Débarquement de Normandie
Le débarquement de Normandie, également appelé débarquement en Normandie, ou encore débarquement allié en Normandie, nom de code opération Neptune, est une opération militaire amphibie et aéroportée alliée de la Seconde Guerre mondiale lancée dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. C'est la phase d'assaut d'une plus vaste opération qui vise à créer une tête de pont alliée de grande échelle dans le nord-ouest de l'Europe et l'ouverture d'un nouveau front à l'ouest. Ce débarquement marque le début de l'opération Overlord, nom de code de la bataille de Normandie. Cette opération Neptune incluait les opérations aéroportées américaine et britannique pendant la nuit du 6 juin ainsi que les les bombardements préparatoires aériens et navals des défenses côtières allemandes, la traversée de la Manche par plusieurs milliers de navires et enfin le débarquement des troupes dès le 6 juin au matin (« Jour J ») sur les plages du nord-est du Cotentin et de l'ouest du Calvados dans les secteurs (d'ouest en est) d'Utah Beach et Omaha Beach et de la pointe du Hoc pour les Américains, Gold Beach pour les Britanniques, Juno Beach pour les Canadiens et Sword Beach pour les Britanniques (incluant les Français libres des commandos Kieffer). Une fois les plages prises, l'opération se poursuit par la jonction des forces de débarquement et l'établissement d'une tête de pont sur la côte normande puis l'acheminement d'hommes et de matériels supplémentaires. Les jours suivants voient la mise en place des structures logistiques (ports artificiels Mulberry, oléoduc sous-marin PLUTO) pour le ravitaillement du front et le débarquement de troupes supplémentaires. L'opération cesse officiellement le 30 juin 1944.
Contexte
Entre le 27 mai et le 4 juin 1940, plus de 338 000 hommes du Corps expéditionnaire britannique et de l'Armée française, encerclés sur les côtes du nord de la France, regagnent le Royaume-Uni grâce à l'évacuation de Dunkerque. La signature de l'armistice puis l'occupation allemande en France privent les alliés de l'Europe de l'Ouest continentale. Après l'invasion de l'Union Soviétique par l'armée allemande en juin 1941, Joseph Staline commence à demander aux alliés l'ouverture d'un second front en Europe de l'Ouest. Fin mai 1942, les États-Unis et l'Union soviétique font une déclaration commune sur l'urgence de créer un second front à l'ouest. Mais le premier ministre britannique Winston Churchill persuade le président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt de retarder le débarquement promis, les alliés n'ayant pas encore les forces adéquates pour une opération de cette ampleur.
Après la tentative du débarquement de Dieppe du 19 août 1942 où les troupes canadiennes essuient un cuisant échec sous le feu allemand du haut des falaises du pays de Caux, les Alliés attendent presque 2 ans pour retenter un débarquement dans le nord-ouest de l'Europe. Entretemps, ils ont développé un savoir-faire et acquis de l'expérience en réussissant plusieurs autres débarquements : en Afrique du Nord en novembre 1942, en Sicile en juillet 1943 suivie de ceux dans la botte italienne en septembre 1943 ainsi que, pour les seuls Américains, différents débarquements dans des îles du Pacifique depuis 1942 ; le débarquement de Normandie a pu ainsi tirer parti des retours d'expérience de ces précédentes opérations amphibies et choisir les plages du Calvados et du sud-est du Cotentin, plus faciles d'accès. Mais après le débarquement, les difficultés rencontrées avec le blocage devant Caen et l'obligation de progresser dans l'épais bocage normand dans ce qui sera appelé plus tard la bataille des Haies ont été une mauvaise surprise.
