Ukraine

Publié le par Mémoires de Guerre

L'Ukraine est un État d'Europe orientale, le deuxième d'Europe par sa superficie. Elle est bordée par la mer Noire et la mer d'Azov au sud, frontalière avec la Russie au nord-est et à l'est, avec la Biélorussie au nord, avec la Pologne à l'ouest-nord-ouest, avec la Slovaquie et la Hongrie à l'ouest et avec la Roumanie et la Moldavie au sud-ouest. Sa capitale est Kiev, sa langue officielle est l'ukrainien et sa monnaie est la hryvnia. 

Ukraine
De l'État de Kiev à la domination polono-lituanienne

Les régions où se développa la nationalité ukrainienne à partir des xiiie-xive siècles ont fait partie de l'État de Kiev (ixe-xiie siècles) dont l'ensemble des territoires formait la « Rous », la « terre russe ». Ces régions constituent après le démembrement de l'État de Kiev au xiie siècle les principautés de Kiev, de Galicie et de Volhynie sur la rive droite du Dniepr, celles de Pereïaslav, Tchernigov et Novgorod-Severski sur la rive gauche. Les attaques incessantes des Polovtses (ou Coumans) à partir du milieu du xie siècle poussent les habitants des régions de Kiev et de Pereïaslav à abandonner leurs terres et à gagner le Nord-Est (régions de Rostov-Souzdal), ou à chercher refuge dans les forêts de Polésie et de Volhynie, dans le bassin du Boug, en Galicie et sur les pentes des Carpates. 

Dans ces régions marginales, trois courants colonisateurs se rencontrent, celui des Slaves de l'Est que l'afflux des réfugiés vient renforcer, celui des Polonais et celui des Hongrois, maîtres du versant méridional des Carpates et qui s'emparent au xie siècle de la Transcarpatie (qui portera le nom d'Ukraine subcarpatique). La Galicie, réunie à la Volhynie en 1199, recueille une bonne partie de l'élite de la société kievienne et connaît un grand essor. La région de Kiev est définitivement ruinée par les dévastations de la conquête mongole (1238-1240). En marge des territoires contrôlés par les Mongols, la Galicie, qui reconnaît leur suzeraineté, devient un foyer de civilisation slave et orthodoxe, ukrainien déjà par la langue parlée, ouvert aux influences occidentales qui pénètrent par la Pologne et la Hongrie. Les territoires ukrainiens du Sud, ravagés et dépeuplés, sont annexés par le grand-duché de Lituanie dans les années 1350-1360, tandis que la Galicie-Volhynie est conquise par la Pologne (1348-1366). 

L'Ukraine occidentale est dès lors soumise à un processus de polonisation qui conduira à la disparition des catégories supérieures du peuple ukrainien. L'Ukraine orientale subit aussi l'influence polonaise après l'union des couronnes de Lituanie et de Pologne (Krewo, 1385). Les populations du grand-duché de Lituanie recherchent la protection de la Moscovie et de la Pologne contre les raids des Tatars de Crimée à partir du milieu du xve siècle. L'État moscovite annexe en 1500-1503 la majeure partie de la région de Tchernigov, tandis que les possessions ukrainiennes du grand-duché de Lituanie sont rattachées à la Couronne de Pologne par l'Union de Lublin (1569). Ainsi la majeure partie de l'Ukraine dépend-elle d'un État catholique. Le métropolite orthodoxe de Kiev et une partie du clergé ukrainien reconnaissent l'autorité du pape par l'Union de Brest (1596). La noblesse polonaise colonise les terres ukrainiennes, sur lesquelles s'établissent également des communautés juives.

Des libertés cosaques à l'intégration aux Empires russe et autrichien (xvie-xviiie siècles)

Les cosaques jouent à partir du xvie siècle un rôle déterminant dans l'histoire de l'Ukraine, et notamment dans la région du Dniepr. Ils appuient les résistances des paysans qui, pour fuir les contraintes imposées par les nobles polonais, gagnent les steppes méridionales et orientales. Certains s'établissent à l'intérieur des frontières moscovites et mettent en valeur la région où est fondée la forteresse cosaque de Kharkov vers 1655-1656 et qui portera le nom d'Ukraine Slobidska. Les cosaques se font aussi les champions de l'orthodoxie, à laquelle est restée fidèle la masse paysanne, et favorisent la résistance aux influences uniates. À l'issue de plusieurs guerres entre cosaques et Polonais (1625-1637 ; 1648-1654), l'hetman Bogdan Khmelnitski se place sous la protection du tsar de Moscou (traité de Pereïaslav, 1654), suivant ainsi les tendances de la population à s'écarter de la Pologne. Désormais la population non cosaque de l'Ukraine orientale dépend de l'administration russe et le clergé ukrainien du patriarcat de Moscou. En 1667, le traité d'Androussovo entérine le partage de l'Ukraine entre la Pologne et la Russie, qui conserve la rive gauche du Dniepr et la région de Kiev. L'Ukraine de la rive droite du Dniepr subit les attaques des Ottomans, qui occupent la Podolie de 1672 à 1699 et conservent la Bucovine du Nord jusqu'en 1774. Elle se dépeuple au profit de l'Ukraine orientale où l'administration russe maintient la paix et où la setch des cosaques Zaporogues attire les fugitifs.

