Kafka Franz

Publié le par Mémoires de Guerre

Franz Kafka est un écrivain pragois de langue allemande et de religion juive, né le 3 juillet 1883 à Prague et mort le 3 juin 1924 à Kierling. Il est considéré comme l'un des écrivains majeurs du XXe siècle. Surtout connu pour ses romans Le Procès (Der Prozeß) et Le Château (Das Schloß), ainsi que pour les nouvelles La Métamorphose (Die Verwandlung) et La Colonie pénitentiaire (In der Strafkolonie), Franz Kafka laisse cependant une œuvre plus vaste, caractérisée par une atmosphère cauchemardesque, sinistre, où la bureaucratie et la société impersonnelle ont de plus en plus de prise sur l'individu. Hendrik Marsman décrit cette atmosphère comme une « objectivité extrêmement étrange… » L'œuvre de Kafka est vue comme symbole de l'homme déraciné des temps modernes. D'aucuns pensent cependant qu'elle est uniquement une tentative, dans un combat apparent avec les « forces supérieures », de rendre l'initiative à l'individu, qui fait ses choix lui-même et en est responsable. 

Kafka Franz
Kafka Franz

Famille et jeunesse

Franz Kafka naît en 1883 à Josefov dans le quartier juif de la ville de Prague, alors capitale de la province de Bohême, qui fait partie de l'Empire austro-hongrois. Son nom de famille Kafka veut dire choucas en tchèque (kavka). Il est le fils de Hermann Kafka (de) (1852-1931) et de Julie Kafka, née Löwy (1856-1934), issue d'une riche famille de Poděbrady. Son grand-père paternel, Jacob Kafka, est venu d'Osek, une ville de province tchèque, pour installer à Prague un petit commerce. Franz Kafka a deux frères, Georg et Heinrich, morts en bas âge, en 1885 et 1887, et trois sœurs plus jeunes, Gabriele (Elli) (de) (1889-1942), Valerie (Valli) (de) (1890-1942) et Ottilie (Ottla) (1892-1943), qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, sont déportées au ghetto de Łódź. Elli et Valli sont probablement assassinées à Chełmno au cours de l'automne 1942. Ottla meurt à Auschwitz en septembre 1943.

Kafka a une enfance solitaire. Sa langue maternelle est l'allemand, comme pour près de 10 % de la population de Prague à l'époque. Les Kafka sont juifs. Kafka lui-même et ses biographes décrivent son père, qui a des relations difficiles avec son fils, comme dominant et prétentieux. Bien qu'il n'ait pas un rapport intense avec sa mère, il s'identifie fortement avec la famille de celle-ci, réputée intellectuelle et spirituelle, contrairement à celle de son père, commerçante. Entre 1889 et 1893, il suit l'école primaire au Fleischmarkt (aujourd'hui sur la rue Masná) à Prague, où il se montre bon élève. Son éducation juive se limite à la célébration de sa Bar Mitsva à l'âge de treize ans et à sa participation quatre fois par an aux services de la synagogue. Après l'enseignement primaire, il est admis au collège d'État à Prague, le Altstädter deutsches Gymnasium germanophone. Il finit son éducation en 1901. Très tôt, il s'intéresse à la littérature (ses premiers écrits ont disparu, probablement détruits par Kafka lui-même) et aux idées socialistes. Ses amis sont alors Rudolf Illowy, Hugo Bergmann, Ewald Felix Pribram, ou encore Oskar Pollak. Il passe ses vacances à la campagne, chez son oncle Siegfried, un médecin de Triesch. 

Carrière

Après son baccalauréat (1901), Kafka voyage à Norderney et Helgoland. En automne, il commence ses études à l'université Charles de Prague. Après deux semaines de cours en chimie, Kafka décide d'étudier le droit. Il suit cependant aussi des cours de germanistique et d'histoire de l'art. Il voyage un peu. Il se joint au Lese- und Redehalle der deutschen Studenten, une association étudiante qui, parmi d'autres choses, organise des événements et des présentations littéraires. En 1901, il fait la connaissance du poète Max Brod, qui sera son ami le plus influent et publiera la plus grande partie de son œuvre après sa mort. En 1906, il est reçu docteur en droit chez le professeur Alfred Weber et fait un stage d'un an, en service civil, au tribunal de Prague. En 1909, il publie ses premiers essais de prose dans le magazine munichois Hyperion.

