Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud

Publié le par Mémoires de Guerre

Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud ou MBS, né le 31 août 1985 à Riyad, est le prince héritier et le vice-Premier ministre d'Arabie saoudite depuis le 21 juin 2017. Membre de la dynastie Al Saoud, fils du roi Salmane et petit-fils d'Ibn Séoud, le fondateur du royaume, il est aussi depuis janvier 2015 le plus jeune ministre de la Défense au monde et président du Conseil économique et de développement. La purge qui a vu le limogeage ou l'arrestation de dizaines de princes, ministres et d’hommes d’affaires, fin 2017, lui assure le contrôle des principaux leviers du pouvoir et en fait l'homme fort du royaume. 

Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud
Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud
Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud
Mohammed ben Salmane ben Abdelaziz Al Saoud

Mohammed ben Salmane est le fils de Salmane ben Abdelaziz Al Saoud et de Fahda bint Falah ben Sultan Al Hithalayn, sa troisième épouse, et petit-fils d'Ibn Séoud. Il est diplômé en droit de l'université du Roi-Saoud, contrairement à ses frères, qui ont étudié aux États-Unis et au Royaume-Uni. Mohammed ben Salmane commence sa carrière politique en décembre 2009 en devenant, à 24 ans, conseiller spécial de son père, alors gouverneur de Riyad. En 2011, lorsque Salmane ben Abdelaziz Al Saoud est nommé ministre de la Défense, il devient son conseiller personnel. En 2013, il dirige le cabinet princier à la suite de la nomination de son père en tant que prince héritier. En avril 2014, il devient secrétaire d'État et membre du gouvernement. Le 23 janvier 2015, lors de l'accession de son père au trône, il est nommé ministre de la Défense et chef de la Cour royale à 30 ans, ce qui en fait le plus jeune ministre de la Défense au monde. Depuis mars 2015, Mohammed ben Salmane conduit les opérations militaires saoudiennes au Yémen contre les houthis. En avril 2018, il est visé par une plainte déposée à Paris pour complicité d’actes de torture par une organisation humanitaire yéménite, ce qui a débouché sur l'ouverture d'une enquête en octobre 2018. En décembre 2015, il annonce la mise en place d’une alliance militaire islamique de 41 pays pour lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes. Elle comprend un volet sécuritaire et militaire (échange de renseignement, entraînement, équipement et déploiement de forces « si nécessaire »), ainsi qu’un volet « idéologique » pour contrer les capacités d’endoctrinement des groupes djihadistes.

Le même mois, dans une déclaration publique, le service de renseignement allemand exprime son inquiétude devant la nouvelle politique étrangère du jeune prince, soulignant de quelle façon la « position diplomatique jusqu'ici prudente des chefs aînés de la famille royale est remplacée par une politique interventionniste impulsive » et présente un danger pour la stabilité de la région. Le gouvernement allemand a réagi à la déclaration en affirmant que celle-ci ne reflétait « pas la position du gouvernement fédéral ». En janvier 2016, il réfute l’éventualité d’une guerre contre l’Iran, estimant qu’un tel conflit « aurait un impact très fort sur le reste du monde ». Il est l'objet de critiques concernant sa politique intérieure dans le royaume et l'opération militaire Restaurer l'espoir dans la guerre civile yéménite, notamment de la part du journaliste Jamal Khashoggi. Le 29 avril 2015, à la suite de la mise à l'écart du prince héritier Moukrine ben Abdelaziz et à son remplacement par Mohammed ben Nayef, ministre de l'Intérieur, Mohammed ben Salmane est nommé vice-prince héritier du royaume et second vice-Premier ministre. En 2011, lors du printemps arabe, le royaume saoudien, craignant une contagion révolutionnaire, injecte 130 milliards de dollars supplémentaires dans le budget de l’État afin d'assurer la paix sociale. La même année, Mohammed ben Salmane fonde la fondation MiSK, dont il devient le président du comité exécutif. Cette fondation affiche comme objectif d'accompagner les jeunes du royaume dans les domaines de la technologie, des arts, de la culture, du social ou de l’entrepreneuriat. Cette fondation est l’une des premières associations à but non lucratif d’Arabie saoudite. Elle soutient des initiatives internationales, comme le 9e Forum UNESCO des jeunes en 2015. Mohammed ben Salmane utilise également la fondation MiSK pour porter le projet « Vision 2030 », visant à moderniser le pays.

