Argentine
État d'Amérique du Sud baigné à l'est par l'océan Atlantique, l'Argentine est limitée au nord par la Bolivie et le Paraguay, à l'est par le Brésil et l'Uruguay, à l'ouest par le Chili. C'est un État fédéral constitué de 22 provinces (Buenos Aires, Catamarca, Chaco, Chubut, Córdoba, Corrientes, Entre Ríos, Formosa, Jujuy, La Pampa, La Rioja, Mendoza, Misiones, Neuquén, Río Negro, Salta, San Juan, San Luis, Santa Cruz, Santa Fe, Santiago del Estero et Tucumán) auxquelles s'ajoutent un Territoire (Terre de Feu) et le District fédéral de la capitale, Buenos Aires.
En 1516, Juan Diaz de Solis découvre le Río de la Plata et meurt peu après. En 1536, Pedro de Mendoza fonde Buenos Aires, mais la Pampa, sans populations sédentaires et sans métaux précieux, se prête mal à un établissement durable. La ville est abandonnée en 1541. Le peuplement de la région se fait notamment à partir du Pérou, après la découverte en 1543 de la route Pérou-Río de la Plata. Des villes sont fondées sur cet itinéraire : Santiago del Estero (1550), Mendoza (1561), Tucumán (1565), Córdoba (1573) et enfin, pour la seconde fois, Buenos Aires par Juan de Garay (1580).
En 1617, la province d'Asunción est divisée en deux : Paraguay et le Río de la Plata qui, en 1776, devient une vice-royauté (→ vice-royauté du Río de la Plata) dont dépend le haut Pérou (aujourd'hui Bolivie) et ses mines d'argent. Cette création entérine le poids réel de Buenos Aires et la primauté de la route atlantique ; elle est aussi destinée à arrêter l'expansion portugaise sur l'autre rive de la Plata. La nouvelle vice-royauté connaît un développement très rapide (agriculture de Tucumán et Córdoba, tournée vers le marché péruvien et chilien ; bétail de la Pampa, pour l'exportation de viande salée et de cuirs). Dans les villes, et surtout à Buenos Aires, se constitue un groupe de marchands prospères qui souhaitent la liberté totale de commerce ; ils l'obtiendront en 1795, le commerce traditionnel étant interrompu par le blocus britannique.
En 1806, Buenos Aires est occupé par les Anglais, puis repris par des milices locales. Le cabildo (conseil municipal) de Buenos Aires remplace le vice-roi défaillant par le chef de la résistance, Liniers. Une deuxième invasion anglaise en 1807 est repoussée par les milices. En 1808, le Río de la Plata, après l'invasion de l'Espagne par Napoléon, refuse de reconnaître Joseph Bonaparte et reste loyal à Ferdinand VII.
La disparition de la Junte suprême d'Espagne, deux ans plus tard, offre aux partisans occultes de l'indépendance l'occasion de se manifester : le 25 mai 1810, ils imposent une junte qu'ils dominent. Malgré la reconnaissance théorique de Ferdinand VII, il s'agit d'une indépendance de fait. Mais durant cinq ans (1810-1815), la guerre civile entre loyalistes et patriotes fait rage. Des armées de Buenos Aires sont envoyées dans les provinces pour étendre la révolution. Elles sont rejetées du haut Pérou, loyaliste, et du Paraguay, autonome, en 1811, mais réussissent à Montevideo en 1814.
Le Río de la Plata – seul dans toute l'Amérique espagnole – échappe à la victoire des loyalistes et à la reconquête espagnole. Des missions argentines sont envoyées en Europe pour obtenir de Ferdinand VII l'indépendance sous un roi espagnol. Mais devant l'échec de ces démarches, le 9 juillet 1816, le Congrès de Tucumán proclame l'indépendance des Provinces-Unies du Río de la Plata, suivant le conseil de José de San Martín et de Manuel Belgrano. Tandis que San Martín, avec des troupes argentines, donne l'indépendance au Chili (1817-1818) et au Pérou (1820-1821), le Congrès argentin, dominé par l'oligarchie créole de Buenos Aires, adopte une Constitution unitaire et centraliste le 22 avril 1819. Les provinces, qui craignent la domination politique et économique de Buenos Aires, se révoltent.
En l'absence d’institutions et de gouvernement national, l’anarchie règne, chaque province étant gouvernée par son caudillo, chef militaire étroitement lié aux oligarchies terriennes et s’appuyant en temps de guerre sur ses milices paysannes encadrées par les gauchos. L’opposition complexe et mouvante entre « unitaires » et « fédéralistes » – qui naît dans le sillage de l'indépendance et dégénère en guerre civile à plusieurs reprises – reflète en partie la division d’ordre économique entre Buenos Aires – ouverte au commerce international dominé surtout par les négociants britanniques et leurs partenaires argentins, et gérant ses recettes douanières ainsi que l’activité commerciale de son port à son seul profit – et les provinces de l’intérieur, aux économies encore refermées sur elles-mêmes et soumises à la concurrence des produits anglais. En 1826, Bernardino Rivadavia, l’un des artisans de la conversion du pays au libre-échange, est désigné comme chef d’un premier pouvoir exécutif national et arrête un moment le processus de désagrégation politique, promulguant une Constitution fédérale, mais trop unitaire encore pour les caudillos provinciaux, qui le renversent en 1827.
