Arthuys Jacques
Jacques Arthuys, né le 15 février 1894 à Belfort et mort le 9 août 1943 à Hermeskeil, est un économiste, journaliste, homme politique1 et pionnier de la Résistance
française. Fils d'officier, engagé volontaire, Arthuys combat d'abord dans la cavalerie puis dans l'aviation. Son palmarès en tant qu'aviateur est glorieux, et il est maintes fois cité pour actes
de bravoure. Après la guerre, Arthuys devient industriel, et s'intéresse à la question économique et au « problème de la monnaie » dans diverses publications. Militant nationaliste proche des
Croix-de-feu et membre avec son ami Georges Valois de l'Action française, il est convaincu que le salut de la Troisième République ne peut que passer par l'établissement d'un pouvoir
énergique.
Dans Les Combattants (1925), réflexion sur le combattant née de son expérience de la Première Guerre mondiale, Arthuys fustige la France d'après l'armistice et semble pressentir l'ineluctabilité
du conflit à venir : « Ce monde est mauvais, tel que de faux sages l'organisèrent. Mais enfin nous sommes las. Nous n'admettons plus d'être submergés par cette bassesse générale. Tout ce qui est
grand est attaqué de manière vile. Tout ce qui est petit est exalté. Tout ce qui fait la sauvegarde est détruit ; la marine se dissout peu à peu, l'armée est négligée, les forces spirituelles
sont brimées, l'esprit public est hésitant, peureux, divisé ; on jette en pâture aux hommes de ce pays des sentiments de querre civile. Pendant ce temps, de l'autre côté du Rhin, une nation
tenace, avec laquelle un duel séculier est engagé, attend son heure ».
Ces propos reflètent un certain désenchantement : la guerre a entraîné des mutations irréversibles, et Arthuys est nostalgique de l'âge d'or de la Belle Époque. La République connaît un certain
nombre de crises, et est tenue pour un régime d'impuissance, isolée sur le plan diplomatique (suite notamment à l'échec de l'occupation de la Ruhr décidée par Raymond Poincaré), incapable
désormais de faire face à une Allemagne toujours considérée par les tendances d'extrême-droite comme un pays ennemi et une menace. Ce désenchantement conduit les jeunes générations à se détourner
des partis politiques traditionnels et du parlementarisme, et à se tourner vers les ligues.
Le 11 novembre 1925, au terme d'une réunion salle Wagram, Valois fonde Le Faisceau, premier parti fasciste français. Arthuys, cofondateur et vice-président, devient rédacteur en chef politique au
Nouveau Siècle (1925), organe du mouvement nouvellement créé. Cette ligue, qui se revendique ouvertement d'un fascisme inspiré du modèle italien, entend faire la synthèse du nationalisme et du
socialisme : instaurer une dictature nationale au-dessus de toutes les classes sociales, avec un chef proclamé par les combattants et acclamé par la foule.
Les années suivantes, Valois se détourne du modèle mussolinien, qu'il juge réactionnaire, renonce à l'antisémitisme et à l'idéal monarchique au profit de la République. Le Faisceau éclate, et
l'inflexion de leurs convictions politiques conduit Arthuys et Valois, le 10 juin 1928, à fonder le Parti républicain syndicaliste, résolument tourné vers la gauche. Parmi les personnalités qui
rejoignent cette nouvelle formation figure notamment René Capitant, futur ministre du général de Gaulle.
Hostile au Front populaire, Arthuys adhère en 1936 à la Confédération nationale des associations de classes moyennes dont le républicain radical-socialiste Georges Potut est le président.
Mobilisé en 1939 comme capitaine de réserve, Arthuys conduit la retraite de l'armée de Sedan à Orange en mai-juin 1940, d’une traite, avec des pertes, mais sans laisser aucun prisonnier aux mains
de la Wehrmacht. Il est à Orange lorsque l'armistice du 22 juin 1940 met fin aux hostilités : il fait enterrer les armes et se rend à Vichy.
Ce voyage parait naturel pour cet ancien militant du Faisceau qui avait appelé à la mise en place d’« une organisation économico-sociale de type mussolinien »8. Arthuys y rencontre des ministres,
et est accueilli comme un homme qui participera à la mise en place du régime de Vichy. Mais il écrit bientôt à Henry Dumoulin de Labarthète, directeur du cabinet civil de Pétain : « Si le
Maréchal ne reprend pas le combat, il ne reste plus aux Français que la révolte armée. » Arthuys passe la ligne de démarcation le 17 septembre 1940 et regagne Paris pour organiser la révolte
armée.
Réel antinazi, Arthuys devient le chef du noyau résistant constitué par son ami Lefaurichon (de la Confédération nationale des classes moyennes) afin de mettre en place des filières de passage en
zone libre ainsi qu'un service de renseignement, et de publier des Lettres aux Français, signées « Équipe française d'organisation du redressement » (EFOR). Ces lettres doivent éveiller l'opinion
publique afin qu'elle refuse de collaborer. Dans la première lettre, Arthuys dit son admiration pour l'Angleterre et les Français exilés qui continuent de se battre, ainsi que pour le maréchal
Pétain, qui incarne selon lui « l'esprit de résistance aux empiètements du vainqueur ». Farouchement hostile à la collaboration, il souhaite que la France prenne part à la destruction du régime
nazi.
En décembre 1940, sous l'impulsion d'Arthuys et du colonel Alfred Touny, l'EFOR fusionne avec le groupe de résistance de Maxime Blocq-Mascart pour constituer l’Organisation civile et militaire
(OCM). Arthuys prend la tête d’un des premiers mouvements de la Résistance intérieure française qui comptera fin 1941 quelques centaines de militants et sympathisants, parmi lesquels des anciens
du Faisceau tels Philippe Lamour, Philippe Barrès, Jacques Debu-Bridel, et bien d'autres, et couvrira tout le Nord et l'Ouest de la zone occupée.
Les débuts de l’OCM dans la France occupée sont relativement tranquilles, mais deux membres du réseau sont bientôt dénoncés et découverts avec le dépôt d’armes qu’ils avaient constitué.
L’arrestation de membres de l’OCM proches d’Arthuys oblige les chefs du réseau à entrer dans une vraie clandestinité. Arthuys rentre à Paris le 18 décembre 1941. Le 19, il réunit ses plus proches
collaborateurs dans un café des Champs-Elysées. Le 21, à l’aube, il est arrêté par la Gestapo. Condamné, Arthuys est déporté Nacht und Nebel le 9 octobre 1942 dans le SS-Sonderlager Hinzert, près
de Trèves en Allemagne. Il meurt d'une pneumonie à l'hôpital de Hermeskeil le 9 août 1943.