Federico García Lorca

Publié le par Mémoires de Guerre

Federico García Lorca est un poète et dramaturge espagnol, également prosateur, peintre, pianiste et compositeur, né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade et exécuté sommairement le 19 août 1936 entre Viznar et Alfacar par des milices franquistes. Il est l'un des poètes européens les plus importants du début du XXe siècle. 

Federico García Lorca

Federico García Lorca

Carrière

Jeunesse

Federico García Lorca, de son nom complet : Federico del Sagrado Corazón de Jesús García Lorca (« Frédéric du Sacré Cœur de Jésus García Lorca »), est l'aîné d'une fratrie de cinq enfants nés de Federico García Rodríguez (1859-1945), propriétaire terrien aisé, et de Vicenta Lorca Romero (1870-1959), maîtresse d'école, qu'il avait épousée en secondes noces (de son premier mariage avec Matilde Palacios Ríos, il n'avait eu aucun enfant). En 1900 naît son premier frère Luis, qui mourra de pneumonie à deux ans. Viendront ensuite : son frère Francisco (1902-1976, poète, historien de la littérature, professeur et diplomate, membre comme son aîné du mouvement littéraire de la Génération de 27), et ses sœurs María de la Concepción (Concha ou Conchita, 1903-1962), puis Isabel6 (1909-2002, elle aussi professeure et écrivaine). La mère de Federico possédait une sensibilité affirmée à la poésie et à la musique, et contribuera à former le goût de ses enfants7,8. Federico Garcia Lorca développe très vite une passion pour le dessin.

Federico passe son enfance à la campagne, près de Grenade où son père possède une grande propriété, la Huerta de San Vicente. Revenant sur cette période de sa prime enfance, il déclarera en 1934 à Buenos Aires dans une interview : « Enfant j’ai vécu de plain-pied avec la nature. Comme tous les enfants, j’attribuais (conférais) à chaque chose, meuble, objet, arbre, pierre, sa personnalité. Je conversais avec eux, et je les aimais ». Cette sorte d'animisme infantile est fréquent, mais chez Lorca, il resurgira par bouffées créatives dans sa poésie et son théâtre. D'ailleurs, beaucoup plus tard, même après avoir beaucoup voyagé et avoir vécu de longues périodes en ville, notamment à Madrid, Federico se souviendra à quel point la vie et l'ambiance rurales de la Vega de Granada l'avait imprégné et avait influencé son œuvre : « J’aime la terre. Je me sens lié à elle dans toutes mes émotions. Mes plus lointains souvenirs d’enfant ont la saveur de la terre. Les bestioles de la terre, les animaux, les gens de la campagne, inspirent, suggèrent de secrets messages qui parviennent à très peu d’entre nous. Je les capte aujourd’hui avec le même esprit que celui de mes plus jeunes années. Sans cela, je n’aurais jamais pu écrire Noces de sang. »

C'est pourtant sans complaisance aucune envers lui-même et le petit garçon qu'il était qu'il interprète sa position sociale de premier-né d'une famille aisée, adulé par sa famille et tout son entourage : en 1928, dans une interview publiée dans La Gaceta Literaria (« La Gazette Littéraire ») d’Ernesto Giménez Caballero, il a en effet résumé ainsi ses premières années à Fuente Vaqueros : « Mon enfance est traversée par l’obsession d’être de ceux qui sont couverts d’argent, ainsi que celle de quelques portraits de cette autre femme qui aurait pu être ma mère, Matilde Palacios [NdT : la première épouse de son père, morte sans enfant]. Mon enfance c’est surtout apprendre les lettres et la musique avec ma mère, être un gosse de riches parmi le peuple, un petit monsieur impérieux. » C’est d’ailleurs à Fuente Vaqueros que Lorca éprouve pour la première fois le sentiment de l’injustice sociale : dans Mi amiguita rubia (« Ma petite amie blonde »), chapitre de Mi pueblo (à la fois « Mon village » et « Mon peuple », écrit en 1915-1916), Federico se remémore l’histoire d’une famille pauvre de Fuente Vaqueros, et en particulier, de la mère qu’il qualifie de « martyr de la vie et du travail ». Federico commence l’école à quatre ans avec son maître des premières classes, Antonio Rodríguez Espinosa, à qui l’unira dès lors une amitié qui durera toute sa vie. 