Deux ans plus tard, Juan Manuel de Rosas, riche éleveur de la province de Buenos Aires, s'y impose comme gouverneur et prend de facto la direction nationale des affaires. Favorisant avant tout l’oligarchie terrienne dont il est issu – les exportateurs de viande bovine et de cuir notamment – en facilitant l’extension de la propriété latifundiaire, il satisfait partiellement les intérêts des autres provinces en appliquant une politique plus protectionniste (loi douanière de 1835) tendant à protéger les activités industrielles et artisanales naissantes de l’intérieur et en maintenant au nom du fédéralisme l’absence de pouvoir central.
L’élaboration d’une nouvelle Constitution est ainsi reportée mais Rosas se montre finalement plus « unitaire » que ses adversaires, en imposant une dictature de fer à tout le pays tout en préservant les prérogatives de Buenos Aires. Les conflits entre cette dernière et les provinces – dont certaines exigent entre autres la liberté de navigation sur les fleuves — ne tardent pas à réapparaître : en 1852, Rosas est renversé par l’un de ses anciens alliés, Justo José de Urquiza, gouverneur et éleveur de la prospère province de Entre Rios (capitale : Paraná), allié au Brésil.
La Constitution, enfin promulguée (1853), divise le pays entre la Confédération réunissant les provinces (avec Paraná pour capitale), et Buenos Aires qui, opposée à la nationalisation des rentes douanières, fait sécession. Un premier compromis est atteint avec le pacte de San José de Flores (1859) et la révision du texte constitutionnel (1860). L'année suivante cependant, Bartolomé Mitre, élu gouverneur de Buenos Aires en 1860, l’emporte à son tour à la suite de la bataille de Pavón (septembre 1861). La province sécessionniste est réintégrée et ses dirigeants acceptent de partager un pourcentage de ses revenus pendant cinq ans.
Sous les présidences de Bartolomé Mitre (1862-1868), de Domingo Faustino Sarmiento (1868-1874), de Nicolàs Avellaneda (1874-1880), l’oligarchie de Buenos Aires de la terre et du négoce, s’impose comme le noyau hégémonique de la classe dirigeante argentine. En 1880, la ville, séparée de sa province (capitale : La Plata), devient finalement la capitale fédérale de la République. Le conflit entre unitaires et fédéralistes s'achève ainsi par un compromis, les précieuses et litigieuses recettes douanières, fédéralisées, devenant la principale ressource du nouvel État.
La renaissance économique, qui s'amorce en 1853, établit les bases de l'Argentine moderne : expansion de l’élevage ovin et de l’exportation de laine, introduction du fil barbelé, début de la construction des chemins de fer, etc. Les derniers Indiens encore insoumis de la Pampa et de la Patagonie (Mapuche et Tehuelche) sont défaits, déplacés ou éliminés par des campagnes militaires (1876-1879). Le modèle de développement « agro-exportateur » est mis en place dès ces années fondatrices, tandis que la Constitution de 1853 prévoit explicitement l’incitation à l’immigration européenne.
De 1880 à 1916, l'oligarchie des propriétaires fonciers et des exportateurs accapare la vie politique sous les présidences de Julio Roca (1880-1886 et 1898-1904), Juárez Celman (1886-1890), L. Sáenz Peña (1892-1895) et R. Sáenz Peña (1910-1914). Désormais, l'immigration de masse, notamment en provenance d’Italie, s’accélère avec près de 3 millions d’étrangers jusqu’à la Première Guerre mondiale (sur environ 8 millions d’habitants en 1914). Les campagnes contre les Indiens ont ouvert la Pampa et le Sud à la colonisation, mais celle-ci se fait au profit de la grande propriété (en 1914, 78 % des terres sont dans des propriétés de plus de 1 000 ha).
Mais, en 1891, Leandro Alem fonde l'Union civique radicale (UCR) qui rassemble les masses populaires urbaines autour d'un programme démocratique. C'est une année de crise économique et politique. Juárez Celman doit se retirer devant la révolte radicale. En 1912, la loi Sáenz Peña introduit le suffrage universel, secret et obligatoire ; les femmes et les étrangers (alors très nombreux) restant privés du droit de vote, le corps électoral passe alors de 9 à environ 20 % de la population.
