Moqtada al-Sadr
Moqtada al-Sadr est un homme politique chiite irakien né le 12 août 1973. Il est le fils de l'ayatollah chiite irakien Mohammad Sadeq al-Sadr exécuté en 1999, sous Saddam Hussein. Al-Sadr est qualifié par ses partisans de sayyid (descendant du Prophète). Il réside à Koufa, près de Nadjaf. Considéré, en 2018, comme le principal représentant du nationalisme irakien, sa popularité inquiète aussi bien l'Iran que les États-Unis, il a déclaré en 2017 qu’il souhaitait « un Irak avec des relations régionales plus équilibrées ». Al-Sadr revendique le titre de hodjatoleslam, que d’autres autorités chiites concurrentes lui dénient, notamment en raison de son jeune âge.
En 2018, il présente des candidats de son parti dans les élections législatives irakiennes, en s'alliant avec le parti communiste irakien, cette coalition électorale étant nommée En Marche. Ses idées sont qualifiées de nationalistes chiites. En mai 2018, Moqtada al-Sadr lance les tractations pour tenter de former le nouveau gouvernement après la victoire de sa coalition, arrivée en tête des élections législatives du 13 mai 2018 avec 54 députés sur 329. La Constitution accorde un délai de trois mois maximum pour former un gouvernement.
Moqtada al-Sadr jouit de la popularité héritée de son père, Mohammad Sadeq al-Sadr, assassiné avec plusieurs de ses fils en 1999 par le régime de Saddam Hussein. Son père, personnalité charismatique, était parvenu à fédérer les chiites, les sunnites et les Kurdes. Après la chute de Saddam Hussein en 2003, Moqtada Al-Sadr assume la relève familiale. Il est à la tête d’un mouvement politique apparu dès les premiers jours de l’occupation américaine de l’Irak et qui dispose de médias, dont l'hebdomadaire Al Hawza publié en 2003 et 2004 et fermé sur ordre des États-Unis, durant l'administration de Paul Bremer. Ce mouvement est l’une des principales composantes de la coalition de gouvernement dirigée par Nouri al-Maliki, avec six ministres et 32 députés sur 275. Il est qualifié de nationaliste chiite.
Le bastion de son mouvement est situé à Sadr City, vaste faubourg du Nord-est de Bagdad. Il jouit aussi d’une large popularité dans le Sud irakien. Il tient un discours populiste, religieux et conservateur, qui profite du mécontentement de la population face à l’incapacité du gouvernement irakien et de l’occupant américain à rétablir la sécurité et les services publics essentiels. Ses principales prises de positions concernent la corruption, le retour de la sécurité et le départ des troupes étrangères. Il s'est prononcé contre la constitution irakienne soumise à référendum le 15 octobre 2005. Il lui reproche en particulier d'introduire le fédéralisme. Début 2007, plusieurs chefs du mouvement Sadr ont été tués par l'armée américaine, ainsi que des centaines de ses partisans. Le 15 avril 2007, le comité politique du mouvement Sadr demande à ses ministres de démissionner à la suite du refus du premier ministre de demander le retrait immédiat des forces américaines. Dans la suite logique, le 15 septembre 2007, son parti sortit de la coalition soutenant le premier ministre Al-Maliki.
Le mouvement Sadr dispose d’une branche armée, l’armée du Mahdi (du nom du douzième imam, le Mahdi). Cette milice affronta les forces américaine en avril et août 2004, puis début 2008. Elle fut accusée par l’armée américaine comme par de nombreux sunnites de constituer la plupart des « escadrons de la mort » qui commirent des exactions contre les sunnites. À ce titre, Sadr est considéré par les États-Unis comme l’un de leurs principaux ennemis en Irak, au même titre que la guérilla sunnite. Ses effectifs sont difficiles à estimer, la plupart de ses membres étant occasionnels. Les chiffres américains font état de 30 000 hommes.
Moqtada al-Sadr occupe une place primordiale dans un paysage chiite irakien qui se caractérise par une intense compétition. L'un des objectifs de cette concurrence est le contrôle du produit des pèlerinages dans les villes saintes de Nadjaf et Kerbala, qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars chaque année. Il accuse notamment de complicité silencieuse les théologiens chiites non-irakiens Ali al-Sistani et Al-Kho’i dans l’assassinat de son père. En avril 2003, ses hommes lynchent l’un des fils d’Al-Kho’i et mettent à sac la maison de l’ayatollah Sistani.