Le 1er novembre 1907, il entre au service de Assicurazioni Generali une compagnie d'assurance commerciale autrichienne avant 1919. Après n'y avoir travaillé que neuf mois, il en démissionne le 15 juillet 1908 parce que, d'après ses dires, les longues heures de travail l'empêchent d'exercer sa grande passion, l'écriture. Deux semaines plus tard, il entre au service de l’Arbeiter-Unfall-Versicherungs-Anstalt für das Königreich Böhmen (Institution d'assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême), où il travaille jusqu'à sa retraite prématurée en 1922. 

Bien qu'il qualifie péjorativement son travail de « gagne-pain », ses prestations sont évaluées très positivement par son employeur, ainsi qu'en témoignent ses promotions dans sa carrière. Il a pour tâche la limitation des risques de sécurité encourus par les ouvriers qui doivent travailler sur des machines souvent dangereuses à l'époque ; c'est dans ce but qu'il se rend dans des usines et qu'il écrit des manuels d'information. Il est, de plus, responsable de la classification des usines dans des groupes de risques. Le fait qu'il ait à contester des demandes d'indemnisation lui donne parfois mauvaise conscience, mais l'entreprise lui laisse souvent la possibilité d'être conciliant avec les victimes, parfois blessées et handicapées à vie.

En septembre 1909, alors en vacances à Riva del Garda avec Otto et Max Brod, il apprend par la Bohemia que le premier meeting aérien international en Italie, va avoir lieu à Montichiari, et décide de s'y rendre avec les Brod, car aucun d'eux n'avait encore jamais vu d’aéroplane. Franz Kafka y consacre un reportage, et dans une version abrégée, son texte intitulé « Aéroplanes à Brescia » a été publié dans le no 269 de Bohemia. À côté de son travail pour la société d'assurance, Kafka continue d'écrire, et il suit pour ce faire un programme journalier particulier ; le matin, il travaille au bureau, à midi, il va dormir quelques heures, ensuite, il va se promener, manger avec des amis ou sa famille, pour se mettre à écrire le soir, une activité qu'il continue jusque tard dans la nuit. C'est pendant l'une de ces nuits que, « comme ivre », il rédige le récit Das Urteil (Le Verdict). 

Relations

Ses amis intimes sont Max Brod, le philosophe Felix Weltsch, le sioniste Hugo Bergman et le pianiste Oskar Baum. Kafka entretient des relations compliquées avec les femmes. En 1912, dans la maison de Max Brod, il rencontre la Berlinoise Felice Bauer (1887-1960), représentante d'une firme de dictaphones. Durant les cinq années qui suivent, une correspondance intense se développe entre Kafka et Felice. Ils se rencontrent de temps à autre, ce qui aboutit deux fois à des fiançailles. Du côté de Kafka, il s'agit surtout d'un amour platonique, qu'il entretient principalement par ses lettres. Petit à petit, il se rend compte à quel point une vie maritale traditionnelle est impossible avec Felice, beaucoup plus terre à terre, surtout avec sa tendance à s'enfermer dans son bureau ; cela conduit à la fin de leur relation en 1917.

En 1919, Kafka se fiance avec Julie Wohryzek (1891-1944), une secrétaire de Prague, mais le père de Franz s'oppose fortement à cette relation. Elle se termine la même année — d'après ce que l'on sait, à l'initiative de Julie —, mais le conflit fait que Kafka adopte une position encore plus antagonique à l'égard de son père, qui aurait bien vu son fils lui succéder dans son entreprise commerciale. Au début des années 1920, une relation de courte durée, mais très intense, se développe entre Kafka et la journaliste et écrivaine anarchiste tchèque Milena Jesenská (1896-1944). De toutes les femmes de sa vie — il eut encore diverses liaisons —, Milena a peut-être le mieux compris cet écrivain hypersensible et, au moins lors de leurs rares rencontres, elle l'aide à surmonter ses craintes. Mais finalement, il se sent mal à l'aise avec cette artiste flamboyante.

En 1923, il part pour quelque temps à Berlin, espérant pouvoir mieux se concentrer sur l'écriture, loin de l'ingérence de sa famille. C'est à cette époque qu'il rencontre Dora Diamant (1898-1952), une institutrice de maternelle âgée de vingt-cinq ans, originaire d'une famille orthodoxe juive polonaise. Dora devient la compagne de Kafka à Berlin et exerce une influence sur son intérêt croissant pour le Talmud. C'est auprès d'elle qu'il goûte finalement un peu de bonheur conjugal, alors qu'il ne le croyait plus possible. Ensemble, ils envisagent d'émigrer en Palestine. Sioniste convaincu — il apprend alors l'hébreu — il avait vu la haine grandir contre les Allemands et les Juifs (« Juifs et Allemands sont des exclus »). C'est à cette époque que Kafka « se fait le défenseur d'un humanisme libéral ». 

