Hébras Robert
Robert Hébras, né le 29 juin 1925 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), et mort le 11 février 2023 à Saint-Junien, dans le même département, est l'une des sept personnes à avoir survécu au massacre perpétré dans cette localité le 10 juin 1944 et devenu, dans la France de l’après-guerre, un symbole national des atrocités nazies.
Robert Hébras, Jean-Marcel Darthout, Mathieu Borie, Clément Broussaudier, Mme Marguerite Rouffanche, ainsi que Pierre-Henri Poutaraud, sont les seuls civils qui ont survécu à l’exécution menée avec des mitraillettes. Les intéressés sont restés couchés – en partie sous le corps de leurs camarades – dans la grange Laudy et ont fait semblant d’être morts, car les membres de la Schutzstaffel (ou SS, de l'allemand « escadron de protection ») montaient sur les corps et achevaient quiconque bougeait encore. Un quart d’heure après les exécutions, la SS a mis le feu à la grange afin d’effacer les traces de leurs exactions. Pierre-Henri Poutaraud s’est enfui dès le départ du feu et a été exécuté près du cimetière.
Les quatre autres hommes et madame Marguerite Rouffanche sont restés couchés sous les corps qui se consumaient jusqu’au moment où ils ont craint pour leur propre vie (Robert Hébras : « Mon bras gauche et mes cheveux étaient déjà enflammés. C’était une douleur terrible, c’est pourquoi je me suis enfui. »). Trois des cinq hommes qui ont réussi à fuir le village en feu étaient gravement blessés ; Robert Hébras l'était à la poitrine, à une jambe et au poignet droit. La moitié de la famille Hébras – la mère et deux des filles – a péri lors du massacre. À l'exception du fils, Robert, n'ont survécu que la fille aînée, qui n’habitait plus à Oradour, et le père (celui-ci se trouvait, au moment des faits, dans un village voisin, où il aidait un fermier de ses amis).
Après le 10 juin 1944, Robert Hébras a participé activement à la Résistance contre le national-socialisme et combattu aussi sur le champ de bataille. En 1953, s'est tenu le procès de Bordeaux où furent jugés les SS présents à Oradour le 10 juin 1944. Robert Hébras a témoigné de ce qu'il avait vécu ce jour-là. En 1983, il a assisté à un débat judiciaire en RDA contre l'un des bourreaux d’Oradour, Heinz Barth. En 2003, un documentaire portant le titre « Rencontre avec Robert Hébras : sur les traces de vie effacée » a été publié par le réalisateur allemand Bodo Kaiser. Pendant sa vie, il s’est engagé pour la réconciliation entre l’Allemagne, la France et l'Autriche. Malgré son âge, il entreprend des visites guidées dans les ruines du village martyr. Il est toujours ouvert à des interviews, à des projets de vidéo, particulièrement pour la jeunesse.
Robert Hébras est marié, a un fils et trois petits-enfants et vit à Saint-Junien, près d’Oradour. Depuis le décès de Jean-Marcel Darthout le 4 octobre 2016, il est le seul survivant du massacre encore en vie. Darthout et lui-même ont tous deux participé au film-documentaire Une vie avec Oradour, réalisé en 2011. Robert Hébras y évoque notamment son parcours après le massacre. Marguerite Rouffanche est la seule femme à avoir survécu au massacre. Les femmes et les enfants étaient réunis dans une église du village où ils ont suffoqué, été mitraillés ou/et brûlés vivant par le feu provoqué par les soldats SS. Les 207 enfants et bébés ainsi que 254 femmes ont péri alors que Marguerite Rouffanche, profitant d'un nuage de fumée, s'échappa par une fenêtre de l'église et gagna le jardin voisin, n'étant que légèrement blessée.
Polémique
Robert Hébras a été condamné le 14 septembre 2012 à un euro symbolique de dommages et intérêts et à 10 000 euros de frais de justice pour avoir émis des doutes sur le caractère forcé de l’enrôlement d’Alsaciens dans les Waffen SS dans son livre Oradour-sur-Glane : le drame heure par heure, publié en 1994. Il écrivait que : « Parmi les hommes de main, quelques Alsaciens enrôlés soi-disant de force dans les unités SS ». À la suite des protestations des Associations des évadés et incorporés de force (Adeif) du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui demandaient le retrait du livre des librairies, il avait nuancé ce propos dans les éditions suivantes, mais, dans un nouveau retirage en 2009, il avait repris sa version initiale.
La cour d’appel de Colmar a estimé que Robert Hébras « a outrepassé les limites de la liberté d’expression en mettant en doute le caractère forcé et non volontaire de l’incorporation de force de jeunes Alsaciens dans les unités allemandes de Waffen SS » Elle a estimé par ailleurs que « Robert Hébras ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de témoin, car à l’époque du massacre «il n’avait pas distingué les Allemands nazis des Alsaciens portant tous le même uniforme» et qu’il était « encore moins témoin de l’incorporation de force des Alsaciens dans les unités allemandes ». L’incorporation de force, estime la Cour d’appel, est une « vérité historiquement et judiciairement établie. »
Robert Hébras a indiqué que le nouveau tirage incriminé avait été effectué à l’initiative de l'éditeur, qui avait utilisé d’anciens typons d’impression non corrigés et qu’il n’a jamais signé de bon à tirer pour cette réédition. En janvier 2013, il se pourvoit en cassation. Le 16 octobre 2013, Robert Hébras est définitivement blanchi par la justice française qui a annulé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar. La Cour de cassation, première chambre civile (pourvoi n°12.35-434) a estimé que les propos, « s'ils ont pu heurter, choquer ou inquiéter les associations demanderesses, ne faisaient qu'exprimer un doute sur une question historique objet de polémique, de sorte qu'ils ne dépassaient pas les limites de la liberté d'expression ».
- Chevalier de la Légion d'honneur, 9 juin 2001
- Prix Autrichien pour la Mémoire, 17 mars 2008
- Ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, le 2 juin 2015
- Prix du citoyen européen 2017
- Chevalier de l'Ordre des Palmes académiques, 30 novembre 2019
Le Prix Autrichien pour la Mémoire de l'Holocauste a été remis à Robert Hébras par l'ambassadeur Hubert Heiss à l'ambassade d'Autriche à Paris « pour son engagement remarquable dans la lutte contre l’oubli en tant que témoin, mais aussi pour son implication passionnée dans le travail de réconciliation entre les Allemands, les Français et les Autrichiens ». Andreas Maislinger, président et fondateur du Service autrichien de la Mémoire : « Il faut considérer la distinction de Robert Hébras comme un hommage aux victimes du massacre d’Oradour et comme une marque de respect pour le travail des survivants ».