Mikhaïlovitch de Russie Alexandre
Alexandre Mikhaïlovitch né le 1er avril 1866 à Tiflis, mort le 26
février 1933 à Roquebrune dans le département des Alpes-Maritimes, en France. Amiral de la flotte de la Russie impériale (1915), adjudant-général (1909), président du Conseil pour la Marine
marchande de 1900 à 1902, membre honoraire de l'Académie navale Nikolaïevsky (1903), l'un des fondateur des Forces aériennes russes, l'un des initiateurs de l'École de l'air à Sebastopol (1910),
inspecteur général de l'aviation militaire russe (1916).
Le grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch était membre de la dynastie Romanov qui régnait sur la Russie depuis 1613. Quatrième des six fils du grand-duc Michel Nicolaevitch de Russie et de la grande
duchesse Olga Fiodorovna née Cécile de Bade, il était un des nombreux petit-fils du tsar Nicolas Ier et de la tsarine née Charlotte de Prusse. Le Grand-duc Alexandre et sa famille (vers 1904). Le
6 août 1894, au Palais de Peterhof le grand-duc Alexandre épousa la grande-duchesse Xenia Alexandrovna (1875-1960), sœur du tsar Nicolas II.
De cette union naquirent 7 enfants :
- Irina Alexandrovna 1895-1970 qui épousa en 1914 le prince Félix Ioussoupov 1887-1967
- Andreï Alexandrovitch de Russie 1897-1981.
- Théodore Alexandrovitch 1898-1968
- Nikita Alexandrovitch 1900-1974
- Dimitri Alexandrovitch de Russie 1901-1980
- Rostislav Alexandrovitch de Russie 1902-1978
- Vassili Alexandrovitch de Russie 1907-1989
Alexandre Mikhaïlovitch de Russie reçut une éducation au sein de sa famille, il fut l'ami d'enfance de son cousin Nicolas Alexandrovitch de Russie. Physiquement, les deux cousins se ressemblent,
seule une taille, une allure les différencient, l'un est grand, doté d'une belle prestance, le tsar, de taille plus petite (1,73 mètres) possède un corps trapu, musclé, ce qui, d'ailleurs,
surprendra le tchékiste Rodzinsky au moment du déshabillage après la tragédie de la Maison Ipatiev. Très libéral, très ouvert, le grand-duc fut un prince très cultivé, il se passionnait pour les
sciences, les techniques modernes. Si leurs caractères furent différents, le grand-duc fut un jeune homme extraverti, alors que son cousin le tsarévitch démontrait une certaine timidité. Ils
étaient inséparables pendant leur jeunesse. En 1890, lors du long périple du tsarévitch Nicolas Alexandrovitch, le grand-duc, qui était du voyage, entraîna ses cousins (dont le prince de Grèce
plutôt attiré pour le sexe fort) dans des maisons closes du Caire, ou de la capitale japonaise. Les liens d'amitié entre Alexandre et le tsarévitch se renforcèrent encore après l'union de la
grande-duchesse Xénia avec le grand-duc. L'harmonie dans le couple fut de courte durée, mais ce fut pourtant un mariage d'amour. La Russie devenue trop petite pour lui, le grand-duc s'engagea
dans la Marine impériale et parcourut les mers du globe. « J'étais tellement heureux, dirat-il, comme un prisonnier qui s'est réveillé au matin de sa libération ».
En 1885, Alexandre Mikhaïlovitch de Russie sortit diplômé du Collège naval avec le grade de garde-marine (grade en vigueur dans la Russie impériale de 1716 à 1917), il intégra un équipage de la
garde et servit dans la Marine impériale. En 1886, Alexandre Mikhaïlovitch de Russie entreprit un voyage à bord de la corvette Rynda. De 1890 à 1891, sur son propre yacht le Tamara, le grand-duc
se rendit en Inde. En 1892, il fut nommé commandant du Revel. En 1893, avec le grade de lieutenant de marine il entreprit un voyage en Amérique du Nord à bord du croiseur Dmitry Donskoï. Au cours
de sa visite à New York, il prit part aux festivités données à l'occasion du 400e anniversaire de la découverte de l'Amérique. En 1894, il fut promu capitaine 2ème classe (grade correspondant à
celui de lieutenant-colonel dans l'infanterie ou l'armée de l'air). De mars 1895 à juillet 1896, le grand-duc servit en qualité d'officier sur le Grand Sisoy.
