Gauguin Paul

Publié le par Mémoires de Guerre

Paul Gauguin, né le 7 juin 1848 à Paris et mort le 8 mai 1903 à Atuona (Hiva Oa) aux îles Marquises, est un peintre postimpressionniste français. Chef de file de l'École de Pont-Aven et inspirateur des nabis, il est considéré comme l'un des peintres français majeurs du XIXe siècle, et l'un des plus importants précurseurs de l'art moderne avec Klimt, Cézanne, Munch, Seurat et van Gogh

Gauguin Paul
Débuts

Eugène Henri Paul Gauguin naît à Paris, en 1848. Son père, Clovis Louis Pierre Guillaume Gauguin (1814-1851), est un journaliste républicain au National. Sa mère, Aline Chazal (1825-1867), est la fille de Flora Tristan et la petite fille de Thérèse Laisnay et Mariano de Tristán y Moscoso, un militaire membre d'une famille de propriétaires terriens nobles espagnols du Pérou. Le peintre a d'ailleurs passé sa plus jeune enfance à Lima, où son père, mort en 1851 durant le voyage depuis la France, au large de Punta Arenas et enterré à Puerto del Hambre, venait fuir le régime politique de Napoléon III, auteur d'un coup d'État qui conforta son pouvoir. De retour en France à l'âge de 7 ans, Paul fait ses études à Orléans, d'abord dans un pensionnat de la ville puis, entre 1859 et 1862, au petit séminaire de La Chapelle-Saint-Mesmin dirigé à cette époque par Mgr Félix Dupanloup. Après son échec au concours d'entrée à l’École navale (préparé à Paris entre 1862 et 1864), il revient à Orléans, et s'inscrit, durant l'année scolaire 1864-1865 au lycée impérial de la rue Jeanne-d'Arc, futur lycée Pothier. 

Gauguin est ensuite embarqué sur le clipper Luzitano en qualité de novice/pilotin en décembre 1865, inscrit au Havre sous le matricule 790-3157. Il apprend aussi à jouer de l'accordéon. Il obtient le grade de lieutenant et embarque, en 1866, sur le trois-mâts Chili, dont il est le second lieutenant. Il effectue par la suite, en 1868, son service militaire dans la marine nationale, embarqué sur la corvette Jérôme-Napoléon. Il participe à la guerre de 1870 et prend part à la capture de six navires allemands. Après son retour à Toulon, le 23 avril 1871, il quitte la marine. Il devient agent de change à la Bourse à Paris et connaît un certain succès dans ses affaires. Il partage alors une vie bourgeoise confortable avec son épouse danoise, Mette-Sophie Gad (1850-1920), et leurs cinq enfants : Émile (1874-1955), Aline, Clovis, Jean-René (1881-1961), sculpteur et Paul-Rollon (ou Pola) (1883-1961). Il s'installe avec sa famille en 1877, dans le XVe arrondissement de Paris, d'abord rue des Fourneaux (actuelle rue Falguière), puis rue Carcel. Son tuteur, Gustave Arosa, homme d'affaires et grand amateur d'art, introduit Gauguin auprès des impressionnistes. En 1874, il fait la connaissance du peintre Camille Pissarro et voit la première exposition du courant impressionniste. Comme son tuteur, il devient amateur d'art et s'essaye alors à la peinture. Il expose par conséquent avec les impressionnistes en 1879, 1880, 1881, 1882 et 1886. 

Paul Gauguin et les impressionnistes

En 1882, il abandonne son emploi de courtier en bourse (qui est dans une phase de mauvaise conjoncture, avec la faillite de l'Union générale) pour se consacrer à sa nouvelle passion, la peinture. De janvier à novembre 1884, il s'établit à Rouen, où Camille Pissarro, qui l'avait guidé dans son approche de l'impressionnisme, vit également. Pendant ces dix mois passés à Rouen, il réalise près de quarante tableaux, principalement des vues de la ville et de ses alentours. Cela ne suffit pas pour vivre et il part vivre avec sa femme et ses enfants dans la famille de celle-ci à Copenhague. Il abandonne la peinture pour devenir représentant en toile goudronnée; mais il n'est pas doué pour ce travail, ses affaires vont mal et sa belle-famille lui reproche son mode de vie bohème. Il retourne donc à Paris en 1885 pour peindre à plein temps, laissant femme et enfants au Danemark, n'ayant pas les moyens d'assurer leur subsistance ; il est déchiré par cette situation. Il participe, de 1879 à 1886, aux cinq dernières expositions du groupe des impressionnistes. En 1885, Paul Gauguin commence à travailler la céramique et s’associe avec Ernest Chaplet pour produire 50 œuvres en céramique. Cette même année, il fréquente le café-restaurant Au Tambourin, tenu par d'Agostina Segatori, une modèle italienne, au 62 boulevard de Clichy.

