Ianoukovytch Viktor

Publié le par Mémoires de Guerre

Viktor Fedorovytch Ianoukovytch, né le 9 juillet 1950 à Ienakiieve (oblast de Donetsk), est un homme d'État ukrainien, président du pays du 25 février 2010 au 22 février 2014. Membre du Parti des régions, une formation politique pro-russe, il devient Premier ministre de l'Ukraine en 2002. Candidat à l'élection présidentielle de 2004, il doit concéder l'organisation d'un nouveau second tour en raison de la Révolution orange : il perd ce scrutin face à Viktor Iouchtchenko, meneur de la révolution. Il quitte alors la tête du gouvernement. Les résultats de son parti aux élections législatives de 2006 le conduisent de nouveau au poste de Premier ministre.

Redevenu principal dirigeant de l'opposition après le scrutin législatif de l’année suivante, il remporte l'élection présidentielle de 2010 avec 48,95 % des voix face à Ioulia Tymochenko. Sa présidence est marquée par les accords de Kharkov avec la Russie, par la dégradation de la situation financière de l'Ukraine et, selon ses opposants, par une dérive autoritaire, avec notamment une réforme de la Constitution renforçant les pouvoirs du chef de l’État. En 2014, un violent mouvement de contestation — provoqué par sa décision de suspendre l’accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne — conduit à son exil en Russie et à sa destitution par le Parlement. Il est ensuite condamné par contumace en Ukraine

Ianoukovytch Viktor
Enfance

Né dans la cité ouvrière de Joukovtsy, quartier de Ienakievo, il est le fils de Fedor Vladimirovitch Ianoukovytch (1923-1991), mécanicien dans l’usine métallurgique d'Enakievo, et d'Olga Semionovna Ianoukovitch (1925-1952), infirmière. Il perd sa mère à l'âge de deux ans, et après le remariage de son père, il est élevé tantôt chez sa grand-mère, tantôt à l’orphelinat. De 1957 à 1965, il est élève à l'école primaire puis au collège minier de Ienakievo. 

Études

En 1973, il est diplômé par correspondance du collège des mines d'Ienakiieve, puis, en 1980, diplômé par correspondance de l'Institut polytechnique de Donetsk (spécialité « automobiles et industrie automobile »). Il est diplômé de l'Académie ukrainienne du commerce extérieur (droit international) en 2001. Il est docteur en économie et professeur. 

Carrière professionnelle

En 1969, il entre à l’usine métallurgique d'Ienakiieve comme ouvrier métallurgiste. Il est électricien de 1972 à 1973 et mécanicien de 1973 à 1976. Il devient ensuite directeur des transports de la compagnie minière Ordzhonikidzeugol. En 1987, il accède à la fonction de directeur adjoint de la logistique et du transport de l'association industrielle de l'industrie houillère de Donetsk ; en mai 1989, il en devient directeur. En juillet 1989, il est nommé directeur de Donbastransremont, puis, en 1991, est élu à la tête de la direction de Donbastransremont. Entre janvier et septembre 1994, il est directeur général de l'association industrielle du transport de l'industrie houillière Ukrvuglepromtrans. Il est ensuite nommé directeur général du transport routier de la région de Donetsk. 

Parcours politique

Débuts

De 1964 à 1978, il est membre du Komsomol16. De 1980 à 1991, il est membre du Parti communiste. D'août 1996 à septembre 1996, il est vice-gouverneur (vice-président), puis de septembre 1996 à mai 1997, premier vice-gouverneur (premier vice-président), et enfin, du 14 mai 1997 au 21 novembre 2002, gouverneur (président de l'administration d'État) de la province (oblast) de Donetsk, une région minière de l'Est du pays, proche culturellement et géographiquement de la Russie. Pour ce faire, il bénéficie du soutien de Rinat Akhmetov, milliardaire soutenant le Parti des régions. En mars 1998, il est élu député du conseil provincial de Donetsk et, de mai 1999 à mars 2001, il est président du conseil provincial de Donetsk. Du 21 novembre 2002 au 7 décembre 2004, puis du 28 décembre 2004 au 5 janvier 2005, il est Premier ministre, nommé par le président Leonid Koutchma. Le 19 avril 2003, il est élu président du Parti des régions.