Hipólito Yrigoyen, radical, accède au pouvoir en 1916 grâce au suffrage universel, mettant fin au gouvernement de l'oligarchie et permettant une importante démocratisation. Il fait adopter une législation sociale et proclamer le droit à l'instruction, mais sans toucher aux structures agraires. En 1918, à Córdoba naît le mouvement de la réforme universitaire qui, partant de l'autonomie universitaire, aboutit à faire de l'Université le moteur du changement social. Cependant, des grèves ouvrières dirigées par des anarcho-syndicalistes et des grèves de péons (ouvriers agricoles indiens), conséquence de la crise économique de 1919, sont durement réprimées
Sous la présidence de Marcelo Torcuato de Alvear (1922-1928), radical hostile à Yrigoyen, le radicalisme devient plus conciliant à l'égard de l'oligarchie. Si bien que, de 1928 à 1930, Yrigoyen gouverne à nouveau après avoir été élu par un véritable plébiscite ; mais son incapacité à faire face à la crise économique et l'usure du pouvoir contribuent à discréditer son gouvernement. L'armée, dont c'est la première intervention depuis 1861, le renverse en 1930. Les militaires vont s'efforcer de restaurer l'ordre traditionnel.
Les militaires vont s'efforcer de restaurer l'ordre traditionnel : baptisées par la suite « décennie infâme », les années 1930 sont marquées par de profonds changements économiques et sociaux, alors que le régime politique entre dans une phase d’instabilité oscillant entre autoritarisme et clientélisme. Sous les gouvernements d'Uriburu (1930-1932), de Justo (1932-1938), d'Ortiz (1938-1940) et de Castillo (1940-1943), l'Argentine essaie de faire face à la crise économique par l'élevage extensif et par la création d'organismes chargés de limiter la production et de maintenir les cours. L'exode rural amène un million de personnes vers les villes.
Des industries de substitution d'importations se multiplient autour de Rosario et de Buenos Aires et une nouvelle classe ouvrière se constitue, organisée par la Confédération générale du travail (CGT) fondée en 1930 par des socialistes et des syndicalistes révolutionnaires. En 1943, la politique du gouvernement argentin, qui veut faire participer le pays à la guerre du côté des Alliés, provoque la prise de pouvoir par un groupe d'officiers nationalistes dirigé par le général Rawson. Le colonel Juan Domingo Perón, à la tête du ministère du Travail, prend peu à peu le contrôle des syndicats.
Évincé en octobre 1945, puis rappelé sous la pression d'une manifestation de masse des descamisados (les « sans chemise »), Juan Domingo Perón gagne les élections de février 1946 avec 56 % des voix grâce à l'appui d'un ensemble de forces politiques et syndicales, en battant le candidat de l'Union démocratique qui rassemble tous les opposants au péronisme, des conservateurs aux communistes. Président de la République, Perón, aidé par son épouse Eva Duarte, dirige un régime de type populiste qui s'appuie sur les classes moyennes et sur les ouvriers, encadrés par le parti justicialiste ou péroniste (fondé en 1947), et sur les syndicats et les mouvements de jeunesse. Ses mesures économiques et sociales s’inscrivent dans le cadre d’un transfert de ressources du secteur agricole (auquel un « Statut du Peón » est par ailleurs imposé en 1947) vers la petite et moyenne industrie. La croissance du marché intérieur et l’augmentation des salaires sont ainsi favorisées.
Avec la nationalisation des chemins de fer, du téléphone, du secteur de l’énergie et le désendettement, l’indépendance économique du pays est recherchée. La mort d'Eva Perón (1952), l'opposition croissante de l'Église (à la suite notamment de la suppression de l’enseignement religieux obligatoire et de la légalisation du divorce civil) qui conduit à l’excommunication de Perón, la désaffection de l'armée et l'hostilité des États-Unis minent le régime alors que la conjoncture économique se détériore. En 1955, Perón est renversé par un coup d'État militaire dirigé par le général Eugenio Pedro Aramburu, et doit s'exiler.
Dès lors, les militaires détiennent la clé de la vie politique ; ils représentent comme un recours pour sortir de la crise économique et politique. Les gouvernements civils de Frondizi (1958-1962) et d'Illía (1963-1966), qui tentent de mettre fin à la proscription des péronistes (vainqueurs des élections de 1965), aboutissent à une nouvelle intervention de l’armée : au général Onganía (1966-1970), succèdent Levingston (1970-1971) et Lanusse (1971-1973). Cependant, le climat politique se détériore avec le développement de la guérilla péroniste et « marxiste », formée sous la dictature d’Onganía autour de plusieurs groupes parmi lesquels les Montoneros – dont la première action est l’enlèvement et l’exécution de E. P. Aramburu en 1970 – et les Forces armées révolutionnaires (FAR). Face à la pression populaire, la junte tente une ouverture politique (projet de « Grand accord national » de 1971) avant le rétablissement d’élections libres. C’est ainsi qu’en mars-avril 1973, Héctor José Cámpora, délégué personnel de Juan Perón et chargé de préparer le retour au pouvoir de ce dernier, est élu à la présidence tandis que le Front justicialiste de libération remporte les élections au Congrès devant l’Union civique radicale.
En septembre 1973, Perón est élu président de la République avec plus de 61 % des suffrages ; sa troisième épouse María Estela Martínez de Perón, appelée Isabel Perón, est vice-présidente, mais le climat politique reste d'une violence extrême depuis le « massacre d’Ezeiza » (juin) à l’occasion du retour définitif de Perón. Ces affrontements au sein même de la mouvance péroniste entre la droite, l’aile syndicale cégétiste et l’extrême gauche révèlent les contradictions du mouvement et conduisent à la reprise de la lutte armée par la guérilla dont les deux principales composantes, FAR et Montoneros, fusionnent. Perón meurt peu après (1974) et Isabel devient présidente mais elle ne parvient pas à faire face à la crise économique, aux actions terroristes de la guérilla retournée dans la clandestinité, et à la corruption. Malgré l'évolution autoritaire du régime, elle est renversée par l'armée en 1976.
