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Crimée

La Crimée, anciennement Tauride, est une péninsule située au sud de l'Ukraine et à l'ouest du kraï de Krasnodar en Russie, qui s'avance dans la mer Noire. La péninsule de Crimée est réputée pour son climat méditerranéen, ses vignobles, ses vergers, ses lieux de villégiature, ses sites archéologiques, et aussi ses stations balnéaires dont notamment celles de Théodosie, de Soudak, d'Alouchta mais également celle de Yalta, où ont été signés en 1945 les accords de partage de l'Europe entre Staline (Union soviétique), Roosevelt (États-Unis) et Churchill (Royaume-Uni). Sébastopol est également célèbre, depuis 1783, pour sa base navale qui accueille la flotte de la mer Noire de la marine russe. Correspondant à l'antique Tauride, la Crimée a fait partie, de l'Antiquité au XIIIe siècle, du monde grec devenu byzantin, tout en étant ouverte au nord aux peuples des steppes (Cimmériens, Scythes, Goths, turcophones, Mongols, etc.) pour rejoindre au XVe siècle l'Empire ottoman et à la fin du XVIIIe siècle l'Empire russe, puis en 1922 l'Union des républiques socialistes soviétiques. Dans cette dernière, elle constitue une république socialiste soviétique autonome, puis un oblast qui fait d'abord partie de la République socialiste fédérative soviétique de Russie. À la fin de la Seconde Guerre mondiale la population des Tatars de Crimée subit une déportation.

La ville de Sébastopol qui fut fondée en 1783 par l'impératrice russe Catherine II, devient autonome du reste de la Crimée en 1948. En 1954, la Crimée est cédée par un décret soviétique à la République socialiste soviétique d'Ukraine. En 1991, après la chute de l'URSS, la Crimée obtient le statut de République autonome de Crimée au sein de l'Ukraine indépendante et Sébastopol devient une ville à statut spécial. La capitale de la Crimée est Simféropol. La ville de Sébastopol, grand port de guerre sur la mer Noire dans le sud-ouest de la péninsule, ne fait pas partie de la République de Crimée, mais dispose d'un statut administratif spécial de ville fédérale. En mars 2014, lors de la crise de Crimée, le Parlement criméen, au terme d'un référendum unilatéral — car ne reconnaissant pas les nouvelles autorités provisoires à Kiev, qui elles ne reconnaissent pas le référendum en retour — proclame la sécession de la République de Crimée puis sa réintégration à la Russie en tant que sujet fédéral. La ville de Sébastopol devient quant à elle la troisième ville d'importance fédérale de Russie, au même titre que les villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg. L'Ukraine, soutenue par un grand nombre de pays de la communauté internationale, ne reconnaît pas ce référendum et maintient ses revendications territoriales sur l'ensemble de la péninsule de Crimée. 

Crimée
La Chersonèse Taurique

Les Cimmériens, installés en Crimée, sont chassés par les Scythes, tandis que les Grecs établissent des comptoirs dès le viie siècle avant J.-C. Au vie siècle avant J.-C., les petites cités grecques de Chersonèse Taurique, appellation grecque de la Crimée, vivent en symbiose avec les Scythes, les Taures et les Sindes des villages voisins. À l'ouest, des Doriens venus d'Héraclée Pontique créent Chersonèsos. À l'est, les Milésiens édifient Theodosia (auj. Feodossia), et, sur le Bosphore cimmérien, Panticapée (auj. Kertch).

Le royaume du Bosphore (ve siècle avant J.-C.-ive siècle après J.-C.)

Un royaume du Bosphore cimmérien se constitue à la fin du ve siècle avant J.-C. autour du lac Maeotis (mer d'Azov). Soumis à la pression scythe, il se met, v. 114 avant J.-C., sous la protection de Mithridate VI, roi du Pont et passe, en 63 avant J.-C., sous le protectorat romain. Aux iiie-ive siècles après J.-C., les Goths puis les Huns envahissent la péninsule. Seule la Chersonèse demeure jusqu'en 1239 dans l'orbite de l'Empire byzantin, dont elle devient un thème à l'époque de Théophile (829-842).