Élection présidentielle de 2004

Le 4 juillet 2004, considéré comme étant le dauphin du président Leonid Koutchma, il est désigné candidat du Parti des régions à l'élection présidentielle d’octobre et novembre, face notamment à Viktor Iouchtchenko. Au second tour du scrutin, les résultats officiels le donnent élu chef de l’État, mais d’importantes contestations contre des fraudes électorales présumées ont lieu dans les régions de l'Ouest du pays et dans la capitale, Kiev. Pour sortir de l'impasse politique, le président Koutchma fait organiser un nouveau second tour de l’élection présidentielle. Ce nouveau scrutin, qui se tient le 26 décembre 2004, voit la victoire de Viktor Iouchtchenko. Le 31 décembre 2004, Viktor Ianoukovytch démissionne de la tête du gouvernement ; sa démission est acceptée par Leonid Koutchma le 5 janvier 2005. 

Premier ministre

Lors des élections législatives du 26 mars 2006, le Parti des régions de Ianoukovytch obtient 33 % des suffrages et obtient ainsi le premier groupe parlementaire à la Verkhovna Rada. Ianoukovytch souhaite des liens plus forts avec la Russie et que l'Ukraine intègre l'Union européenne (en accord sur ce point avec le président Viktor Iouchtchenko). Néanmoins, Ianoukovytch s'oppose à la candidature de l'Ukraine à l'OTAN. Ianoukovytch défend les intérêts des consortiums d'extraction minière des oblast de Louhansk et de Donetsk. Le 4 août 2006, après quatre mois et demi de tentatives infructueuses pour former une coalition avec le parti pro-occidental de Ioulia Tymochenko, le président Iouchtchenko se résigne à nommer Ianoukovytch au poste de Premier ministre d'un gouvernement de coalition. L'accord signé avec le président Iouchtchenko stipule que l'Ukraine poursuivra ses négociations d'adhésion à l'OTAN et son rapprochement avec l'Union européenne. Cet accord permet d'éviter la dissolution du Parlement et la tenue de nouvelles élections législatives. 

Élections législatives de 2007

Le 3 avril 2007, le président Viktor Iouchtchenko dissout à nouveau le Parlement et la coalition vole en éclats. Les élections législatives anticipées ont lieu le 30 septembre 2007 et conduisent à la démission de Viktor Ianoukovytch le 18 décembre, Ioulia Tymochenko étant confirmée au poste de Premier ministre par le Parlement. 

Élection présidentielle de 2010

Ianoukovytch redevient alors le chef de l'opposition ; depuis 2007 il profite des conflits entre le président et le Premier ministre. Le 17 janvier 2010, lors du premier tour de l'élection présidentielle, il arrive en tête avec 35,32 % des voix, devançant Ioulia Tymochenko (25,05 %) et Viktor Iouchtchenko (5,45 %). Il refuse de participer au débat télévisé contre sa rivale, qui le qualifie de « candidat de la mafia et de la criminalité ». Le second tour de l'élection a lieu le 7 février. Marqué par un taux de participation important (69,15 %), il est remporté par Viktor Ianoukovytch qui réunit 48,95 % des voix, contre 45,47 % pour Ioulia Tymochenko, dont les proches dénoncent « des fraudes massives ». Le résultat est pourtant jugé « transparent et honnête » par les observateurs de l'OSCE.