Le 24 mars 1976, une junte militaire, formée par les commandants des trois armées et présidée par le général Jorge Videla, s'empare du pouvoir. Elle se donne pour objectif la « réorganisation nationale » à travers la « lutte contre la subversion » et le développement du pays au moyen d'une politique économique libérale.
S'ouvre alors une période d'intense répression durant laquelle tortures, exécutions et disparitions de personnes sont monnaie courante. Des centaines de centres clandestins de détention et de torture sont ouverts dans le pays dont un au cœur de Buenos Aires au sein de l’École de mécanique de la marine (ESMA). On estime à près de 30 000 le nombre de victimes de la dictature parmi lesquels des milliers de disparus (desaparecidos), dont les corps ont été brûlés, enterrés dans fosses communes ou jetés à la mer et dont les enfants nouveaux nés (estimés à plus de 500) ont parfois été préalablement enlevés selon un plan établi pour être confiés à des couples proches du régime. L’Argentine participe également à « l’opération Condor », un terrorisme d’État clandestin mis en place et coordonné par les dictatures d’Amérique latine pour traquer et éliminer leurs opposants, où qu’ils soient.
Sur le plan économique, le programme de libéralisation est un échec, malgré l'injection massive de capitaux étrangers et cinq années d'excellentes récoltes, tandis que les dévaluations de la monnaie nationale (le peso), le blocage des salaires et l'inflation élevée entraînent une paupérisation d'une grande partie de la population. En 1981, le général Roberto Viola succède au général Videla, mais, dès le mois de décembre, il est destitué par la junte militaire et remplacé par le général Leopoldo Galtieri, commandant en chef de l'armée de terre. Pour masquer la débâcle économique, ce dernier entreprend, en avril 1982, une expédition aux îles Malouines (ou Falkland), occupées par le Royaume-Uni depuis 1830, et dont l'Argentine revendique la souveraineté. La défaite rapide des troupes argentines en juin conduit à la démission du général Galtieri, et à l'arrivée au pouvoir du général Reynaldo Bignone. Mais le régime militaire, discrédité et isolé – aussi bien au niveau national qu'au niveau international – accepte le rétablissement d'un régime démocratique et cède la place à un gouvernement constitutionnel.
Lors des élections générales d'octobre 1983, la victoire revient, contre toute attente, à Raúl Ricardo Alfonsín (51,83 % des voix), candidat de l'Union civique radicale (UCR), principal parti d'opposition (fondé en 1891), qui vient en tête à la Chambre des députés devant les justicialistes.. Sous le gouvernement Alfonsín, une mobilisation populaire se met en place. Le mouvement le plus représentatif est celui des « Mères et grands-mères de la place de Mai », des mères de victimes manifestant tous les jeudis dans le centre-ville depuis 1977 pour exiger des enquêtes sur les disparus et le procès des militaires.
Le 22 avril 1985, neuf officiers ayant appartenu aux trois premières juntes – dont les généraux Videla et Viola – sont reconnus coupables de violations des droits de l'homme et condamnés à des peines variant de quatre ans d'emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Les tensions ne sont pas pour autant apaisées, les familles des victimes réclament l'inculpation d'autres responsables, tandis que le malaise augmente dans les casernes. En 1986 et 1987, les lois « Point final » et « Obéissance due » mettent à l’abri des poursuites pénales la plupart des responsables et exécutants de la répression. Seuls les enlèvements de bébés échappent à cette clémence.
Le gouvernement est également confronté à une inflation galopante et à une dette extérieure qui s'élève à 60 milliards de dollars. Un plan de stabilisation monétaire (plan Austral) est lancé en 1985. L'Argentine parvient à négocier avec le Fonds monétaire international (FMI) et les banques créditrices le rééchelonnement de l'ensemble de sa dette, mais le gouvernement se montre incapable d'empêcher la reprise de l'hyperinflation (350 % en 1988) et de sortir le pays de la récession. Aux grèves répétées viennent s'ajouter les rébellions militaires de 1987 et 1988. Le pays est dans une situation critique d'un type inédit. En effet, face à la menace d'un chaos social, il n'est plus possible, comme par le passé, de faire appel aux forces armées pour rétablir la « paix autoritaire ». À la veille des élections de 1989, le péronisme apparaît comme la seule issue à une crise politique et économique, dont l'ampleur oblige à une passation de pouvoir anticipée en faveur du candidat vainqueur du parti justicialiste, Carlos Saúl Menem.