L'Ukraine orientale, gouvernée par un hetman, est peu à peu assimilée par l'État russe. La tentative de Mazeppa de constituer une Ukraine réunifiée et indépendante avec l'appui de la Pologne et de la Suède se solde par la défaite de Poltava (1709). Pierre le Grand crée en 1722 le collège de Petite-Russie pour contrôler les activités de l'hetman et de la starchina (c'est-à-dire des autorités cosaques). L'hetmanat est définitivement supprimé en 1764 ; la setch des Zaporogues est liquidée en 1775. Catherine II parachève l'assimilation administrative (création dans les années 1780 des gouvernements de Kiev, Tchernigov, Novgorod-Severski, Kharkov et Iekaterinoslav). Elle étend le servage à la majeure partie de l'Ukraine en 1783 et concède à la starchina les privilèges de la noblesse russe (1785). À l'issue des partages de la Pologne de 1793 et de 1795, l'Ukraine est partagée entre l'Empire russe, qui annexe la rive droite du Dniepr, la Podolie et la Volhynie, et l'Empire autrichien, dont dépendent la Galicie, la Bucovine et l'Ukraine subcarpartique.

L'essor économique et le problème national (xixe-début du xxe siècle)

L'établissement des Russes sur la mer Noire après la signature du traité de Kutchuk-Kaïnardji (1774) et l'annexion de la Crimée (1783) va permettre la mise en valeur de l'Ukraine méridionale, appelée « Nouvelle-Russie ». L'Ukraine connaît au xixe siècle un développement remarquable de la culture du blé (que l'Empire russe exporte par les ports qu'il a fondés sur la mer Noire) et de la betterave à sucre, ainsi que, à partir de 1835-1840, des industries alimentaires, celle du sucre en particulier. L'essor rapide de l'extraction minière (houille du Donets, fer de Krivoï-Rog) et de l'industrie métallurgique à partir de 1870, grâce aux investissements des capitalistes étrangers, français, belges ou allemands, transforme l'Ukraine en la région industrielle la plus importante de l'Empire. Le développement économique de la fin du xixe siècle entraîne un brassage de populations dans les villes, où la langue dominante est le russe alors que la campagne demeure ukrainienne. 

D'importantes communautés juives se sont développées malgré les massacres de 1648-1649, et elles constituent, au recensement de 1897, 30 % de la population des villes et des bourgs. Elles sont les victimes de pogroms particulièrement nombreux de 1881 à 1884, de 1903 à 1906 et de 1917 à 1921. La première moitié du xixe siècle est décisive pour le développement d'une conscience nationale dans l'Ukraine orientale. L'intelligentsia ukrainienne entreprend l'étude du folklore, du langage populaire et de l'histoire du pays. Elle participe aux mouvements d'opposition à l'absolutisme tsariste (complot décabriste, panslavisme libéral, populisme, organisation de gromada dans les villes). La première organisation ouvrière ukrainienne, l'union des ouvriers du sud de la Russie, est fondée à Odessa en 1875. Le gouvernement russe, proscrivant le terme d'Ukraine au profit de celui de Petite-Russie, adopte une attitude particulièrement répressive après l'insurrection polonaise de 1863. L'oukase d'Ems (1876), qui interdit d'imprimer des ouvrages en ukrainien, restera en vigueur jusqu'à la révolution de 1905. 

Les Ukrainiens de Galicie conservent un certain nombre de libertés inconnues en Ukraine russe, tel l'emploi de la langue ukrainienne dans les écoles primaires. Mais, en dépit de la Constitution de 1860 et du statut de 1867, qui garantissent aux Ukrainiens des droits égaux à ceux des autres nationalités de l'Empire austro-hongrois, la Galicie orientale demeure dominée par une riche aristocratie polonaise et par une bourgeoisie urbaine polonaise ou juive. L'Ukraine participe au mouvement révolutionnaire qui se développe dans l'Empire russe : troubles agraires de 1902, grèves ouvrières de 1900-1903 et révolution de 1905. Les libertés accordées en 1905 permettent au mouvement national ukrainien de se renforcer. Mais les tensions entre les Empires centraux et la Russie entraînent un durcissement du gouvernement russe. Lorsque les troupes russes occupent la Galicie orientale à l'automne 1914, elles lui infligent une brutale russification.