Le 21 juin 2017, à 31 ans, Mohammed ben Salmane est nommé prince héritier par le roi Salmane et le conseil d'allégeance de la famille royale saoudienne en remplacement de son cousin Mohammed ben Nayef. D'après le diplomate François-Aïssa Touazi, Mohammed ben Salmane est « partisan d'un État fort, [et] souhaite privilégier une gestion verticale du pouvoir, plus autoritaire, plus dure, sans concession et sans compromis » pour réformer le royaume. Il s'agit d'une transmission du pouvoir inédite en Arabie saoudite, brisant le système dit adelphique (de frère en frère) ; en effet, Mohammed ben Salmane n'est ni le plus âgé de ses cousins, ni l'aîné de sa fratrie mais le fils préféré du roi Salmane. Sa position est remise en cause en raison de son implication présumée dans l'assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi, survenu le 2 octobre 2018 à Istanbul. Touchée par la baisse du prix du pétrole, l'Arabie saoudite doit réduire le budget de fonctionnement de l'État. Dans le cadre du Programme de transformation nationale lancé en janvier 2016, Mohammed ben Salmane dresse la feuille de route de plusieurs réformes économiques et sociales qui doivent aboutir à une évolution profonde de l'économie saoudienne vers une économie diversifiée, plus ouverte, industrialisée et modernisée. Développement durable, e-gouvernement, rôle des femmes dans l’économie saoudienne, l'ensemble des mesures du plan Vision 2030 a été dévoilé le 25 avril 2016, accompagné de la première interview télévisée de Mohammed ben Salmane.

En raison de la baisse des cours du pétrole en 2015 et de recettes pétrolières revues à la baisse, Mohammed ben Salmane amorce des réformes budgétaires : les subventions sur l'essence, l'eau et l'électricité sont désormais conditionnées aux revenus des ménages saoudiens. Une taxe sur certains produits nocifs pour la santé comme les cigarettes ou les boissons sucrées a également été introduite. En avril 2017, Mohammed ben Salmane rétablit la plupart des bonus et aides aux fonctionnaires. Président du Conseil des affaires économiques et du développement depuis le 29 avril 2015 et président du Conseil suprême de la compagnie Saudi Aramco, il est responsable de la politique pétrolière et économique du royaume. L’objectif du plan Vision 2030 est de diversifier l’économie du pays en réduisant sa dépendance vis-à-vis du pétrole. Mohammed ben Salmane décrit cette réforme comme « thatchérienne ». Elle repose notamment sur la libéralisation des prix du marché de l’énergie, le développement de secteurs sous-exploités (mines d’uranium, tourisme religieux), ainsi que la mise en œuvre d’une politique de privatisation (santé, éducation, secteurs militaires), l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée et la réduction des aides sociales.

Il impulse également une profonde réforme de l’administration du royaume, en important la méthode de gouvernance anglo-saxonne des Key Performance Indicators (KPI) qui vise à assigner aux hauts fonctionnaires des objectifs précis. En janvier 2016, Mohammed ben Salmane annonce qu'un projet de privatisation partielle de Saudi Aramco est à l'étude et qu'une décision sera prise dans les prochains mois. Cette privatisation de 5 % du capital de la compagnie pétrolière nationale pourrait donner naissance à la première capitalisation boursière mondiale, estimée à 2 000 milliards de dollars. Elle traduit une volonté nouvelle d'ouverture du capital aux investisseurs étrangers. Le prince héritier a annoncé que le produit de la vente des 5 % et des dividendes, qui serviront à alimenter le Fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite, seront réinvestis dans d’autres secteurs dans le cadre de la diversification de l’économie. Le 24 octobre 2017, lors d'une conférence intitulée Future Investment Initiative réunie à Riyad, Mohammed ben Salmane dévoile Neom, projet de zone de développement économique et « mégapole high-tech » sur les rives de la mer Rouge (Golfe d'Aqaba, essentiellement dans la province de Tabuk). 

En marge de la conférence Future Investment Initiative du 24 octobre 2017, Mohammed ben Salmane affirme vouloir mettre fin à l'influence notable que les milieux religieux conservateurs exercent sur la société saoudienne depuis des décennies, en déclarant : « Nous ne ferons que retourner à un islam modéré, tolérant et ouvert sur le monde et toutes les autres religions », tout en ajoutant : « Nous n'allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant ». Il veut notamment favoriser l'accès des femmes au marché de l'emploi. Depuis février 2018, les femmes peuvent créer et gérer leur propre entreprise sans autorisation préalable d’un tuteur masculin. Depuis la même date, des postes militaires sont ouverts aux femmes dans plusieurs régions d’Arabie saoudite. Il estime que « les lois de la charia sont très claires. Comme les hommes, les femmes doivent s'habiller de manière décente », mais précise au sujet de ces dernières que ça « ne signifie pas porter une abaya ou un foulard noir ». Pour la journaliste Clarence Rodriguez, correspondante de France Inter en Arabie saoudite de 2005 à 2017, ces mesures sont de la communication et de la « poudre aux yeux » à destination de l'Occident, rappelant que quelques semaines avant leur annonce, une dizaine de militantes féministes réclamant le droit de conduire ont été arrêtées, la majorité d'entre elles étant toujours en prison plusieurs mois après.

