Luiz Inácio Lula da Silva

Publié le par Mémoires de Guerre

Luiz Inácio Lula da Silva, plus souvent appelé « Lula », né le 27 octobre 1945 à Caetés, est un homme d'État brésilien, président de la République du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2011. Ouvrier métallurgiste de profession, il participe en 1980 à la fondation du Parti des travailleurs (PT), mouvement d'inspiration socialiste, dans un contexte de grèves et d'opposition à la dictature militaire. Au cours de la décennie, le PT devient une formation de premier plan de la vie politique brésilienne. En 1989, quatre ans après la fin de la dictature, Lula s'incline au second tour de l’élection présidentielle face à Fernando Collor (PRN), réunissant 47,0 % des voix. À nouveau candidat en 1994 et 1998, il est éliminé dès le premier tour par Henrique Cardoso. Élu président de la République lors de l'élection présidentielle de 2002 face à José Serra (PSDB) avec pour colistier le centriste José Alencar, il est réélu en 2006 en l'emportant une nouvelle fois sur le candidat du PSDB, cette fois-ci Geraldo Alckmin. Pour ces deux scrutins, il réunit respectivement 61,3 % et 60,8 % des suffrages exprimés au second tour. Pendant sa présidence, Lula met en place des programmes sociaux d'importance – notamment la Bolsa Família et Fome Zero –, améliore sensiblement la situation économique du pays et s'implique dans les questions internationales.

Ses mandats sont également marqués par des scandales financiers, qui abîment l'image de son parti et du gouvernement. La Constitution lui interdisant de se représenter, sa cheffe de cabinet, Dilma Rousseff, reçoit son soutien et remporte le scrutin présidentiel de 2010. Alors qu'il est soupçonné de corruption et de blanchiment d'argent dans l'affaire Petrobras, Dilma Rousseff le nomme en 2016 ministre de la Maison civile, mais cette nomination controversée est aussitôt suspendue par la justice. En 2018, il est condamné en appel à douze ans de prison. Alors qu'il est désigné candidat du PT à l'élection présidentielle de 2018, pour laquelle il est donné favori, il est emprisonné et déclaré inéligible, avant d'être condamné dans une autre affaire. À la suite d’un recours, il est libéré. En 2021, le Tribunal suprême fédéral reconnaît la partialité du juge Sergio Moro, qui l'avait fait condamner, et annule ses deux condamnations pour vice de forme. Cette décision permet à Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2022, avec son ancien adversaire de droite Geraldo Alckmin comme colistier à la vice-présidence ; il se qualifie au second tour face au président sortant, Jair Bolsonaro

Luiz Inácio Lula da Silva

Jeunesse

Ouvrier tourneur, il devient l'un des dirigeants du syndicat des métallurgistes de São Paulo (1972) et organise à ce titre les grandes grèves de 1975, puis de 1980, date à laquelle il fonde le parti des Travailleurs (PT) et dirige son groupe parlementaire. Candidat à l'élection présidentielle de 1989, il est battu au second tour par Fernando Collor de Mello. Évincé, dès le premier tour par Fernando Henrique Cardoso) en 1994, il quitte la direction du PT en 1995, peu après avoir animé la grande grève de Petrobras. Après une troisième tentative infructueuse en 1998, il remporte l'élection présidentielle d'octobre 2002 et devient, en janvier 2003, le premier président de gauche depuis l'instauration de la République du Brésil en 1889. Il est réélu pour quatre ans en 2006. Sous ses deux mandats, le Brésil se hisse au rang de puissance régionale, précieux partenaire économique pour certains États d’Amérique latine (Argentine), voisin hégémonique pour d’autres (Paraguay) et parvient à faire entendre sa voix sur la scène internationale.

Sa politique pragmatique vise à concilier les milieux d’affaires – dont les investisseurs étrangers et le secteur agroalimentaire qui assure plus de 40 % des exportations brésiliennes –, la classe moyenne – qui connaît une forte expansion – et le cœur de son électorat, dont il s’assure le soutien par une diminution sensible de l’extrême pauvreté. Malgré la déception d’une partie de la gauche – dont le mouvement des paysans sans terre – et même si son gouvernement dépend du soutien des centristes du PMDB, en progression aux élections législatives de 2006 et municipales de 2008, sa popularité reste intacte avec 80 % d’opinions favorables. Ce dont profite sa dauphine Dilma Rousseff, candidate du PT – qui redevient le premier parti à la chambre des députés – et de la coalition gouvernementale sortante, élue présidente de la République en octobre 2010 au second tour de scrutin avec 56 % des voix. 