Vers l’âge de huit ans, l’enfant qu’il est alors déménage avec sa famille, laquelle s’installe à Asquerosa, petit village depuis rebaptisé Valderrubio. Comme le dit Jocelyne Aubé-Bourligueux : « de santé fragile, mais habitué à vivre librement en pleine campagne, il est depuis sa naissance très entouré de soins par les femmes de son entourage (sa grand-mère Isabel Rodríguez, ses tantes dont la "tía Isabel", ses nourrices, comme la fameuse Dolores) qui veillent sur lui avec tendresse (...) l’initiant, les unes au solfège, à la guitare, ou aux poèmes de Victor Hugo, les autres à la culture orale des berceuses ou des vers de romances. Il pourra bientôt en faire de petits spectacles, par lui créés à travers son premier vrai jouet : un théâtre de marionnettes miniature ». Les vieux tissus et vêtements conservés dans les malles du grenier serviront à vêtir la troupe des personnages de carton et de chiffon, cousus avec sollicitude sur ses instructions par ses tantes, cousines et nourrices qui l'adoraient, pour les saynètes qu'il imagine et fait jouer, ou encore les messes avec sermons qu'il invente en un rituel larmoyant! Cet amour du théâtre de marionnettes ne le quittera jamais et nourrira son imagination de futur dramaturge. De même que son amour précoce pour la musique, comme l'évoque sa mère Vicenta Lorca qui avait pris conscience très tôt des talents de son fils aîné : « avant même de parler, il fredonnait déjà les chansons populaires et s'enthousiasmait pour la guitare ». 

Puis il est d’abord envoyé par sa famille à Almería, pour y commencer des études secondaires, logé chez son instituteur Antonio Rodríguez Espinosa : bref séjour interrompu par une grave maladie de gorge qui le met à l’article de la mort et l’oblige à rentrer d’urgence chez ses parents. En 1909, sa famille s’installe définitivement à Grenade, où il reprend ses études secondaires et deviendra bachelier en 1914. Il suit ensuite des études de lettres, de philosophie et de droit à l'université de Grenade, surtout « pour faire plaisir à son père, mais c’est vers la musique que va d’abord sa passion, accompagnée du rare talent qui est le sien ». Dès l’âge de dix ans, il avait travaillé le piano et l’harmonie avec son vieux maître don Antonio Segura, disciple de Verdi. Plus tard il « composera brillamment pour sa part, se faisant entendre de ses amis du Rinconcillo, qu’il enchante de ses improvisations à longueur de nuits ». C'est à l'université de Grenade qu'il devient l'ami de Manuel de Falla qui exerce une forte influence sur lui. En 1922, les 13 et 14 juin, il organise en lien avec lui le premier Concurso de Cante Jondo de Granada (Concours de Cante Jondo de Grenade). 

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Federico García Lorca

Vie à Madrid

Après plusieurs années passées à Grenade, il décide d'aller vivre à Madrid pour rencontrer le succès. Il y devient l'ami de Luis Buñuel, Salvador Dalí, Rafael Alberti, José Bergamín, Guillermo de Torre et Sánchez Mejías, parmi ceux qui deviendront des artistes influents en Espagne. Il avait fait aussi la rencontre, décisive pour lui, de ses grands devanciers de la Generación del 98 (Génération de 98), les poètes Antonio Machado et Miguel de Unamuno, rencontre qu'il raconte dans son premier livre publié en 1918: Impresiones y paisajes (« Impressions et paysages »), dont son ami Ismael de la Serna illustre la couverture et lui fait rencontrer Emilia Llanos, l'une des "muses" du café Alameda. C'est aussi entre 1919 et 1921 qu'il fait la rencontre d'un autre de ses grands prédécesseurs dont il a reconnu sans partage l'influence sur sa pensée et sur son écriture : Juan Ramón Jiménez, de la génération de 14 et futur Prix Nobel de Littérature 1956. Lui et son épouse, Zenobia Camprubí, feront partie du cercle d'amis qui fréquente la Huerta de San Vicente. Il se liera d'amitié aussi avec des poètes plus jeunes que lui : Gabriel Celaya et Pablo Neruda. D'ailleurs, Lorca sera l'un des représentants les plus éminents de Generación del 27 (Génération de 27), à laquelle appartenaient nombre de ses amis poètes, comme une relève de celle de 98. Il participe également, avec Dalí, Maruja Mallo et Margarita Manso, ses camarades à l'Académie des Beaux-Arts de San Fernando, à l'épisode d'ôter son chapeau en public à la Puerta del Sol, geste alors réservé aux hommes, qui inspirera le mouvement artistique des Las Sinsombrero. 