Santé

En 1917, il commence à cracher régulièrement du sang et on pose le diagnostic de tuberculose. Cela conduit à une plainte de nature presque obsessionnelle dans ses lettres à Felice, et l'utilisation de sa maladie comme raison pour rompre ses fiançailles. Mais il voit aussi son statut d'écrivain comme un handicap pour une vie de famille « normale », ce qui serait devenu un énorme problème avec une Felice moins intellectuelle et plus débordante de vie. Kafka, qui montre des signes d'hypocondrie, souffre, ainsi qu'on le pense maintenant, de dépression clinique et de phobie sociale, mais présente aussi des phénomènes vraisemblablement liés au stress, tels que des migraines, insomnies, constipations et furoncles. Il se méfie de la médecine allopathique et essaye de combattre ses maux avec des cures naturopathes, un régime végétarien et en buvant du lait non pasteurisé. Il profite de ses vacances pour suivre des cures de repos dans des sanatoriums, pour lesquelles son employeur lui octroie souvent des congés exceptionnels. En 1922, l'écrivain part en préretraite, à cause de son état général de santé déficient.

Bien que la situation personnelle de Kafka se soit fortement améliorée après son déménagement à Berlin, et qu'il écrive à nouveau beaucoup, l'hiver marqué par l'inflation de 1923-1924 à Berlin se révèle à nouveau funeste pour sa santé déjà chancelante. Les biens de consommation essentiels se font rares et il doit en faire venir de Prague ; de plus, le froid dans le logement mal chauffé n'est pas favorable à sa guérison. Lorsqu'en mars 1924, Brod vient lui rendre visite, l'état de Kafka s'est à ce point aggravé que son ami l’emmène avec lui à Prague ; en avril, on lui diagnostique une tuberculose du larynx. Il est alors clair que Kafka n'en a plus pour longtemps car on ne dispose pas à cette époque de médicaments efficaces contre la tuberculose, si bien que l'écrivain s'alimente de plus en plus difficilement. 

Cet état présente des traits communs avec le personnage de Gregor dans La Métamorphose, et le personnage principal de sa nouvelle Un artiste de la faim (Hungerkünstler). Dans les derniers mois, il est soutenu par son médecin et ami, le jeune Robert Klopstock (1899-1972), qui dirige les soins médicaux de Kafka au sanatorium de Matliary, mais la seule aide qui peut encore être apportée au patient consiste en analgésiques. Kafka est admis au sanatorium de Kierling, près de Vienne, où il meurt à l'âge de 40 ans le 3 juin 1924, vraisemblablement de malnutrition ainsi que de tuberculose, Dora Diamant à ses côtés. Son corps est ramené à Prague, où il est enterré le 11 juin 1924 dans le nouveau cimetière juif du quartier de Žižkov (Prague-Strachnitz). 

Le métier d’écrivain

Kafka considère l'écriture comme une nécessité profondément intime, il s'agit pour lui d'« une activité atroce », qui implique « une ouverture totale du corps et de l'âme ». Selon une formule restée célèbre, il explique, dans une lettre à son ami Oskar Pollak, en janvier 1904 : « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois. » Et quelques lignes plus haut il annonce : « Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? » Pour Kafka, on doit écrire comme si l'on se trouvait dans un tunnel sombre, sans savoir encore comment les personnages vont se développer ultérieurement. 

À propos de son œuvre

Kafka écrit en allemand, si ce n'est quelques lettres adressées à sa maîtresse Milena Jesenská qu'il a rédigées en tchèque. Durant sa vie, Kafka n'a publié que quelques courts récits, ainsi que les nouvelles La Métamorphose (Die Verwandlung) et Le Verdict, donc une toute petite partie de son œuvre. Certains des textes publiés sont des fragments d'une œuvre plus longue qui demeure inachevée et inédite à sa mort comme Le Soutier, fragment de son premier roman L'Amérique, ou Devant la loi (Vor dem Gesetz), fragment de son second, Le Procès (Der Prozeß). Autre roman inachevé et demeuré inédit de son vivant, son troisième et dernier, Le Château (Das Schloß).