Le nouveau chef de l'État, Carlos Saúl Menem, tourne pourtant le dos au discours économique populiste grâce auquel il a été élu. Il adopte sans délai une politique d'ajustement, de privatisation et de réforme du marché, tout en se rapprochant des milieux d'affaires. L'échec de la tentative de coup d'État menée par le colonel Seineldín en 1990, puis le décret graciant les responsables de la répression menée durant la dictature (en échange de promesses de paix), permettent la mise à l'écart des militaires de la vie politique nationale et renforcent l'autorité présidentielle. Carlos Menem nomme, en 1991, Domingo Cavallo au ministère de l'Économie. Ce dernier parvient, grâce au plan de convertibilité, à enrayer l'hyperinflation. La sortie de la crise économique et le règlement de la question militaire font oublier les scandales à répétition qui marquent le début du mandat de Menem : corruption, affaires frauduleuses, participation au blanchiment de l'argent issu du narcotrafic.
Malgré la dégradation du niveau de vie et le recul des droits sociaux, le président dispose également du soutien populaire. Il parvient, en 1993, à passer un accord avec l'Union civique radicale (UCR) de Raúl Alfonsín en vue de sa réélection. Le pacte Olivos prévoit notamment la suppression dans la Constitution de la clause de non rééligibilité en échange de la réduction du mandat du président et du vice-président de six à quatre ans. La réforme constitutionnelle de 1994 qui s’ensuit comprend également parmi ses nouvelles clauses la création du poste de « chef de cabinet des ministres », sorte de Premier ministre ou bras droit du président, chargé en particulier de la coordination interministérielle et des relations avec le Congrès devant lequel il est responsable.
Les résultats des élections générales de 1995 ont ainsi valeur de plébiscite pour le gouvernement. Dès le premier tour, Menem est réélu avec 49,9 % des voix face à une nouvelle formation de centre gauche, le Front du pays solidaire (Frente del País Solidario – Frepaso), qui bénéficie de 30 % des votes. L'expérience traumatisante de l'hyperinflation a favorisé la victoire des péronistes.
Quatre ans plus tard, le bilan reste mitigé. Si, au cours de la présidence Menem, l'Argentine a vu ses bases démocratiques consolidées, son retour sur la scène internationale et une certaine réussite au niveau économique (hausse du PIB, maîtrise de l'inflation, mais endettement croissant), le pays a connu une augmentation spectaculaire du chômage et du sous-emploi entraînant des couches de plus en plus larges de la population dans l'exclusion sociale.
Carlos Saúl Menem et Fernando De la Rúa
La défaite du parti justicialiste aux élections législatives de 1997 annonce la victoire de l'opposition aux élections générales d'octobre 1999. Fernando De la Rúa, à la tête de l'Alliance de l'opposition (centre gauche) qui regroupe l'UCR et le Frepaso, devance largement son adversaire Eduardo Duhalde du parti justicialiste lors de l'élection présidentielle. L'Alliance remporte également un net succès aux législatives en devançant les justicialistes à la Chambre des députés. Mais le nouveau président, qui a promis des réformes notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé, devra gouverner avec une opposition forte – le parti justicialiste gardant le contrôle du Sénat, de la Cour suprême et détenant la majorité des 24 provinces du pays.
Le climat politique et social se dégrade rapidement. Une affaire de pots-de-vin, suivie d'un remaniement ministériel puis d'une série de démissions, ouvre une grave crise politique menaçant la pérennité de l'alliance au pouvoir. L'annonce, en novembre 2000, d'un plan économique d'urgence, assorti de mesures particulièrement impopulaires (suppression des systèmes étatiques de sécurité sociale et de retraite), provoque une explosion sociale : grève générale, révoltes populaires, barrages routiers par des piqueteros (activistes). En décembre 2000, l'Argentine obtient du FMI un important soutien financier et s'engage, en contrepartie, à entreprendre de profondes réformes.
L'arrestation, début juin 2001, de Carlos Menem pour son implication présumée dans un scandale de ventes illégales d'armes à la Croatie et à l'Équateur entre 1991 et 1995, accroît la méfiance de la population envers la classe politique et alimente le pessimisme ambiant. En mars 2001, la publication d'un nouveau plan d'austérité provoque les protestations de la population et un nouveau remaniement du gouvernement. De la Rúa rappelle Domingo Cavallo (Action pour la république), l'artisan du spectaculaire redressement économique du début de la présidence Menem. Le gouvernement ne comprend plus désormais qu'un seul ministre du Frepaso, qui démissionne à la mi-octobre 2001, mettant un point final à l'Alliance au pouvoir.
Depuis trois ans, les plans d'austérité successifs et le maintien du dogme de la parité du peso avec le dollar, sous l'instigation notamment de Domingo Cavallo, ont conduit le pays à la ruine. Les Argentins, premières victimes des traitements économiques de choc qui leur sont infligés depuis le début de la récession (un Argentin sur trois vit désormais sous le seuil de la pauvreté), expriment leur grogne lors des élections législatives et sénatoriales d'octobre 2001 à travers un vote sanction (taux d'abstention ou de votes nuls, sans précédent). La coalition gouvernementale est sévèrement battue par le parti justicialiste qui fait un retour en force sur la scène politique argentine ; le petit parti du ministre de l'Économie obtient moins de 3 % des voix.