Il déclare que l'État d'Israël, comme la Palestine, a droit de cité et présente l'Arabie saoudite comme « la première victime de l'extrémisme ». Outre le tourisme religieux qui est un secteur capital de l’économie saoudienne, le royaume tend à s’ouvrir au tourisme non-religieux. Les cinémas ou les randonnées sur les sites naturels et archéologiques du pays se développent. Selon le politologue Stéphane Lacroix, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) : « Avec MBS, les deux dossiers avancent toujours en parallèle. Il veut être à la fois le grand modernisateur autoritaire, qui met à bas le système saoudien traditionnel, et le porte-étendard du volontarisme saoudien face à l’Iran. L’histoire s’accélère. ». Cela suscite toutefois des critiques, notamment sur la personnalisation inédite du pouvoir en Arabie saoudite ainsi que concernant l'emprisonnement de personnalités politiques progressistes et conservatrices. Pour Stéphane Lacroix, Mohammed ben Salmane a besoin de la légitimation religieuse et ne veut pas briser le pacte entre le prince et les oulémas qui forme la base du système wahhabite. Cependant il souhaite en redéfinir les termes : « Historiquement, il y a un partage des tâches entre les princes et les ulémas. Les princes gouvernent en toute indépendance et les ulémas ne se mêlent pas de politique et soutiennent les décisions des princes, en échange de quoi ces derniers sous-traitent aux religieux la définition de la norme religieuse et surtout le contrôle de la société par la norme religieuse. C’était un État bicéphale. MBS ne veut pas supprimer la place des religieux, mais les mettre sous la tutelle du politique. En gros, il veut faire des religieux en Arabie l’équivalent d’al-Azhar en Égypte. Cela ne veut pas dire qu’il ne va pas utiliser le conservatisme religieux quand il en aura besoin. ».

Le 4 novembre 2017, une commission « anticorruption » est créée par décret royal, avec Mohammed ben Salmane à sa tête. Le soir même, la commission fait arrêter 4 ministres, 11 princes dont le milliardaire Al-Walid ben Talal, et des dizaines d'anciens ministres, fait limoger les chefs de la Garde nationale et de la Marine, et fait immobiliser des jets privés à Djeddah afin d'éviter des fuites hors du territoire. Les enquêtes de la commission concernent entre autres la gestion des inondations meurtrières qui ont dévasté la ville de Jeddah en 2009. Le même jour, l'hôtel Ritz-Carlton de Riyad est réquisitionné par le gouvernement pour servir de prison de luxe aux personnalités arrêtées. Au total, ce sont plus de 300 personnes qui y sont logées. Entre novembre 2017 et février 2018, un bon nombre d'entre elles sont libérées au terme d'arrangements consistant à rembourser le Trésor saoudien des sommes dont les autorités s'estiment flouées. Selon le Wall Street Journal, le gouvernement saoudien aurait visé des liquidités et des actifs d'une valeur allant jusqu'à 800 milliards de dollars. Les arrestations ont abouti à la mise à l'écart définitive de la faction du défunt roi Abdallah et à la consolidation complète par Mohammed ben Salmane du contrôle des trois branches des forces de sécurité, faisant de lui l'homme le plus puissant d'Arabie saoudite depuis son grand-père, le premier roi, Ibn Séoud.

