Anna Anderson

Publié le par Mémoires de Guerre

Anastasia Manahan, plus connue sous le nom d’Anna Anderson et de son véritable nom Franziska Schanzkowska, est née à une date inconnue (peut-être le 16 décembre 1896) et est morte le 12 février 1984 à Charlottesville, aux États-Unis. Après une tentative de suicide en 1920, elle fut persuadée d'être la grande-duchesse Anastasia, née le 18 juin 1901, la plus jeune fille du dernier tsar de Russie, Nicolas II et de la tsarine Alexandra Feodorovna, ce qu'elle tenta de prouver au monde. Mais, en 2008, tous les corps de la famille impériale furent retrouvés et analysés comme étant les Romanov, Anastasia comprise, assassinés à l'été 1918. La théorie Anna Anderson est donc discréditée. 

Anna Anderson
Anna Anderson

Tentative de suicide

Anna Anderson est découverte après une tentative de suicide à Berlin, dans la soirée du 17 février 1920. C'est un policier qui la sauve de l'eau glacée du Landwehrkanal, canal dans lequel elle s'était jetée. Conduite aux urgences de l'hôpital Élisabeth, sur la Lützowstraße, elle n'a pas de papiers et on l'interroge pour connaître son identité mais elle reste muette. Fin mars, elle prononce ses premiers mots : « je ne veux rien savoir de personne ». 

Séjour à l'asile Dalldorf

Elle est transférée le 28 mars 1920 à l’asile d'aliénés de Dalldorf, où, d’après son accent de l’Est, on pense avoir affaire à une réfugiée russe. Le corps de la jeune femme porte, selon les médecins, des cicatrices et des lacérations, ainsi qu'une cicatrice en forme de triangle sur le pied, qui, selon l'examen effectué par les experts en 1960, pourrait correspondre à un coup de baïonnette, semblable à celles qu’avaient utilisées les bolcheviks pour exécuter la famille impériale. Comme elle parle peu et refuse de révéler son identité, les infirmières la surnomment Fräulein Unbekannt (Mademoiselle l’inconnue). À l'automne 1921, elle partage une chambre avec une ancienne couturière, Marie Peuthert, qui a travaillé en Russie avant la Révolution et se croit persécutée. Un soir d'octobre, Marie lui montre une photo du journal du Berliner Illustrierte Zeitung où l'on voit trois des quatre filles du tsar et lui dit : « je sais qui tu es » et l'inconnue lui répond « tais-toi ». 

En mars 1922 le capitaine Nicolas von Schwabe, un ancien du régiment des cuirassés de l'impératrice de Russie lui rend visite. L'inconnue ne comprend pas le russe et ne reconnaît pas la photo de la tsarine. Intrigué, le capitaine invite des familiers de la cour de Russie à venir la voir. La baronne Sophie Buxhoeveden, dame de compagnie de la tsarine, ne la reconnaît pas. Mais la nourrice d'Anastasia et Tatiana Botkina, une de ses camarades, la reconnaissent. Un certain baron Arthur von Kleist, ancien chef de police de district en Pologne, et sa femme décident alors de prendre l'inconnue sous leur aile et la font sortir de Dalldorf le 30 mai 1922. La rumeur se répand vite dans la ville et tous les émigrés russes de Berlin viennent la visiter et lui apportent livres et photos. Au fil du temps elle prend confiance et commence à raconter son histoire. Elle affirme alors être la « grande duchesse Anastasia Nikolaïevna ».

Un garde bolchévik nommé Alexander Tchaikovsky chargé d'enlever les cadavres après la tuerie à la villa Ipatiev aurait constaté qu'Anastasia respirait encore et aurait décidé de la sauver. Après l'avoir enveloppée dans une couverture, il aurait franchi la frontière, en faisant passer Anastasia pour sa femme. Anna affirme qu’elle l'aurait ensuite épousé et aurait eu un enfant de lui en décembre 1918. Tchaikovsky est tué quelques mois plus tard par des inconnus dans une rue de Bucarest. Elle tombe en dépression et son enfant appelé Alexander, qui lui est retiré, est envoyé dans un orphelinat. Puis son beau-frère l'aurait emmenée à Berlin pour sa sécurité, début février 1920, mais il disparaît peu après. Seule et désespérée, elle se jette alors dans le canal. 