Sous la pression de la rue, Cavallo puis l'ensemble du cabinet remettent leur démission le 19 décembre. L'état de siège est décrété. Les Argentins descendent en masse dans la rue et organisent des « cacerolazos », protestation pacifique et bruyante. Le 20, le président De la Rúa prend la fuite en hélicoptère. Pendant une dizaine de jours, le pays est plongé dans la confusion : trois présidents péronistes se succèdent (Ramón Puerta, président du Sénat, puis Adolfo Rodríguez Saa, gouverneur de la province de San Luis et enfin Eduardo Duhalde).
Désigné par le parti justicialiste et l'Union civile radicale, Eduardo Duhalde devient président de la République, après l'approbation des deux chambres du Congrès réunies en session extraordinaire dans la nuit du 1er au 2 janvier 2002. Il fait adopter par le Parlement une nouvelle loi d'urgence économique, mettant fin, notamment, à la loi de convertibilité, qui assurait – depuis sa mise en vigueur en 1991 – la parité entre le peso et le dollar, ce qui rend désormais possible une dévaluation du peso. Il obtient du FMI un délai de paiement d'un an et présente son plan pour les deux années à venir ; parmi les mesures figurent l'abandon du dollar (dettes et dépôts en dollars convertis en pesos), le flottement du peso, et un assouplissement des restrictions bancaires. En janvier 2003, l'Argentine parvient à obtenir un accord intérimaire de principe avec le FMI portant sur le rééchelonnement d'une partie de sa dette entre janvier et août 2003. L'accord couvre la fin du mandat du président intérimaire Eduardo Duhalde, qui a promis de démissionner le 25 mai 2003.
Ces résultats accentuent le climat d'incertitude politique ; le président, en l'absence de majorité, doit cohabiter avec le parti justicialiste. En novembre 2001, ce dernier refuse d'adopter le pacte budgétaire du gouvernement. Destiné à prouver aux organismes internationaux l'existence d'une volonté générale pour sortir de la crise, ce pacte heurte les gouverneurs – désormais majoritairement péronistes –, qui réclament en vain, depuis plusieurs mois, le paiement des arriérés des fonds provinciaux. Début décembre, D. Cavallo décide de restreindre les retraits en liquide des comptes bancaires pour contrer les fuites de capitaux. L'État s'avère incapable d'honorer sa dette ; le FMI, inflexible, refuse de débloquer des fonds tant que l'Argentine n'effectue pas des coupes budgétaires.
Arrivé en seconde position avec 22 % des suffrages lors du premier tour (avril 2003) et bénéficiant du désistement de Carlos Menem (15 mai), le péroniste Néstor Kirchner devient le président le plus faiblement élu de l'histoire argentine. Aussi s'efforce-t-il de consolider son assise politique. Il y parvient grâce à de notables avancées dans le domaine des droits de l'homme et de la lutte contre l'impunité (ouverture des archives secrètes, abrogation des lois d'amnistie adoptées en 1986 et 1987, couvrant d'impunité les crimes commis pendant la dictature) et, surtout, grâce au redressement économique que connaît le pays.
La mesure la plus retentissante est l’imposition aux créanciers privés d’une importante conversion/réduction de la dette en janvier 2005, suivie un an plus tard par le remboursement anticipé de celle contractée auprès du FMI. La victoire de son mouvement (le Front pour la victoire) lors des élections législatives et sénatoriales partielles d'octobre 2005 – marquées par l'éclatement du mouvement péroniste – récompense la performance de sa gestion (facilitée toutefois par une conjoncture économique internationale favorable) et sa volonté de lutter contre la grande pauvreté et le chômage.
Cristina Fernández de Kirchner, l'épouse et la principale conseillère du chef de l'État, met en échec sa rivale également péroniste, Hilda Duhalde (la femme de l'ex-président) et remporte la bataille sénatoriale dans la province de Buenos Aires. Favorite pour succéder à son mari, Cristina Fernández est élue dès le premier tour de l'élection présidentielle le 28 octobre 2007, tandis que le Front pour la victoire et ses alliés remportent une confortable majorité dans les deux chambres. En quête d'une plus grande autonomie vis-à-vis des États-Unis, l'Argentine cherche à développer un partenariat étroit, notamment avec le Brésil du président Lula da Silva, et à relancer le Mercosur.
Entre mars et juillet 2008, la présidente engage une épreuve de force avec le Campo. Générique, le terme désigne le secteur agricole du pays, mais il recouvre des réalités et des intérêts très divers même s’ils peuvent converger : petits et moyens exploitants, grands propriétaires terriens, entreprises agricoles (« pools de cultures ») appuyés par des fonds de placements intéressés par la haute rentabilité du marché du soja. Ce conflit trouve son origine dans la décision d’indexer sur les cours internationaux, sans différencier les petits des grands producteurs, les taxes à l’exportation de céréales et d’oléagineux – blé, maïs, soja et tournesol –, qui constituent une importante recette fiscale de l’État argentin. Déclenché par les quatre principales organisations patronales du secteur parmi lesquelles la Fédération agraire argentine et la très conservatrice Société rurale, le mouvement de protestation qui mêle divers moyens d’action – lock out, blocage des routes et des ports – s’intensifie malgré l'octroi de compensations aux petits et moyens agriculteurs. S’il n'a, en fin de compte, que relativement peu d’effets sur les revenus d’exportation, il finit surtout par affecter l’approvisionnement des villes et les consommateurs ainsi que d’autres secteurs économiques.
