Besnard Pierre
Pierre Besnard né le 8 octobre 1886 à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), mort le 19 février 1947 à Bagnolet (Seine), incinéré
le 24 février au Colombarium du Père-Lachaise, urne n° 10 759. Employé des chemins de fer. Militant anarcho-syndicaliste. Fondateur de la CGT-SR. Le 1er mars 1909, P. Besnard entra aux chemins de
fer de l’Etat à Chinon (Maine-et-Loire) comme facteur auxiliaire puis nommé facteur chef à la gare d’Auteuil-Boulogne. Le 25 septembre 1912, il épousa Thérèse, Marie, Eugénie Montreuil née le 4
mai 1892 à Oissel (Seine Inférieure).
Le 14 mai 1920, P. Besnard fut révoqué des chemins de fer pour faits de grève en février-mars puis en mai. Il était, depuis le 4 mai, secrétaire intérimaire de la commission permanente du bureau
mixte des syndicats parisiens de cheminots et principal dirigeant du mouvement pour la région parisienne. Il était également membre de la CE [Commission exécutive] de la Fédération nationale des
cheminots. Il habitait alors 14, rue Henri-Monnier à Paris, IXe arr. puis, à partir du 1er juillet 1921, 22, rue Popincourt, XIe arr. au loyer annuel de 1 200 F.
Le 1er juillet 1920, il entra comme taxateur à la Compagnie piémontaise de Transports, 17, rue du Mail, IIe arr. Etant demeuré après sa révocation, militant cheminot, il fut délégué le 19 août au
congrès du réseau de l’Etat, Rive gauche, qui se tint les 21 et 22, 33, rue de la Grange-aux-Belles. Toutefois, deux mois plus tard, le 21 octobre, estimant qu’il n’était plus cheminot, il donna
sa démission de ses fonctions de secrétaire du bureau mixte. En septembre, il s’était déclaré par lettre adressée au juge d’instruction, solidaire de ses camarades cheminots inculpés de « complot
contre la sûreté intérieure de l’Etat ».
Le 20 mai 1921, Besnard remplaçait Monatte comme secrétaire général du Comité central des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), principale force d’opposition au sein de la CGT dirigée par
Jouhaux. Besnard était assisté de Fargue et de Quinton, secrétaires. Depuis février, Besnard était signataire du « Pacte », société secrète de type bakouninien qui le liait à quelques-uns de ses
amis anarcho-syndicalistes. En juillet, à la veille du congrès de Lille, Besnard démissionna de ses fonctions de secrétaire général pour devenir secrétaire adjoint, désirant ainsi se libérer pour
un rôle national — on s’acheminait vers la scission — et international au sein de l’ISR à la veille d’être créée -juillet 1921.
Au congrès de la minorité de la CGT qui se tint à Paris du 22 au 24 décembre 1921, après que deux courants se furent manifestés, l’un conduit par Besnard-Monmousseau favorable à la rupture
immédiate, le second dirigé par Monatte conseillant la prudence, une motion votée à l’unanimité réclama la tenue d’un congrès extraordinaire au cours du premier trimestre 1922, les convocations
devant être lancées avant le 31 janvier. La CGT ayant refusé, la scission était consommée. Au cours d’un des congrès qui vont se succéder, le IIe congrès extraordinaire de la Seine par exemple,
tenu le 9 avril 1922, Besnard précisera ainsi sa conception du rôle des groupements syndicaux (cf. c. rendu, p.72) : l’Union locale « est, pour la localité, ce que la CGT est à l’ensemble du
pays, ce que l’Union régionale est pour la région — c’est-à-dire l’expression complète du fédéralisme pour la localité. Elle est non seulement la cellule qui a charge d’organiser la production,
mais aussi la répartition de cette production. Elle est plus que cela. Elle est l’organe de législation. Et cela nous conduit vers le syndicalisme complet qui, dans la révolution complète, nous
permettra de suffire à tout ». Avec Toti et Lecoin de même orientation que lui, Besnard fut délégué à la Conférence syndicale révolutionnaire internationale qui se tint à Berlin du 16 au 19 juin
1922. Lorsque, le 25 juin, s’ouvrit à Saint-Etienne le 1er congrès de la CGTU la scission était un fait mais cette CGTU dont Besnard et ses amis avaient pu penser pouvoir prendre tout
naturellement la direction, leur échappa. L’opposition était loin d’être unie et Saint-Etienne vit la défaite de ceux qui, anarcho-syndicalistes et anarchistes, en avaient pris la tête depuis le
20 mai 1921. Besnard, associé aux anarchistes groupés derrière Lecoin et Colomer, furent défaits par 399 voix contre 848. Ils se retireront peu à peu et, sans attendre, Besnard créera un Comité
de défense syndicaliste dont il sera le secrétaire général (Le Libertaire 14 juillet 1922).