À Madrid, il rencontre aussi Gregorio Martínez Sierra, le directeur du Teatro Eslava, à l'invitation duquel il écrit et met en scène sa première pièce en vers, El maleficio de la mariposa (Le Maléfice du papillon), en 1919-1920. Elle met en scène l'amour impossible entre un cafard et un papillon, avec de nombreux insectes en support. Elle est malheureusement l'objet de moquerie du public, et s'arrête après quatre représentations. Cela refroidit la passion de Lorca pour le théâtre pour le reste de sa carrière, il se justifie plus tard en 1927 au motif que Mariana Pineda, drame patriotique, était sa première pièce véritable. C'est aussi son premier grand succès au théâtre, peu après son accession à la célébrité avec la publication à Malaga, en 1927, de ses Chansons.  Pendant les quelques années qui suivent il s'implique de plus en plus dans son art et dans l'avant-garde espagnole. Il publie trois autres recueils de poèmes, dont Romancero Gitano (1928), son recueil de poèmes le plus connu.

Cependant, vers la fin des années 1920, Lorca est victime d'une dépression, exacerbée par une angoisse due à la difficulté grandissante de cacher son homosexualité à ses amis et sa famille. Cette disparité entre son succès comme auteur et la souffrance de sa vie privée atteint son paroxysme lors de la collaboration des deux surréalistes, Dalí et Buñuel, pour le film Un chien andalou (1929) que Lorca interprète, comme une allusion, voire une attaque à son encontre. En même temps, sa relation intense, passionnée, mais non réciproque, avec Salvador Dalí s'effondre quand ce dernier rencontre sa future épouse. Consciente de ces problèmes (mais peut-être pas de leurs causes), la famille de Lorca s'arrange pour lui faire faire un long voyage aux États-Unis d'Amérique en 1929-1930, pour accompagner le diplomate Fernando de los Ríos, le grand ami de la famille. Ce séjour américain, qui l'amène notamment à New York dans le quartier d'Harlem, permet au poète de prendre du recul après sa séparation récente d'avec le sculpteur Emilio Aladrén et d'écrire le chef-d'œuvre Poeta en Nueva York. 

République, guerre civile et décès

Son retour en Espagne en 1930 coïncide avec la chute de la dictature de Miguel Primo de Rivera et la proclamation de la République. En 1931, Lorca est nommé directeur de la société de théâtre étudiante subventionnée, La Barraca, dont la mission est de faire des tournées dans les provinces essentiellement rurales pour présenter et diffuser le grand répertoire classique espagnol au plus grand nombre, et notamment auprès des couches sociales les plus déshéritées qui n'y ont habituellement pas accès. C'est ainsi que La Barraca monte, sous la direction de Lorca, des pièces de Lope de Vega, Calderón de la Barca, Tirso de Molina et Cervantes. Comme l'écrit Claude Couffon, l'un de ses traducteurs en français, dans sa préface à «Impressions et Paysages» , La Barraca était « un théâtre du peuple, ambulant et gratuit ». Il écrit alors la trilogie rurale de Bodas de sangre (« Noces de sang »), Yerma et La casa de Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba). En 1933-1934, son théâtre rencontre un grand succès, notamment lors d'une tournée triomphale de « Noces de sang » en Amérique latine d'octobre 1933 à mars 1934. C'est à La Barraca qu'il rencontre le footballeur Rafael Rodríguez Rapún, qui évolue à l'Atlético de Madrid, club dont Federico est supporter, qui devient son compagnon. 

Selon Claude Couffon, « depuis longtemps violemment antifasciste (il a signé dès 1933 un manifeste contre l'Allemagne d'Hitler), García Lorca salue la victoire du Front populaire en 1936 [en France] ». Quand la Guerre civile espagnole éclate en juillet 1936, il quitte Madrid pour Grenade, malgré les risques qu'il court dans une ville réputée pour avoir l'oligarchie la plus conservatrice d'Andalousie. Un soulèvement franquiste éclate justement à Grenade où il vient d'arriver. Ses idées et son personnage étaient connus de tous, et « bien que n'ayant jamais participé à la moindre action politique [au sens strict du terme], il est arrêté chez le poète Luis Rosales, où il a cherché un refuge clandestin » (Robert Maillard). Rosales était phalangiste, mais cette protection est insuffisante : Ramón Ruiz Alonso, député de la CEDA, vient arrêter Lorca près d'un mois après le soulèvement. « Arrêté le 16 août, il est fusillé le 19 tout près de la Fuente Grande [lieu-dit "la Grande Fontaine"], que les Maures appelaient [joliment et en prémonition...] la "Source aux Larmes" » (Claude Couffon). 