Anastasia « Romanov »

La baronne Buxhoeveden, membre de la Cour impériale russe, est donc la première à visiter « Anna Tchaïkovsky » à l’asile pour déterminer si la femme qui prétend être la fille du tsar Nicolas II dit la vérité. Dès son arrivée, la baronne oblige la malade à se lever et déclare alors qu’elle est « trop petite pour être Tatiana ! ». Elle estime, et elle n'est pas la seule, qu'Anna est un imposteur et n’en démordra pas par la suite. Anna Anderson déclare alors qu’elle n'a jamais prétendu être Tatiana, mais Anastasia. Elle n'en démordra pas non plus. Après octobre 1928, la famille impériale ne reconnaît pas Anastasia. Pourtant elle cite pour se justifier « l'oncle Ernie », c'est-à-dire Ernest de Hesse, frère de l'ex-tsarine, et révèle l'avoir vu la dernière fois en décembre 1916 en Russie. Cette allégation sous-entend un grave secret politique : ce prince allemand, par cette visite clandestine, aurait envisagé de trahir ses alliés par une paix séparée avec la Russie. Ernst de Hesse nie farouchement et engage un détective privé, Martin Knopf, qui assurera que la jeune fille se nomme Franziska Schwanzdowska, une ouvrière polonaise. Mais en 1965 un témoin assermenté, le prince Dimitri Galitzine, confirmera devant le tribunal de Hambourg l'allégation d'Anna Anderson. En 1968, on cesse de voir en elle l'« héritière de toutes les Russies ». Anna décide alors de se rendre aux États-Unis, où elle se marie avec un certain Jack Manahan, de vingt-et-un ans son cadet, à Charlottesville, le 23 décembre 1968. Elle meurt le 12 février 1984 et son corps est incinéré. Ses cendres sont enterrées au cimetière de Seeon en Bavière sous le nom d'« Anastasia Manahan 1901-1984 ».

C'est qu'elle a été reconnue comme la grande-duchesse Anastasia par Tatiana Botkina et son frère Gleb dans les années 1920, les enfants du médecin du tsar (assassiné avec la famille impériale) qui publia un an après sa mort un ouvrage sur elle. Le second a même affirmé que contrairement à ce que disaient ses détracteurs, cette femme parlait et comprenait le russe. Elle a été également identifiée par deux cousins germains allemands des cinq enfants de Nicolas II et de l'impératrice, les princes Frédéric Ernest de Saxe-Altenbourg (1905-1985) et Sigismond de Prusse (1896-1980), qui défendirent Anna Anderson pendant ses procédures des années 1950 et 1960. Il faut aussi citer le capitaine Felix Dassel qui, blessé en 1916, se fit soigner à l’hôpital par les grandes-duchesses Maria et Anastasia. En 1927, relativement sceptique à sa possible survie, il tenta plusieurs fois de la piéger en lui communiquant de fausses informations, qu'elle corrigea aussitôt. Il acquiert alors la conviction que cette dame est bien la quatrième fille du tsar et n'en démord plus. En 1958, peu avant sa mort, il témoigna de nouveau sous serment l'avoir reconnue. En France à partir de 1957, la journaliste du Figaro Dominique Auclères, après confrontation de tous les points de vue, et la découverte qu'elle parlait le français et servait le thé au lait à l'anglaise (lait d'abord, thé ensuite, selon les habitudes de la tsarine), prit fait et cause pour elle et lui consacra un livre.