Préparation
L'opération Neptune doit répondre à deux objectifs successifs : établir une tête de pont sur la côte normande puis y acheminer renforts et ravitaillement. Pour cela, Neptune va s'articuler en plusieurs opérations :
Dans la nuit du 5 au 6 juin, les opérations aéroportées ont pour objectif de sécuriser le flanc est sur l'Orne et le flanc ouest ainsi que la sortie de plage à l'ouest dans le Cotentin. L'opération Tonga est le parachutage et l'arrivée par planeurs de la 6e division aéroportée britannique sur le flanc est du canal de Caen à la mer et à Ranville, près du fleuve Orne. Le but est de tenir le flanc gauche du secteur de débarquement, particulièrement les ponts pour empêcher les blindés allemands de rejoindre les plages et permettre par la suite aux blindés britanniques de les utiliser. En effet, la zone du débarquement est bordée à l’est par le canal de Caen à la mer et par l’Orne. Le contrôle des deux ponts les plus proches de la zone de débarquement, le Pegasus Bridge et le pont de Ranville s’avère un objectif stratégique. Les opérations Albany et Boston sont le parachutage de régiments des 101e et 82e divisions aéroportées américaines dans le nord-est du Cotentin. Elles sont précédées par la mise en place des pathfinders et suivies par l'atterrissage de planeurs de ces mêmes divisions (opération Chicago, Keokuk, Detroit et Elmira). Elles sont suivies par d'autres opérations parachutées le 7 juin. Leur but est de protéger le flanc ouest de la zone de débarquement et surtout de contrôler les sorties de plages d'Utah Beach. En effet, celle-ci, contrairement aux autres plages, se trouve sur un cordon littoral isolé par des marais et n'est reliée que par quelques routes à la péninsule du Cotentin. En soutien, l'opération Dingson et l'opération Samwest sont le parachutage en Bretagne de 36 parachutistes français en quatre groupes.
Traversée de la Manche de la flotte de débarquement et des bâtiments d'appui naval, avec, préalablement, les :
- Opération Gambit : positionnement de deux sous-marins de poche pour baliser les plages Est.
- Opération Maple : opération de minage naval pour protéger les flancs de la force d'invasion (6 850 mines furent mouillées durant cette opération).
- Jour J : Assaut et débarquement
- Bombardement aérien puis naval des défenses allemandes sur la côte devant les plages de débarquement et des batteries de canons plus à l'intérieur des terres.
- Assaut sur les cinq plages de la côte normande : Utah Beach, Omaha Beach pour les Américains et Sword Beach, Juno Beach et Gold Beach pour les Anglo-Canadiens. S'y rajoutent l'escalade et la prise de la pointe du Hoc par les rangers américains.
- Une fois les plages et leurs abords pris, elles doivent être nettoyées et des chenaux dégagés afin de permettre un débarquement de plus grande ampleur de troupes et de matériels.
- Jours suivants : Mise en place des structures de ravitaillement
- Deux ports artificiels, dont le port Mulberry : les alliés ont renoncé à prendre directement un port en eaux profondes. Pour pouvoir acheminer le ravitaillement, l'armement et les troupes, ils vont mettre en place un port artificiel (l'autre port est détruit par une tempête avant sa mise en place) devant une des plages prises.
- Un oléoduc à travers la Manche, l'opération Pluto.
Des cartes postales permirent aux services de renseignements britanniques de se familiariser avec l'aspect des côtes normandes. Ils s'aidèrent aussi de cartes topographiques, de photos aériennes prises par des avions de reconnaissance et des renseignements des espions.
Avant et durant l'opération Neptune eut lieu l'opération Fortitude, nom de code collectif des opérations de désinformation et de diversion des Alliés dont le but était double :
d'abord dissimuler à l'état-major allemand le lieu réel du débarquement en Europe du Nord-Ouest, par le biais de la résistance qui devait faire croire à l'état-major allemand que le débarquement se déroulerait sur une autre plage, c'est-à-dire le Pas-de-Calais qui était le plus prévisible pour l'état-major allemand.
ensuite, une fois le débarquement de Normandie effectué, faire croire qu'il ne s'agissait que d'un débarquement secondaire de diversion. Le premier objectif tactique était d'éviter un renforcement des défenses, ainsi qu'une concentration de troupes en Normandie. Il s'agissait ensuite d'éviter une arrivée trop rapide des renforts allemands dans les premiers jours suivant le débarquement. En particulier, il fallait tenir à l'écart les unités blindées de la XVe armée stationnées dans le Pas-de-Calais avant que les Alliés aient pu établir une tête de pont suffisamment solide.