En 1891, Alexandre Mikhaïlovitch de Russie fut l'initiateur et le fondateur de la première édition de l'annuaire de la « flotte militaire » En 1895, la grand-duc mit au point avec Nicolas II le
programme de renforcement de la flotte russe dans l'océan Pacifique. Constatant le programme de construction navale des Japonais, le grand-duc annonça une guerre prochaine avec l'Empire du Soleil
levant (1903-1904). Le programme fut accepté, aucune discussion n'ayant été engagée, le grand-duc donna sa démission.
En 1898, Alexandre Mikhaïlovitch reprit du service dans la Marine impériale. Le 31 janvier 1899, il servit en qualité d'officier à bord du cuirassé de défense côtière Amiral général Apraxine. De
1901 à 1902, le grand-duc reçut le commandement du cuirassé Rostislav. Le 1er janvier 1903, il fut élevé au grade d'amiral et fut nommé le plus jeune chef de la flotte de la mer Noire avec
l'admission dans la suite de Sa Majesté Impériale. Pendant la Guerre russo-japonaise, il supervisa la préparation des croiseurs auxiliaires et au cours de la Première Guerre mondiale, il organisa
l'armée impériale de Russie.
Il prend conscience, lorsqu'il voyage à de nombreuses reprises aux États-Unis, de la nécessité d'une aviation civile et militaire pour son pays. Il créa et développa l'aéronautique civile
(l'ancêtre de l'Aeroflot) et militaire russe (Forces aériennes impériale de Russie), il fonda des écoles de pilotes et d'ingénieurs, créa des usines aéronautiques. Grâce à lui, l'aviation russe
pendant la Première Guerre mondiale fut techniquement plus avancée que certains pays étrangers. En outre, elle fut meilleure que l'aviation allemande. Son chemin croisa celui d'Igor Sikorsky dans
sa recherche d'amélioration des Forces aériennes impériales de Russie. Ce dernier sera le futur inventeur de l'hélicoptère, mais ses opinions politiques et ses origines polonaises lui attirèrent
l'hostilité de la police russe. Grâce à l'aide du grand-duc, le pionnier de l'aéronautique russe bénéficia de son aide financière pour la réalisation de plusieurs avions comme l'Ilya Mouromets
(1913), le S-6-B (1914), le quadrimoteur Bolchoï Baltiski ou Roussky Vityaz (1913) dont il fut le pilote d'essai lors de son premier vol le 13 mai 1913.
Le grand-duc Alexandre prôna l'association des classes naissantes de la Russie impériale au gouvernment. Politiquement, il fut en parfaite harmonie avec le comte Witte et Stopypine dont il
partageait les vues politiques. Le grand-duc sera le premier et l'unique membre de la famille Romanov à percevoir l'antagonisme qui, quelques années plus tard, se déclara entre la Russie et les
États-Unis. Au cours de ses multiples voyages sur le continent américain, il se lia avec le président Théodore Roosevelt et il manifesta un grand intérêt envers les institutions de cet État et
envers son système capitaliste. Il noua des liens avec différentes personnalités du Congrès. Cela le conduisit à établir une comparaison entre la Russie et l'État américain, et ainsi à chacun de
ses retours à Saint-Pétersbourg, il constatait , amer, combien l'inertie des hommes politiques russes et leur réticence à réformer les institutions en Russie menaçaient de jeter l'Empire russe
dans l'anarchie.
Il tenta de ramener le tsar à la raison, en qualité de conseiller, afin de sauver la monarchie du péril qui la menaçait. Il lui proposait de mettre en œuvre les réformes nécessaires. Mais
Raspoutine jouissait déjà d'une grande influence au sein de la famille impériale. A plusieurs reprises, les Forces aériennes de la Russie impériale placées sous le commandement du grand-duc
Alexandre tirèrent l'armée russe de mauvais pas, pendant la Première Guerre mondiale. Cela fit douter le tsar de ses certitudes, mais influencé par le staretz et l'impératrice Alexandra
Fiodorovna, Nicolas II renonça en fin de compte à écouter son cousin.
