Bigot Eugène

Publié le par Roger Cousin

Bigot EugèneEugène Bigot est un chef d'orchestre et compositeur français, né le 28 février 1888 à Rennes et mort à Paris le 17 juillet 1965. Eugène Bigot naquit dans une famille cultivée mais de condition très modeste. Violoniste puis altiste de formation, c’est au Conservatoire de Paris (dirigé par Gabriel Fauré), qu’il vint en 1905 compléter les études musicales entreprises au conservatoire de sa ville natale, et notamment dans les classes d’écriture : harmonie chez Xavier Leroux, contrepoint chez André Gédalge, fugue et composition chez Paul Vidal.

Il poursuivit parallèlement une intense activité d’instrumentiste remplaçant dans divers théâtres de la capitale et singulièrement à l’Opéra et l’Opéra-Comique, y compris pendant son service militaire, à l'issue duquel il passa le concours de Sous-chef de Musique. En janvier 1913, il amorça une carrière de chef des chœurs, lors de la saison inaugurale du Théâtre des Champs-Élysées de Gabriel Astruc, carrière prolongée quelque temps à l’Association Chorale Professionnelle de Paris. Puis, il travailla comme timbalier au Théâtre Mogador jusqu’à l'éclatement de la Première Guerre mondiale.

Au retour de la Grande Guerre (qu’il fit au sein d’une unité combattante, et notamment à Verdun), il n’obtint pas la dérogation qui lui aurait permis de tenter le Prix de Rome, mais reprit sa carrière d’altiste, aux Concerts Pasdeloup, tout en assistant Désiré-Émile Inghelbrecht à la tête de l’Association des Concerts Ignace Pleyel. Ce dernier lui demanda bientôt de le seconder à la direction des Ballets suédois de Rolf de Maré avec lesquels il sillonna l’Europe de 1920 à 1923 ; cette période marque le véritable démarrage de sa carrière de chef d’orchestre, confirmée en 1923 par son élection sur concours au poste de Second Chef, adjoint de Philippe Gaubert à la Société des Concerts du Conservatoire, poste qu’il conserva jusqu’à sa suppression en 1925.

Nommé Directeur de la Musique et Premier Chef d’orchestre du Théâtre des Champs-Élysées, il présida ensuite les 2 saisons de l’Opéra-Music-Hall imaginé par de Maré (1925-27). Dès cette époque Pierre Monteux commença à l’inviter à conduire sa formation, l’Orchestre symphonique de Paris, cependant que les Concerts Straram et son chef fondateur, Walther Straram, sollicitaient son concours à diverses reprises. En 1927, il fit son entrée comme chef d’orchestre au Poste Radiophonique du Petit Parisien, premier embryon de la Radio française et l’année suivante, André Messager, directeur artistique de la Compagnie Française de Radiophonie, le nommait Chef d’orchestre du Poste de Radio-Paris « responsable des émissions symphoniques et lyriques », fonctions confirmées à la création effective de la Radiodiffusion Française et qu’il conserva jusqu’en 1934; dès lors son nom se trouva définitivement associé aux concerts radiophoniques.

Au terme de la saison lyrique française inaugurale de l’Opéra de Monte-Carlo, en 1934, Inghelbrecht l'associa à la fondation de l’Orchestre National de la Radio, ancêtre de l'Orchestre national de France; puis après une saison Lamoureux partagée avec Louis Fourestier, Charles Münch, Pedro de Freitas-Branco et Jean Morel (1934-1935), il fut élu Président-Chef d’orchestre de l’Association des Concerts Lamoureux, poste qu’il occupa pendant 15 ans (1935-50). En 1936 enfin, Jacques Rouché le nomma Premier Chef d’orchestre au Théâtre national de l'Opéra-Comique où il resta jusqu’en 1947, cependant que son activité de chef symphonique se poursuivait épisodiquement avec l’Orchestre National, puis avec le nouvel Orchestre symphonique de la Radiodiffusion Française ou Orchestre Radio-Symphonique, fondé en 1937.

Il passa quasiment toute la première année de la Seconde Guerre mondiale à Rennes, où la Radio s’était repliée, comme Premier Chef du Poste de Radio-Bretagne. Puis, et ce jusqu’à la Libération, son activité se recentra exclusivement sur les Concerts Lamoureux, et la Salle Favart, une fois rouverte. Il participa ensuite activement à la réorganisation des orchestres de la Radio, puis présida en qualité de Premier Chef aux destinées de l'Orchestre Radio-Symphonique de Paris (plus tard rebaptisé Orchestre philharmonique de la RTF, puis de l'ORTF et enfin Orchestre philharmonique de Radio France). À la tête de cette phalange, dont il demeura le patron pratiquement jusqu’à sa mort, mais également avec l'Orchestre Radio-Lyrique et l’Orchestre de Chambre, il fit entendre et enregistra un nombre considérable d’œuvres de musique française du répertoire, méconnues ou nouvelles, notamment à destination des Radios étrangères. En octobre 1946, il se vit confier par Claude Delvincourt, Directeur du Conservatoire de Paris, le poste de professeur chargé du cours de direction d’orchestre de la Section spéciale Etrangers créée par lui. Son enseignement y prit fin en 1957. Dans le même temps, il assura un cours de direction à l’École normale de musique de Paris.