L'opération Fortitude comprit deux volets :
- l'opération Skye (britannique) : British Fourth Army, armée fictive basée à Édimbourg et en Irlande du Nord pour faire croire à un débarquement en Norvège ;
- l'opération Quicksilver (américaine) : First United States Army Group (FUSAG), groupe d'armées fictif commandé par le général Patton pour faire croire à un débarquement dans le nord de la France, utilisant pour ça des chars factices en caoutchouc.
Le jour J initialement prévu le lundi 5 juin 1944 est décalé en raison des conditions météorologiques très défavorables. Les officiers alliés décident de lancer l'opération le 6 juin malgré les conditions météorologiques toujours peu favorables, comme un temps assez capricieux, mais aussi d'une marée qui n'est pas favorable aux Alliés. Ils n'ont pas changé de date une seconde fois pour éviter des fuites de l'opération parviennent aux allemands ainsi qu'un moral qui pourrait être réduit par les troupes alliés qui n'attendaient que le débarquement sachant que des entraînements avaient fini en bataille avec les U-Boote allemands et les torpilleurs.
Dès la fin 1943, Adolf Hitler et ses généraux sont certains que les Alliés vont débarquer en Europe dans les mois qui viennent, mais ils ne savent pas où. Le mur de l'Atlantique est construit par le Troisième Reich le long de la côte occidentale de l'Europe pour empêcher une invasion du continent par les Alliés depuis la Grande-Bretagne. Mais ce mur de fortifications, que la propagande nazie disait imprenable, comportait d'innombrables lacunes.
Les maréchaux Gerd von Rundstedt, aux commandes sur le front ouest depuis 1942, et Erwin Rommel, nommé en janvier 1944 commandant du groupe d'armées B chargé de la défense du nord-ouest de l'Europe, des Pays-Bas jusqu'à la Loire, la zone la plus probable pour le débarquement allié, n'est pas d’accord sur la stratégie à adopter pour faire face à l'invasion. Alors que Rommel veut repousser les Alliés sur les plages, dès les premières heures du débarquement, von Rundstedt préconise un système de défense plus mobile : des troupes armées et blindées en retrait dans les terres qui, concentrées, livreraient le combat après le débarquement, car selon lui, les Alliés ne pourront combattre longtemps sans disposer d'un port. Von Rundstedt juge donc opportun de maintenir les divisions blindées en retrait alors que Rommel les souhaite au plus près des côtes. Hitler ne tranche pas entre les deux hommes : trois divisions seront positionnées près des côtes, le reste à l'arrière.
Ordre de bataille
L'ordre de bataille était approximativement le suivant :
- Le 1st Special Service Brigade comprenant les commandos britanniques No. 3, No. 4, No. 6 et No. 45 (RM) débarquent à Ouistreham dans le secteur Queen Red (à l'extrême gauche). Les hommes du No.Commando 4 sont renforcées par le 1st Troop et le 8e Troop (dont les 177 fusiliers marins français du commandant Kieffer) des 10e commandos interalliés.
- La 3e division d'infanterie britannique et la 27e brigade cuirassée à Sword Beach, de Ouistreham à Lion-sur-Mer.
- 41e (RM) commando (de la 4e Special Service Brigade avec les 46e (RM), 47e (RM) et 48e(RM) commandos), débarque à la droite de Sword Beach.
- La 3e division d'infanterie et la 2e brigade blindée de l'armée canadienne, la 2de brigade cuirassée et le 48e (RM) commando à Juno Beach, entre Saint-Aubin-sur-Mer et Courseulles-sur-Mer.
- Le 46e (RM) commando à Juno doit escalader la falaise à gauche de l'estuaire de l'Orne et y détruire une batterie (la puissance de feu de cette batterie étant apparue comme négligeable, le 46e commando est mis de côté comme une réserve flottante et débarque à Jour J+1).