La date et le lieu exacts de sa mort ont fait l'objet d'une longue polémique, mais il semble définitivement établi que Federico García Lorca a été fusillé à 4h45 du matin le 19 août, sur le chemin qui va de Víznar à Alfacar par des rebelles anti-républicains. Son corps serait toujours enterré dans une fosse commune anonyme, quelque part dans la zone, aux côtés du cadavre du maître d'école Dióscoro Galindo, et ceux des anarchistes de la CNT, les toreros Francisco Galadí et Joaquín Arcollas Cabezas, exécutés en même temps que lui. Le régime de Franco décide l'interdiction totale de ses œuvres jusqu'en 1953, quand Obras completas est publié dans une version très censurée.

Recherche de sa dépouille

La recherche de la dépouille du poète a été l'une des obsessions d'Agustín Penón, l'un des spécialistes de son assassinat. La fosse dans laquelle reposerait le poète est située non loin de Fuente Grande, localité de la commune d'Alfacar. En 2008, la justice espagnole accepte qu'elle soit ouverte dans l’intimité, en présence de la seule famille. Toutefois, de nombreuses controverses existent sur la présence de la dépouille du poète dans cette fosse commune. En effet, des recherches, effectuées pendant plusieurs semaines, en vue d'une exhumation, sont abandonnées le 18 décembre 2009. Une autre équipe délimite en 2015 une zone de 10 mètres sur 28 qui pourrait contenir la dépouille de Lorca et de trois autres hommes fusillés avec lui, mais attend le visa des autorités andalouses pour procéder à l'exhumation. On ignore si le poète a effectivement été assassiné dans le champ d'Alfacar ou s'il a été transféré dans un lieu inconnu. 

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Federico Garcia Lorca et la danseuse chorégraphe Encarnación Lopez Julvez

Federico Garcia Lorca et la danseuse chorégraphe Encarnación Lopez Julvez

Publications

Poésie
  • Impresiones y paisajes (« Impressions et paysages », 1918) : prose.
  • Libro de poemas (« Livre de poèmes », 1921).
  • Poema del cante jondo (« Poème du cante jondo », 1921).
  • Primeras canciones (« Premières chansons », 1922, publiées en 1936).
  • Canciones (« Chansons », 1921-1924, publiées en 1927).
  • Oda a Salvador Dalí (« Ode à Salvador Dalí »), 1926).
  • Romancero gitano (« Romancero gitan », 1928).
  • Poeta en Nueva York (« Poète à New York », écrit autour de 1930, publié en 1940).
  • Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías (Llanto por Ignacio Sánchez Mejías) publié en espagnol en 1935, traduit en français par R. Simon en 1945, réédition Actes Sud, 1992, (ISBN 2868698646). Ce poème a rendu célèbre le vers A las cinco de la tarde ; le poème figure parmi les plus connus de la poésie contemporaine.
  • Seis poemas galegos (« Six poèmes galiciens », 1935, édition bibliophilique avec gravures de José San Martin, Azul éditions 2001).
  • Diván del Tamarit (« Divan du Tamarit », 1936)
  • Sonetos del amor oscuro (« Sonnets de l’amour obscur »), écrits entre 1935 et 1936, mais ce recueil est resté inachevé et inédit jusqu'en 1984, et qui auraient été inspirés par Juan Ramírez de Lucas, son compagnon.
  • Sonnetto del dolce pianto (« Sonnet de la douce plainte »).
  • La sangre derramada (Le sang répandu, Hommage a son ami le matador Ignacio Sánchez Mejías, mort durant une corrida, écrit en 1935).
  • Granada (Elegía humilde) (« Grenade, humble élégie »).
  • Tierra y Luna (« Terre et Lune »).
Poème « Vuelta de paseo »