Il est accusé d'avoir commandité le meurtre d'Abdoul-Majid al-Khoei le 10 avril 2003. Toutefois, la famille Al-Khoei, qui était proche des États-Unis, estime que les baassistes sont responsables de cet assassinat. Il fait l'objet d'un mandat d'arrêt lancé par la justice irakienne dans ce dossier. En 2008, il fuit à Qom en Iran pour échapper au mandat d’arrêt qui le vise personnellement dans l’enquête. Ce séjour en Iran où il est froidement reçu aurait accentué son « sentiment anti-iranien ».
En février 2014, il annonce se retirer de la vie politique, en geste de protestation contre la « corruption » des politiques, notamment au gouvernement dont font partie certains de ses partisans. En 2015, les sadristes se joignent à un mouvement de protestation lancé en juillet par des militants de la société civile et réclamant des réformes, la lutte contre la corruption et l'amélioration des services publics. En août 2016, Moqtada al-Sadr appelle ses partisans à cesser les violences contre les homosexuels. Ces déclarations sont saluées par Human Rights Watch qui avait dénoncé précédemment une « campagne d'exécutions extrajudiciaires, de rapts et de viols » menée par les milices chiites contre les LGBT.
Le 8 avril 2017, Moqtada al-Sadr appelle Bachar el-Assad à démissionner : « Il serait juste que le président Bachar al-Assad démissionne (...), et évite au cher peuple de Syrie le fléau de la guerre et l'oppression des terroristes ». En 2017, il propose un programme en 29 points intitulé « Solutions initiales », qui défend un État civil, la démocratie et une armée irakienne qui serait seule chargée d’assurer la sécurité sans le soutien des milices. Il a axé sa campagne sur la réforme de l’État, la lutte contre la corruption, la justice sociale et la tolérance religieuse. Ses positions lui ont amené le soutien du Parti communiste irakien, laïc, et d'une partie des sunnites.
En mars 2018, en prévision des élections législatives irakiennes de mai, le mouvement sadriste s'allie au Parti communiste irakien, la coalition s'appelle Sairoun (« En Marche »). Pour ce scrutin, 44,52 % des inscrits ont voté, soit la participation la plus basse depuis la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003. La coalition du mouvement sadriste est la liste ayant recueilli le plus de voix avec 54 élus sur un total de 329.
À la suite de ces résultats, l’Iran a envoyé un émissaire à Bagdad, le général Ghassem Soleimani, qui a rassemblé les forces chiites conservatrices pour leur opposer un veto à toute alliance avec Moqtada Sadr. Les États-Unis ont eux aussi dépêché un émissaire pour peser sur les alliances. Après un recomptage, l'alliance du nationaliste Moqtada al-Sadr avec les communistes remporte les élections législatives irakiennes en août 2018. Le 8 septembre, le courant sadriste et la coalition Fatah appellent à la démission d'Abadi après des émeutes à Bassorah.
Bien que sa milice ait probablement vu le jour avec le soutien iranien, il se présente comme le premier opposant chiite à Téhéran. L'establishment iranien se méfie de lui et après les élections législatives de mai 2018, l'Iran a demandé aux autres listes chiites de ne pas s'allier avec lui. Le mouvement rejette à la fois l'influence américaine mais aussi celle de l'Iran. Le 12 juin 2018, la coalition sadriste de Moqtada al Sadr annonce une alliance avec leurs anciens opposants de l'Alliance de la conquête (Alliance Fatah, parti pro Iran composé de plusieurs milices chiites) créant ainsi la surprise pour diriger le pays dans les 4 années à venir. Cette alliance pourra également permettre au premier ministre sortant Haïder al-Abadi de pouvoir continuer à diriger le pays. Le 3 janvier 2020, après la mort du général iranien Qassem Soleimani et du chef des Hachd al-Chaabi Abou Mehdi al-Mouhandis dans une frappe de drone américaine, Moqtada al-Sadr annonce qu'il réactive l'Armée du Mahdi.