Avant sa mort, Kafka charge par écrit son ami et exécuteur testamentaire Max Brod de détruire tous ses manuscrits. « Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (c'est-à-dire, dans ma bibliothèque, dans mon armoire, dans mon secrétaire, à la maison et au bureau ou en quelque endroit que ce soit), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu, et aussi tous les écrits ou notes que tu possèdes de moi ; d'autres en ont, tu les leur réclameras. S'il y a des lettres qu'on ne veuille pas te rendre, il faudra qu'on s'engage du moins à les brûler. À toi de tout cœur. » — Franz Kafka

Cependant, Max Brod décide de ne pas respecter les dernières volontés de Kafka. Brod connaît et apprécie l'œuvre de Kafka comme nul autre et avait en fait averti son ami à plusieurs reprises qu'il ferait de son mieux pour transmettre son œuvre à la postérité. Peu après, une discussion se déclenche au sujet de ce double sens supposé par Brod du « testament » de Kafka (rien d'autre qu'une courte missive). On ne saura jamais avec certitude si Kafka souhaitait réellement que toute son œuvre non publiée soit détruite. En revanche, c'est l'écrivain lui-même qui a détruit ou a fait brûler par son amie Dora divers manuscrits, parmi lesquels un grand nombre de récits et au moins une pièce de théâtre. Il aurait cependant pu brûler le reste, mais ne l'a pas fait.

En ce qui concerne les manuscrits de Kafka que Brod n'a pas eu en mains avant la guerre, la Gestapo se charge de satisfaire les dernières volontés de l'écrivain, début 1933, après la prise de pouvoir par Hitler, en saisissant environ vingt journaux et trente-cinq lettres dans l'appartement berlinois de Dora. Malgré les interventions actives de l'ambassade tchèque à Berlin, ces manuscrits ainsi que d'autres pièces qui tombèrent dans les mains des nazis ne furent pas retrouvés et sont considérés comme perdus à jamais. Brod, en contradiction avec les instructions de son ami, se charge de la publication posthume de la plus grande partie de son œuvre. Il publie les grands romans de Kafka dès les années 1920. Il ne peut collationner et publier le reste de ses œuvres, principalement les nombreux journaux et lettres, avant le début de la Seconde Guerre mondiale. La nuit où les nazis occupent Prague en mars 1939, Brod réussit à s'enfuir en Palestine avec les manuscrits de Kafka qu'il possède. L'œuvre de son ami peut y être publiée progressivement.

Max Brod fait connaître cet auteur qui, de son vivant, n'avait pas attiré l'attention des critiques. Les éditions de Brod sont plutôt contestées, Kafka étant décédé avant d'avoir pu préparer ses manuscrits pour la publication. Quelques-unes de ses œuvres sont inachevées, dont Le Château qui se termine en plein milieu d'une phrase, de même que Le Procès, dont les chapitres ne sont pas numérotés et qui est incomplet. Quant à son dernier roman, Le Château, dont le contenu est assez ambigu, il semble que Brod ait pris des libertés pour adapter l'œuvre de Kafka à son goût : il déplace quelques chapitres, modifie des phrases et des mots et modifie la ponctuation dans certains passages. Les éditions par Brod de l'œuvre de Kafka ne sauraient être considérées comme des éditions définitives.

C'est l'écrivain Alexandre Vialatte qui révèle le génie de Kafka au public français. Après avoir découvert Le Château en 1925, il entreprend de traduire en français Le Procès, La Métamorphose ainsi que les Lettres à Milena. Il publie quelques articles importants sur l'écrivain pragois, réunis en volume sous le titre : Mon Kafka (10/18, puis Les Belles lettres, 2010). Ce sont ses traductions qui, avec celles de Claude David, font autorité dans l'édition de la Pléiade de ses œuvres. Selon l'éditeur de l'édition anglaise du Château (The Castle, Schocken Books, 1998), Malcolm Pasley a réussi en 1961 à rassembler la plus grande partie des manuscrits de Kafka à la Bodleian Library de l'université d'Oxford. Le texte original du Procès est acheté plus tard en vente publique et se trouve maintenant conservé dans les archives de littérature allemande à Marbach.

Pasley, après avoir rassemblé les manuscrits de Kafka, met sur pied une société (avec entre autres Gerhard Neumann, Jost Schillemeit et Jürgen Born) chargée de rétablir les romans dans leur état original. Les éditions S. Fischer Verlag publient les romans reconstruits. Pasley est le rédacteur final de Das Schloß (Le Château) de 1982 et Der Prozeß (Le Procès) de 1990. Jost Schillemeit est le rédacteur final de Der Verschollene (le titre de Kafka, Max Brod l'appela Amerika) de 1983. Ces éditions critiques sont consultables sur l'internet sous l'intitulé Le Projet Kafka. Après sa mort, son œuvre est analysée, critiquée, louée. Kafka est désormais considéré comme un écrivain majeur d'avant-garde.

