Affaire Le Roux

Publié le par Mémoires de Guerre

L'affaire Agnès Le Roux, également appelée de manière abrégée Affaire Le Roux ou Affaire Agnelet, est une affaire criminelle survenue à Nice en France en 1977, qui a pour point de départ la disparition de l'héritière du palais de la Méditerranée, Agnès Le Roux, née le 14 septembre 1948 et âgée de 29 ans, qui n'a plus donné signe de vie depuis le 27 octobre 1977. À ce jour, son corps n'a pas été retrouvé et aucun élément matériel n'a démontré sa mort. L'affaire a défrayé la chronique pendant une trentaine d'années et conserve encore une part de mystère. Le principal suspect est l'ancien amant de la disparue, l'ex-avocat niçois Jean-Maurice Agnelet dit Maurice, né le 10 février 1938. L'enquête est relancée en grande partie grâce aux actions de Renée Le Roux, mère de la victime présumée. Maurice Agnelet est finalement condamné pour assassinat par la Cour d'assises de Rennes, le 11 avril 2014, après 37 années d'atermoiements et d'hésitations judiciaires. 

Agnès Le Roux

Agnès Le Roux

Chronologie de l'affaire

Origines de l'affaire

Lors de la Toussaint, en 1977, à une période estimée entre le 25 octobre et le 2 novembre, Agnès Gloria Le Roux, née le 14 septembre 1948 à Neuilly-sur-Seine, héritière d'une part du casino Palais de la Méditerranée disparaît. Une enquête est lancée mais la police considère initialement l'hypothèse du suicide comme très probable. Le corps d'Agnès le Roux n'a jamais été retrouvé.

En septembre 1978, Jean-Maurice Agnelet, qui a transféré l'argent d'Agnès Le Roux sur un compte ouvert à son nom avec procuration à son autre maîtresse Françoise Lausseure, est placé en garde à vue. Maurice Agnelet affirme qu'il était avec elle en Suisse lors de la disparition d'Agnès Le Roux. Il est alors libéré. En décembre 1978, Agnelet est radié du barreau, car dans le volet financier de l'affaire, il s'est rendu coupable de graves manquements aux règles de sa profession. 

Premier procès

En août 1983, un avis de recherche international est émis contre Agnelet, inculpé d'homicide et d'abus de confiance. Maurice Agnelet, qui vit depuis 1980 au Canada, rentre en France le 8 août 1983. Il est interpellé à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et écroué. Le 7 octobre 1983, la justice abandonne les charges pour le volet criminel, si bien qu'il est libéré le 17 février 1984. Le 30 septembre 1985, Maurice Agnelet bénéficie d'un non-lieu, mais, pour le volet financier, la Cour d'appel de Lyon le condamne à trente mois d'emprisonnement, dont six avec sursis pour abus de confiance et complicité d'achat de votes. 

Second procès

En juin 1999, Françoise Lausseure est menacée d'accusation de complicité de recel de cadavre grâce aux enquêtes de Renée le Roux, mère d'Agnès et ancienne PDG du Palais de la Méditerranée qui a porté plainte contre elle et Agnelet en 1997. Lausseure prend peur et se récuse en déclarant qu'elle avait menti, qu'Agnelet n'était pas avec elle en Suisse lors de la disparition d'Agnès Le Roux. Elle confirme ce revirement en février 2000. Le 7 décembre 2000, le dossier d'homicide volontaire est rouvert chez la juge Anne Vella. Agnelet se retrouve mis en examen pour homicide.

En mars 2004, les faits sont requalifiés en assassinat. Agnelet comparaît le 23 novembre 2006 devant les assises des Alpes-Maritimes. Il est acquitté le 20 décembre 2006 mais le ministère public fait appel. Le 11 octobre 2007, il comparaît en appel devant les assises d'Aix-en-Provence. Il est condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour assassinat. Il se pourvoit en cassation. Le 13 décembre 2007, sa demande de mise en liberté est rejetée. Le 15 octobre 2008, son pourvoi en cassation est rejeté : la condamnation à vingt années de réclusion criminelle devient définitive. Agnès Le Roux est déclarée officiellement morte le 12 avril 2007. 

Derniers développements judiciaires et troisième procès

En 2009, il saisit la Cour européenne des droits de l'homme, estimant que les droits de la défense n'ont pas été respectés et en 2010, demande sa libération conditionnelle. En 2011, un ancien truand marseillais affirme connaître le vrai nom de l'assassin et que Maurice Agnelet « n'a jamais été un assassin ». En septembre 2012, la Commission des révisions pénales rejette la demande de révision du procès de Maurice Agnelet mais le 10 janvier 2013, la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France, car l'acte d'accusation de meurtre n'est pas formellement établi (en raison, notamment, de l'absence de cadavre) et que le verdict rendu à Aix-en-Provence n'a pas été motivé. La Cour de cassation ordonne un troisième procès et Maurice Agnelet est libéré.