- La 50e division britannique et la 8e brigade cuirassée à Gold Beach, de La Rivière à Arromanches.
- Le 47e (RM) commando sur le flanc Ouest de Gold beach.
- Le 5e Corps US (1re division d'infanterie et 29e division d'infanterie) de l'US Army à Omaha Beach, de Sainte-Honorine-des-Pertes à Vierville-sur-Mer.
- Le 2e bataillon de rangers US à la pointe du Hoc.
- Le 7e corps US (4e division d'infanterie plus d'autres éléments) à Utah Beach, autour de Pouppeville et La Madeleine.
Le commandement général de la Force navale expéditionnaire alliée, incluant le transport des troupes et l'appui feu naval sur les côtes est assuré par l'amiral britannique Sir Bertram Ramsay qui a été le responsable de la planification du débarquement en Afrique du Nord en 1942 et dont l'une des deux flottes participa au débarquement en Sicile l'année suivante. Cette force navale était divisée en deux Naval Task Forces :
- une occidentale commandée par le contre-amiral américain Alan Kirk ;
- une orientale commandée par le contre-amiral britannique Sir Philip Vian, vétéran du débarquement en Italie.
La flotte d'invasion était composée de 6 939 navires (1 213 navires de guerre, 4 126 navires de transport et 1 600 navires de soutien dont de nombreux navires marchands) provenant de huit marines différentes (principalement l'US Navy et la Royal Navy mais également plusieurs navires des flottes de pays du Commonwealth, de l'Armée française de la Libération, de la marine royale norvégienne, des cargos armés des marines marchandes polonaise, néerlandaise, belge et danoise).
La Western Task Force (occidentale) de l'US Navy. Elle réunissait 1 700 navires de débarquement, appuyés par 3 cuirassés, 9 croiseurs, dont ceux de l'Armée française de la Libération, le Georges Leygues et le Montcalm, 1 canonnière, 19 destroyers et plusieurs dizaines d'escorteurs et dragueurs.
L'Eastern Task Force (orientale) de la Royal Navy. Elle alignait 2 426 navires de débarquement, 2 cuirassés, 11 croiseurs, 1 canonnière et 37 destroyers dont La Combattante des ex-forces navales françaises libres et plusieurs dizaines de bâtiments légers.
Les forces alliées réservèrent à l'appui feu direct des plages de débarquement un ensemble de 5 cuirassés, 20 croiseurs, 148 destroyers et près de 350 chalands de débarquement équipés pour la circonstance de roquettes, de canons ou de pièces antiaériennes pour le soutien direct et l'appui feu des troupes au plus près des plages de débarquement.
Cet appui-feu des bâtiments alliés se poursuivit les jours suivants, même une fois les plages prises, principalement pour réduire des batteries, de l'artillerie ou des unités allemandes situées plus à l'intérieur des terres, le feu étant alors déclenché sur demande des troupes alliées au sol.
L'aviation alliée apportait aussi son appui à l'opération Neptune. En assurant une couverture constante au-dessus de la flotte de débarquement et des plages, et surtout en complétant la préparation navale par un tapis de 4 000 tonnes de bombes sur les principaux sites de débarquement (avec plus ou moins de succès, très efficaces à Utah Beach mais un échec à Omaha Beach). Pour le jour J, l'Air Chief Marshal Robert Mallory disposait de 7 500 avions de reconnaissance, chasseurs et bombardiers légers, qui, le cas échéant, pouvaient être renforcés par 3 500 avions de l'aviation de bombardement stratégique du Bomber Command. Les Alliés ne disposeront de leur première piste d'aviation en Normandie que le 12 juin près d'Utah Beach, la prise de Caen et de l'aérodrome de Carpiquet dans les premiers jours de la bataille ayant échoué (Voir bataille de Caen).
Un peu plus de 3 000 Français ont participé à l'opération Neptune le 6 juin 1944, soit près de 2% des effectifs engagés par les Alliés5.