Le symbolisme et son voyage initiatique en Amérique

En 1886, sur les conseils d'Armand Félix Marie Jobbé-Duval, Gauguin effectue un premier séjour à Pont-Aven en Bretagne, où il rencontre Émile Bernard, le tenant du cloisonnisme. De retour à Paris, il rencontre pour la première fois Vincent van Gogh, en novembre de la même année. En avril 1887, il s'embarque avec le peintre Charles Laval pour le Panama où ils vont travailler au percement du canal. Ils y rencontrent des conditions de vie particulièrement difficiles et décident de partir dès qu'ils auront réuni suffisamment d'argent pour la Martinique, que Gauguin avait découverte lors d'une escale. Après un séjour à l'île de Taboga, il rejoint la Martinique où il reste dans des conditions précaires, de juin à octobre 1887, à l'Anse Turin au Carbet à deux kilomètres de Saint-Pierre, où se trouve, toujours aujourd'hui, un Centre d’Interprétation10 qui lui est consacré. Enthousiasmé par la lumière et les paysages, il peint dix-sept toiles lors de son séjour. « L’expérience que j’ai faite à la Martinique est décisive. Là seulement je me suis senti vraiment moi-même, et c’est dans ce que j’ai rapporté qu’il faut me chercher si on veut savoir qui je suis, plus encore que dans mes œuvres de Bretagne. » (Paul Gauguin à Charles Morice, 1891). Malade de dysenterie et du paludisme, et sans ressources pour vivre, Gauguin regagne la métropole en novembre 1887. Laval prolonge son séjour jusqu'en 1888. 

Le synthétisme à Pont-Aven

De retour en métropole, il vit à Paris puis il rejoint, début 1888, en Bretagne, un groupe de peintres expérimentaux, plus jeunes car il a alors la quarantaine, connu comme l'école de Pont-Aven. Dans une lettre de 1888 écrite à Émile Schuffenecker, Paul Gauguin lui exprime son credo qui sera l'âme des contestations artistiques à venir : « Un conseil, ne copiez pas trop d'après nature, l'art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant, et pensez plus à la création qu'au résultat. C'est le seul moyen de monter vers Dieu en faisant comme notre divin Maître, créer. » L'aubergiste bretonne Marie-Angélique Satre (1868-1932) alias « La Belle Angèle » fut immortalisée en 1889 par Paul Gauguin, dont l'œuvre La Belle Angèle (titre écrit en lettres majuscules sur la toile) est actuellement conservée au musée d’Orsay.

Sous l'influence du peintre Émile Bernard, novateur et très croyant, son style évolue: il devient plus naturel et plus synthétique. Il cherche son inspiration dans l'art exotique, les vitraux médiévaux et les estampes japonaises, pour peindre des œuvres modernes qui soient spirituellement chargées de sens. Cette année-là, il peint La Vision après le sermon aussi appelée La Lutte de Jacob avec l'ange, qui influencera Pablo Picasso, Henri Matisse et Edvard Munch. Cette œuvre est pour Gauguin le moyen de représenter « une hallucination collective ». Par la simplicité, il unit le style et le thème de la prière, important pour les peintres depuis la Renaissance. Gauguin traite cependant le sujet d'une autre façon, en ne représentant pas les femmes dans des postions très significatives, car il n'y a qu'une femme que l'on voit en prière. 