Le 7 avril 2014, Guillaume Agnelet, fils de Maurice Agnelet, accuse son père de l'assassinat d'Agnès Le Roux. Il précise qu'il a reçu des confessions de son père et de sa mère, Annie Litas. Agnès Le Roux aurait été tuée par arme à feu et son corps dissimulé à Monte Cassino en Italie. La Cour ordonne le placement sous mandat de dépôt de Maurice Agnelet, alors âgé de 76 ans. Le 9 avril 2014, Annie Litas, première femme de Maurice Agnelet, désavoue formellement son fils. Le 11 avril 2014, Maurice Agnelet est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Le 12 avril 2014, Maurice Agnelet se pourvoit en cassation. Son pourvoi est rejeté le 8 juillet 2015 : la condamnation de l'accusé devient alors définitive. Renée Le Roux meurt un an plus tard, à l'âge de 93 ans. 
 

Maurice Agnelet

Maurice Agnelet

Thèses en présence

Thèse du ministère public et des parties civiles

Le mobile présumé serait le vol de trois millions de francs que détenait Agnès Le Roux dans un contexte de conflit entre associés pour le contrôle et la direction du Palais de la Méditerranée (« guerre des casinos » entre Jean-Dominique Fratoni et le Groupe Lucien Barrière). Dans le but de permettre à un groupe de casinos concurrent, dirigé par Jean-Dominique Fratoni, de prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée au détriment de sa mère, Renée Le Roux (née Bousquet le 22 décembre 1922, décédée le 6 juin 2016 et veuve depuis 1967 d'Henri Le Roux, un riche homme d'affaires né en 1899), Agnès Le Roux aurait cédé ses parts pour la somme de trois millions de francs versés sur un compte en Suisse ouvert en commun avec son amant Maurice Agnelet. 

En effet, Renée Le Roux est en difficulté financière après que son casino a perdu en une soirée quatre millions de francs à une partie de 30 et 40. Elle est persuadée que la partie a été truquée par son concurrent Jean-Dominique Fratoni et refuse de lui vendre l'établissement. Jean-Dominique Fratoni engage Maurice Agnelet, avocat niçois proche de la famille Le Roux, pour convaincre Agnès de s'allier à lui et intervenir dans la rédaction de l'acte de cession, l'avocat ayant eu l'ambition de devenir le nouveau directeur du Palais de la Méditerranée. C'est ainsi que le 30 juin 1977, en échange de 3 millions de francs (environ 450 000 euros) promis par Fratoni, Agnès Le Roux met sa mère Renée en minorité lors du conseil d'administration du casino, en votant contre le renouvellement de son mandat de PDG. L'argent est versé sur un compte bancaire à Genève en Suisse au nom d'Agnès Le Roux et de Maurice Agnelet.

Agnelet connaissait Agnès Le Roux, ayant été engagé par elle lors de son divorce avec Jean-Pierre Hennequet en 1975. Agnelet aurait éliminé Agnès, dont la Range Rover blanche n'a jamais été retrouvée. Les soupçons se précisent lorsque l'enquête montre qu'il a récupéré en septembre 1978 une partie des fonds versés par Fratoni dans une banque Suisse en échange des parts d'Agnès dans le casino niçois. Inculpé en 1983, il bénéficie d'un non-lieu en 1985 de la part du juge Michel Mallard. Cette ordonnance a été confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Maurice Agnelet a longtemps bénéficié du doute grâce à un alibi fourni par son ancienne compagne, Françoise Lausseure, qui avait affirmé s'être trouvée en Suisse avec lui lors de la disparition d'Agnès Le Roux. La position de Maurice Agnelet a basculé lorsque Françoise Lausseure, qui entre-temps est devenue son épouse avant de s'en séparer, a reconnu en 1999 qu'elle avait menti pour rendre service à son amant, à la demande de ce dernier. 

Affaire Le Roux
Thèses de Maurice Agnelet

Disparition volontaire suivie d'un suicide

Dans la mesure où le corps n'a jamais été retrouvé, la première explication de Maurice Agnelet est celle d'une disparition volontaire d'Agnès Le Roux, qui se serait suicidée en un endroit inconnu.

Assassinat par la « mafia des casinos »

Agnès Le Roux était au centre d'un conflit intense en un lieu, la Côte d'Azur française, et spécialement la ville de Nice, et en une période, en l'occurrence la seconde moitié des années 1970, où plusieurs acteurs importants de la vie économique, politique et mafieuse locale étaient en train d'élaborer des stratégies. Les noms de divers protagonistes ont été cités (Jean-Dominique Fratoni, Tony Zampa, Jacques Médecin, etc). La mort suivie de la disparition matérielle d'Agnès Le Roux aurait pu servir à la mafia locale à imposer ses vues sur certaines actions stratégiques. 