Il revêt également un tour politique, rassemblant derrière lui certaines fractions de l’opposition, tandis que, dans un camp présidentiel sur la défensive après cinq ans de « kirchnerisme », est dénoncée cette tentative de déstabilisation manipulée par les « oligarchies ». Finalement soumis à l’approbation du Congrès, le projet d’imposition, pourtant révisé à la baisse et adopté par la Chambre des députés, est rejeté de justesse au Sénat. Le conflit, qui a révélé les limites du mode de développement argentin en grande partie fondé sur les exportations agricoles, n’est pas pour autant éteint. Les relations entre le pouvoir et le Campo demeurent tendues, comme en témoigne une nouvelle « grève » à l’appel de la Fédération agraire en août-septembre 2009. Entre-temps, les élections législatives de mi-mandat (renouvellement de la moitié de la Chambre des députés et d'un tiers du Sénat, le 28 juin) sont un revers pour le camp présidentiel (Front pour la victoire et ses alliés), l’Accord civique et social, alliance de centre gauche constituée en avril par l'UCR, le parti socialiste et la Coalition civique, devenant la première force d’une opposition majoritaire mais toujours très fragmentée à la Chambre des députés.
Les relations entre l’exécutif et le Congrès restent cependant ambiguës et mouvantes. La présidente peut ainsi trouver dans ce dernier d’importants appuis – comme le montre : la prorogation jusqu’en août 2010 des compétences exceptionnelles déléguées par le pouvoir législatif en 2006 dans le domaine budgétaire (dont celui de fixer les taxes à l’exportation) – ou, face à une opposition plus aguerrie, recourir aux « décrets de nécessité et urgence » comme en janvier-février 2010 pour destituer le président de la Banque centrale en raison de son opposition à l’affectation d’une partie des réserves de l’Institut monétaire au remboursement de la dette.
Au plan international, c’est la prospection pétrolière qui ranime la tension entre l'Argentine et le Royaume-Uni autour de l'archipel des Malouines en février 2010. Les deux États s'opposant toujours sur l'extension du plateau continental, Buenos Aires conteste la décision britannique de lancer un projet d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures dans une zone considérée comme relevant de sa souveraineté et décide de contrôler le transit maritime dans ses eaux territoriales. Tandis que sa revendication est soutenue par les États d'Amérique latine réunis à Cancún, l'Argentine – qui reproche au Royaume-Uni de ne pas respecter les résolutions de l'ONU invitant les deux parties à s'abstenir de toute initiative unilatérale qui pourrait compliquer la situation avant l'aplanissement du différend – demande aux Nations unies d'intervenir auprès de Londres.
Par son retentissement et le mouvement général de sympathie qu’elle suscite, la mort de Néstor Kirchner en octobre 2010 n’est pas étrangère à la popularité retrouvée de la présidente, qui, loin d’être affaiblie par cette épreuve, s’affirme avec autorité face à ses rivaux potentiels. Le 23 octobre 2011, Cristina Fernández de Kirchner est ainsi élue dès le premier tour de l’élection présidentielle avec plus de 54,11 % des suffrages et 37 points d’avance sur son premier adversaire, le socialiste Hermes Binner.
De plus, le camp présidentiel (Front pour la victoire et ses alliés) retrouve la majorité aussi bien à la Chambre des députés qu’au Sénat et enlève ou conserve huit postes de gouverneur sur les neuf en lice. Ce triomphe révèle l’absence d’alternative crédible au « kirchnérisme » ; il s’explique également par une conjoncture économique encore très favorable (malgré le taux d’inflation élevé), la forte croissance (de 8 % à 9 % par an depuis 2003 à l’exception d’une contraction en 2008-2009) ; par le désendettement ayant permis notamment une réduction du chômage (passé de plus de 24 % en 2002 à 7,2 % en 2011) et par la poursuite de la politique de redistribution sociale.
Dans le cadre de la protection des droits humains, la politique de réparation en faveur des victimes de la dictature de 1976-1983 et les actions judiciaires contre les ex-dirigeants de la junte et responsables de la répression sont poursuivies : entre 2010 et 2013, plusieurs procès conduisent ainsi à de nouvelles condamnations dont celles d’Alfredo Astiz et de l’ex-général Videla (qui avait été gracié par Carlos Menem) à la détention à perpétuité. Tandis que des instigateurs de « l’opération Condor » comparaissent en mars 2013, d’autres inculpés sont en attente de jugement.
