Foccart Jacques
Jacques Foccart, né Jacques Koch-Foccarta le 31 août 1913 à Ambrières-le-Grand (Mayenne) et mort le 19 mars 1997 à Paris, est un homme d'affaires et un homme politique français. Il a diverses activités commerciales avant de devenir secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974. Il est aussi l'un des fondateurs du SAC. On le considère comme l’homme de l'ombre du gaullisme. Notamment, il a été un personnage central dans la création du concept de « Françafrique » et a été considéré comme l’un des « barons du gaullisme ».
Jacques Foccart est le fils de Guillaume Koch-Foccart (1876-1925) — planteur-exportateur de bananes, consul de la principauté de Monaco en Guadeloupe, maire de Gourbeyre (Guadeloupe) de 1908 à 1921 — et d'Elmire Courtemanche de la Clémandière, une Béké guadeloupéenne. Jacques Foccart grandit dans le château du Tertre mayennais jusqu'à l'âge de trois ans alors que ses parents sont repartis en Guadeloupe. En 1916, son père, revenu en France pour la mort de son propre père, emmène son fils avec lui en Guadeloupe. Jacques a six ans lorsque ses parents reviennent en métropole. Jacques Foccart conserve ensuite des liens forts avec cette colonie devenue département d'outre-mer en 1946. Élève du lycée de l’Immaculée-Conception à Laval d'avril 1921 à avril 1935, il entre dans la vie professionnelle comme prospecteur commercial chez Renault. Il est ensuite employé dans une société commerciale d'import-export qui traite avec l'outre-mer.
La Seconde Guerre mondiale
Après son service militaire effectué dans les années 1930, Jacques Foccart devient sergent de réserve. Il est mobilisé à la caserne Chanzy de Châlons-sur-Marne en août 1939 comme sous-officier à l'état-major de l'aviation. Démobilisé en août 1940 à Agen après l'armistice de juin 1940, il regagne Paris.
Liens avec l'Organisation Todt
En 1941, Jacques Foccart fonde avec une de ses relations de service militaire, Henri Tournet, une importante affaire d'exploitation de bois à La Forêterie, lieu-dit de la commune de Rânes (Orne). Pour la coupe de soixante hectares de bois, il fait travailler une équipe importante : le bois est en particulier destiné à la production du charbon de bois, carburant des véhicules à gazogène, indispensable pendant cette période de restriction. L'entreprise travaille d'abord avec Citroën afin d'alimenter ses gazogènes, étend ensuite son domaine forestier avec cent hectares, achetés à un minotier à l’automne 1942, puis avec l'achat d'une grande coupe de bois, vendue par le châtelain local Claude Richard, contraint par des problèmes économiques.
À l'automne 1942, il commence, par l'entremise de Georges Desprez, à travailler pour les Allemands : deux convois sont livrés chaque semaine — grâce à des intermédiaires — à l'Organisation Todt, avec laquelle il a établi des relations commerciales. En 1943, l'Organisation Todt suspecte Jacques Foccart, Henri Tournet et Georges Desprez d'escroquerie. Jacques Foccart et son associé sont écroués en août 1943 à Argentan et Saint-Malo. Ils sont libérés moyennant le paiement d’une caution d'un million de francs ; leur entreprise est en outre réquisitionnée. Ultérieurement, la police judiciaire de Rouen enquête sur la possible implication de Jacques Foccart et Henri Tournet dans l'assassinat en 1944 de François Van Aerden, un ancien agent consulaire de Belgique au Havre, qui aurait été témoin d'un trafic entre leur entreprise et un officier de l'Organisation Todt. En l'absence d'élément matériel probant, le dossier est classé sans suite.
Résistance
En 1942, Jacques Foccart prend contact avec la Résistance sur sa terre natale en Mayenne. Adjoint de Régis des Plas pour le réseau Action Plan Tortue pour la zone Centre et Sude, il structure le réseau Action-Tortue Foccart avec un poste de commandement à Rânes et un centre de liaison à Ambrières-les-Vallées en Mayenne. Le nom de Foccart est évoqué, en 1953, par le SRPJ de Rouen comme étant lié à deux énigmes criminelles datant de 1944, l'affaire François Van Aerden à Rânes et l'affaire Émile Buffon à Joué-du-Plain. Pendant une fuite à Paris, il crée le 16 mai 1944 sous son propre nom une affaire dont l'objet est « commission-importation-exportation ». Ce commerce prend le nom de « Safiex » le 16 octobre 1945, et reste ultérieurement la base de l'activité professionnelle de Jacques Foccart.
Libération
Il prend part à la bataille de Normandie avec son groupe de résistance en harcelant les Allemands. Traqué à nouveau, il se replie en Mayenne avec deux aviateurs américains qu'il conduit à la rencontre des avant-gardes de l'Armée française de la Libération. Entre la mi-juillet et fin août 1944, il rejoint une division américaine et devient commandant. À la libération de Paris, Jacques Foccart intègre les services de renseignement de l'État : la Direction générale des études et recherches (DGER), futur Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) dirigés par Jacques Soustelle, un gaulliste historique. Il dirige un temps à Angers la IVe région militaire où il succède au commandant Jean-François Clouet des Pesruches.