Les procès en cour d'assises

Assises des Alpes-Maritimes (Nice, 2006)

  • Partie civile : Georges Kiejman
  • Avocat général : Pierre Cortes
  • Défense : François Saint-Pierre et Jean-Pierre Versini
  • Président de la cour d'assises : …

Déroulement

Inculpé, écroué et bénéficiant d'un non-lieu en 1985, Agnelet est à nouveau accusé en 2000. Le 20 décembre 2006, le jury de la cour d'assises des Alpes-Maritimes l'acquitte en 2006 au bénéfice du doute. Le parquet fait appel du jugement. 

Assises des Bouches-du-Rhône (Aix-en-Provence, 2007)

  • Partie civile : Hervé Temime
  • Avocat général : Pierre Cortes
  • Défense : François Saint-Pierre et Jean-Pierre Versini
  • Président de la cour d'assises : …

Déroulement

Le 11 octobre 2007, le jury de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône le condamne en appel à vingt ans de réclusion pour le meurtre d'Agnès le Roux. Le 15 octobre 2008, son pourvoi en cassation est rejeté par la Cour de cassation et ses avocats saisissent aussitôt la CEDH. Le 31 janvier 2013, à la suite d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour « violation du droit à un procès équitable », la commission de réexamen de la Cour de cassation libère Agnelet et ordonne un troisième procès. 

Assises d'Ille-et-Vilaine (Rennes, 2014)

  • Partie civile : Hervé Temime et Julia Minkowski
  • Avocat général : Philippe Petitprez
  • Défense : François Saint-Pierre
  • Président de la cour d'assises : Philippe Dary

Déroulement

Début mars 2011, Jean-Pierre Hernandez, ancien truand jadis impliqué dans la « French Connection », affirme qu'Agnelet est innocent, car selon lui, l'assassinat aurait été commis par Jeannot Lucchesi, autre membre de la pègre qui, au moment des faits, appartenait au clan du parrain marseillais Gaëtan Zampa. Lucchesi lui aurait confié quelques mois avant sa mort, en 1987, qu'il avait tué l'héritière du casino de Nice le Palais de la Méditerranée en 1977, dans le cadre d'un contrat. Il aurait jeté son corps dans les calanques puis aurait fait écraser sa voiture et l'aurait mise à la ferraille. La famille Le Roux considère qu'il s'agit d'un coup de publicité à l'occasion de la sortie du livre de Jean-Pierre Hernandez tandis que les avocats de Maurice Agnelet, Maîtres Saint-Pierre et Versini-Campinchi y voient un fait nouveau qui leur permet de saisir la Cour de cassation d'un recours en révision: leur demande est rejetée en septembre 2012.

À la suite de cette révélation, l’avocat de la famille Zampa, Me Gilles-Jean Portejoie, dépose plainte pour complicité de « diffamation publique envers la mémoire d'un mort », accusant Hernandez d'avoir porté atteinte à l'honneur de Gaëtan Zampa. Le procès à la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine a lieu du 17 mars au 11 avril 2014. Le 6 avril 2014, Guillaume Agnelet, fils de Maurice Agnelet, déclare au parquet de Chambéry : « J'ai un cas de conscience. J'ai un témoignage à apporter : je suis convaincu que mon père est le meurtrier [d'Agnès Le Roux] ». Une déclaration lue à l'ouverture de l'audience à la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine et que Guillaume Agnelet a répétée à la Cour lors d'une visioconférence depuis Chambéry. Selon Guillaume Agnelet, son père aurait reconnu être l'auteur du crime, ce qu'aurait ensuite confirmé sa mère. 

Il aurait tué la jeune femme de 29 ans dans son sommeil d'une balle dans la tête en Italie, près du Mont Cassin, aurait jeté ses affaires dans une rivière, abandonné le corps dans une forêt, « dénudé et à même le sol », avant de garer la Range Rover blanche d’Agnès, clé sur le tableau de bord, sur le parking d’une gare et de regagner Nice en train. Le 9 avril 2014, l'affaire tourne au psychodrame familial avec la menace de suicide, via un courriel adressé par Annie Litas, la première épouse de l'accusé, à son fils Guillaume Agnelet. Annie Litas rejette toutes les accusations de son fils en déclarant à l'audience : « Je trouve ça totalement irréaliste et rocambolesque. Je n'ai jamais prononcé ces propos ». Le 11 avril, le jury confirme la condamnation à vingt ans de réclusion de Maurice Agnelet. Le 8 juillet 2015, son pourvoi en cassation est rejeté. 

Publié dans Banditisme

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