En 1960, le débat est relancé avec la publication d'une lettre écrite par le grand-duc André en 1928 à la grande-duchesse Olga de Russie, sœur de Nicolas II : « j'ai passé deux jours avec elle, je l'ai observé de près attentivement et je dois dire en toute conscience qu'Anastasia Tschaikowkaya n'est autre que ma nièce Anastasia Nicolaïevna. Je l'ai reconnue immédiatement et l'observation ultérieure n'a fait que confirmer ma première impression. Dans toute cette affaire, il n'y a vraiment aucun doute : elle est Anastasia ». Mais la mère de Nicolas II, l'impératrice douairière Marie Feodorovna, la sœur de l'Impératrice, la princesse Irène de Prusse, le précepteur des enfants Romanov, Pierre Gilliard et des domestiques n'avaient pas reconnu en leur temps Anna Anderson comme étant Anastasia. De plus Anna Anderson parlait très mal le russe, et parlait correctement l'allemand, langue que la vraie grande-duchesse Anastasia avait refusé d'apprendre. Pour d'autres, les filles du tsar, occidentalisées, ne parlaient le russe qu'avec les domestiques et après la mort de Pierre Gillard en 1962 on découvrit dans ses archives des cahiers des filles prouvant -contrairement à ce qu'il avait toujours affirmé- qu'elles avaient toutes pris des cours d'allemand avec lui.

En 1967, le tailleur viennois Heinrich Klebenzelt, témoin oculaire de sa fuite à Ekaterinbourg, se présente au tribunal et assure l'avoir cachée — sur demande d'un garde rouge et d'un civil — blessée, trois jours. Cependant il n'est nullement question d'Alexandre Tchakaikovski : ce sont les deux hommes cités qui l'auraient reprise chez le tailleur pour l'emmener vers une destination inconnue. Après un ultime recours en appel en 1970, la Cour de Hambourg admet qu'Anastasia avait peut-être survécu, mais que la requérante n'avait pu donner la preuve formelle de son identité. En juillet 1991, dans la forêt de Koptiaki au lieu-dit de la « fosse aux troncs » sont exhumés sous l'autorité de l'Académie des sciences d'URSS des ossements, les restes de quatre hommes entre 50 et 65 ans, deux femmes de 50 ans, une jeune femme de 20-25 ans, deux jeunes filles de 18-20 ans. En 1998, la commission gouvernementale conclut en s'appuyant sur les expertises faites avec les techniques de la biologie moléculaire et du génie génétique en Angleterre, à l'authenticité des ossements de la famille Romanov. En 1979, Anna Anderson est opérée d'une occlusion intestinale et un morceau de son côlon est prélevé et conservé.

En 1994, on compare donc l'ADN mitochondrial d'Anna Anderson avec celui du prince Philip, duc d'Édimbourg dont la grand-mère, Olga Constantinovna de Russie, est la fille de la grande-duchesse Alexandra. Le test se révèle négatif, Anna Anderson n'est pas une Romanov. En revanche, on compare ce même ADN mitochondrial avec celui fourni dans un échantillon sanguin en 1994 par Karl Maucher, petit-fils de Gertrude Schanzkowska, la sœur de Franziska Schanzkowska, une ouvrière polonaise, et le test se révèle positif. Franziska Schanzkowska est donc la véritable identité d'Anna Anderson. En 2008, le laboratoire de la faculté de médecine de l'université du Massachusetts confirme que tous les membres de la famille Romanov ont bien été exécutés. Cinq d'entre eux sont inhumés à Saint-Pétersbourg au cours d'une cérémonie solennelle en 1998. Deux ans plus tard, le tsar et sa famille sont canonisés par l'Église orthodoxe russe. 

Thèses qui contestent la version officielle de l'exécution des Romanov

Le débat a cependant pris une tournure inattendue en faveur de sa réhabilitation à partir de 1976 par les travaux d'Anthony Summers, Tom Mangold, puis de Marina Grey, Marc Ferro, un docu-fiction de Jacqueline Monsigny et un ouvrage de Michel Wartelle de 2008, par des éléments qui feraient redoutablement concurrence aux tests ADN. L'examen de l'intégrale du dossier Sokolov, dont seule une petite partie avait été publiée, indique qu'il n'y a peut-être pas eu de massacre de l'impératrice et de ses quatre filles à Ekatérinbourg mais une évacuation des cinq femmes vers Perm, où elles auraient été vues prisonnières au complet par au moins un témoin oculaire, l'infirmière Natalia Moutnik, en septembre 1918, tandis que de nombreux autres témoins y auraient eu connaissance de la fuite et/ou tentative de fuite d'une des filles, qui se trouverait être Anastasia. L'ouvrière polonaise qu'elle serait et/ou les imposteurs qui la manipulaient pouvaient-ils le savoir ou le deviner ? Anna Anderson qui, aux dires même de Tatiana Botkine, n'a jamais en personne communiqué une version détaillée du massacre, a dit en 1974 à Summers et Mangold : « il n'y a jamais eu de massacre à Ekatérinbourg... mais je ne peux pas en dire plus ».