Une mosaïque de peuples

La majeure partie de la péninsule est occupée par les Khazars (viiie siècle) puis par les Coumans (xie siècle). Les Russes de Kiev fondent dans la presqu'île de Taman la principauté de Tmoutarakan (xe-xiie siècles). Enfin les Mongols, ou Tatars, établissent leur domination sur toute la péninsule en 1238-1239, et la Crimée est désormais soumise aux khans de la Horde d'Or. Les comptoirs fondés par les Vénitiens ou par les Génois : Caffa (auj. Feodossia) en 1266, Tana (auj. Azov) en 1332, Cembalo (auj. Balaklava) en 1357, Soldaia (auj. Soudak) en 1365, sont, dans une certaine mesure, tributaires de la Horde d'Or. Ces villes, dont le commerce est florissant, sont peuplées non seulement d'Italiens, mais aussi d'Arabes, de Turcs, de Grecs et d'un grand nombre d'Arméniens.

Le khanat de Crimée (v. 1430-1783)

À partir du xive siècle, l'islam s'implante solidement parmi les autochtones, les Tatars de Crimée, en majorité Kiptchaks ou Coumans. Des princes mongols réfugiés en Crimée s'émancipent de la Horde d'Or décadente et deviennent les souverains du khanat de Crimée. Fondé vers 1430 par un cadet gengiskhanide, Hadjdji Giray (mort en 1466), le khanat reste la possession de la famille des Giray jusqu'à son annexion par la Russie (1783). Il a son centre en Crimée et s'étend du Dniepr, à l'ouest, au Kouban, à l'est. Les Ottomans conquièrent, en 1475, les colonies italiennes de Crimée (Caffa, Tana) ainsi que Menkub. Ils prennent possession de toute la côte de la péninsule au xvie siècle, plaçant le khanat sous la suzeraineté ottomane, tout en lui conservant une grande autonomie politique. 

L'apogée de la principauté se situe sous le règne de Devlet Giray Ier (1551-1577), époque où le khanat tatar est le rival le plus dangereux de la Moscovie et où l'armée tatare constitue une redoutable machine de guerre. Au xviie siècle, les Giray cherchent à secouer la tutelle ottomane, et se rendent pratiquement indépendants (alliance d'Islam Giray  III avec les Cosaques Zaporogues). Au xviiie siècle, affaibli économiquement et soumis plus que jamais à la tutelle de la Porte ottomane, le khanat connaît une sévère décadence, interrompue par les règnes de quelques khans remarquables Kirim Giray (1758-1764 et 1768-1769). Envahi et ravagé une première fois par les armées russes en 1771, le khanat est annexé à l'Empire de Catherine II en 1783.

Le gouvernement de Tauride

Un manifeste de l'impératrice (1783) garantit la liberté religieuse de la population musulmane et proclame l'égalité de ses droits avec les Russes. Les meilleures terres sont cependant réquisitionnées au profit de l'aristocratie russe. Pendant plus d'un siècle, des Tatars émigrent vers la Turquie, dans des conditions misérables, périssant en grand nombre. Rattachée à la région (1796) puis au gouvernement (1802) de Tauride, la Crimée est le théâtre du conflit de 1854-1856, qui oppose la Russie aux Ottomans, alliés à la France et à la Grande-Bretagne (→ guerre de Crimée). Après la révolution russe de février 1917, les Tatars fondent une assemblée nationale, renversée par les bolcheviks (janvier 1918) qui instaurent une éphémère République de Tauride. La Crimée est occupée par les Allemands (avril-novembre 1918), puis elle devient le siège d'un gouvernement russe blanc, tandis que les armées de Denikine et Wrangel s'y maintiennent jusqu'en novembre 1920.

L'ère soviétique

Une République socialiste soviétique autonome (RSSA) de Crimée est créée en 1921. Les Russes représentent alors environ 40 % de la population devant les Tatars, qui en forment le quart, les Ukrainiens et les autres minorités parmi lesquelles les Allemands, les Bulgares et les Grecs. En mai 1944, sous le prétexte d’une collaboration avec l’occupant allemand, les Tatars de Crimée sont massivement déportés, en Asie centrale pour la plupart. La RSSA est supprimée en juin 1945, tandis qu’une politique de russification culturelle et administrative est mise en place. Allemands, Bulgares et Grecs sont également chassés. En 1954, à l’occasion du 300e anniversaire de l’alliance russo-ukrainienne de Pereïaslav (→ rada de Pereïaslav, janvier 1654), pour des raisons symboliques, géographiques et économiques mais aussi personnelles difficiles à démêler, Nikita Khrouchtchev rattache l’oblast (région) de Crimée à la République socialiste soviétique (RSS) d’Ukraine. 