Les écrits de Kafka reflètent les sentiments de la société du début du XXe siècle. Ses personnages évoluent dans un monde où les rapports et les relations qui les régissent leur sont incompréhensibles, où ils sont livrés, impuissants, à des forces inconnues, comme dans un cauchemar. La vie est un mystère irrésolu, un labyrinthe dont on ne connaît pas la sortie et ce qui nous y attend. Kafka étudie la psychologie de ses personnages face à des situations extraordinaires, dont ils ne connaissent pas les tenants et les aboutissants, et leur relation avec leur entourage. Kafka aborde les thèmes de la solitude, des rêves, des peurs et des complexes. Le personnage est perdu, déboussolé, il ne saisit pas tout ce qui l'entoure, le lecteur est dans la même situation. L'atmosphère particulière des romans et nouvelles de Kafka a donné naissance à un adjectif, « kafkaïen », qui renvoie à quelque chose d'absurde et d'illogique, de confus et d'incompréhensible. 

Mais de l’ensemble de l’œuvre de Kafka, il ressort aussi une réflexion à la fois critique et éclairante sur la famille, la société et la lutte que l’individu mène contre lui-même s’il veut y trouver sa place. Bien qu'il soit juif, Kafka accorde peu de place - voire aucune - dans son œuvre au sionisme, alors même que ce courant politique est très présent chez ses coreligionnaires d'Europe centrale au début du XXe siècle. Quelques jours après son décès, l'écrivain Felix Weltsch, qu'il a côtoyé de son vivant, écrit dans le Selbstwehr Jüdisches Volksblatt que « Kafka était sioniste » depuis longtemps, même s'il ne l'a pas exprimé publiquement. 

Kafka en France

L’œuvre complète de Kafka est pour la première fois éditée en France en 1962 par Claude Tchou, le créateur du Cercle du livre précieux, dans une édition établie et annotée par Marthe Robert. C’est en grande partie grâce à cette publication en langue française que Kafka est connu et traduit dans d’autres pays, en particulier de langues romanes. 

Interprétation critique littéraire

Les critiques ont essayé de placer l'œuvre de Kafka dans divers courants littéraires tels que le modernisme et le réalisme magique. Le manque d'espoir et l'absurdité, que l'on retrouve dans toute son œuvre, sont des traits typiques de ce qui sera repris plus tard par l'existentialisme, de même que le thème de la responsabilité de l'individu. Quelques critiques pensent trouver dans son œuvre une influence du marxisme, surtout dans ses prises de position critiques vis-à-vis de la bureaucratie. D'autres encore, comme Michael Löwy, voient dans cette position anti-bureaucratique une influence anarchiste. De même, il est aussi fait appel au judaïsme et à l'influence de Freud. Thomas Mann et Max Brod voyaient dans l'œuvre de Kafka une recherche métaphysique de Dieu.

Dans Le Procès, on retrouve explicitement le thème de la faute. La faute chez Kafka ne doit cependant pas être comprise dans l'acception commune. Lorsque les gardiens du personnage principal, Joseph K, disent que « les autorités sont attirées par la faute, telle qu'elle se retrouve dans la loi », la faute doit plutôt être comprise dans le sens juif, c'est-à-dire dans l'imperfection matérielle de l'humain. Le fait que les personnages de Kafka sont continuellement dérangés dans leur « vie habituelle » est lié à cela ; la faute de l'homme a pour but de le faire bouger, de le pousser à être activement à la recherche du sens de son existence. « La loi que tous recherchent » de la parabole de la Loi dans Le Procès représente, en revanche, vraisemblablement, la perfection dont l'homme qui la cherche peut voir un reflet : « mais maintenant il voit bien un reflet dans le noir, qui transparaît inextinguible par la porte de la loi ».