Le grand-duc tenta encore de raisonner son cousin après la disparition de Raspoutine, lorsqu'ils se virent pour la dernière fois, mais le tsar était convaincu de la déloyauté d'Alexandre envers
la monarchie. Ce dernier, quant à lui, perdant toute confiance envers son souverain brisa les liens d'amitié qui unissaient les deux hommes depuis leur enfance, mais sans lui ôter son affection.
Cette ultime tentative de raisonner le tsar eut lieu dans la chambre à coucher de l'impératrice alors souffrante. Le grand-duc tenta de persuader son cousin de la nécessité de promulguer une
constitution et de gouverner étroitement avec la Douma. La tension entre les deux hommes atteignit son point culminant lorsque le thème de l'assassinat de l'Ami fut abordé. Il se trouvait que
l'un des assassins du staretz n'était autre que le gendre du grand-duc, le prince Youssoupoff, attirant sur lui la colère de l'impératrice. Nicolas II et son épouse considérèrent qu'Alexandre
était coupable de complicité. En prenant la défense des assassins de l'Ami, il avouait selon eux sa connivence avec les coupables. De plus, ce soutien à son gendre le plaçait dans le camp des
adversaires de la monarchie. Au terme de cet entretien le tsar se rangea du côté de son épouse. Le grand-duc ne revit jamais le tsar.
Le grand-duc en exil revint plus tard sur les erreurs commises par Nicolas II et avoua son regret de ne pas avoir tenté un coup d'État après leur dernière entrevue suivie de l'abdication du tsar
le 1er mars 1917. Le grand-duc aurait persuadé le tsar de demeurer dans la capitale et d'intimer l'ordre à Alexandra Fiodorovna de résider en Crimée.
Son penchant pour les femmes amena le grand-duc à commettre de nombreux écarts de conduite et à s'éloigner de son foyer. Malgré tout, il fut très aimé de ses enfants. Contrairement à la tradition
familiale impériale qui obligeait les jeunes hommes à se vouer à la carrière militaire, le grand-duc respecta les goûts de ses fils pour les arts. Le grand-duc et son épouse apportèrent à leurs
enfants toute la tendresse et l'attention nécessaires à leur épanouissement. Après la Révolution de février 1917, tous les membres de la famille impériale furent rayés des effectifs de l'armée et
il fut démis de ses fonctions dans la Marine le 22 mars 1917.
Il décida alors de rejoindre l'impératrice douairière en Crimée afin de mettre en sécurité son épouse et ses enfants. Cette ancienne partie de l'Empire était tenue par l'Armée blanche. Le couple
Youssoupoff, la sœur cadette de Nicolas II (la grande-duchesse Olga) et son époux les rejoignirent à mi-chemin à Kiev. La capitale de l'ancienne province ukrainienne était tenue par des forces
nationalistes aidées des Allemands. Le danger menaçait donc la famille impériale. Aussi le grand-duc Alexandre, revolver en main, n'hésita pas à s'emparer d'un train qu'il conduisit en sécurité
jusqu'en Crimée. Les rescapés de la famille impériale s'installèrent dans des palais ou des villas leur appartenant, comme la Villa Aïn Todor, propriété du grand-duc. Il y vécut quelques temps et
quitta la Russie en 1920, lorsque les Bolcheviks se rapprochèrent de la Crimée. Le grand-duc prit la décision de se rendre en France pour demander des secours, mais le gouvernement français les
lui refusa. Pendant ce temps en Russie, l'assaut de la Crimée fut ordonné par les Bolcheviks. Le temps pressait. Le grand-duc parvint à affréter un navire anglais, ce qui permit aux membres de la
famille Romanov présents en Crimée de fuir, parmi ceux-ci le prince Félix Youssoupov et son épouse Irène, fille du grand-duc, l'impératrice-mère Marie Fédorovna, belle-mère d'Alexandre, Théodore
Alexandrovitch, Xenia Alexandrovna, ses enfants, etc.