Quant au Tatars, non mentionnés dans sa condamnation des crimes de Staline en 1956, ils voient leur exil prolongé. Finalement réhabilités en 1967, ils ne sont cependant autorisés à retourner en Crimée qu’à la fin des années 1980, à la faveur de l’éclatement de l’URSS, et ce malgré leurs actions semi clandestines au cours des années précédentes pour le rétablissement de leurs droits de peuple autochtone. Ce retour se fait dans des conditions très difficiles en raison de l’hostilité affichée des autorités et des populations locales. Avec l’accession de l’Ukraine à l’indépendance en 1991, la question de l’autonomie et du statut des minorités est reposée dans de nouvelles conditions.

La République autonome de Crimée dans l'Ukraine indépendante

Les litiges entre Kiev et Simferopol sur le statut institutionnel de la Crimée sont permanents jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution de la République autonome le 12 janvier 1999. Le 20 janvier 1991, 93,3 % des électeurs se prononcent en faveur du rétablissement de la RSSA de Crimée, non seulement comme sujet de l’URSS, mais aussi en tant que partie prenante du nouveau traité de l’Union proposé alors par Mikhaïl Gorbatchev. En février, alors que l’URSS est au bord de la dislocation, le Soviet suprême de l'Ukraine vote la restauration de la République autonome de Crimée à l’intérieur des frontières ukrainiennes. Une partie de ses habitants revendique la souveraineté ou le rattachement à la Russie, et, si lors du référendum de décembre 1991, l’indépendance de l’Ukraine est approuvée par 54 % des électeurs, ce pourcentage est beaucoup plus faible que ceux enregistrés dans le reste du pays (entre 80 % et 90 % de « oui »). Cette configuration politique nouvelle réactive ainsi les revendications séparatistes d’une partie des Criméens d’origine russe, majoritaires dans la population. En 1992, la Douma russe conteste officiellement la légalité du rattachement de 1954, tandis que le Parlement de Crimée proclame la souveraineté du territoire et adopte une nouvelle Constitution suscitant protestations et pressions de la part des autorités centrales de Kiev.

Le projet d’indépendance est abandonné, mais l’hostilité à l’Ukraine se fait plus vive en 1993 avec la création du poste de président de Crimée et le vote de lois renforçant l’autonomie de la république. En 1994, Iouri Mechkov, favorable à une réunification avec la Russie, à l'instauration de la double citoyenneté et au retour de la Crimée dans la zone rouble, est élu président avec 73 % des suffrages. Toutefois, devenu rapidement impopulaire en raison de la détérioration de la situation économique, il est destitué l’année suivante par le Parlement de Crimée tandis que le sentiment prorusse s’émousse. La fonction présidentielle, la Constitution de 1992 ainsi que les mesures non conformes à la législation ukrainienne sont dès lors abolies, mais le conflit est évité. Une nouvelle Constitution entérinant l’appartenance de la république autonome à l’Ukraine est négociée et, cinq fois remanié, le texte est finalement validé par la Rada ukrainienne en 1998.

Concernant le statut des minorités, destiné surtout à apaiser la situation en contentant la majorité russophone, la Constitution ne mentionne que le respect de la diversité culturelle et linguistique de la Crimée. Les droits des Tatars en tant que peuple autochtone sont passés sous silence. Formant désormais autour de 12 % de la population derrière les Ukrainiens (environ 25 %) et la majorité d’origine russe, ils s’appuient toutefois toujours sur une instance consultative spécifique rétablie en 1991 (dont le statut n’est pas officiellement reconnu) : le Kurultay (Congrès national) qui élit le Mejlis, exécutif de 33 membres. Comme en témoignent les résultats électoraux et les enquêtes d’opinion, les revendications sécessionnistes s’amenuisent au cours des années 2000 et ne sont que marginalement mises en avant par les dirigeants politiques locaux. Russophone à 80-84 %, la population se considère aussi de nationalité ukrainienne avec une forte identité régionale. En revanche, sans être hostile à un rapprochement avec l’UE, elle soutient très majoritairement Viktor Ianoukovytch, appuyé par Moscou. Au moment de la « révolution orange », ce dernier obtient ainsi 81 % des voix au troisième tour de l’élection présidentielle de 2004 et toujours autour de 80 % au scrutin de 2010.

