Al-Husseini Mohammed Amin
Mohammed Amin al-Husseini (Jérusalem, 4 juillet 1895 (1313 AH) - Beyrouth, 5 juillet 1974), également connu en tant qu'Hadj Amin al-Husseini, ou encore en tant que « grand mufti de Jérusalem ») était un leader religieux et nationaliste en Palestine mandataire.
Durant sa jeunesse, Amin a-Husseini est éduqué pour succéder à son père, mufti de Jérusalem. Il étudie la Loi islamique à l'Université Al-Azhar du Caire puis il poursuit ses études dans une école d'administration à Istanbul. En 1913, à 18 ans, il effectue le pèlerinage de la Mecque et rajoute Hadj à son nom comme le permet la tradition musulmane pour se faire appeler Hadj Amin al-Husseini, un des deux noms sous lesquels il est le plus souvent cité. Durant la Première Guerre mondiale, il s'engage dans l'armée ottomane qu'il quitte en 1917 pour retourner à Jérusalem. Après la victoire britannique sur les Ottomans et leur arrivée en Palestine, il collabore avec ces derniers et devient « un musulman pieux, au service d'une armée chrétienne, contre un ennemi musulman ». Après la guerre, Amin al-Husseini devient membre d'Al-Nadi, une des sociétés secrètes qui milite pour l'indépendance de la Syrie-Palestine. À cette époque, les Français et les Arabes, dirigés par Fayçal ibn Hussein s'affrontent pour le contrôle de la Syrie et les Alliés ne se sont pas encore prononcés sur l'avenir du Moyen-Orient.
En 1919, dans le contexte de la visite de la commission King-Crane ayant la mission de recueillir l'avis des populations locales sur le mode de gouvernement qu'elles souhaitent, les leaders nationalistes Aref al-Aref et Amin al-Husseini parcourent les villes et villages palestiniens afin d'y organiser des manifestations pro-Hussein. En 1920, il figure parmi les principaux instigateurs des Émeutes de Nabi Moussa qui font une dizaine de morts et plus de 250 blessés et dont le but est de faire pression sur les Alliés à la veille de la Conférence de San Remo. Son rôle lui vaut une condamnation à 10 ans d'emprisonnement par les Britanniques mais il s'enfuit pour Damas avant de pouvoir être arrêté. Le 8 juillet, en geste d'apaisement, le Haut-Commissaire Herbert Samuel qui vient d'arriver en Palestine mandataire le grâcie, ainsi que les autres personnes condamnées lors des émeutes. A la même époque, les Français prennent le contrôle de la Syrie et chassent Fayçal de Damas. Le pan-arabisme de la Révolte arabe est vaincu et un nationalisme arabe palestinien le remplace principalement au sein de l'élite dont Amin al-Husseini fait partie. Par la suite, en tant que leader arabe palestinien, Amin al-Husseini joue un rôle central dans l'opposition à l'immigration juive en Palestine et à la présence britannique. Celle-ci culmine avec l'insurrection arabe de 1936-1939 en Palestine qui fait plusieurs milliers de morts.
En mars 1921, Kamîl Amin al-Husseini, par ailleurs Mufti et frère d'Hadj Amin al-Husseini, meurt. Des élections sont organisées, et des quatre candidats au poste de Mufti, Amin al-Husseini est celui qui reçoit le moins de voix. Néanmoins, Samuel, soucieux de maintenir un équilibre entre al-Husaynis et le clan rival des Nashashibi, décide de nommer Amin al-Husseini Grand Mufti de Jérusalem, un poste détenu par le clan al-Husseini depuis plus d'un siècle. Amin al-Husseini restera Grand Mufti jusqu'en 1948, et à son remplacement par Husam al-Din Jarallah, nommé par le roi de Transjordanie, Abdallah Ier. Après son retour en Palestine en 1921, al-Husseini continue ses activités politiques. Son rôle dans le massacre d'Hébron en 1929 est controversé. Le 25 avril 1936, à l'initiave d'al-Husseini, les chefs des clans arabes de Palestine forment le Haut comité arabe et lui en confient la présidence. En 1936, Al-Husseini est l'instigateur de la Grande Révolte arabe. Le 26 septembre 1937, après le meurtre du commissaire britannique pour la Galilée, il est déchu par les Britanniques de sa position au sein du Haut conseil et de son poste de mufti, et doit fuir sur le territoire de l'État du Grand Liban. En octobre 1939, étant mis sous surveillance par les autorités françaises, il quitte le Liban pour le Royaume d'Irak. Hadj Amin al-Husseini passant en revue une unité de la 13e division de montagne de la Waffen SS Handschar, composée en grande partie de musulmans de Bosnie (Silésie, novembre 1943).