Vuelta de Paseo (« Retour de promenade ») est composé en 1929 puis publié en 1930. Ce court poème, paru dans le recueil Poeta en Nueva York, en tête du Chapitre "Poemas de la soledad en la Universidad Columbia" (« Poèmes de la solitude à l'Université Columbia ») témoigne d'une facette particulière de la personnalité de Lorca. Ses promenades nocturnes dans une ville en pleine métamorphose lui ont fait ressentir un dégoût profond pour l'oppression, l'angoisse venue du ciel (avec l'édification des gratte-ciels dans la New York florissante des années 1930 aux États-Unis). Les couleurs de son Andalousie natale, qui constituaient un motif récurrent dans le style versifié des poèmes du "Romancero Gitano" et du "Cante Jondo", disparaissent ici pour laisser place au gris de la mégalopole, coloris unique qui semble envahir les rues et les esprits. En guise de contre-attaque, Lorca opte pour des vers rythmés, presque chantants, qui se défont des contraintes classiques inhérentes à la pratique des alexandrins dans toutes ses œuvres de jeunesse. Pour finir, même la Nature ("los animalitos de cabeza rota") est détruite et devient inerte comme les matériaux de construction de la cité.

Le poète n'envie en rien les pauvres habitants de la mégalopole, qui semble avoir été recouverte du voile permanent de l'hiver ("el árbol de muñones", "el cristal" -images métaphoriques renvoyant à cette déshumanisation du milieu urbain, à cet affront permanent du citadin face à sa mère, la nature-) Son complexe lié à la grandeur de la ville sera assimilé par certains critiques à une forme coextensive d'agoraphobie. L'oxymore "Assassiné par le ciel", en vers 1, puis répétée au vers final avec une ponctuation exclamative, détermine aussi ce sentiment violent de l'artiste face à tout ce qui s'oppose à la poésie. Enfin, ce poème symbolise sa ferme opposition au modernisme, à cette quasi-sécularisation qui semble s'emparer d'un monde que le jeune homme (F.G. Lorca n'a alors que 31 ans) trouve industriel, nuisible à l'Homme, en bref trop creux. Le vers "Asesinado por el cielo", répété en début et en fin de strophe, rappelle aussi une fresque socio-politique récurrente dans ce recueil de voyage : les immeubles, la ville, tuent la poésie que peut fournir la Nature.

"Dejare crecer mis cabellos" : ce vers montre que le fléau de la folie et de la vieillesse menace les êtres mortels qui évoluent dans cet environnement disproportionné. Le lectorat pourra par la suite faire de ce vers la métaphore de l'incompréhension et du rejet qui conduisent à la pauvreté, avec un délaissement total des préoccupations corporelles. Car, comme l'écrira l'auteur dans la préface du recueil, "C'est dans son imperfection surréaliste, atypique, que la Nature puise sa poésie. L'exactitude, la rigueur démesurée de la ville font disparaître le sens." (Préface, Poeta en Nueva York, 1930). Ce poème est donc largement caractéristique de tout le recueil, car il reflète des thématiques variées, comme le vertige du poète aux prises avec la ville, l'homosexualité, ou encore le vieillissement inexorable de l'Homme. Il ouvre d'ailleurs le premier chapitre du recueil, et il est possible de faire de cette œuvre complexe le manifeste d'un surréalisme engagé qui signale son dégoût face au déclin de la vie citadine, et à l'écrasement du paysage par l'industrie... 