Entre 1945 et 1963, en complément de ses responsabilités parisiennes, il réalisa de nombreuses émissions au pupitre des orchestres des stations périphériques de la Radio telles Lille, Marseille ou Strasbourg, et participa à six reprises au Festival de Vichy (1952-58) ; il dirigea fréquemment aussi, dans de grandes villes de province et d’Europe, le répertoire symphonique et lyrique, et anima les saisons lyriques françaises des Théâtres de Genève, Barcelone, Amsterdam, Bâle, etc. De 1958 à 1964, il présida le jury du Concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon ; son plus célèbre lauréat fut, en 1959, Seiji Ozawa (qui continua à bénéficier de ses avis et conseils pendant deux ans). Au tournant des années 60 enfin, il fut à plusieurs reprises chargé du cours de direction d’orchestre à l’Académie Internationale d’Eté de Musique de Nice fondée par Fernand Oubradous, et donna une master-class en marge du Festival d'Aix-en-Provence. Eugène Bigot repose au cimetière de Levallois-Perret. Eugène Bigot était officier de la Légion d'honneur et des Arts et Lettres.

Particulièrement estimé comme interprète de la musique française, mais également russe ou espagnole, ainsi que de Wagner et Richard Strauss, il ne fit pas toujours l'unanimité dans Beethoven, au motif qu'il ne suivait pas certaines traditions. En réalité, la sûreté de son métier (fondée sur la maîtrise du solfège alliée à une technique impeccable) lui permettait d’aborder les œuvres les plus diverses, y compris celles, souvent plus complexes, des compositeurs contemporains, qui surent apprécier la rigueur de ses interprétations : l’authenticité de ses exécutions reposait en effet sur le respect absolu des volontés exprimées par les auteurs, un principe qu’il avait érigé en devise intangible.

Ses responsabilités de chef et de pédagogue le détournèrent très souvent de la composition ; il écrivit toutefois de nombreuses pièces de musique de chambre, instrumentale, symphonique, de scène, ou de ballet (Timpaniana, Seconde Pièce en Ut, Sicilienne, Malinconia, Dansgille, Suite à danser, la Rose de Lantenay, la Princesse d'Élide, Cinq Esquisses, Janus-variations chorégraphiques). Si les éditeurs d'après-guerre ne lui confièrent que la réalisation d'une demi-douzaine de microsillons (tels le Poème de Chausson avec Jacques Thibaud, les concertos de Liszt avec Raymond Trouard, le motet Exultate Deo de Clérambault) et dont certains ne furent d'ailleurs commercialisés qu’aux États-Unis par VOX (Fantaisie opus 111 de Fauré et concerto n° 17 K.453 de Mozart avec Gaby Casadesus) il grava des centaines de 78 tours (entre 1928 et 1948) pour Columbia, Pathé, Gramophone et Polydor, principalement en tant qu'accompagnateur d'artistes lyriques célèbres tels Georges Thill, Germaine Féraldy, José Luccioni, Mado Robin, André Pernet, Janine Micheau etc, et qui font l'objet de rééditions en CD (chez Malibran, MDV, Lebendige Vergangenheit, EMI etc). C’est également le cas pour la célèbre version anthologique de Louise de Gustave Charpentier (1935) dont les transferts CD n’ont guère connu d’interruption (Nimbus, Naxos).

De même, avec beaucoup des plus grands virtuoses du clavier ou de l'archet du moment, débutants ou confirmés, Bigot signa nombre de pages du grand répertoire (rééditées chez EMI, Andante, Pearl, Byddulph, Lys, Dutton, Strings, Hungaroton etc.) : Yves Nat (Schumann : concerto pour piano), Robert Casadesus (Mozart : concerto n° 24, Weber : Concertstück), André Navarra (Schumann : concerto pour violoncelle), Marcel Moyse (Mozart : concerto pour flûte n°1), Pierre Fournier (Tchaïkovski : Variations sur un thème rococo), Ruggiero Ricci (Saint-Saëns : concerto pour violon n° 3, Paganini-Wilhelmj : concerto n° 1, Ravel : Tzigane, Bach : concerto n° 2), Andor Foldès (Bartok : concerto pour piano n° 2), Wanda Landowska (Bach : concerto pour clavecin en ré mineur, Haendel : concerto en si bémol, Haydn : concerto pour clavier en ré), Lola Bobesco (Lalo : Symphonie Espagnole), Alexandre Borowsky (Bach-Busoni : concerto en ré mineur, concerto en fa mineur), Gaby Casadesus (Mozart : concerto n° 25), Maurice Maréchal (Jean-Chrétien Bach : Concerto pour violoncelle et cordes en ut mineur) etc. D’autres attendent encore de sortir de l'ombre, comme Jean Doyen (Mendelssohn : concerto pour piano n° 2), Henry Merckel (Beethoven : concerto pour violon) ou Lucette Descaves (Falla : Nuits dans les Jardins d’Espagne). Enfin Radio France conserve dans ses archives de l'INA des centaines de concerts enregistrés dans ses studios ou en salle de concert entre 1948 et 1964.

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