Missions spéciales
Jacques Foccart indique avoir rejoint au mois d'août 1944 l'Angleterre comme lieutenant-colonel pour y rejoindre les services spéciaux alliés. Il participe à l'opération Vicarage. Selon son biographe Pierre Péan, c'est en fait en avril 1945 que Jacques Foccart participe à cette opération. Pour Pierre Péan, Jacques Foccart navigue entre l'Ouest de la France et Paris, avant d'être affecté le 1er octobre 1944 à la Compagnie de services no 1 de la DGER, et les services spéciaux qui deviendront la SDECE. Il se démène jusqu'à la fin de mars 1945 pour récupérer sa caution d'un million de francs que M. Courballée, patron de la « Société franco-belge de courtage et de gestion » avait prêtée pour permettre à Jacques Foccart et Henri Tournet de sortir de la prison de Saint-Malo le 24 août 1943. Le remboursement de la caution est effectué par l'État sous le maintien du secret absolu des activités de Foccart et Tournet entre l'automne 1942 et le 24 août 1943.
Le paiement est effectué par l'État le 18 décembre 1945. Gaulliste indiscutable, à l'automne 1944, il est au bureau de la Mission des liaisons de l'inspection des armées, dirigée à Paris par Jacques Chaban-Delmas. Rejoint par Tournet, ils mènent des missions spéciales en compagnie de Tournet, Clouet des Pesruches, et Lebert. En avril 1945, Jacques Foccart participe dans le cadre des Special Allied Airborne Reconnaissance Force à l'opération Vicarage. Démobilisé le 1er juin 1945, il lance son affaire d'import-export spécialisée dans les produits antillais, tout en conservant son exploitation forestière, et est employé dans l'administration au ministère du ravitaillement.
L'homme politique
Il soutient Jacques Soustelle, « parachuté »k en Mayenne, en 1945. Il est le troisième de la liste, candidat de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) d'une composée de trois résistants : Jacques Soustelle, Francis Le Basser et Jacques Foccart. Seul Jacques Soustelle sera élul. Il est avant tout un des hommes de confiance du général de Gaulle, plus chargé de missions politiques essentielles et délicates que de représentations politiques et électives formelles. Entre 1947 et 1954, il est par exemple responsable de l'implantation du RPF aux Antilles et en Guyane où il effectue plusieurs déplacements et noue de solides amitiés dans les milieux politiques de ces départements d'outre-mer.
Il est néanmoins membre du conseil national, puis secrétaire général adjoint, puis secrétaire général en 1954 du RPF sous la IVe République en remplacement de Louis Terrenoire, où il travaille très activement au retour du chef de la France libre au pouvoir. Il s'occupe des questions africaines au RPF dès 1954. Membre fondateur du SAC avec Achille Peretti et Charles Pasqua, il est directement mis en cause comme principal responsable de l'assassinat de Robert Boulin en octobre 1979, notamment dans le téléfilm Crime d’État en 2013, avec l'éventuelle complicité de ses collègues du SAC et de Jacques Chirac. La motivation aurait été la crainte que Robert Boulin, alors ministre de Valéry Giscard d’Estaing, ne dévoilât un certain nombre de dossiers sur le financement du RPR.
Monsieur Afrique
Avec l'indépendance de l'Algérie en 1962, la France perd l'exploitation du pétrole saharien. Charles de Gaulle, pour qui il n'y a pas de grande puissance sans indépendance énergétique, décide donc de se tourner vers les pays de l'ancien Empire colonial français en Afrique noire, qui regorgent de richesses minières et pétrolières. L'exploitation de ces ressources, qui s'effectue sur des cycles longs de 5 à 10 ans entre la découverte des gisements et la mise en service de l'exploitation, requiert dans les pays concernés une authentique stabilité politique si bien qu'est décidée une politique de soutien très active aux dirigeants particulièrement francophiles et dociles de ces pays devenus indépendants de la France en 1960. Cette volonté politique forte est confortée par le souhait des pays de l'OTAN, dans le contexte de la guerre froide, de barrer la route de l'Afrique au communisme. Ainsi, la France est investie implicitement du rôle de « gendarme de l'Afrique », en échange de quoi son activisme énergétique particulièrement autoritaire est toléré.
La mise en œuvre de la stratégie de la France en Afrique
Dès 1952, Jacques Foccart est coopté par le groupe sénatorial gaulliste pour participer à l'Union française, censée gérer les rapports de la France avec ses colonies. En 1953, il accompagne de Gaulle dans un périple africain durant lequel il fait la connaissance à Abidjan de Félix Houphouët-Boigny. Il revient aux affaires en 1958, en étant nommé par de Gaulle au poste de conseiller technique à l'hôtel Matignon, chargé des affaires africaines. À partir de 1959, il installe le secrétariat général pour la Communauté puis le secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches à l'hôtel de Noirmoutier puis à partir de 1970 au 2 rue de l’Élysée. Il s'affirme alors comme l'indispensable « Monsieur Afrique » du gaullisme, homme de l'ombre du général de Gaulle puis de Georges Pompidou, chargé avec Pierre Guillaumat, autre homme de base du gaullisme et PDG d'Elf d'organiser la politique africaine de la France.