Forces au sol (215 hommes) :
- 36 parachutistes français de la 4e SAS / 2e RCP sont largués dans les Côtes-d'Armor et dans le Morbihan dans la nuit du 5 au 6 juin 19446. Au moins 2 autres parachutistes de la 3e SAS ont été largués en Normandie le 6 juin 1944 au sein de la 6th Airborne britannique.
- 177 marins du Ier Bataillon de Fusiliers marins Commandos, dirigés par le commandant Kieffer, débarquent au matin du 6 juin sur Sword Beach.
Forces aériennes (227 pilotes et personnels d'équipages) :
- Le Squadron 329 (Groupe de chasse «Cigognes») : ses Spitfire assurent la couverture aérienne dans les secteurs de Juno et Gold Beach, ainsi qu'entre Caen et Bayeux.
- Le Squadron 340 (Groupe de chasse «Ile-de-France») : ses Spitfire assurent la couverture aérienne dans le secteur de Sword Beach.
- Le Squadron 341 (Groupe de chasse «Alsace») : ses Spitfire assurent la couverture aérienne sur le flanc Est du débarquement, entre Caen et Deauville.
- Le Squadron 345 (Groupe de chasse «Berry») : ses Spitfire assurent la couverture aérienne dans le secteur de Utah Beach.
- Le Squadron 346 (Groupe de bombardement «Guyenne») : dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, ses Halifax participent au bombardement des batteries allemandes de Grandcamp-Maisy dont les canons surplombent la baie des Veys.
Le Squadron 342 (Groupe de bombardement «Lorraine») : au matin du 6 juin, ses Boston larguent des fumigènes le long des plages de Utah Beach pour masquer l'arrivée des premières barges de débarquement. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, le Squadron 347 (Groupe de bombardement «Tunisie») n'est pas intervenu le 6 juin 1944, mais quelques jours après seulement.
Forces navales (2 600 marins) :
- Les croiseurs Montcalm et Georges Leygues (devant Omaha Beach)8 et le torpilleur La Combattante (devant Juno Beach), ont appuyé directement par leurs tirs d'artillerie les troupes de débarquement.
- D'autres navires français ont escorté jusqu'aux plages les convois de débarquement ou de renfort : les corvettes Aconit et Renoncule dans le secteur d'Utah Beach; les frégates L'Escarmouche et L'Aventure avec la corvette Roselys dans le secteur d'Omaha Beach ; les frégates La Surprise et La Découverte dans le secteur de Gold Beach, la corvette Commandant d'Estienne d'Orves dans le secteur de Juno Beach.
- Le chasseur de sous-marins n°12 Bénodet, au large de Gold et Juno Beach.
Contrairement à ce qui est parfois affirmé, un seul chasseur de sous-marins est entré en action le 6 juin 1944. Les chasseurs n°10, 11, 13, 14, 15 et 41 n'interviennent que dans les jours qui suivent, tout comme les vedettes rapides de la 23e Flottille de MTB.
Déroulement
Le jour J était initialement prévu le 2 juin 1944 mais les Alliés avaient besoin de la pleine lune pour les parachutages et de 40 minutes de jour avant l'heure H pour le débarquement. En juin, ces conditions ne se retrouvaient qu'entre le 5 et le 7 juin. Le débarquement fut fixé le 5 juin puis le 6 en raison des conditions météorologiques trop mauvaises.