Le 21 Juillet 1937, le Mufti se rapproche de l’Allemagne en rendant visite au Consul général allemand Döhle, en Palestine a qui il déclara «qu’il voulait savoir jusqu’à quel point le Troisième Reich était prêt à soutenir le mouvement arabe contre les Juifs».et pour lui demander son soutien pour créer un parti national-socialiste arabe en Palestine. En juillet 1937, date du rapport Peel, Hitler décide de s’allier avec les Arabes contre les Anglais. Et à partir de là al-Husseini s'engage effectivement au côté de l'Allemagne nazie contre l'occupant britannique. Il appelle à la guerre sainte contre les Anglais, mais sans grand succès. En janvier 1941, il demande encore à l'Allemagne nazie, la reconnaissance de l'indépendance des nations arabes vis-à-vis des puissances coloniales britannique et française, ainsi que celle du droit des autorités arabes palestiniennes à empêcher toute création de foyer juif. Soutenant la prise du pouvoir par Rachid Ali al Gaylani en Irak, il est l'intermédiaire des puissances de l'Axe auprès du gouvernement irakien. Il prononce à la radio irakienne une fatwa appelant les musulmans au djihad contre le Royaume-Uni et reçoit des subsides allemands pour financer un projet de soulèvement en Palestine. Mais la victoire britannique dans la guerre anglo-irakienne le force à fuir sur le territoire de l'État impérial d'Iran. Après l'invasion anglo-soviétique de l'Iran, il est évacué en Italie. Le 27 octobre, il est reçu par Benito Mussolini, qui accepte le principe d'un soutien de l'Axe à sa proposition. Il se rend ensuite en Allemagne, où il est reçu par Adolf Hitler le 28 novembre 1941.
Lors de sa rencontre avec Adolf Hitler et dans ses émissions de radio, Hadj Amin al-Husseini affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l'Allemagne nazie. Les notes sur cette rencontre sont prises par Paul-Otto Schmidt. Dans son compte rendu, Schmidt rapporte les propos de Hitler au Mufti. Hitler expose certains projets stratégiques au Mufti, notamment, celui d’atteindre la porte sud du Caucase. Schmidt note alors : « Dès que cette percée sera faite, le Führer annoncera personnellement au monde arabe que l’heure de la libération a sonné. Après quoi, le seul objectif de l’Allemagne restant dans la région se limitera à l’extermination des juifs vivant sous la protection britannique dans les pays arabes». Hitler fut impressionné par son sens de la ruse et sa prudence tactique. Il dira de lui : « Le Grand Mufti est un homme qui en politique ne fait pas de sentiment. Cheveux blonds et yeux bleus, le visage émacié, il semble qu'il a plus d'un ancêtre aryen. Il n'est pas impossible que le meilleur sang romain soit à l'origine de sa lignée ». Al-Husseini travaille ensuite à des émissions de radio de propagande, destinées aux mondes arabe et musulman. En mai 1942, il collabore aux recrutements de musulmans des Balkans pour former la 13e division de montagne de la Waffen SS Handschar. Dans ses mémoires, Al-Husseini a rapporté qu'à l'été 1943, lors d'une entrevue avec Himmler, ce dernier lui avait confié que plus de trois millions de Juifs avaient déjà été exterminés.
Les Alliés ayant conquis une grande partie du territoire allemand, Amin al-Husseini ne pouvait ignorer que l’Allemagne allait perdre la guerre et que, compte-tenu de sa notoriété et de son rôle auprès du régime nazi, lesdits Alliés allaient nécessairement lui demander au moins des explications. Il fut en effet considéré comme uin criminel de guerre à la fin de la guerre. C’est en tout cas ce que l’on peut déduire de son comportement car, dans les derniers mois de la guerre, il chercha refuge en Suisse mais il fut arrêté et expulsé en Allemagne. Il se rendit ensuite dans la région de Constance où il fut « arrêté » le 15 mai 1945 par les troupes françaises. On ne sait cependant pas s’il se rendit à Constance parce qu’il savait que cette ville se trouvait en zone d’occupation française, ni s’il fut vraiment arrêté ou s’il se rendit spontanément ou s’il sollicita l’asile politique. On peut cependant privilégier certaines pistes si l’on considère qu’Amin al-Husseini ne fut pas interné dans un camp comme les autres personnes recherchées. En effet, dès le 19 mai il fut transféré dans la région parisienne où il fut hébergé avec ses deux secrétaires dans une villa de Saint-Maur et ce dans des conditions très favorables. A titre d’exemple, il recevait ses repas d’un restaurant voisin et, plus tard, un cuisinier fut mis à sa disposition par la mosquée de Paris. La maison était placée sous la surveillance de la police judiciaire de la préfecture de police mais c’était le Quai d’Orsay qui déterminait les conditions de détention du mufti et la politique à adopter à son égard.
