Blémant Robert

Publié le par Roger Cousin

Robert Léon Arthur Blémant dit Monsieur Robert, (1911-1965) a été commissaire membre des ST/DST et des Services Secrets militaires, ayant effectué des actes considérés comme « extraordinaires » il est le « seul capable d'effectuer certaines missions périlleuses » durant la guerre. Durant cette période d'après guerre il est devenu un homme influent du Milieu dans les années 1947-1965 tout en étant en relation avec le SDECE dans des missions spéciales. Il est mort assassiné en 1965.

Blémant Robert

Il naît le 13 mars 1911 à Valenciennes dans une famille de notables locaux. Son père, Louis Blémant, est bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lille. Après de courtes études de droit à Lille, Robert s'engage dans les Spahis ou il pratique la boxe et l'équitation. En décembre 1931, il entre dans la police judiciaire et commence à faire ses classes dans les brigades mobiles de Lille comme inspecteur.  En février 1938, reçu au concours de commissaire de police, il est nommé à Lille où il est muté à la DST (Direction de la surveillance du territoire)en qualité de commissaire spécial. Ses chefs ont pour nom Guy Schlesser et Paul Paillole qui ne tarissent pas d'éloge devant ce chasseur d'espions allemands, traqueur redoutable qui ne comprend pas toujours la courtoisie et la discipline militaires dont font preuve ses supérieurs. Paillole écrit : Les procédures le répugnent et les demi-mesures le révoltent.

Blémant est direct, ardent, impitoyable. Ainsi il propose d'éliminer une prise faite en toute illégalité et que le général Gamelin, commandant en chef des armées ordonne de relâcher et de reconduire avec civilités. Il s'agit d'Hermann Brandl, un agent allemand qui fait de l'espionnage à Bruxelles sous le pseudonyme d'Otto. Otto et Blémant se rerouveront car Brandl sera à la tête du bureau d'achat, situé à l'hotel Lutetia, chargé d'organiser le pillage de la France avec l'aide de la bande à Lafont, recruté par la Gestapo, établie rue Lauriston. Pour Blémant, l'armistice ne change rien. Il veut continuer la lutte et l'Allemand reste l'ennemi. En juillet 1939, avec ses parents et sa soeur, il rejoint Marseille ou il prend le poste de chef adjoint. C'est une ville qu'il connait pour y avoir servi une année, juste le temps d'en avoir pris la mesure et de bâtir un réseau d'informateurs. Il y achète une villa en bord de mer. Marseille est à cette époque une ville étrange dont la guerre stimule le trafic portuaire : les quai regorgent de marchandises et le port permet de quitter le continent.

Tout y est curieux : de nombreux truands ont été affectés sur place, l'acteur Fernand Contandin, soldat du Train des équipages, est cantonné dans la cour de son unité après avoir provoqué une émeute lors de son premier tour de garde. On y croise Louis Jouvet, Henri de Montherlant, Blaise Cendrars, André Breton, Claude Lévi-Strauss, Golo Mann, Max Ernst, Samson François, Darius Milhaud... mais également Paul Carbone et François Spirito qui sont les chefs incontestés de Marseille. En été 1940, Henri Frenay rédige le premier manifeste qui appelle à former une armée secrète pour laquelle il recrute des militaires de l'armée d'armistice et des démobilisés. Le 1er juillet 1940, à Marseille, Paul Paillole cré l'entreprise des Travaux Ruraux (TR) qui sert de couverture au contre-espionnage français. Elle travaille avec avec les Bureaux des menées antinationales (BMA) couverture de l'ancien service de renseignements militaires, proche de la DST ou est versé Blémant que les allemands ont inscrit sur leur liste noire.Le but des TR (Travaux Ruraux) est d'éliminer les agents et espions ennemis en Zone Libre et qui pulllent à Marseille. Le TR agit pour la Résistance et concentre son action sur la traque des Nazis, aucune traque de Résistants ne pouvant lui être imputée sauf dans des cas où il était sous le contrôle des RG et où a saboté sa propre action en faisant fuir les résistants traqués, tels que R. Wybot par exemple. Certains auteurs y voient de l'opportunisme et du dédouanement.

Blémant n'est pas un flic comme les autres. Il fréquente les bars de la pègre, ne s'interesse pas aux casses, braquages, macs et opium. Il n'a qu'un objectif; repérer et arrêter les espions. Il a alors l'idée de retourner les voyous, ou d'infiltrer ceux qui soutiennt la politique de collaboration avec l'Allemagne c'est à dire Paul Carbone et François Spirito, les agents de Simon Sabiani. A l'automne 1940, Robert Blémant a recruté Louis Raggio et Pierre Rousset, des truands qui veulent se racheter. En novembre 1940 il effectue sa première arrestation : un couple de suspect allemands dont l'interrogatoire, musclé, confirmera que ce sont des espions. La Commission d'Armistice Allemande, proteste, vichy tergiverse, Blémant à désormais une certitude; plutôt que d'arrêter, il faut éliminer, par un tragique accident ou par un paquet lesté jeté en mer avec des traverses de rails...