La mise en place de cette énorme flotte s'effectua dans tous les ports de la côte sud de l'Angleterre, de Plymouth jusqu’à Newhaven, dont il fallut compléter les installations par 130 embarcadères supplémentaires. Déplacer cette armada exigea la définition de quatre passages maritimes depuis les ports britanniques jusqu’à un carrefour au centre de la Manche appelé Spout ou Piccadilly Circus. De cette zone d'un diamètre de 10 milles marins, dix chenaux (2 par plage d'assaut) nettoyés par des dragueurs de mines et balisés de bouées lumineuses permettent aux bateaux (navires de ligne, chalands) d'arriver jusqu'aux 5 plages de débarquement. Les navires se positionnent à environ 10 milles au large des plages entre 2 h et 3 h du matin le 6 juin. Une part importante de l'opération Neptune était la protection des voies utilisées par les navires alliés et des plages contre la Kriegsmarine. Cela fut confié à la Home Fleet. Les Alliés percevaient deux menaces maritimes allemandes importantes :
- L'attaque par de gros navires de surface stationnés en Norvège et en mer Baltique. Cette menace était sans doute surévaluée par les Alliés qui ne se rendaient pas compte, avant juin 1944, de la grande faiblesse de la marine de surface allemande dont certains navires n'étaient pas en état de combattre, manquaient de carburant, d'équipages et d'entraînement. Ces gros navires ne s'aventuraient plus guère en mer : il s'agissait du Tirpitz, réfugié dans un fjord de Norvège ; d'un croiseur de bataille, le Gneisenau, qui était en réalité hors d'état de combattre ; des cuirassés de poche Admiral Scheer et Lützow et de cinq croiseurs. Le gros de la Home Fleet était rassemblé en mer du Nord, avec des navires de ligne récents et les porte-avions que l'Amirauté n'avait pas voulu engager dans la Manche à cause de la menace des mines. Elle devait s'opposer le cas échéant à une éventuelle sortie des forces navales de surface allemandes. Le canal de Kiel en mer du Nord avait aussi été miné préventivement (opération Bravado).
- La seconde menace était les U-boots en provenance de l'Atlantique. Une surveillance aérienne fut mise en place à partir de trois petits porte-avions d'escorte et par le Coastal Command de la RAF maintenant un cordon de sécurité jusqu’à très à l'ouest de la pointe des Cornouailles (Land's End). Quelques U-boots furent repérés mais sans représenter de réels dangers. Ceci est confirmé par le récit des auteurs allemands12. Les U-boots sont réduits à l'impuissance et perdent leur base de Cherbourg. Le bilan est relativement mince.
- Une troisième menace existait toutefois avec les unités de S-Boot, mais avec 20 vedettes lance-torpilles opérationnelles en Manche et 9 en mer du Nord, c'était bien peu devant l'armada alliée.
D'autres efforts furent déployés pour sécuriser l'approche occidentale de la Manche contre des forces navales allemandes venant de Bretagne ou de la côte atlantique. Des champs de mines furent posés (opération Maple) pour forcer les navires ennemis à sortir hors de leur zone de protection aérienne et à se trouver dans des zones où les destroyers alliés pouvaient les attaquer. L'activité navale ennemie fut mineure mais le 4 juillet, quatre destroyers allemands furent coulés ou forcés de rejoindre Brest. Le Pas-de-Calais fut fermé par des champs de mines, des patrouilles navales et aériennes, des contrôles radar et des bombardements efficaces des ports ennemis de la zone réduisant les risques de raids allemands.
Les forces navales allemandes de la zone étaient d'ailleurs assez faibles mais pouvaient être renforcées depuis la mer Baltique. Mais cette flotte devait surtout servir à protéger le Pas-de-Calais où les Allemands attendaient le débarquement et aucune tentative de forcer le blocus allié ne se produisit dans ce secteur. La couverture navale fut un succès, plus de 300 destroyers et escorteurs étaient chargés à l'entrée de la Manche de refouler les bâtiments légers et les U-boots allemands. Il n'y eut pas d'attaque par ces derniers et seulement quelques tentatives par des navires allemands de surface, sans conséquence sur la flotte alliée. Les seules pertes de navires en mer furent le fait de mines ou de rares excursions aériennes allemandes après le 6 juin.
Un assaut aéroporté a été mené à Sainte-Mère-Église par la 82e airborne et en arrière de Utah-Beach pour prendre le contrôle des routes menant de Pouppeville à la côte par la 101e division aéroportée durant la nuit du 5 au 6 juin. Les Britanniques quant à eux ont envoyé la 6e division aéroportée commandée par le major John Howard pour prendre d'assaut le pont de Bénouville sur le canal de Caen (appelé Pégasus Bridge par la suite) en planeurs (ce qui permit d’être plus discret) ; les Alliés ont réussi à prendre leurs objectifs mais ont subi de grandes et lourdes pertes.
