Karadzic Radovan
Radovan Karadžić , né le 19 juin 1945 à Petnjica (actuel Monténégro), est un psychiatre de formation et homme politique de l'ex-Yougoslavie. Il devient le premier président la République serbe de Bosnie en 1992. Dénommé le « boucher des Balkans » pour les faits commis durant la guerre de Bosnie, il est poursuivi par la justice internationale pour la campagne de purification ethnique menée lors du conflit, notamment pour le massacre de Srebrenica. Biljana Plavšić lui succède à la tête de la République serbe de Bosnie en 1996. Après plusieurs années de fuite, il est arrêté à Belgrade en juillet 2008, avant d'être transféré à La Haye. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie le condamne, en mars 2016, à 40 ans d'emprisonnement, notamment pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
Après plusieurs années de fuite, son arrestation est annoncée par la présidence serbe et confirmée par le Tribunal pénal international le 21 juillet 2008, grâce à un informateur. Né dans le village de Petnjica (municipalité de Šavnik) au Monténégro, il passe son enfance à Niksic toujours au Monténégro, près de la frontière avec la Bosnie puis arrive en 1960, à Sarajevo où il poursuit des études de médecine. En juin 1968, il prononce des discours nationalistes serbes à la faculté de philosophie de Sarajevo. Le 19 juillet 1971, il devient docteur en médecine et il se spécialise dans la psychiatrie et tout particulièrement le traitement des névroses et de la dépression. De 1974 à 1975, il étudie à l'Université Columbia de Manhattan, New York. En mars 1977, il travaille au Centre pour l’éducation des adultes "Duro Dakovic," de Sarajevo. De 1979 à 1992, il exerce au service de psychiatrie de l’hôpital d’Etat de Sarajevo. En 1981, il construit des maisons à Palé. En 1983-1984, il devient psychologue du club de football l'Étoile rouge Belgrade. En 1984-1985, il fait 11 mois de la détention préventive pour détournement de fonds publics. Le 26 septembre 1985, il est condamné à 3 ans de prison mais la sentence n’est pas appliquée.
En juillet 1990, il est co-fondateur du Parti démocratique serbe SDS (Srbska Demokratska Stranka) en Bosnie-Herzégovine dont le but est de rassembler la communauté serbe et de protéger ses intérêts. Après l'éclatement de la Yougoslavie en 1991, le 27 mars 1992, il devient Président du Conseil de sécurité nationale de la République serbe de Bosnie ("Republika Srpska"), le 12 mai 1992, il est membre de la présidence à trois de la République serbe, puis du 17 décembre 1992 au 19 juillet 1996, président unique de la République serbe. Il est accusé d'avoir ordonné le nettoyage ethnique des Bosniaques et des Croates lors de cette guerre. Inculpé de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité depuis le 25 juillet 1995 et le 16 novembre 1995 par le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Radovan Karadzic quitte sa maison de Pale une nuit de 1997 et prend la fuite. Il est recherché par les forces de l'ONU présentes en Bosnie-Herzégovine. L'avis de recherche d'Interpol indique notamment crimes contre l'humanité, atteintes graves à la convention de Genève (1949), meurtre, et génocide, en particulier pour ce qui concerne le massacre de Srebrenica. Pour sa défense, ses partisans affirment qu'il n'est pas plus coupable que n'importe quel leader politique en temps de guerre. Le fait d'avoir été en fuite durant 13 ans lui a donné une importante réputation chez certains Serbes de Bosnie.