L’aggravation des tensions entre la Russie et l’Ukraine et la sécession

La remise en cause par la Douma de l’appartenance de la Crimée à l’Ukraine en 1992, n’empêche pas la Russie de renouveler son engagement à respecter les frontières de cette dernière en signant en mai 1997 le traité russo-ukrainien d'amitié, de coopération et de partenariat qui est ratifié en février 1999. Parallèlement et à cette même occasion, le litige concernant le stationnement d'une partie de la flotte navale russe (depuis la fin du xviiie siècle) puis soviétique dans le port militaire de Sébastopol est également résolu par la signature de deux accords : l'un sur le partage de l'ancienne flotte soviétique de la mer Noire entre la flotte russe et la Marine ukrainienne ; l'autre sur la location par la Russie du port militaire de Sébastopol pour une durée de vingt ans (jusqu'en 2017), durée prolongée en 2010 de vingt-cinq ans (jusqu'en 2042) par le président Ianoukovytch.

La chute de ce dernier, le 22 février 2014, à la suite de manifestations massives contre son régime et la victoire de l’opposition favorable à un rapprochement avec l’Union européenne, provoquent l’hostilité ouverte de Vladimir Poutine, qui ne reconnaît pas le nouveau gouvernement provisoire formé par la Rada ukrainienne. Réduite à une tentative de déstabilisation et à un « putsch », l’insurrection suscite aussi l’inquiétude d’une partie de la population de Crimée. La participation des nationalistes du parti Svoboda, en première ligne dans les affrontements de février, sert à cet égard d’utile épouvantail. Début mars, par l’intermédiaire de « forces armées non identifiées », la Russie prend le contrôle de fait de la péninsule au nom de la protection de ses intérêts et des populations russophones, provoquant une crise diplomatique internationale majeure. Parallèlement, une propagande active contre le pouvoir « fasciste » instauré à Kiev avec l’appui des Occidentaux se développe en Russie comme en Crimée, tandis qu’est organisé à la hâte un référendum en vue de « valider » la sécession et le retour dans le giron russe.

Le 16 mars, après le vote par le Parlement de Crimée d’une déclaration d'indépendance de la république autonome et de la ville de Sébastopol, le rattachement à la Russie est plébiscité par les électeurs (l’autre option proposée étant le maintien dans l’Ukraine avec une autonomie élargie et le retour à la Constitution de 1992). Déclaré illégal par le gouvernement de Kiev et par la communauté internationale, le référendum est boycotté par la plupart des pro-ukrainiens et, semble-t-il, par une grande partie des Tatars. Si en l’absence d’observateurs internationaux, les résultats proclamés restent sujets à caution, la victoire des pro-Russes est totale. Le 18 mars, alors qu’un accord sur l’annexion est signé à Moscou, la législation russe entre en vigueur en Crimée.

La Crimée depuis 2014

En septembre 2014, des élections sont organisées en Crimée à l’issue desquelles Russie unie remporte 70 sièges sur 75 au parlement de Crimée devenu Conseil d’État. Ce dernier reconduit Sergueï Aksionov (élu le 27 février par les députés lors du coup de force pro-russe) au poste de gouverneur. Célébré à Moscou le 18 mars 2015, le premier anniversaire du retour de la Crimée au sein de la Russie est surtout l’occasion de mesurer la popularité de Vladimir Poutine et la vigueur du nationalisme. Financièrement très coûteuse pour l’État russe, l’annexion entraîne la fin des relations économiques avec l’Ukraine (et une chute du tourisme) tandis qu’en raison des sanctions internationales, qui ne sont toutefois pas intégralement respectées par certaines entreprises, plusieurs groupes étrangers quittent la péninsule. La Russie compense ainsi en partie ces pertes par des investissements massifs tout particulièrement dans les infrastructures, dont le gigantesque pont de Kertch reliant la Russie à la Crimée, inauguré en mai 2018.

La russification a également pour conséquence la répression des dissidents qui sont poursuivis et contraints à l’exil, y compris des responsables influents appartenant à la communauté des Tatars de Crimée, dont l’instance représentative et la chaîne de télévision sont interdites. Deux de ses représentants sont toutefois libérés, en octobre 2017, à la suite des rapports d’Amnesty International et de la Commission des droits de l’homme de l’ONU ainsi que, probablement, de pourparlers entre les présidents russe et turc. En mars 2018, les électeurs de Crimée plébiscitent Vladimir Poutine lors de l’élection présidentielle en lui accordant plus de 92 % des voix avec un taux de participation d’environ 70 %. En juin, l’Union européenne reconduit pour un an les sanctions économiques interdisant l'importation de produits originaires de Crimée ou de Sébastopol dans l'UE et les investissements à destination de la péninsule.

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