Il abandonna le CDS le 1er juin 1923, en même temps qu’il se retirait du bureau exécutif de l’Internationale syndicaliste révolutionnaire constituée à Berlin du 25 décembre 1922 au 2 janvier
1923. C’est alors, fin décembre 1923 - début 1924, qu’il songea à « faire ouvrir la porte à l’unité par la CGT » et écrivit une lettre en ce sens à Théo Argence, 3 février 1924 (cf. J. Maitron,
Thèse, op. cit., tome II, pp. 67-68) en même temps qu’il songeait à « la réalisation de l’unité internationale sur le dos de Moscou » (cf. lettre à Argence du 21 février 1924, même source). Cette
stratégie, quelque peu utopique, ayant échoué, Besnard s’efforça de regrouper les opposants à la CGTU dans une Union fédérative des syndicats autonomes à la CE de laquelle il appartenait et dont
il deviendra le secrétaire général lors de la conférence de Saint-Ouen, le 1er juillet 1925. Dans la Voix du Travail, bulletin mensuel de l’AIT qui deviendra bulletin mensuel de la CGT-SR qu’il
dirige et dont le premier numéro parut en août 1926, P. Besnard publia une série d’articles dans lesquels il préconisait « le groupement de tous les syndicats autonomes », article signé au nom de
l’UFSA (Union fédérative des syndicats autonomes) par les secrétaires Huart et Besnard, la trésorière Planteline, le trésorier adjoint Saroléa, l’archiviste Lentente (cf. n°s 3-4,
octobre-novembre). Ils se prononçaient pour une troisième CGT, les deux autres CGT étant « devenue organisme gouvernemental » et la CGTU ayant « piétiné le syndicalisme » et fait faillite.
Les 13-14 novembre se tint à Lyon le congrès de la Fédération autonome du Bâtiment sous l’égide de l’Union syndicale autonome dont Fourcade était le secrétaire. Par 52 voix contre 3 et deux
abstentions, elle décida pour les 15-16 novembre la tenue du congrès constitutif de la CGT-SR qui donnera son adhésion à l’Internationale syndicaliste révolutionnaire de Berlin
(anarcho-syndicaliste), création qui avait suscité peu d’enthousiasme (en dépit du vote) et même l’opposition de la part des leaders Guigui, Le Pen, Bastien. Une même attitude réservée sera
observée par les congrès anarchistes et c’est ainsi qu’à celui de l’Union anarchiste de 1930, deux groupes sur vingt-deux seront favorables à la nouvelle confédération que certains par dérision,
dénommaient la CGT-SR, CGT Sans Rien. A partir de 1929, Besnard fut le secrétaire de la nouvelle Confédération qui groupera en juillet 1939, quatre mille membres et disposera d’un journal Le
Combat Syndicaliste fondé en 1928 tirant à 5 300 exemplaires à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Au moment de la guerre d’Espagne, Besnard participa à la création des comités anarchistes syndicalistes pour la défense du prolétariat espagnol et il fut choisi comme secrétaire de la Conférence
de ces comité qui se réunit les 24 et 25 octobre 1936. Il fut confirmé dans cette fonction en novembre par le Plenum de l’AIT qui se tint à Paris du 15 au 17 dans le but d’intensifier la
propagande internationale en faveur de l’Espagne « rouge ». Durant la Seconde Guerre mondiale, il se réfugia dans le Midi. Selon ce qu’écrivit L. Louvet, de façon assez énigmatique, dans Ce Qu’il
Faut Dire du 10 mars 1947 — Pierre Besnard était mort le 19 février : « il y mena une activité qui ne fut pas du goût de tous les camarades et je sais aussi qu’il y publia un livre — je l’ai —
qui ne fit pas l’unanimité parmi ses amis ».
Après la libération, P. Besnard fut vice-président de la Confédération générale pacifiste créée les 9 et 16 décembre 1945 dont Louvet était secrétaire général. Il mourut quatorze mois plus tard.
Depuis 1928, il vivait avec Lucie Job née le 15 août 1889 à Paris, VIe arr., veuve Margerie et ex-compagne de Pecastaing. Très doctrinaire, P. Besnard rêva toujours d’un ample mouvement
révolutionnaire qui serait sa chose. Un militant syndicaliste qui l’a bien connu, Théo Argence, l’a ainsi caractérisé et, sans doute assez justement : « Sa trop grande rigidité (...) le
conduisait à l’isolement. Ainsi peut s’expliquer, sans le justifier, son besoin de créer des groupements nouveaux qu’il voulait à son image ». Sur la page de garde de son ouvrage Le Monde
Nouveau, P. Besnard a lui-même résumé sa doctrine dans ces mots : « Toute l’économie aux syndicats ! Toute l’administration sociale aux communes ! »