Le commissaire Blémant poursuit son recrutement, comme le fait le camp ennemi, et avec les même méthodes sauf que la Gestapo offre en plus de l'argent, des passe-droits et des affaires (souvent louches). Il recrute ainsi en particulier grâce à Louis Raggio; Joseph Renucci alias Jo, Mathieu Zampa, Alphonse Alsfasser, Emile Buisson, Mémé Guérini et son clan... , auquel il ne promet qu'une chose : flinguer les Boches et leurs agents. De Marseille, il s'interesse aux activités de Henri Lafont qui roule à Paris en Bentley blanche et dont Lucien Rebatet décrit ainsi le repaire de la rue Lauriston : Dès la porte, on plonge en plein film de gangsters. Partout des types aux gueules effrayantes, de vrais figurants pour Scarface, gardant les couloirs, les pieds sur les tables dans des enfilades de pièces, plusieurs en bras de chemise, des pétards longs comme ça sur la hanche... En janvier 1941, il recrute Abel Danos, dit le Mammouth, agent double idéal dont rêve Blémant et Paillole. Mais Danos leur échappera et s'intégrera totalement à la bande à Lafont. Tout en étant aux ordres de Vichy Blémant multiplie les contacts avec les réseaux de résistance avec :

  • Roger Warin dit Wybot futur directeur de la DST qui assure la liaison avec Londres.
  • Le commandant Pierre Fourcaud, agent de la France libre qui crée les réseaux Brutus, Radis et Fleurs.
  • Gaston Defferre, que ses camarades socialistes surnomment le dandy blanc appuyé par les frères Guérini.
  • En octobre 1942, Blémant enlève un policier révoqué qui a rejoint la bande de la rue Lauriston. René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, demande alors l'arrestation de Blémant dont la Gestapo a mis la tête à prix. Des voyous patriotes le cachent, le conduisent à Vichy où Paul Paillole lui conseille de se rendre à Alger. Lorsqu'il y arrive, après avoir séjourné plusieurs mois dans les prisons espagnoles, la donne à changé; les Américains ont débarqués en Afrique du Nord, les Allemands ont envahi la zone Sud et la surveillance du territoire a été dissoute. Blémant se retrouve chargé de la protection et de la sécurité personnelle du général Giraud. Néanmoins sa participation fut active lors des opérations du débarquement de Provence et il reçu de nombreuses décorations au terme de la guerre.​

Mais cette époque de la guerre affecte R. Blémant, aussi dégouté par les querelles politiques et le peu de reconnaissance qui lui vaut son action (car il est soupçonné d'avoir été Giraudiste) que fasciné par le milieu marseillais qu'il a "utilisé" pendant la guerre et avec qui il a fini par se compromettre petit à petit. À la libération, les frères Antoine et Mémé Guérini, figures montantes du milieu de l'époque, sont blanchis par leurs actions de résistance contre l'envahisseur nazi. De plus, ils sont proches de Gaston Defferre. De son côté, Blémant est nommé responsable de la Surveillance du Territoire du Sud-Est. En 1949, Robert Blémant obtient l'autorisation d'exploiter les « grands jeux ». Il investit dans le « Paris Montmartre », un des plus beaux cabarets de Marseille. A l'intérieur on peut y trouver une réduction du célèbre Moulin Rouge. Son ascension est fulgurante. L'ex-commissaire devient propriétaire, plus ou moins directement et plus ou moins totalement, de trois cabarets: un à Marseille (le drap d'or de Marseille), un à Paris sur les Champs Elysées (le drap d'or). C'est à cette époque qu'il décide d'investir dans le Grand Cercle, 12 rue de Presbourg à Paris, un établissement dit de "Grand jeu" où les mises sont sans limites, tout comme les profits. Il investit sous le prête nom de Gilbert Zenatti (non truand), les autres investisseurs sont: Antoine Peretti, Jean-Baptiste Andréani et Marcel Francisci.

A partir de 1962, des faits-divers comme le mitraillage du « Grand Cercle », la tentative de meurtre d'Andréani perturbent leurs alliances respectives. Le 30 mars 1964, cette situation atteint son paroxysme avec le braquage de la clientèle et de la caisse du « Grand Cercle ». Les braqueurs finissent en y mettant le feu. Andréani pense que ces faits sont la marque de Robert Blémant qui veut récupérer le « Grand Cercle ». Cette divergence de point de vue, et le fait que Robert Blémant prend de plus en plus de poids dans Marseille, agace profondément les Guérini. Antoine décide de son élimination en 1965 malgré l'opposition de Mémé. Le 15 mai 1965, en fin d'après midi, route départementale N°15 entre Pélissanne et Lançon-Provence, à quelques kilomètres à l'est de Salon de Provence, deux rafales de pistollet-mitrailleur MAT49 sont tirées d'une voiture. Le conducteur d'une Mercedes blanche s'écroule, touché par quatre balles dont deux à la tête. La femme à ses coté est lègèrement blessée. Un travail de professionnel, un contrat. La victime est Robert Léon Arthur Blémant' dit Monsieur Robert agé de 54 ans.

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