En octobre 1945, le mufti déménagea dans la villa « La Roseraie », à Bougival, puis il changea encore de lieu de résidence. Il pouvait recevoir librement ses invités, il était autorisé à se déplacer librement et il put même acheter une voiture au nom d’un de ses secrétaires. A plusieurs reprises, la France refusa de répondre aux demandes d’extradition de la Grande-Bretagne et de la Yougoslavie. En septembre 1945, les autorités françaises prirent la décision de permettre au mufti d’aller dans un pays arabe et la diplomatie française effectua des démarches diplomatiques auprès de ces pays afin qu’ils exigent la libération du mufti. Craignant en effet les réactions des Etats-Unis et de la communauté juive, la France voulait que cette libération apparaisse comme la conséquence des pressions irrésistibles des pays arabes, pressions auxquelles la Grande-Bretagne n’aurait pu d’ailleurs elle-même résister si elle avait été dans la même situation. Finalement, après avoir réussi à déjouer les surveillances, le mufti réussit à quitter la France le 29 mai 1946 à 11 heures, en prenant un vol régulier de la compagnie américaine TWA d’Orly au Caire, muni d’un faux passeport et sous un nom d’emprunt. Il s'agit bien entendu de la version officielle du départ du mufti.
Durant la Guerre de Palestine de 1948, il mène, dans le camp arabe, le clan nationaliste palestinien, s'opposant à la fois à la fondation d'un état juif et aux ambitions du roi Abdallah Ier d'annexer une portion de la Palestine. Après la défaite arabe contre Israël, le Mufti prend la tête du « gouvernement de toute la Palestine ». Il vit en Égypte jusqu'en 1960 quand il part vivre au Liban et il se retire de la vie publique en 1962 quand il démissionne de la présidence du Congrès islamique mondial. Il reste une personnage d'influence. Ainsi selon Léon Poliakov, Amin al-Husseini a également joué un rôle pivot dans l'alignement de pays africains et asiatiques sur les positions antisionistes défendues par les pays arabes. En effet, il a convaincu en avril 1955 la quasi-totalité des vingt-cinq participants à la Conférence de Bandung qui n'avaient jusqu'alors pas d'avis arrêté sur ces questions leur apparaissant comme très éloignées de leurs problèmes nationaux immédiats, au sortir de l'époque coloniale. Représentant le Yémen (où il n'avait jamais été) à la Conférence, Amin al-Husseini s'est efforcé de « révéler les véritables visées sionistes », à savoir la constitution d'un vaste empire s'étendant du Nil à l'Euphrate - et incluant notamment la ville sainte islamique de Médine. Certes, les autres orateurs arabes ont aussi prononcé des discours anti-israéliens à cette Conférence, mais Amin al-Husseini a été le plus éloquent et il a convaincu son auditoire au point que, selon le compte rendu paru dans Le Monde du 20 avril 1955, « la résolution anti-israélienne a été le seul point d'accord de la conférence».
L'historiographie israélienne dès 1947 et certains mouvements toujours aujourd'hui considèrent que le Mufti de Jérusalem est responsable du conflit entre Arabes et Juifs en Palestine mandataire. La version de 2006 d'une biographie du Mufti écrite par Moshe Perlman, un proche de David Ben Gourion, est résumée par l'éditeur en ces mots : « Par le passé, arabes et juifs vivaient pacifiquement en Palestine. Leurs dirigeants contruisaient leur futur ensemble. Alors arriva Hadj Amin al-Husseini, l'oncle de Yasser Arafat. Il choisit le fascisme et le jihad. Les dirigeants modérés durent partir, intimidés et assassinés par lui. Ses projets sanglants furent temporairement interrompus par la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il partit pour l'Allemagne et où il collabora étroitement avec les dirigeants nazis dans des plans d'extermination et de bataille. Accusé de crime de guerre, il échappa aux Alliés pour poursuivre son travail de terreur, travail perpétué par ses proches et ses associés après sa mort.». Walter Laqueur rapporte des témoignages de l'époque qui vont dans le même sens. Ainsi, en 1938, le colonel Kisch écrit : « je n'ai aucun doute quoi qu'il en soit que sans l'abus par le Mufti de ses immenses pouvoirs et la tolérance de ces abus par le gouvernement pendant 15 ans, une compréhension judéo-arabe dans le contexte du mandat aurait été atteinte depuis longtemps. » Cependant Laqueur nuance ce point de vue. Il écrit que : « [si le Mufti] assume beaucoup de responsabilité dans les émeutes de 1929 et la guerre civile de 1936-39[;] (...) il est naïvement optimiste de supposer que sans la nomination du Mufti et ses activités, les relations judéo-arabes auraient suivi un chemin différent [car] tôt ou tard l'élément extrémiste aurait prévalu parmi les autorités arabes. »