Les thèmes de l'aliénation et de la persécution sont fondamentaux dans l'œuvre de Kafka, de façon si intense qu'un mouvement d'opposition en est né. Beaucoup de critiques pensent que l'œuvre de Kafka n'est pas seulement le produit d'un écrivain tourmenté et solitaire, mais aussi réfléchi et rebelle, et qu'elle ne peut être ramenée à des 'complexes' psychologiques de l'auteur. Cependant, la Lettre au père (qu'il n'envoya jamais) est considérée par certains comme la clef de ses œuvres ; le complexe relatif au père y est clairement exprimé. Actuellement, on met plus l'accent sur le fait que Kafka et ses amis, ainsi qu'on peut le voir dans les notes de ces derniers, riaient à la lecture de ses histoires absurdes. Vestdijk décrit comment l'auteur et Marsman se tordaient de rire à la lecture du premier chapitre du Procès. On dit aussi que l'écrivain riait à gorge déployée quand il lisait ce chapitre à ses amis. À travers tout le tragique transparaît beaucoup d'humour juif, que l'on retrouve aussi dans les histoires du rabbin Baal Shem Tov, telles qu'elles ont été rassemblées par Martin Buber, des récits que Kafka aimait lire. D'aucuns pensent que Kafka ne s'est jamais rendu compte à quel point ses histoires étaient une sorte de prévision de la réalité et à quel point nous ne pourrions plus en rire.

Dans les Discussions avec Kafka, de Gustav Janouch, apparaît l'image d'un homme qui était terriblement conscient des suites possibles de chaque mot et qui était donc très prudent et très précis dans leur usage. Ce faisant, les signes avant-coureurs du futur proche ne lui sont pas étrangers ; dans ce livre, Kafka prédit la destruction de l'Allemagne, près de vingt années avant la Seconde Guerre mondiale. Milan Kundera cite l'humour surréaliste de Kafka comme la source d'inspiration principale d'écrivains et de réalisateurs tels que Federico Fellini, Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes et Salman Rushdie. Gabriel García Márquez a dit qu'à la lecture de La Métamorphose, il avait réalisé « qu'il était possible d'écrire d'une autre façon ». Dans la littérature néerlandaise, il a influencé, entre autres, Ferdinand Bordewijk, Willem Brakman et Willem Frederik Hermans. 

Influence

Le style et le symbolisme de Kafka ont influencé la littérature de son époque, notamment dans les registres de la nouvelle et de la pièce de théâtre radiophonique, l'adjectif allemand kafkaesk, traduit par « kafkaïen » en français, devenant même une référence. 

La question de la nationalité

La nationalité de Franz Kafka, Praguois né Autrichien et mort Tchécoslovaque, est sujette à controverse. Le fait que Prague était à sa naissance une ville d'Autriche-Hongrie devrait faire de lui un écrivain autrichien. D'une manière générale, les habitants germanophones de la Bohême se considéraient en ce temps-là soit comme des Autrichiens, soit comme des Allemands (par la culture : voir les Allemands des Sudètes). L'appellation consacrée d'« écrivain tchèque de langue allemande », même si elle n'est pas tout à fait exacte et occulte qu'il fut autrichien la majeure partie de sa vie, constitue un compromis dans les ouvrages de référence de langue française.

Publications

  • 1912 : Regard (Betrachtung), daté de 1913 mais paru fin 1912, Leipzig, Ernst Rowohlt, 99 p. (réédité en 1915).
  • 1913 : Le Verdict (Das Urteil), Leipzig, Kurt Wolff, 29 p. (réédité en 1916 et 1920).
  • 1913 : Le Soutier (Der Heizer (de) Ein Fragment), Leipzig, Kurt Wolff, 47 p. (réédité en 1916 et 1917-1918).
  • 1915 : La Métamorphose (Die Verwandlung), Kurt Wolff, 73 p. (réédité en 1915 et 1918).
  • 1919 : La Colonie pénitentiaire (In der Strafkolonie), Kurt Wolff, 71 p.
  • 1919 : Un médecin de campagne (Ein Landarzt. Kleine Erzählungen), Kurt Wolff, 189 p.
  • 1922 : Un champion de jeûne (avec Première souffrance, Une petite femme et Joséphie la cantatrice, ou le peuple des souris).
Œuvres publiées après sa mort
  • 1925 : Le Procès (Der Prozeß)
  • 1926 : Le Château (Das Schloß)
  • 1927 : L'Amérique (Amerika) (bien que publié plus tard, il a été écrit avant Le Procès et Le Château)
  • 1931 : Le Terrier (Der Bau)
  • 1937 : Journal intime (première publication française : 1945)
  • 1945 : Paraboles (recueil de plusieurs textes courts traduit par Jean Carrive, dont Des Paraboles)
  • 1944 : La Muraille de Chine (neuf textes, Paris, Seghers, traduction Jean Carrive).
  • 2009 : Cahiers in-octavo (1916-1918)
  • 2010 : Les Aphorismes de Zürau

Publié dans Ecrivains

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