Il orchestre avec efficacité et sans états d'âme le soutien des uns et la déstabilisation des autres, fort de moyens humains et financiers considérables. Il a en effet la haute main sur l'activité tant des services secrets que la diplomatie française en Afrique et peut compter sur les libéralités d'Elf. Il s'impose alors comme l'unique et exclusive courroie de transmission entre les chefs d'états français et africains à partir de 1964. Tous les mercredis, il avait un entretien téléphonique avec le président Houphouët-Boigny sur la situation de son pays et de l'Afrique francophone en général. Il établit le Gabon, eldorado pétrolier de l'époque, comme pierre angulaire de la politique africaine de la France. Dans un premier temps, le président Léon Mba est ainsi activement aidé à structurer son administration, avant d'être ré-installé au pouvoir après un coup d'État militaire, puis entouré d'une garde présidentielle avant d'être invité à se doter d'un vice-président « prometteur » Omar Bongo.
Il est également considéré comme l'instigateur d'interventions militaires (politique du Jaguar), de conspirations et coups d'État dans les autres pays de l'ancien Empire colonial français en Afrique. En Guinée, il appuie les opposants d'Ahmed Sékou Touré ; au Congo-Kinshasa, il soutient le maréchal Mobutu. Il est également dès 1967 un acteur important du concours apporté par la France aux sécessionistes biafrais du Nigéria, par livraisons d'armes et mercenaires interposés (dont Bob Denard et Jean Kay).
Les méthodes et « réseaux Foccart »
Les méthodes de Jacques Foccart, extrêmement directives, visent à maintenir les chefs d'État des anciennes colonies françaises sous l'influence de l'ancienne métropole. À l'instar des mouvements de Résistance qu'il a connus de l'intérieur, il met en place une structure centralisée et cloisonnée, de façon à en rester l'unique ordonnateur. Cette organisation en réseau est une organisation de terrain, entièrement tournée vers l'efficacité opérationnelle.
Ces réseaux sont à la fois des réseaux de renseignement et d'action. Concernant l'information, ils puisent naturellement dans les rangs des services de renseignement, des services secrets et de la diplomatie, mais, aussi, dans ceux des hommes d'affaires et notables œuvrant localement (les « correspondants »). Pour l'action, aux côtés des services secrets sont fréquemment mobilisés des mercenaires.
Ses autres missions
En plus de l'Afrique, il est chargé par de Gaulle à la fois du suivi des services secrets et des élections, et en particulier des investitures durant les années 1960. Pendant les campagnes électorales, il fut accusé à plusieurs reprises d'utiliser barbouzes et blousons noirs contre les candidats de gauche. En 1969, pendant le bref passage d'Alain Poher à l'Élysée, il fut le seul haut fonctionnaire de la présidence à être immédiatement destitué, avant d'être remis en place par Georges Pompidou ; une commode qui permettait d'enregistrer les autres pièces du palais fut découverte.
L'affaire fut dévoilée par Le Canard enchaîné et connue sous le nom de commode à Foccart. Il fut le cofondateur du Service d'action civique (SAC), service d'ordre et bras clandestin du mouvement gaulliste. Il est aussi à l'origine de la création de l'Union nationale inter-universitaire (UNI), mouvement universitaire créé à la suite de mai 68. Le président Jacques Chirac lui remet la médaille de grand officier de la Légion d'honneur en 1995.
L'évolution de la Françafrique
Ce système d'influence de la France en Afrique, appelé couramment « Françafrique » par ses détracteurs - terme emprunté à Félix Houphouët-Boigny, repris par François-Xavier Verschave dans son ouvrage La Françafrique, le plus long scandale de la République, qu'il a fondé, puis, profondément installé, est encore en vigueur aujourd'hui, même si le rapport de forces s'est sensiblement équilibré du fait de la fin de la guerre froide. Il a, en effet, été poursuivi sous les présidences successives de Valéry Giscard d'Estaing (qui remplace Jacques Foccart, mais garde son adjoint René Journiac, ancien magistrat dans les colonies), François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, chacun confirmant l'existence même de la cellule africaine de l'Élysée, indépendante des autorités du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères et confiant le pilotage de celle-ci à un proche.
L'avocat d'affaires franco-libanais, Robert Bourgi, a prétendu succéder à Jacques Foccart mais ne faisait que la transmission de messages entre certains dirigeants africains et français et le « portage de valises ». Ses opposants disent que deux bureaux se faisaient face au gouvernement : le bureau du Premier ministre pour la métropole, et celui de Jacques Foccart pour la « Françafrique ». Il reçoit régulièrement les chefs d'État africains « amis » soit dans son appartement de la rue de Prony, dans le 17e arrondissement de Paris, ou dans la « case à fétiches », nom de son bureau dans les combles de sa villa Charlotte à Luzarches, au nord de Paris.