De 1996 à juillet 2008, Karadzic modifie en profondeur son apparence physique. Lors de son arrestation à Belgrade, le ministre de la Justice serbe exhibe, en fin d'interview, le portrait de Dragan Dabic, son nom de substitution : la presse serbe le surnomme le Père Noël, barbe blanche et cheveux longs attachés sur le haut de son crâne. Devenu spécialiste de médecine alternative, il participe à plusieurs conférences et est employé par une clinique privée où il gagne bien sa vie. Il a aussi écrit plusieurs articles dans le magazine Zdrav Zivot (en français la « vie saine »). Lors d'une conférence de Dragan Dabic dans la ville de Kikinda, se trouvait au premier rang l'une de ses camarades d'école, Olga Bajsinski (pendant 4 ans) ; elle dit qu'elle n'avait pas reconnu Karadzic. Durant sa seconde vie, il eut aussi une femme, Mila. Le 21 juillet 2008, à 23 h 18, la chaîne d'informations Al Jazeera annonce sa capture par les forces spéciales serbes en territoire serbe. Cette arrestation aurait été rendue possible par la volonté du nouveau gouvernement serbe sous la présidence de Boris Tadić, élu par l'Assemblée nationale le 7 juillet 2008. Le 22 juillet 2008, l'arrestation de Radovan Karadzic est officiellement déclarée après une longue cavale de 13 années. Il a été transféré le 30 juillet 2008 vers le centre de détention du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Il comparait pour la première fois devant le TPIY le 31 juillet 2008. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité. Göran Sluiter analyse deux éléments fondamentaux de la procédure :
- Le droit de l’accusé d'assurer lui-même sa défense.
- L’implication du juge Orie dans l’affaire Momčilo Krajišnik (dans laquelle l’accusé a été reconnu coupable d’avoir participé à une entreprise criminelle commune avec Karadziz) pourrait être inopportune et utilisée par Karadžić à un moment stratégique pour remettre en cause l’intégrité des procédures engagées contre lui, le juge Orie étant l'un des juges qui devrait juger Karadzic.
La défense de Radovan Karadzic serait quasiment impossible s'il n'y avait pas restitution de son ordinateur portable et des 50 CD saisis lors de la perquisition, sur lesquels des documents préparés par la défense avaient été enregistrés. "C'est l'ensemble de la documentation, des témoignages, des faits. Sans cela, nous ne pourrons pas assurer la défense, et Radovan Karadzic ne pourra pas le faire lui non plus", témoigne sa défense.
Radovan Karadzic pendant sa cavale - Photographie d'identité judiciaire prise lors de son arrestation en novembre 1984
Radovan Karadzic a demandé à se défendre lui-même sans l'intermédiaire d'un avocat. Il a aussi refusé de se prononcer sur son acte d'accusation. Le juge déclarant à sa place qu'il plaidait non coupable sans réponse de sa part. Lors du transfert de Radovan Karadzic au centre de détention du TPI à La Haye, le procureur Serge Brammertz avait annoncé qu'il travaillait à une nouvelle version de l'acte d'accusation, la dernière datant de 2000. A l'audience, son adjoint Alan Tieger a indiqué qu'il pensait en disposer "dans la dernière semaine du mois de septembre" en expliquant qu'il souhaitait présenter une "révision la plus large possible". "Je suis surpris de voir que la révision de l'acte d'accusation n'a commencé qu'une fois que l'accusé a été mis en détention", a sévèrement rétorqué le juge Iain Bonomy. Richard Holbrooke aurait passé un accord avec Karadzic , lui promettant de ne plus le poursuivre si celui-ci se retirait de la vie politique bosniaque. Le New York Times, citant un diplomate américain, rapporte que celui-ci n'aurait pas respecté l'accord, et M. Holbrooke aurait, en 2000, fustigé l'ancien chef de guerre : « Ce salopard de Karadzic. J'ai passé un accord avec lui : qu'il se retire de la politique et nous ne le recherchons pas. Il a rompu cet accord, nous allons le traquer ». Radovan Karadzic a été arrêté en juillet 2008 à Belgrade par la police serbe.