Prose
  • Mi pueblo (« Mon village », écrit en 1915-1916), « écrits de jeunesse autobiographiques révélant la sensibilité du poète à dix-huit ans, ils éclairent ses œuvres postérieures et peignent sa vie de famille, celle des paysans de son village natal de Fuente Vaqueros (près de Grenade), leurs mœurs, leur misère. Suit un conte au ton sarcastique et plein d'humour ; et enfin le texte de sa conférence sur les berceuses espagnoles [voir ci-dessous la section : Conférences-essais, "écrits théoriques"] » (quatrième de couverture de l'édition bilingue).
  • « Impressions et paysages », un livre de voyages en prose, est le premier livre publié par García Lorca, en 1918, avec une illustration de son ami Ismael de la Serna.
  • Impresiones y paisajes (« Impressions et paysages »), 1918. Écrit à dix-neuf ans, quand le poète était étudiant à l'université de Grenade, ce livre fut publié à ses frais et longtemps oublié. Il est la relation d'un voyage que fit le jeune homme avec quelques compagnons d'études à travers les terres de la vieille Castille et de León. « Œuvre juvénile, Impressions et paysages révèle déjà, en sa forme encore hésitante, les prodigieuses ressources d'un tempérament exceptionnel » [quatrième de couverture de l'édition française en 1958, traduction d'André Belamich et de Claude Couffon, rééditée en 2009]. Mêlées à des réflexions sur l'art, la religion, la musique (et ses premiers succès en tant que pianiste et compositeur), le chant grégorien, les jardins, les ruines, le crépuscule (etc.), on y partage ses rencontres décisives (Machado, Unamuno), on y découvre surtout des variations sur deux grands thèmes qui resteront toujours chers à Lorca : l'obsession de la mort au sein du vivant même et le mystère de la vie dans la mort, ainsi que l'amour de la ville natale, Grenade. Il semble que ce texte ait été repris, en collection de poche « Poésie/Gallimard », dans un recueil de ses écrits de jeunesse, à la suite de "Livre de poèmes" et de "Mon village", puis plus tard dans la collection « L'Imaginaire Gallimard ».
  • « Proses surréalistes », contemporaines des derniers poèmes du Romancero gitan (1927-1928), ces textes oscillent entre le burlesque et l'horreur, et expriment une métaphorisation du réel proche du délire obsessionnel volontairement et poétiquement cultivé. Elles ont été publiées en français à la suite des précédentes, dans le même ouvrage.
  • « Cinq textes sur Grenade » (conférences et articles) où, loin des clichés touristiques et patrimoniaux, le poète tente d'exprimer l'âme de sa ville natale : « dédaignant le pittoresque et l'anecdote, le poète va droit à l'essentiel, à ce fond de quiétude jalousement défendue qui caractérise sa ville natale. Or il se confond tellement avec elle que c'est en lui-même qu'il en découvrira le secret (quatrième de couverture) ». Ils ont été publiés en français à la suite des précédentes, dans le même ouvrage.
Théâtre
  • El maleficio de la mariposa (Le Maléfice du papillon : écrit en 1919-1920, création en 1920)
  • Mariana Pineda (écrit en 1923-1925, création en 1927 avec Margarita Xirgu dans le rôle principal, inspiré par le destin tragique de l'héroïne de même nom)
  • La zapatera prodigiosa (La Savetière prodigieuse : écrit en 1926-1930, création en 1930)
  • Amor de Don Perlimplín con Belisa en su jardín (Les Amours de Don Perlimplín avec Belise en son jardin : écrit en 1928, création en 1933)
  • Bodas de sangre (Noces de sang : écrit en 1932, création en 1933).
  • Yerma (écrit en 1934, création en 1934, avec Margarita Xirgu).
  • Doña Rosita la soltera (Doña Rosita, la célibataire : écrit en 1935, création en 1935)81.
  • Retablillo de Don Cristóbal (Le Jeu de Don Cristóbal : écrit en 1931, création en 1935).
  • Los títeres de Cachiporra (Le Guignol au gourdin : écrit en 1928, création en 1937).
  • Así que pasen cinco años (Lorsque cinq ans seront passés : écrit en 1931, création en 1945).
  • La casa de Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba), sous-titrée : Drama de mujeres en los pueblos de España (« Drame de femmes dans les villages d'Espagne ») : écrit en 1936, création en 1945.
  • El público (Le Public : écrit en 1930-1936, création en 1972).
  • Le Songe de la vie (écrit en 1936, création en 1986).
Musique
  • Las morillas de Jaén
  • Les Berceuses / Las nanas infantiles; (ISBN 978-2-916694-26-9) éditions Marguerite Waknine 2010.
  • Doce canciones para guitarra : celles-ci ont été enregistrées en duo par Paco de Lucía et Ricardo Modrego, en 1965, chez Philips (843 118 PY) ; réédition en CD : 1995.
Courtes pièces de théâtre
  • El paseo de Buster Keaton (« La balade de Buster Keaton », 1928)