Cristina Fernández de Krichner n’échappe pas à l’usure du pouvoir comme en témoignent la fronde née dans son camp à partir de juin 2013 et les résultats des élections législatives de mi-mandat le 27 octobre. À l’issue de ce scrutin en vue du renouvellement de la moitié de la Chambre des députés et du tiers du Sénat, le Front pour la victoire (FpV) et ses alliés conservent de justesse leur majorité au Congrès. Mais la mouvance présidentielle subit plusieurs revers, en particulier dans la province de Buenos Aires où un « Front rénovateur », conduit par Sergio Massa – « chef de cabinet des ministres » en 2008-2009 et présenté comme un candidat potentiel à l’élection présidentielle de 2015 –, arrive largement en tête avec plus de 44 % des suffrages.
Opposée avant tout à une éventuelle réforme constitutionnelle qui permettrait à la présidente de briguer un troisième mandat, cette coalition péroniste de centre droit ayant rompu avec l’« officialisme » enregistre ce premier succès en axant son programme sur la lutte contre l’inflation, une baisse des impôts et le renforcement de la sécurité. Le FpV est également devancé par les partis d’opposition dans la capitale – où la droite (Union PRO [proposition républicaine] du maire de Buenos Aires et homme d’affaires Mauricio Macri) et l’alliance de centre gauche UNEN l’emportent –, ainsi que dans plusieurs régions importantes comme celles de Córdoba, Mendoza et Santa Fe. Ces résultats ont pour conséquence un important remaniement ministériel, mais à travers eux, c’est l’alternative au « kirchnérisme » qui est posée et devient l’enjeu central des luttes et des alliances politiques à venir.
Les élections d’octobre 2015 présentent un caractère inédit : pour la première fois dans l’histoire politique de l’Argentine, un président est élu à la suite d’un ballottage et, fait sans précédent depuis 1946, il n’est issu ni du parti radical ni de la mouvance péroniste, les deux familles politiques dominantes du pays. Trois coalitions principales sont en lice : le FpV sortant ; l’alliance électorale Cambiemos conduite par M. Macri et composée notamment de l’Union PRO, de l’UCR d’Ernesto Sanz et de la Coalition civique d’Elisa Carrió ; le regroupement « Unis pour une nouvelle alternative » autour de S. Massa et son « Front rénovateur ». Si le candidat du FpV, Daniel Scioli, a pris ses distances avec la présidente et arrive en tête au premier tour de l’élection présidentielle avec 37 % des voix, c’est finalement le libéral M. Macri qui l’emporte au second tour de scrutin avec 51,4 % des suffrages. Outre les divisions du camp justicialiste, l’usure du pouvoir, plusieurs affaires (dont des soupçons de corruption pesant sur l’entourage de C. Kirchner) et l’essoufflement économique du pays expliquent en grande partie cette victoire.
Entré en fonctions le 10 décembre, le nouveau président doit cependant composer avec un Congrès où il ne dispose pas d’une majorité et où l’opposition péroniste reste puissante à l’issue du renouvellement partiel des deux chambres. Le gouvernement mise sur un programme de libéralisation dans le but de réinsérer l’Argentine sur les marchés financiers internationaux, de relancer les exportations et d’attirer les investissements étrangers. La suppression du contrôle des changes et des limitations aux importations, la dévaluation du peso, l’élimination des taxes à l'exportation sur la plupart des produits agricoles et la réduction de celles sur le soja et le cuir, sont ainsi les premières mesures prises par le gouvernement. Ce dernier décide aussi de régler le contentieux sur la dette, héritée de la crise économique de 2001, avec les « fonds vautours » (février-mars 2016), un litige qui empêchait jusqu'ici le pays d’emprunter sur les marchés internationaux de capitaux.
Afin de réduire le déficit budgétaire, sont décidées des mesures d’économies, dont le licenciement de fonctionnaires et une réduction des subventions énergétiques. Après une récession en 2016, l’économie argentine retrouve la croissance en 2017, mais l’inflation, quoiqu’en décrue, reste très élevée (25 % environ contre 40 % l’année précédente) et le taux de chômage dépasse 8 %, tandis que la pauvreté est estimée à environ 30 %. Après les élections législatives d’octobre 2017, la coalition progouvernementale Cambiemos augmente sa présence à la Chambre avec 108 sièges sur 257 (dont 55 pour l’Union-Pro du président Macri, 40 pour l’UCR et 10 pour la Coalition civique) devant le FPV-Parti justicialiste (64 sièges). Viennent ensuite, parmi les principaux groupes parlementaires, le « bloc justicialiste » (18 députés) et ses alliés (15) et l’alliance menée par le Front rénovateur (16 sièges). Vainqueur notamment dans certains bastions du kirchnérisme (provinces de Santa Cruz et de Buenos Aires), l’« officialisme » progresse également légèrement au Sénat avec une vingtaine de sièges sur 72. Ces résultats semblent ainsi conforter le gouvernement, dont la politique de libéralisation reste très controversée. Cependant, sous l’effet d’une conjonction de facteurs extérieurs et internes, le pays connaît dès l’année suivante une crise financière et économique aigüe qui oblige le gouvernement à demander l’aide du FMI, en mai 2018, tandis qu’il doit affronter une récession (estimée à −2,6 %) et une inflation qui atteint en moyenne plus de 43 % sur l’ensemble de l’année.