Les polémiques se sont accentuées lors de la publication en 2007 du livre Paix et Châtiment de Florence Hartmann, ancien porte parole du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie qui avait accès à certaines pièces à conviction ignorées du grand public. Dans ce livre, Florence Hartmann produit notamment deux pièces à conviction qui démontrent que la Serbie était directement responsable du génocide de Srebrenica et que la faute n'incombait pas exclusivement à Radovan Karadžić. Ces pièces auraient été cachées au grand public par le tribunal lui-même. L'arrestation récente de cet écrivain a remis en exergue les éventuels arrangements officieux entre les représentants de la communauté internationale et les responsables politiques Serbes dont Radovan Karadžić faisait partie intégrante. C'est à la suite de pressions des États-Unis qu'aurait été arrêté Radovan Karadžić en juillet 2008 par la police serbe. En mars 2016, le président du gouvernement serbe, Aleksandar Vučić, qualifie le TPIY de « tribunal politique » ayant échoué à réconcilier les peuples dans l'ex-Yougoslavie. Le 25 juillet 1995, le TPIY dresse un acte d’accusation à l’encontre de Radovan Karadžic, inculpé au titre de sa position de supérieur hiérarchique responsable des crimes commis par ses subordonnés ; il lui est notamment reproché d’avoir commis un génocide et d’autres crimes en Bosnie-Herzégovine. Le 16 novembre 1995, un autre acte d’accusation est émis à son encontre concernant les accusations de génocide et d’autres crimes commis dans la région de Srebrenica. Le 11 juillet 1996, la chambre de première instance délivre des mandats d'arrêt internationaux à l’encontre de Radovan Karadžić.
Le 30 juillet 2008, après son arrestation à Belgrade, Radovan Karadžić est transféré au quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye. Sa première comparution initiale devant le TPIY a lieu dès le lendemain, le 31 juillet 2008. Le 29 août 2008, après que Radovan Karadžić a refusé de plaider coupable ou non coupable relativement à l’acte d’accusation utilisé au procès, le juge de la mise en état Iain Bonomy prononce un plaidoyer de non-culpabilité au nom de l’accusé, en application du règlement de procédure et de preuve du Tribunal. Le 19 octobre 2009, en exécution d’une ordonnance de la chambre de première instance visant à réduire le volume du dossier de l’affaire, l’accusation retire un certain nombre de municipalités et de faits de l’acte d’accusation précédemment confirmé. Le 28 juin 2012, la chambre d'instruction de première instance rejette la requête aux fins d’acquittement déposée par la défense en ce qui concerne 10 chefs d’accusation. Elle accepte en revanche d’acquitter l’accusé pour ce qui est du chef 1 de l’acte d’accusation, à savoir l’accusation de génocide pour les crimes commis dans plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine entre mars et décembre 1992. Le 11 juillet 2013, à la suite de l’appel interjeté par l’accusation, la chambre d'instruction d’appel annule la décision rendue par la chambre de première instance le 28 juin 2012 et rétablit l’accusation de génocide retenue contre l’accusé au chef 1 de l’acte d’accusation. L'instruction se termine en octobre 2014 après 497 jours d’audience. Le procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie requiert l'emprisonnement à perpétuité alors que Radovan Karadzic, qui assure seul sa défense, plaide non-coupable.
Le 24 mars 2016, la chambre de première instance déclare Radovan Karadžić coupable de la majorité des crimes cités dans l'acte d'accusation. Il est déclaré coupable de génocide soit le pire crime commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Le génocide n'est cependant retenu que pour les actes commis dans la région de Srebrenica en 1995 et non pour les actes commis dans les autres municipalités. Pour les autres municipalités, il est condamné pour crimes contre l'humanité, crimes de persécution, crimes d’extermination d'un peuple du fait de son appartenance religieuse vraie ou supposée (des bosniaques musulmans de Bosnie et des croates catholiques de Bosnie), crimes d’assassinat, crimes de meurtre, crimes d’expulsion, crimes d’actes inhumains (transfert forcé), crimes de terrorisassions des bosniaques musulmans et des croates catholiques (terrorisme); crimes d’attaques illégales contre des civils; crimes de prise d’otages (notamment prise en otage des soldats de l'ONU dont deux pilotes de l'aviation française). Alors qu'il est âgé de 70 ans, il est condamné à 40 ans d'emprisonnement. Son avocat a annoncé vouloir faire appel de la décision. Radovan Karadžić est l’aîné de trois enfants. Son père, Vuko, tchetnik durant la Seconde guerre mondiale, fut blessé puis emprisonné pendant cinq ans par les partisans de Josip Broz Tito. En 1964, Radovan Karadžić épouse une camarade de promotion, Liljana (née le 27 novembre 1945 à Sarajevo). Deux enfants naîtront de leur union : Sonia, (née le 22 mai 1967 à Sarajevo) et Alexandre (né le 14 mai 1973 à Sarajevo).