Après la présidence

L'hôpital syro-libanais de São Paulo, annonce, en octobre 2011, que Lula est atteint d'une tumeur localisée dans le larynx et qu'il devra subir une chimiothérapie « sous forme ambulatoire ». En mars 2012, l'hôpital affirme que son cancer du larynx a connu une « rémission complète ».

Retour éphémère au gouvernement

Le 17 mars 2016, Dilma Rousseff le nomme ministre d'État et chef de cabinet de la présidente de la République, la plus haute fonction du gouvernement. Cette nomination entraîne les huées de participants à son investiture au palais présidentiel et la protestation d'une grande partie de la classe politique brésilienne. Une demi-heure après sa nomination, la justice suspend en référé sa prise de fonction, considérant que « Dilma Rousseff a commis un délit en nommant Lula ministre pour lui permettre d’échapper à la justice ». Des tribunaux annulent ensuite ces ordonnances mais le lendemain, le 18 mars, un juge du Tribunal suprême fédéral confirme la suspension de l'entrée de Lula au gouvernement dans l'attente du verdict collégial définitif de la juridiction. Un enregistrement téléphonique entre la présidente Rousseff et Lula rendu public par le juge Sérgio Moro deux jours plus tôt, le 16 mars, laissait clairement entendre qu'il y avait eu arrangement entre eux deux pour lui éviter la prison.

Alors que des chefs d'État sud-américains de gauche (Nicolás Maduro, Evo Morales, Michelle Bachelet et Rafael Correa) lui apportent leur soutien, les manifestations se succèdent contre le gouvernement à Brasilia et São Paulo, avec parfois des violences. Le 8 avril 2016, le procureur préconise au Tribunal suprême fédéral d'annuler son entrée au gouvernement. Le 20 du même mois, le Tribunal suprême reporte l'audience prévue pour statuer sur sa nomination. Eva Chiavon assure l'intérim. Après la suspension de Dilma Rousseff, le nouveau président intérimaire, Michel Temer, nomme Eliseu Padilha, puis, après la destitution de la présidente, l'audience prévue est définitivement annulée.

Poursuites judiciaires et emprisonnement

À partir de 2011, Lula est mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires, notamment pour corruption, blanchiment d'argent, détournement de fonds publics et entrave à l'exercice de la justice. L'ancien président se défend d'avoir commis tout acte illégal et affirme que les poursuites dont il fait l’objet sont le résultat de la volonté des « élites » de l'écarter de la course à l’élection présidentielle de 2018. Dès la réélection de Dilma Rousseff en 2014, Lula laisse en effet connaître son intention de briguer un troisième mandat présidentiel. La principale affaire le visant s’inscrit dans le cadre du scandale Petrobras. Il est accusé d’être intervenu pour l’attribution de contrats à l’entreprise pétrolière Petrobras en échange de 3,7 millions de reals — dont un luxueux appartement —. En juillet 2017, le juge Sérgio Moro le condamne à neuf ans et six mois de prison pour corruption passive et blanchiment d'argent. En appel, en janvier 2018, la peine est portée à douze ans et un mois d’emprisonnement. Les partisans de Lula et des spécialistes du Brésil remettent en cause le bien fondé juridique de cette condamnation, notamment l’absence de preuve matérielle, dénonçant un parti pris de la justice brésilienne.

Le 4 avril 2018, dans un contexte de fortes tensions dans le pays, les juges de la Cour suprême rejettent la demande d'Habeas corpus de Lula, ce qui ouvre la voie à son emprisonnement. Le 7 avril, Lula se constitue prisonnier. Son arrestation répond à une nouvelle jurisprudence, la Constitution brésilienne indiquant pourtant qu'aucun justiciable ne peut être arrêté avant la fin de la procédure36. Malgré ses ennuis judiciaires, il est désigné candidat du Parti des travailleurs à l’élection présidentielle de 2018. Les sondages le donnent alors favori du scrutin en le créditant d’environ 30 % à 40 % d'intentions de vote au premier tour. Le 31 août 2018, à la suite de sa condamnation dans le scandale Petrobras, le Tribunal suprême fédéral prononce son inéligibilité. Le Comité des droits de l'homme des Nations unies s’était prononcé contre une telle mesure. Le PT est ensuite contraint de désigner Fernando Haddad comme candidat du parti. Le scrutin présidentiel est finalement remporté au second tour par le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro, face à Haddad.