  • La doncella, el marinero y el estudiante (« La demoiselle, le marin et l'étudiant », 1928)
Conférences-essais, « écrits théoriques »
  • 1922 (19 février) : conférence prononcée à Grenade en prélude au premier concours de chant flamenco (ou Cante Jondo), organisé par Manuel de Falla et García Lorca les 13 et 14 juin 1922 à Grenade. Elle était intitulée : Importancia histórica y artística del primitivo canto andaluz, llamado "Cante Jondo" [Importance historique et artistique du chant andalou primitif, appelé Cante Jondo / Chant Profond]85. Pour la même occasion, et conjointement à cette conférence qualifiée par le collectif du Centre Roland-Barthes de « magistrale » dans son évocation de Georges Bataille spectateur du Cante Jondo86, Manuel de Falla écrivit et publia un texte programmatique et musicologique86 sur la musique flamenca et le Cante Jondo qui fut, on le sait, une influence majeure de son œuvre comme de celle de Lorca son ami.
  • 1926 (conférence prononcée à Grenade en 1927) : La imagen poética de don Luis de Góngora [« L'image poétique de don Luis de Góngora »] , traduit par Jean Viet : « L'art poétique chez Don Luis Gongora. 
  • 1930 (à La Havane), 1933 (à Buenos Aires), 1934 (à Montevideo), conférence prononcée à plusieurs reprises en Amérique Latine, et intitulée : Juego y teoría del duende [« Jeu et théorie du duende », que Jean Viet traduit : « Théorie et jeu du démon »]. On peut en trouver en ligne différentes versions du texte intégral ici, tant en version originale (avec des variantes, car elle a été prononcée plusieurs fois), que traduite en français par Claude Boisnard, avec notes explicatives des allusions culturelles de García Lorca ici. On trouve aussi cette conférence en livre, d'abord en français traduite par Jean Viet (opus cité, difficile à se procurer), mais aussi en version bilingue espagnol/français, traduction de Line Amselem, aux Éditions Allia, Paris, mai 2008, dont on peut lire en ligne des extraits. On en trouve une autre traduction en français : « Jeu et théorie du Duende de Federico Garcia Lorca », précédée par un essai : « Le Duende. Jouer sa vie, de l'impossible du sujet au sujet de l'impossible », les deux par le psychanalyste et anthropologue Ignacio Gárate Martínez, préface de Xavier Audouard et Nadine Ly, et publiée aux éditions La Versanne, Les Belles Lettres, série Encre Marine, 2005, (ISBN 290942295X et 978-2909422954), 64 pages. Enfin, on trouvera de nombreuses citations extraites de cette conférence et commentées dans l'article consacré au Duende.
  • Février 1934 : à Buenos Aires, conférence Granada y sus canciones [« Grenade et ses chansons »], sans doute le même texte que Como canta una ciudad de noviembre a noviembre [« Comment chante une ville de novembre à novembre »].
  • 15 mars 1934 : à Buenos Aires, allocution sur Lope de Vega et sur l'interprétation qu'en a proposée la Compagnie Eva Franco dans La Dama boba [« La Dame niaise », pièce de Lope de Vega].
  • 1935 : Charla sobre teatro [« Bavardage (ou conversation ou causerie) sur le théâtre »]. On trouvera une traduction en français de cette conférence sous le titre « Speech sur le théâtre », avec une autre conférence et trois pièces de théâtre de Lorca, dans un livre publié par L'Arche (éditeur) en 2007, traduction et postface de Luis del Águila. On en trouvera le texte original sur Wikisource en espagnol.
  • 1936 : Conversaciones literarias - Al habla con Federico García Lorca [« Causeries littéraires - En conversation avec F. G. Lorca »].
  • Las Nanas infantiles [« Berceuses enfantines »], conférence dont on pourra lire une traduction en français sous le titre « Les Berceuses », et une autre par Jean Viet sous le titre « Berceuses espagnoles » dans l'ouvrage déjà cité. On trouvera aussi le texte original sur Wikisource en espagnol. On se souvient que Lorca a lui-même composé des berceuses sous le même titre : Nanas infantiles, et des Canciones para guitarra, dont certaines ont été enregistrées par Paco de Lucía et Ricardo Modrego en 1965 (cf. ci-dessus).
  • On pourra lire l'ensemble de ces conférences, en version originale (espagnol), regroupées et publiées sous le titre Conferencias, d'abord par Alianza Editorial Sa, puis rééditées par Comares en 2001.
  • On consultera avec profit les analyses sur les écrits théoriques de Lorca, notamment celles de Marie Laffranque et de Dominique Breton dans la revue Bulletin Hispanique, et qui sont accessibles en ligne,
Scripts de films
  • Viaje a la luna (1929)

Article Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Federico_Garc%C3%ADa_Lorca

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