Alexandre Mikhaïlovitch de Russie participa à la Conférence de Paix de 1919, en qualité de représentant de la famille impériale. Assistant au défilé des Alliés sur les Champs-Élysées, il remarqua
l'absence des troupes russes. Aucun drapeau russe ne flottait sur la plus belle avenue du monde. Quelle déception ! Alors que plusieurs millions de ses compatriotes avaient combattu dans les
rangs de la Triple Entente et avaient perdu la vie. Tous ces hommes avait offert le sacrifice de leur vie en vain. Le traité de Brest-Litovsk signé le 3 mars 1918 par les Bolcheviks et Lénine
réduisit à néant le sang versé par les soldats de la Russie impériale qui étaient restés fidèles à l'alliance militaire signée par la France, La Grande-Bretagne et la Russie. L'armée impériale
avait sacrifié à plusieurs reprises ses meilleurs régiments, comme à la bataille de Tannenberg (du 17 août au 2 septembre 1914) où les troupes russes pour soulager leur allié français envahirent
la Prusse-Orientale, obligeant ainsi les Allemands à dégarnir le front français pour renforcer le front Est et permettant ainsi à l'armée française de sauver Paris de l'occupation allemande, et
de remporter la bataille de la Marne.
Après avoir obtenu le droit d'asile pour sa famille en Angleterre, le grand-duc tranquillisé s'établit à Biarritz et vécut séparé de son épouse. Il s'éprit d'une jeune Anglaise, mais l'aventure
ne dura pas. Il rendait souvent visite à la princesse Paley qui lui redonna peu à peu goût à la vie. Un lien d'estime se noua entre ses deux êtres qui, pour l'une avait perdu son époux et son
fils dans la tourmente de la Révolution, et pour l'autre ses trois frères, l'un exécuté à Alapaïevsk, les deux autres à la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg. Il recevait aussi
souvent la visite du grand duc André et de son frère Boris qui venaient régulièrement à Biarritz.
Le grand-duc fit la connaissance à Monte-Carlo d'un diplomate du futur royaume éthiopien qui proposa au grand-duc d'intégrer les services diplomatiques du futur Hailé Sélassié Ier. Le négus
projetait de reprendre un monastère aux mains de moines orthodoxes à Jérusalem. Vers 1900, le futur roi d'Éthiopie avait été chaleureusement reçu par le grand-duc en Russie et il gardait en
mémoire cet accueil et se souvenait des dons remarquables du grand-duc en matière de diplomatie. Alexandre se rendit donc en Abyssinie où il fut l'invité du futur empereur quelque temps. Toujours
aussi passionné par l'aéronautique, le grand-duc créa les forces aériennes abyssiniennes dont les avions étaient pilotés par des Russes issus de l'Armée Blanche.
Le grand-duc rendait régulièrement visite à son épouse et à ses fils résidant en Angleterre. Après avoir publié quelques ouvrages de spiritualité, le grand-duc fut invité par les Américains à
donner des conférences. Il exposa de ville en ville ses théories dans des théâtres, des cabarets, etc...Ce voyage au cours duquel le grand-duc fut extrêmement sollicité dura six mois. Il fut
souvent exhibé comme une bête de foire et à la fin du voyage il n'éprouva qu'amertume et fatigue, avec en outre, des douleurs dans le dos. A son retour des États-Unis, le grand-duc Alexandre
s'installa dans une petite maison des environs de Roquebrune-Cap-Martin, où il termina ses Mémoires. Ses douleurs dans le dos persistant, il consulta un médecin qui diagnostiqua un cancer déjà
très avancé sans aucun espoir de guérison. Il termina ses Mémoires dans la souffrance.
Le grand-duc Alexandre, sentant sa fin proche, invita son épouse et sa fille, la princesse Youssoupoff, les premiers mois de 1933, dans sa petite maisonnette de Roquebrune-Cap-Martin. Les deux
femmes constatèrent l'amaigrissement du grand-duc et les signes évidents de la maladie. Le grand-duc entouré de sa fille et de son épouse aurait pu attendre la mort sereinement, mais il n'en fut
rien, car sur son insistances elles se rendirent un jour à une fête de charité. Elles trouvèrent son corps sans vie à leur retour. C'était le 26 février 1933. Les funérailles simples du grand-duc
eurent lieu dans l'église du petit village de Roquebrune en présence de son épouse, du préfet des Alpes-Maritimes, du roi Christian X de Danemark, du prince et de la princesse Yousoupoff et de
ses six fils. Après son décès survenu le 20 avril 1960, son épouse, la grande-duchesse Xenia, fut inhumée à ses côtés.