Mohammed ben Salmane a entamé, à partir de son accession aux pleins pouvoirs, une politique de répression féroce, visible au travers de la hausse des décapitations (48 rien que pour les quatre premiers mois de 2017), mais aussi et surtout au travers des arrestations et détentions arbitraires de militants des droits de l'homme. Il est également considéré par certains comme le commanditaire (et en tout cas principal bénéficiaire) de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, démembré en Turquie par un commando de militaires saoudiens. Il a également durci et militarisé ses relations avec ses voisins qataris et iraniens, donnant lieu à la guerre civile yéménite, laquelle est à l'origine de la plus grande famine de l'histoire du XXIe siècle. Le politologue Stéphane Lacroix observe que Mohammed ben Salmane joue beaucoup la carte de l'ultranationalisme : « Un discours ultranationaliste qui ressemble en fait à celui des pays autoritaires arabes suivant un schéma bien particulier : le pays est attaqué par ses ennemis, il faut tous être derrière le dirigeant, on parle de complot à longueur de journée dans la presse saoudienne (l’Iran, le Qatar, l’affaire Khashoggi, etc.), on arrête les opposants qualifiés de traîtres… Tout un langage qu’on n’utilisait pas avant ». Selon lui, avec Mohammed ben Salmane l'Arabie saoudite passe aussi d'un « autoritarisme mou, de consensus » à un autoritarisme arabe classique : « Il y a une stratégie de la terreur et du blocage du débat, un niveau de peur jamais vu ». Le 22 novembre, le prince héritier a entamé à Abu Dhabi sa première visite à l'étranger, depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018 au consulat de son pays à Istanbul. Six pays sont prévus pour marquer la tournée de Mohammed ben Salmane : Émirats arabes unis, Bahreïn, la Tunisie, l’Égypte, l’Algérie et la Mauritanie. Le SNJT (Syndicat national des journalistes tunisiens) et une dizaine d'organisations, dont la Ligue des droits de l'Homme ou l'Association des femmes démocrates (ATFD) ont dénoncé la visite du prince héritier en Tunisie en appelant à des manifestations. En visite en Argentine, le 28 novembre 2018, dans le cadre de la G20, l'ONG Human Rights Watch porte plainte contre le prince héritier pour son implication dans le meurtre de Jamal Khashoggi. 

Affaire de l'assassinat de Jamal Khashoggi

En octobre 2018, Jamal Khashoggi, un journaliste saoudien critique du régime est porté disparu depuis son entrée au consulat de son pays à Istanbul pour une démarche administrative. Selon des responsables turques l’éditorialiste saoudien aurait été torturé et assassiné par une équipe d’agents saoudien au consulat de son pays, ce que l’Arabie saoudite a démenti. Les enquêtes menées par les autorités turques ont permis d’identifier les identités d’une équipe de 15 saoudiens dont un expert en médecine légale ayant fait un aller-retour à Istanbul le jour de la disparition du dissident saoudien. Selon le Middle East Eye, sept de 15 suspects dans l’assassinat de Khashoggi font partie de la sécurité rapprochée du prince héritier. Riyad rejette ses accusations. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a appelé le gouvernement saoudien à prouver sa non-implication dans la disparition de Khashoggi.

Le 20 octobre 2018, l’Arabie saoudite a fini par reconnaître le meurtre de Khashoggi à l’intérieur du consulat. Riyad a également annoncé le limogeage du général Ahmed Assiri et de Saoud al-Qahtani homme-clé de l’entourage de MBS ainsi que l’arrestation de 18 suspects. Selon le Washington Post, le média américain avec lequel le journaliste collaborait MBS a essayé de ramener Khashoggi de gré ou de force à son pays. Selon John Sawers, un ancien chef du MI6, service secret britannique, les preuves attestent l’implication de Mohammed ben Salman dans l’assassinat de Khashoggi. Dans son analyse, Sawers exclut également la théorie avancée par le parquet saoudien pour dédouaner MBS. Le 24 octobre 2018, le prince héritier qualifie d’ « incident hideux » l’assassinat du journaliste dissident en soulignant que l’Arabie saoudite coopérait avec la Turquie pour élucider ce crime.

Le 15 novembre, le parquet saoudien absout le prince héritier dans l’assassinat de Khashoggi. Le porte-parole du procureur général Shaalan al-Shaalan a déclaré que le prince héritier n’avait aucune connaissance du dossier en rajoutant que la victime avait été droguée et démembrée à l’intérieur du consulat. Le procureur général a requis la peine de morts contre cinq accusés de ce crime. Le 20 novembre 2018, le président américain Donald Trump a reconnu que le prince héritier « pourrait avoir eu conscience » du meurtre de Khashoggi. Selon le Washington Post, la CIA a conclu que le prince héritier saoudien était le commanditaire de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul. Quelques temps plus tard, deux sénateurs américains, Bob Corker, chef de la commission des Affaires étrangères et Lindsey Graham, informés à huis clos des conclusions de la CIA, ont tout deux affirmé n'avoir « aucun » doute de l'implication du prince héritier saoudien dans le meurtre du journaliste. 

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