Au début de l'opération Neptune, se déroula l'opération Gambit quand les deux sous-marins miniatures britanniques, appelés X-Craft, vinrent se mettre en position près des plages pour guider la flotte d'invasion. Les troupes d'assaut débarquèrent sur les 5 plages, désignées par les noms de code : SWORD BEACH, JUNO BEACH, GOLD BEACH, OMAHA BEACH, et UTAH BEACH.
L'opération Neptune ne se limita pas seulement au transport des troupes d'assaut. Elle assura le ravitaillement des têtes de pont. Ce qui était une source d'ennui pour l'état-major allié à cause de l'absence de port en eau profonde disponible dans les premiers jours de la bataille de Normandie. Les Alliés ne pouvaient disposer que des petits ports de pêche de Port-en-Bessin et Courseulles dont la capacité d'accueil était minime, ce qui limitait l'ampleur du débarquement.
Pour résoudre ce problème, les Alliés conçurent d'«apporter leur port avec eux». Quinze jours après le débarquement, débuta la mise en place de deux ports artificiels, les Mulberries face aux plages de Saint-Laurent-sur-Mer (Mulberry A, port américain) et d'Arromanches (Mulberry B, port britannique). Ces deux ports devaient être capables de permettre le débarquement de 6 500 véhicules et 40 000 tonnes d'approvisionnement par semaine. Une tempête détruisit le Mulberry A américain et endommagea le Mulberry B britannique et dans les faits, la majeure partie du débarquement du matériel et des troupes continua à se faire par les plages et par l'utilisation intensive et plus qu'initialement prévu des petits ports côtiers, et ce jusqu’à la prise et la remise en état du port de Cherbourg pour pouvoir acheminer du carburant, des munitions et des soldats en renfort.
L'approvisionnement en carburant était un des éléments vitaux de la réussite de l'opération Overlord. Les Alliés avaient estimé leurs besoins à 15 000 tonnes à J+41 (soit le 15 juillet) pour approvisionner en essence les 200 000 véhicules qui auraient déjà été débarqués mais également l'ensemble des avions ou le mazout des navires de la zone. Pendant les 10 premiers jours, les Alliés faisaient échouer sur les plages des LCT remplis de jerricans d'essence. En parallèle, deux points d'ancrage pour pétroliers étaient installés au large de Sainte-Honorine-des-Pertes et reliés à la côte et au mont Cauvin par des tuyaux souples. Un terminal pétrolier sommaire était installé le long des jetées de Port-en-Bessin et relié lui aussi au Mont-Cauvin par un oléoduc.
À partir du 15 juillet, ces systèmes d'approvisionnement dit mineurs devaient être remplacés par des systèmes de plus grande échelle à partir du port de Cherbourg reconquis. Le terminal pétrolier d'avant-guerre de la marine nationale de la digue de Querqueville devait être remis en marche avec l'accostage de gros pétroliers mais surtout avec la mise en place d'un oléoduc sous la Manche. Mais les importantes destructions allemandes du port ne permirent au premier pétrolier allié de n'accoster à Querqueville que le 25 juillet et la mise en place de l'oléoduc fut elle aussi retardée.
Il s'agissait de dérouler entre l'île de Wight et Querqueville, soit une centaine de kilomètres, dix tuyaux souples sous la mer (Pipe-Line Under The Ocean ou PLUTO), ce qui n'avait encore jamais été fait dans l'Histoire. Initialement, le premier tuyau devait entrer en fonctionnement le 18 juin, soit 12 jours après le débarquement. Mais la prise de Cherbourg plus tardive, le long nettoyage des eaux du port et le mauvais temps retardèrent sa mise en service de 6 semaines et il ne put entrer en fonction qu'au début du mois d'août. Néanmoins, le manque de carburant ne se fit pas trop sentir, le front progressant peu.