Dans le cadre de l'affaire de le rénovation d'une propriété, en février 2019, Lula est condamné à 12 ans et 11 mois de réclusion pour corruption et blanchiment. En avril suivant, sa première peine est réduite à huit ans et dix mois d'emprisonnement. Le journal d'investigation The Intercept affirme, en juin 2019, que le juge Sérgio Moro — devenu ministre de la Justice de Jair Bolsonaro — et les enquêteurs chargés de l'enquête anticorruption Lava Jato auraient comploté entre eux pour empêcher Lula de se présenter à l'élection présidentielle de 2018. Le Tribunal suprême fédéral décide alors de reprendre son procès. En octobre 2019, après avoir accompli le sixième de sa peine, Lula rejette tout régime de semi-liberté, déclarant préférer prouver son innocence et estimant qu'accepter la mesure équivaudrait à un aveu de culpabilité. 

Libération et annulation de ses condamnations

Le 8 novembre 2019, au lendemain du changement par la Cour suprême de la jurisprudence sur l'Habeas corpus, il est libéré, sa condamnation n'étant pas jugée définitive. Il est alors accueilli par plusieurs de ses partisans, dont sa compagne Rosângela da Silva, avec qui il se remarie en 2022. Il reste mis en examen dans six affaires de corruption. Il est acquitté en décembre pour l'une de ces accusations. En mars 2021, Edson Fachin, juge au Tribunal suprême fédéral, annule les condamnations visant Lula, estimant que le tribunal de Curitiba n’était pas compétent pour juger les quatre affaires le concernant, celles-ci étant renvoyées devant un tribunal fédéral de Brasilia. En attendant de nouveaux jugements, les droits politiques de Lula sont restaurés et sa candidature à l'élection de 2022 est possible. En avril 2021, le Tribunal suprême fédéral confirme l’annulation des condamnations. Le Tribunal suprême établit dans un jugement la partialité du juge Sergio Moro, celui-ci s'étant entendu avec des enquêteurs pour faire écarter Lula de l'élection présidentielle de 2018. 

L'ancien président est en avril 2021 acquitté de sept des onze chefs d'accusation retenus contre lui mais doit encore être jugé dans quatre affaires, plus mineures. Le Comité des droits de l'homme de l'ONU conclut en 2022 que l'enquête ayant conduit Lula en prison en 2016 n’a pas respecté ses droits. L’enquête Lava Jato est désormais considérée comme « le plus grand scandale judiciaire de l’histoire du Brésil ». Des enquêtes ont démontré comment les procédures furent entachées de nombreuses irrégularités et de confusions, révélé des messages compromettants échangés entre les procureurs et le juge Moro en dehors de tout cadre légal, et souligné les motivations politiques de magistrats qui ont instrumentalisé l’enquête afin de neutraliser le Parti des travailleurs. 

Candidature à l'élection présidentielle de 2022

En 2021, à la suite de l'annulation de ses condamnations judiciaires, Lula da Silva confirme son intention d'être candidat à l'élection présidentielle de 2022, vingt ans après sa première élection à la présidence de la République. Il appelle à lancer une procédure de destitution contre président Jair Bolsonaro, accusé d’interférences dans des affaires judiciaires et critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire de la Covid-19. Comme colistier pour la vice-présidence, il choisit Geraldo Alckmin, un ancien adversaire politique de droite (candidat face à lui au second tour de l'élection présidentielle de 2006) venant de rejoindre le Parti socialiste brésilien pour l'occasion. Ce choix viserait à rassurer les marchés financiers alors que, note la presse, « tout oppose l'ancien métallo Lula, 76 ans, leader historique de la gauche ouvrière, et Alckmin, 69 ans, incarnation parfaite de la haute bourgeoisie conservatrice pauliste ». Il s'agirait aussi pour l'ancien président de s'adapter à un système électoral qui n'a jamais permis au Parti des travailleurs de conquérir une majorité au Congrès national, traditionnellement dominé par le « centrão », le contraignant à des alliances atypiques pour gouverner. Cette alliance rappelle la décision de Dilma Rousseff de prendre Michel Temer comme colistier en 2014, bien que le PMDB de Temer était plus centriste que le PSDB d'Alckmin.

La coalition « Tous ensemble pour le Brésil » (Vamos juntos pelo Brasil), formée de neuf partis soutenant la candidature de Lula, présente un programme axé sur les questions sociales (notamment le pouvoir d'achat) et la protection de l'environnement. Donné largement battu, Jair Bolsonaro multiplie les initiatives dans les semaines précédant le premier tour : hausse des minima sociaux, chèques énergie, baisses d’impôts, pressions sur le groupe pétrolier Petrobras pour revoir ses tarifs à la baisse, conduisant le prix moyen de l’essence à chuter à son plus bas niveau en deux ans. Lors du premier tour de l'élection présidentielle, le 2 octobre 2022, l'écart entre les deux principaux candidats est plus faible que prévu. L'ancien chef de l'État arrive effectivement en tête, mais, avec 48,4 % des voix exprimées, manque une élection au premier tour annoncée par plusieurs enquêtes d'opinion. Il devance de cinq points Jair Bolsonaro (43,2 %) alors que les derniers sondages donnaient 10 à 15 points de retard à ce dernier. Le scrutin marque une polarisation de la vie politique brésilienne, le score cumulé des autres candidats ne dépassant pas les 10 %.