La guerre civile (1917-1920)

Après le déclenchement de la révolution russe à Petrograd et la chute du tsarisme, une Rada centrale est créée à Kiev en mars 1917 sous la présidence de Grouchevski. En désaccord avec le gouvernement provisoire, elle déclare en juin que l'Ukraine tout entière jouira d'un statut autonome sans se séparer de la Russie. Réprouvant la prise en pouvoir par les bolcheviks, la Rada centrale proclame à Kiev la « République populaire d'Ukraine » le 7 (20) novembre 1917. Les bolcheviks, qui ne sont solidement implantés que dans les villes industrielles de l'Est et du Sud, proclament à Kharkov la « République soviétique d'Ukraine » (11 [24] décembre 1917). La Rada riposte en déclarant l'indépendance de l'Ukraine (9 [22] janvier 1918), mais les troupes bolcheviks occupent toutes les grandes villes du pays en janvier-février 1918 et l'obligent à se réfugier à Jitomir.

La Rada envoie une délégation à Brest-Litovsk, qui signe le 26 janvier (8 février) 1918 une paix séparée avec l'Allemagne. Les Allemands occupent l'Ukraine en avril et, après y avoir dissous la Rada, restaurent l'hetmanat au profit de P.P. Skoropadski. La défaite de l'Allemagne entraîne la chute de l'hetmanat (décembre 1918) et permet le rétablissement à Kiev d'un gouvernement indépendant ukrainien présidé par Petlioura. À la même époque est proclamée à Lvov la République d'Ukraine occidentale, qui affirme son union au reste de l'Ukraine. Son territoire sera occupé en juillet 1919 par les troupes polonaises. La Bucovine du Nord a été annexée en novembre 1918 par la Roumanie. Durant les années 1919-1920, l'Ukraine orientale est le théâtre d'âpres combats entre les forces de Denikine, soutenues par l'Entente, l'Armée rouge, les forces nationales ukrainiennes, les bandes anarchistes de Makhno, les troupes polonaises, qui l'envahissent en mai 1920, et l'armée Wrangel, refoulée des régions méridionales et de la Crimée par les bolcheviks en octobre-novembre 1920.

L'Ukraine soviétique

La République soviétique d'Ukraine, proclamée en décembre 1917 à Kharkov, est liée à la Russie soviétique par un accord militaire et politique conclu en juin 1919. Reconnue par la Pologne au traité de Riga (mars 1921), elle adhère à l'Union soviétique en tant que république fédérée en décembre 1922. Jusqu'au début des années 1930, les dirigeants bolcheviks y mettent en œuvre une politique d'« ukrainisation » destinée à faciliter la construction du socialisme. Cette politique repose sur l'usage officiel de la langue ukrainienne dans l'enseignement et dans l'administration et sur la promotion sociale du peuple. Le parti communiste de l'URSS impose une centralisation et un contrôle rigoureux de la vie politique et économique, tout en réfrénant le « chauvinisme de nation dominante » grand-russien et le nationalisme ukrainien. Au prix d'une collectivisation forcée de l'agriculture mise en œuvre en 1929 et d'une famine orchestrée par Staline en 1933 – qui fait 6 millions de morts –, le gouvernement soviétique impose les transformations sociales et économiques prévues par les premiers plans quinquennaux et fait ainsi avancer l'unification. Il s'oppose au développement du nationalisme en éliminant les cadres soviétiques ukrainiens lors des purges staliniennes de 1937-1938.

Conformément aux clauses du pacte germano-soviétique (août 1939), l'URSS annexe les territoires polonais peuplés d'Ukrainiens, ainsi que la Bucovine et la Bessarabie (1940), réalisant ainsi le rassemblement de la quasi-totalité de la nation ukrainienne. L'Ukraine est soumise à partir de 1941 à un régime d'occupation nazie très dur, dont les armées soviétiques la libèrent en 1943-1944. Durant la guerre, elle perd 4 millions d'hommes. L'Ukraine subcarpatique lui est cédée en 1945 par la Tchécoslovaquie et l'oblast de Crimée lui sera rattaché en 1954. L'Ukraine fait partie, en 1945, des membres fondateurs de l'Organisation des nations unies (ONU). L'après-guerre est marqué par une vague d'épurations touchant les anciens « collaborateurs », les « traîtres à la patrie », le clergé uniate, les nationalistes des régions récemment acquises par l'Ukraine (membres de l'UPA, l'armée insurrectionnelle ukrainienne), et partisans de Stepan Bandera. Les troubles persistent jusqu'en 1950.

Le rôle important joué par les Ukrainiens au niveau de la fédération soviétique s'accompagne d'une russification qui touche particulièrement les Ukrainiens vivant en dehors de leur territoire national. Dès 1986, la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl – accélère le réveil national, qui se cristallise autour de la question de l'enseignement de l'ukrainien. Le Mouvement populaire pour la perestroïka (Roukh), fondé en 1989, obtient très vite une forte audience dans l'ouest du pays, qui reste le moins russifié et dont l'Église est majoritairement uniate. Les communistes remportent toutefois les élections du Soviet suprême de mars 1990, qui élit un apparatchik, Leonid Kravtchouk, à la présidence, en remplacement de Vladimir Chtcherbitski. L'échec du putsch de Moscou, les 19 et 21 août 1991, accélère l'histoire : trois jours plus tard, l'Ukraine, souveraine depuis juillet 1990, proclame son indépendance.

Publié dans Géopolitique

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