Le fonctionnement de PLUTO se révéla également insuffisant, chaque tuyau ne fournissant pas les 300 tonnes par jour initialement prévues, obligeant les Alliés à poursuivre des débarquements de carburant sur les plages, à décharger dans le port de Courseulles-sur-Mer et à continuer de faire fonctionner le terminal de Port-en-Bessin. Par la suite, avec l'avancée des Américains, PLUTO fut prolongé par un oléoduc terrestre jusqu'à Avranches. Au mois d'août, il sera redirigé vers la Seine et Paris. 7 500 sapeurs américains aidés de 1 500 prisonniers de guerre allemands participeront aux travaux de cet oléoduc.
Postérité
La première commémoration du débarquement a lieu en 1945, à Arromanches, en présence de l'ambassadeur britannique Duff Cooper et de sa femme, Diana Cooper, et de soldats anglais. Depuis, chaque année, des commémorations ont lieu le 6 juin pour célébrer le débarquement et le début de la libération de l'Europe de l'Ouest. Jusque dans les années 1980, les commémorations du débarquement sont essentiellement militaires : les chefs d'État ne sont pas représentés. Leur mise en place après la guerre doit beaucoup à Raymond Triboulet, député du Calvados et plusieurs fois ministre des Anciens combattants. Aucun président américain ne vient sur les plages normandes avant Ronald Reagan (excepté Jimmy Carter en 1978, mais à titre privé). Ce phénomène commémoratif assez récent tient en particulier aux réticences du général de Gaulle à célébrer une opération militaire anglo-américaine, dont les Français avaient été en grande partie exclus.
En 1964, le général de Gaulle refuse de participer au 20e anniversaire du Débarquement ; il délègue l'un de ses ministres qui déclare que le succès du D-Day était dû à la résistance française. Mais dans le contexte de guerre froide, afin de montrer aux Soviétiques que la Seconde Guerre mondiale n'avait pas uniquement été gagnée à l'est mais aussi à l'ouest, le bloc occidental décide de médiatiser davantage ce cérémonial. Le tournant est dû à François Mitterrand qui, en 1984, transforme la cérémonie militaire d'alors en cérémonie politique où sont invités les chefs d'État. L'historien Olivier Wieviorka note ainsi : « dorénavant, les commémorations ne sont plus axées sur l'idée de victoire, mais sur l'idée de paix, de réconciliation et de construction européenne ». Cela va de pair avec une américanisation de l'évènement, qui se manifeste avec l'emprunt à l'anglais américain du terme « vétéran ». Après la chute de l’URSS, d'autres nations se joignent aux commémorations, comme en 2004 l'Allemagne (avec le chancelier Gerhard Schröder) et la Russie.
Soldats, Marins et Aviateurs des Forces Expéditionnaires Alliées ! Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la grande croisade vers laquelle ont tendu tous nos efforts pendant de longs mois. Les yeux du monde sont fixés sur vous. Les espoirs, les prières de tous les peuples épris de liberté vous accompagnent. Avec nos valeureux alliés et nos frères d'armes des autres fronts, vous détruirez la machine de guerre Allemande, vous anéantirez le joug de la tyrannie que les nazis exercent sur les peuples d'Europe et vous apporterez la sécurité dans un monde libre. Votre tâche ne sera pas facile. Votre ennemi est bien entraîné, bien équipé et dur au combat. Il luttera sauvagement.
Mais nous sommes en 1944 ! Beaucoup de choses ont changé depuis le triomphe nazi des années 1940-41. Les Nations-Unies ont infligé de grandes défaites aux Allemands, dans des combats d'homme à homme. Notre offensive aérienne a sérieusement diminué leur capacité à faire la guerre sur terre et dans les airs. Notre effort de guerre nous a donné une supériorité écrasante en armes et munitions, et a mis à notre disposition d'importantes réserves d'hommes bien entraînés. La fortune de la bataille a tourné ! Les hommes libres du monde marchent ensemble vers la Victoire ! J'ai totalement confiance en votre courage, votre dévouement et votre compétence dans la bataille. Nous n'accepterons que la Victoire totale ! Bonne chance ! Implorons la bénédiction du Tout-Puissant sur cette grande et noble entreprise. Dwight D. Eisenhower