En 1982, un certain Alexis Durazzo publia un livre dans lequel il affirma être son petit-neveu, le cousin éloigné du prince Frédéric-Ernest de Saxe, qui confirma. En même temps, Durazzo affirmait être le petit-fils de Maria Romanov qui serait décédée d'un cancer en 1970, ainsi que le petit-neveu de deux anciennes « prétendantes » de l'après-guerre : Marga Boodts/Olga, « Madame Michaelis »/Tatiana. Or il se trouve qu'en 1957, Sigismond de Prusse aurait identifié en Magda de Boodts, après une rencontre — au cours de laquelle ils se racontèrent des souvenirs d'enfance —, sa cousine germaine russe. D'après un testament olographe produit par Alexis Durazzo, son arrière-grand-mère, l'impératrice, sa grand-mère et ses trois grand-tantes ne furent pas tuées à Ekatérinbourg en juillet 1918 mais bien évacuées à Perm jusqu'en octobre suivant. 

D'après Durazzo, Maria Romanov bénéficia en octobre 1918 d'une fausse identité que lui donna le commissaire soviétique aux affaires étrangères, Gueorgui Tchitcherine, grâce à un lien de parenté avec la tsarine. En avril 1922, lors de son premier déplacement à l'étranger à la conférence de Gênes, Tchitchérine ne reconnut que l'exécution du tsar : « Le tsar est mort. Je ne sais pas exactement ce qu'il est advenu de la tsarine et des enfants. Je pense qu'ils ont été transportés à l'étranger ». En 1919 à Bucarest Maria aurait épousé le prince ukrainien Nicolas Dolgorouki et retrouvé temporairement sa sœur Anastasia en présence de la Reine Marie de Roumanie à qui, d'après le fils d'un diplomate roumain, Yvan Guika déposant en 1984, le Grand Duc Cyril Wladimirovitch Romanov, enjoignit de taire les deux passages impériaux féminins.

Les recherches de Michel Wartelle ont peut-être attesté ce pronostic, l'ancien témoignage de Natalia Moutnikh, la confidence d'Anna Anderson, la déclaration de Tchitchérine et le témoignage d'Yvan Guika ; il s'agirait de trois pierres tombales italiennes qui porteraient les noms de trois femmes de la famille Romanov. L'une se trouverait à Rome au nom de S.A.I. Maria Nicolaïevna Romanov-Dolgorouri (1899-1970). La deuxième, près du lac de Côme jusqu'en 1995, aurait porté en allemand l'épitaphe « En souvenir d'Olga Nicolaïevna, fille aînée du tsar Nicolas II (1895-1976) ». Enfin, la troisième serait dans un couvent florentin où reposerait « Alicia d'Acia (1872-1942) » identifiée comme la tsarine Alexandra.

Par ailleurs les chercheurs cités ont reproduit une pièce qui fut une première fois portée au dossier par la requérante en appel à Hambourg qui met encore plus en difficulté les dénégations et attaques passées d'Ernest de Hesse. Le 27 septembre 1918, celui-ci fit parvenir en Grande-Bretagne un télégramme à sa sœur Victoria via la princesse Louise de Suède, où il indiquait savoir « de deux sources sûres qu'Alix et tous les enfants sont en vie ». De surcroît, les tests ADN des années 1990 et 2000 sont postérieurs à la mort d'Anna Anderson et à celle de ses proches. Anthony Summers et Tom Mangold faisant l'historique de cette affaire, firent le détail dans leur ouvrage, Le dossier Romanov, des multiples examens auxquels elle accepta de se livrer dès les années 1920, comme des analyses graphologiques ou celles de son corps portant bien les cicatrices d'Anastasia Romanov. Ils aboutirent dans les années 1960 au rejet de l'identité roturière et polonaise invoquée autrefois par le détective privé d'Ernst de Hesse. 

Publié dans Banditisme

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