Un certain nombre d’études émanant d’historiens ou de penseurs qui pour la plupart ne sont pas sionistes, décrivent la détermination du Mufti dans sa lutte contre les Juifs et leur établissement dans la région, son antisémitisme forcené et l’importance du rôle qu’il joua à refuser tout accord entre la Palestine et Israël. Dans une étude portant sur les possibilités de voir la solution finale s'établir en Palestine, une équipe d'historiens de l'Université de Stuggart écrit que "Le Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, était le plus grand collaborateur des Nazis dans le camp arabe et un antisémite sans compromis". Dans son livre « Eichmann à Jérusalem », Hannah Arendt écrit : « Les connexions du Grand Mufti avec les Nazis durant la guerre n’étaient pas secrètes ; il avait l’espoir qu’elles l’aideraient à implémenter une sorte de solution finale au Proche-Orient ». Dans un article du New York Times, le journaliste Edwin Black, auteur d’« IBM et l’Holocauste », écrit en relatant des événements de 1941 : « Sa rhétorique véhémente remplissait les journaux et les émissions de radio à Téhéran. Le Mufti se déclarait opposé au rachat de réfugiés ou à leur transport en Palestine juive. À la place, il voulait qu’on les conduise dans les chambres à gaz de Pologne. ». Dans son livre « Mufti of Jerusalem », Moshe Perlman, écrit : « Les Arabes étaient exhortés, au nom du Coran et en honneur à l’Islam, de saboter les pipelines de pétrole, de faire exploser les ponts et les routes le long de lignes de communications britanniques, de tuer les soldats britanniques, (…). Les appels incluaient généralement la suggestion qu’ils pourraient sauver leur âme en massacrant les infidèles juifs au passages… » « Mufti Of Jerusalem », Perlman, voir dans la bibliographie . L'historiographie israélienne met avant tout l'accent sur l'antisémitisme du Mufti. Cet aspect de sa biographie est aujourd'hui la plus connue en occident, ainsi qu'en Israël.
Certaines de ses biographies récentes mettent toutefois plus en avant son nationalisme. Zvi Elpeleg, auteur d'une étude biographique intitulée The Grand Mufti: Haj Amin Al-Hussaini, Founder of the Palestinian National Movement, conclut son chapitre portant sur le rôle du Mufti dans l'extermination des Juifs en écrivant qu'« en tous les cas, il n'y a aucun doute que la haine du Mufti n'était pas limitée au Sionisme mais s'étendait aux Juifs en tant que tels. Ses contacts fréquents et étroits avec les dirigeants du régime nazi ne peuvent lui avoir laissé aucun doute sur le destin qui attendait les Juifs dont l'émigration était empêchée par ses efforts. Ses nombreux commentaires montrent qu'il n'était pas seulement réjoui que les Juifs étaient empêchés d'émigrer en Palestine, mais qu'il était très satisfait par la Solution Finale des Nazis. » Selon Benny Morris, « le Mufti était profondément antisémite. » Il justifie ce point de vue en soulignant que le Mufti colportait l'idée que les Juifs avaient provoqué leur propre Holocauste et qu'ils étaient « suffisants [et] enracinés dans leur croyance d'être le peuple élu […]. » Dans le contexte de sa thèse selon laquelle la Guerre de 1948 était perçue par les Arabes comme une Jihad, il souligne que le Mufti faisait référence au Coran dans ses attaques contre les Juifs.
Dans une étude consacrée au rôle et à l'usage de l'holocauste dans le sentiment nationaliste israélien, l'historienne Idith Zertal à propos de l'image antisémite du Mufti, considère qu'« une description plus correcte [le ferait apparaître] comme un leader palestinien nationaliste-religieux fanatique […] ». L'importance accordée à l'antisémitisme du Mufti l'étonne. A la suite de Peter Novick elle souligne que « l'encyclopédie de l'Holocauste, un projet international de Yad Vashem […] le dépeigne comme un grand planificateur et acteur de la Solution Finale : l'article qui lui est consacré est deux fois plus long que ceux de Goebbels et Goering, plus long que la somme des articles consacrés à Heydrich et Himmler et plus long que celui d'Eichmann ». Elle ajoute que, dans la version hébraïque, son article est presqu'aussi long que celui d'Adolf Hitler.