Toute la partie supérieure droite est laissée pour la Lutte de Jacob avec l'ange, vision assez « superstitieuse » pour Gauguin, qui détermine l'attitude des femmes et la représentation de leur crédulité religieuse, significative des habitants de Pont-Aven, représentants d'un archaïsme provincial rustique. En s'y installant, il retourne à un certain primitivisme de l'art, à ses origines, y développant son questionnement sur le « sauvage » qu'il approfondira lors de ses voyages suivants. Pour son tableau représentant un Christ jaune, il se serait inspiré de la sculpture de la chapelle de Tremalo, près de Pont-Aven, où il aurait souhaité faire accrocher celui représentant la vision après le serment, avec la mention, sur la cadre de ce tableau, don de Tristán y Moscoso, donc du Gauguin petit garçon qui a vécu au Pérou. Son ami le peintre et avocat Ernest de Chamaillard l'assiste dans une affaire qui l'oppose à l'aubergiste Marie Henry. 

L'épisode d'Arles

Gauguin rejoint Vincent van Gogh qui l'a invité à venir à Arles, dans le sud de la France, en 1888, grâce au frère de celui-ci, Théodorus. Il découvre les estampes japonaises à travers Vincent van Gogh, alors qu'ils passent ensemble deux mois (d'octobre à décembre) à peindre. Ils peignent alors la série sur les Alyscamps, des portraits, des paysages et des natures mortes. Les deux confrères sont très sensibles et connaissent des moments de dépression — Gauguin, comme Van Gogh, tentera de se suicider. Rapprochés par un intérêt commun pour la couleur, les deux peintres entrent en conflit personnel et artistique, qui culmine quand Gauguin peint Van Gogh peignant des tournesols, portrait dont Van Gogh dira : « C'est bien moi, mais devenu fou. » Leur cohabitation tourne mal et se termine sur le fameux épisode de l'oreille coupée de Van Gogh, le 23 décembre 1888. 

D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897-1898)

D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897-1898)

Vie en Polynésie

En 1891, ruiné, il habite un temps à Paris, à l'hôtel Delambre, au no 35 de la rue du même nom dans le 14e arrondissement. Inspiré par l'œuvre de Jacques-Antoine Moerenhout et grâce à une vente de ses œuvres dont le succès est assuré par deux articles enthousiastes d'Octave Mirbeau, il s'embarque pour la Polynésie et s'installe à Tahiti (c'est là qu'il peint le portrait de Suzanne Bambridge) où il espère pouvoir fuir la civilisation occidentale et tout ce qui est artificiel et conventionnel. Il passe désormais toute sa vie dans ces régions tropicales, d'abord à Tahiti puis dans l'île de Hiva Oa dans l'archipel des Marquises. Il rentre en métropole une seule fois. Les caractéristiques essentielles de sa peinture (dont l'utilisation de grandes surfaces de couleurs vives) ne connaissent pas beaucoup de changements. Il soigne particulièrement l'expressivité des couleurs, la recherche de la perspective et l'utilisation de formes pleines et volumineuses. Influencé par l'environnement tropical et la culture polynésienne, son œuvre gagne en force, il réalise des sculptures sur bois et peint ses plus beaux tableaux, notamment son œuvre majeure, aujourd'hui au musée des Beaux-Arts de Boston : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, qu'il considère lui-même comme son testament pictural.

À Tahiti, il fait la connaissance de Teha'amana (appelée aussi Tehura), jeune fille native de Rarotonga dans les îles Cook, à l'ouest de la Polynésie française (Gauguin la croit originaire des îles Tonga). Celle-ci, âgée de treize ans, devient son modèle. Alors âgé de 43 ans, il entame une relation avec elle. Il est très inspiré et peint soixante-dix toiles en quelques mois. Après quelques années de bonheur, des soucis administratifs, la mort de sa fille Aline en 1897 (sa préférée) et des ennuis de santé (à la suite d'une agression, il a une blessure à la jambe qui ne guérit pas depuis 1894) le minent tant qu'il déprime et tente de se suicider. Il est contraint de vendre ses toiles pour acheter de la morphine et de l'arsenic qui calment ses plaies à la jambe. Il contracte également une syphilis peu avant son départ. Les œuvres de son premier séjour à Tahiti sont marquées par une sorte de figure « sauvage » qui est omniprésente dans ses toiles. De plus il ajoute des sculptures sur bois qui allient des formes exotiques aux figures. En arrivant à Papeete, il veut se faire ethnologue et essayer de comprendre les principes d'une civilisation qui a été encore préservée des habitudes occidentales. Il parle d'une « corruption » occidentale qui serait une corruption non pas symbolique mais réelle pour la société.

