, Roberto Farinacci et Achille Starace – jusqu'à juillet 1943, et à laquelle apporteront leur collaboration divers autres ci-devant socialistes, tels qu'Alberto et Mario Malatesta, Ezio Riboldi, Arturo Labriola, Walter Mocchi, Giovanni et Renato Bitelli et Angelo Scucchia.
« Camarades ! Regardez-moi en face, camarades ! Vous vous demandez si je suis le même agitateur socialiste, le fondateur du Parti communiste, l’ami de Lénine que j’ai été pendant un temps. Eh bien oui messieurs, je suis toujours le même ! Je n’ai pas renié les idéaux pour lesquels j’ai lutté et pour lesquels je lutterai toujours. J’étais aux côtés de Lénine lors des journées radieuses de la révolution, je croyais que le bolchévisme était à l’avant-garde du triomphe ouvrier, mais par la suite je me suis rendu compte de mon illusion. » — Gênes, le 15 mars 1945, discours à l’adresse des Chemises noires.
Bombacci ne se vit jamais accorder la carte du Parti national fasciste (PNF), en dépit des demandes répétées qu'il adressa à Mussolini, à qui il lui arrivait souvent d'écrire. Après la chute du régime fasciste le 25 juillet 1943, et la libération, en septembre, de Mussolini du Gran Sasso, et à la suite de la création de la République sociale italienne (RSI), Bombacci prit volontairement la décision de se rendre à Salò, où il devint une sorte de conseiller du Duce. Bénéficiant dès lors de plus d'espace et d'une plus grande visibilité, l'ex-fondateur du Parti communiste d'Italie résolut de se vouer corps et âme au fascisme. Ses capacités oratoires innées et sa proximité avec les classes laborieuses étaient certes susceptibles d'être utiles à la propagande fasciste ; il publia alors quelques opuscules sur les dangers du bolchévisme et sur la dénaturation des principes communistes par le stalinisme, et prit part au Congrès de Vérone de 1943. C'est à lui qu'est attribué le projet de socialisation des entreprises et des moyens de production, dont la propagande du fascisme républicain devait notoirement faire la promotion et qui fut approuvé par le conseil des ministres de la RSI en février 1944. Dans les derniers mois de la guerre, entre septembre 1944 et mars 1945, il ne cessa, en donnant des conférences publiques et en tenant des réunions politiques avec les ouvriers sur les places du nord de l'Italie, de vanter le fascisme comme l'unique et authentique révolution et comme moyen de réaliser le triomphe du travail. Bombacci demeura aux côtés de Mussolini jusqu'au tout dernier moment. Les résistants le capturèrent alors qu'il s'enfuyait en direction de la Suisse dans la même voiture que le Duce, et le fusillèrent sur les rives du lac de Côme le 28 avril 1945. Au moment d'être fusillé, alors que ses compagnons d'infortune, sur le point d'être exécutés comme lui, criaient « Vive l'Italie ! », ses dernières paroles furent : « Vive le socialisme ! ». Le matin du 29 avril, il fut suspendu par les pieds à une pompe d'essence, sur la piazzale Loreto à Milan, à côté de Mussolini, de Clara Petacci et de quelques autres hiérarques fascistes, sous l'écriteau « Supertraître ».