Le second tour entre Lula et Bolsonaro aura lieu le 30 octobre suivant. La campagne d'entre-deux-tours est particulièrement agressive. Alors que Jair Bolsonaro qualifie son adversaire d'« ivrogne » et l'accuse de vouloir « amener une clique d’incompétents pour diriger le Brésil », un juge du Tribunal supérieur électoral (TSE) ordonne que l'équipe de Lula cesse de diffuser une vidéo associant le président sortant au cannibalisme. Si Lula semble en bonne voie pour remporter le second tour de l'élection présidentielle, le prochain chef de l'État devra composer avec un Congrès national toujours morcelé mais davantage marqué à droite que lors des précédentes législatures. Le Parti libéral de Bolsonaro s'est en effet imposé comme la première force politique lors des élections parlementaires, qui ont vu le centrão renforcer sa domination, loin devant l'alliance des gauches comprenant le Parti des travailleurs. 

Distinctions

Prix

En 2003, il reçoit le prix Princesse des Asturies de la coopération internationale, et en 2006, il reçoit le prix de l'« Homme d'État de l'année ». En 2007, il reçoit le prix Lech-Wałęsa « pour avoir fait des efforts pour réduire les inégalités sociales, et avoir été l'avocat d'une compréhension pacifique et d'un partenariat entre les nations, en particulier en renforçant la position des pays en développement dans le concert des nations. ». Il est également récipiendaire de la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris et lauréat du prix « Mondial UIT des télécommunications et de la société de l’information ».

Docteur honoris causa

  • Sciences Po Paris (France) ;
  • Université de Coimbra (Portugal) ;
  • Université pontificale de Salamanque (Espagne) ;
  • Université nationale de Rosario (Argentine).

Décorations

Décorations brésiliennes

  • Grand collier de l'Ordre national de la Croix du Sud.
  • Grand-croix de l'Ordre de Rio Branco.
  • Collier de l'Ordre brésilien du Mérite.

Décorations étrangères

  • Collier de l’Ordre du Mérite national (7 février 2006) Algérie
  • Compagnon de l'Ordre de O. R. Tambo (2011) Afrique du Sud
  • Collier de l'Ordre du roi Abdelaziz (2009) Arabie saoudite
  • Grand-croix de l'ordre national du Bénin
  • Première classe de l’Ordre d’Amílcar Cabral (2004) Cap-Vert
  • Grand-croix de l’Ordre de Boyacá (2005) Colombie
  • Médaille de l'Ordre de Carlos Manuel de Cespedes (20 décembre 2019) Cuba
  • Chevalier de l’Ordre de l’Éléphant (12 septembre 2007) Danemark
  • Collier de l’Ordre de San Lorenzo (6 juin 2013) Équateur
  • Collier de l’Ordre d'Isabelle la Catholique (2003) Espagne
  • Grand-croix de l’Ordre de l'Étoile équatoriale (2004) Gabon
  • Compagnon de l'Ordre de l'Étoile du Ghana (2005) 
  • Medalha Amílcar Cabral Médaille d'Amílcar Cabral (2010) Guinée-Bissau
  • Première classe de l’Ordre d’Excellence (25 novembre 2010) Guyana
  • Collier de l'Ordre de l'Aigle aztèque (2007) Mexique
  • Grand-croix de l’Ordre de Saint-Olav (13 septembre 2007) Norvège
  • Grand-croix de l'ordre royal norvégien du Mérite (2003) Norvège
  • Grand Collier de l'État de Palestine (2010) Palestine
  • Collier de l'Ordre d’Omar Torrijos Herrera (10 août 2007) Panama
  • Grand-croix de l’Ordre du Soleil (2003) Pérou
  • Grand-croix de l’Ordre de la Tour et de l’Épée (5 mars 2008) Portugal
  • Collier de l’Ordre de la Liberté (23 juillet 2003) Portugal
  • Chevalier de l'ordre des Séraphins (2007) Suède
  • Première classe de l’Ordre des Omeyyades (2010) Syrie
  • Chevalier Grand-Croix de l’Ordre du Bain (2006) Royaume-Uni
  • Première classe de l'Ordre du Prince Iaroslav le Sage (2003) Ukraine
  • Médaille de l'Ordre de la Liberté (2009) Ukraine
  • Grand-commandeur avec collier de l'Ordre de l'Aigle de Zambie (2010)
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