Dans ses tableaux où les figures tahitiennes sont présentes, il y a comme une sorte de mélancolie qui s'échappe, autour d'une situation les personnages ont des regards absents avec des attitudes dont se dégage une certaine douceur. La plupart des tableaux de cette époque sont des scènes de la vie de tous les jours. Il se fait rapatrier en France, à Paris, en 1893, et n'est pas trop bien reçu. Il se met en ménage avec Annah la Javanaise, grâce à Ambroise Vollard, à Paris, puis à Pont-Aven. Il a un tibia brisé lors d'une altercation à Concarneau le 25 mai 1894, responsable de sa boiterie, de sa canne, de ses douleurs, du laudanum. Il repart seul le 3 juillet 1895 pour Tahiti. Il se met en ménage avec Pau'ura (quatorze ans), peint encore, s'alcoolise, s'aigrit (contre les protestants et les Chinois), écrit et caricature dans des petits journaux éphémères Le Sourire (journal sérieux), Le Sourire (journal méchant). Il est embauché par le maire de Papeete, François Cardella, pour le mensuel Les Guêpes, jusqu'au départ du gouverneur Gustave Gallet, combattu par le Parti Catholique. Il décide alors de partir enfin pour les Marquises, où il débarque le 16 septembre 1901, afin de retrouver l'inspiration. Arrivé à Atuona (sur l'île de Hiva Oa), il fait la connaissance de l'infirmier du dispensaire, l'Annamite déporté Ky Dong (1875-1929), de l'Américain Ben Varney et du Breton Émile Frébault. 

L'évêque Martin, chef de la Mission catholique, finit par lui vendre un terrain marécageux. Il y fait construire une maison sur pilotis, qu'il baptise en guise de provocation Maison du Jouir. Il lui semble être au paradis. Il va vite déchanter en se rendant compte des abus de l'administration coloniale et en essayant de se battre pour les indigènes. Il refuse notamment de payer ses impôts et incite les Marquisiens à en faire de même. Il essaie, sans succès, de posséder une plantation et de devenir juge de paix. Dès son arrivée aux Marquises, il enlève à l'école catholique, avec l'accord du chef d'un petit village, Marie-Rose Vaeoho (1887-1914), âgée de 13 ans, 39 ans plus jeune que lui, qui devient sa vahiné. Enceinte, elle est envoyée dans son village pour accoucher de leur fille Tikaomata et le peintre, voulant se moquer de l'évêque, la remplace par Henriette, élève de l'école des Sœurs et épouse du servant de messe. Il enchaîne procès sur procès et, le 31 mars 1903, il est condamné à cinq cents francs d'amende et trois mois de prison ferme pour diffamation envers un brigadier de gendarmerie. Ambroise Vollard, avec lequel il est sous contrat, lui verse des mensualités de 300 francs, et lui fournit gratuitement toile et couleurs, contre un minimum de vingt-cinq tableaux par an, essentiellement des natures mortes dont le marchand a fixé le prix unitaire à 200 francs.

Décès

Affaibli, sa blessure à la jambe s'étant transformée en eczéma purulent très douloureux, fatigué de lutter et rongé par la syphilis, il meurt le 8 mai 1903 en artiste maudit dans une misérable case. Il est enterré dans le cimetière d'Atuona (où la tombe de Jacques Brel viendra côtoyer la sienne, 75 ans et demi plus tard). Il laisse sur place une mauvaise réputation après sa mort, auprès des Polynésiens en général et des Marquisiens en particulier, qui ont l'impression d'avoir eu affaire à un homme qui s'est servi des Polynésiens, surtout des femmes, comme si cela lui était dû, mais aussi auprès de certains colons (l'évêque, l'administration, les gendarmes avec qui il a eu des démêlés incessants). Ses tableaux sur place sont vendus à un prix dérisoire, beaucoup de ses sculptures sont détruites. 

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