L'Oeuvre
L'Œuvre est un périodique français de la première moitié du XXe siècle. Engagé à l'origine à gauche, le journal passe à la collaboration pendant l'Occupation, ce qui mène à sa fin.
L'Œuvre fut lancé (« sans un sou de capital » et sans publicité) le 13 mai 1904 par Gustave Téry, ancien rédacteur du Journal et du Matin : d'abord mensuel, ce périodique devint hebdomadaire (1910), puis quotidien (1915). Il eut pour principal collaborateur le pamphlétaire Urbain Gohier. Téry et Gohier ont toujours fait montre d'un antisémitisme virulent ; par exemple, le 4 janvier 1911, L’Œuvre, que l'on peut définir à ce moment-là comme un « hebdomadaire nationaliste de tendance républicaine et vaguement socialisante » et « qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas », publie un dossier, « Les Juifs au Théâtre ».
Son slogan (« Les imbéciles ne lisent pas L'Œuvre »), ses manchettes accrocheuses et la forte personnalité de ses journalistes font son succès pendant l'entre-deux-guerres. L'Œuvre voit augmenter ses tirages de 55 000 exemplaires en 1915 à 274 000 en 1939. Gustave Tery mourut en juin 1928 et fut remplacé par Henri Raud.
L'Œuvre (gérant F. Potignat - directeur François Nardot) affiche à l'origine des idées radicales-socialistes et pacifistes : pendant la Première Guerre mondiale et malgré la censure, y paraît Le Feu d'Henri Barbusse, publié en feuilleton sous le titre « Journal d'une escouade », rectifiant ainsi l'image de la guerre dans les tranchées. Lors de la conférence de paix, avec d'autres journaux de gauche (Le Rappel, La République française) il soutient les Quatorze points de Wilson contre Clemenceau.
L'Œuvre est favorable au Cartel des gauches (1924) et au Front populaire (1936). En politique extérieure, il reste pacifiste : le 4 mai 1939, Marcel Déat, son éditorialiste, publia « Mourir pour Dantzig ? », article devenu un slogan non-interventionniste dans lequel il écrivait : « Il ne s'agit pas du tout de fléchir devant les fantaisies conquérantes de M. Hitler, mais je vous le dis tout net : flanquer la guerre en Europe à cause de Dantzig, c'est y aller un peu fort, et les paysans français n'ont aucune envie de « mourir pour les Poldèves. »
Le 10 juin 1940, L’Œuvre quitta Paris (9, rue Louis-le-Grand, dans le 2e arrondissement) pour Saint-Étienne, puis Clermont-Ferrand. Il réapparaît à Paris le 24 septembre 1940. Dirigé depuis le 5 juillet 1940 par Marcel Déat qui l’engagea dans la voie de la collaboration et de l’antisémitisme. Sa ligne éditoriale sous le régime de Vichy fut celle d'un collaborationnisme pro-nazi défendant les thèses du Rassemblement national populaire (RNP), parti de Déat, tout en manifestant un certain « antipétinisme », trouvant le pouvoir établi à Vichy pas assez engagé dans la « collaboration européenne » et trop « réactionnaire ». Son tirage est de 131 000 exemplaires en janvier 1943.
À la suite de la loi no 46-994 du 11 mai 1946 portant transfert et dévolution de biens et d'éléments actifs de presse et d'information, L'Œuvre fut placé sous séquestre judiciaire. Les archives du journal L'Œuvre sont conservés aux Archives nationales sous la cote 3AR.