Président de l’Ukraine

Viktor Ianoukovitch prête serment le 25 février 2010, devant les membres du Parlement ukrainien, le Conseil suprême. Il dénonce « des dettes colossales, la pauvreté, une économie qui s'effondre, la corruption » et souhaite des relations fortes avec l'Union européenne et la Russie. Il effectue sa première visite officielle à l'étranger à Bruxelles le 1er mars 2010, où il s'entretient avec le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Viktor Ianoukovytch se rend en Russie le 5 mars. Il annonce le soir de son investiture son intention de remplacer Ioulia Tymochenko au poste de Premier ministre. Celle-ci refuse, et défie les partisans du nouveau président en soumettant un vote de confiance au Parlement. Le 3 mars 2010, son gouvernement tombe après le vote d'une motion de censure. Huit jours plus tard, Mykola Azarov, un proche de Ianoukovytch, est investi par le Parlement. Signe de rapprochement avec la Russie, le 21 avril 2010, le président ukrainien signe avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, un traité portant d'une part sur le prolongement pour 25 ans du bail de la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol en Crimée, et d'autre part sur la diminution du prix du gaz russe livré à l'Ukraine de 30 %. L'opposition proteste violemment contre cet accord lors du vote au Parlement. Le même mois, Viktor Ianoukovytch, contrairement à son prédécesseur Viktor Iouchtchenko, déclare ne pas considérer Holodomor, la famine provoquée dans les années 1930 et qui a fait des millions de victimes ukrainiennes, comme un génocide.

Le 1er octobre 2010, la Cour constitutionnelle valide la réforme qui revient sur les changements constitutionnels introduits en 2004 : les pouvoirs du président de la République sont ainsi renforcés (possibilité de limogeage sans justification d'un membre du gouvernement ou d'un dirigeant de chaîne de télévision, de faire fi des décisions du gouvernement, etc.) et les prérogatives du Parlement amoindries. Pour l'analyste Victor Tchoumak, « Ianoukovytch ne s'est pas contenté de rétablir le modèle qui existait à l'époque de Koutchma. Il l'a nettement renforcé. Désormais, le président façonne lui-même la verticale de l'exécutif dans son ensemble, et ce système est devenu beaucoup plus facile à contrôler après la « réforme administrative » […] qui a quasiment divisé par deux le nombre de ministères et d'administrations. » Réputé autoritaire et intolérant avec les médias, Viktor Ianoukovytch doit faire face aux critiques de journalistes ukrainiens qui dénoncent régulièrement la censure qu'il exercerait sur eux. Après une année d'exercice du pouvoir, l'ONG américaine Freedom House a rayé l'Ukraine de la liste des pays libres, tandis qu'en Occident, des voix dénoncent un recul des processus démocratiques et des atteintes à la liberté d'expression. L'Ukraine est désormais décrite comme un pays partiellement libre.

Sur fond d'accusation de corruption par la justice ukrainienne, l'ancien ministre de l'Économie du gouvernement Tymochenko, Bogdan Danilichine, obtient l'asile politique en République tchèque, tandis que Ioulia Tymochenko est elle-même assignée à résidence. Au total, quinze anciens membres du gouvernement Tymochenko font l'objet de poursuites judiciaires depuis l'arrivée au pouvoir de Ianoukovytch. À partir d'octobre 2011, à la suite de la condamnation de Tymochenko à sept ans de prison ferme, les relations entre l'Ukraine et les pays occidentaux se dégradent, ces derniers voyant un motif politique dans cette condamnation. Dans ce contexte de tension entre l'Ukraine et l'Union européenne, Bruxelles a depuis 2011 subordonné la signature d'un accord de libre-échange à plusieurs conditions : la fin des poursuites judiciaires contre les opposants de Ianoukovytch, le respect de l'État de droit et l'indépendance de la justice. En avril 2013, l'ancien ministre de l'Intérieur Iouri Loutsenko est le premier homme politique d'envergure finalement libéré, la détention de Tymochenko restant toutefois le sujet le plus sensible. 

Protestations populaires et destitution

En novembre 2013, Viktor Ianoukovytch décide finalement de refuser l'accord avec l'Union européenne et de « relance[r] un dialogue actif avec Moscou ». Ce refus entraîne d'importantes manifestations pro-européennes à Kiev rassemblant des centaines de milliers de personnes, l'occupation du Maïdan Nézalejnosti et de la mairie, avec comme mot d'ordre la démission du président Ianoukovytch. La légitimité de Viktor Ianoukovitch est d'autant plus remise en cause après la mort de 75 manifestants tués par balle le jeudi 20 février 2014. Le 22 février 2014, alors que des rumeurs évoquent sa démission, le président déclare, lors d'une dernière allocution télévisée, qu'il refuse de démissionner et évoque un « coup d'État » en faisant un parallèle avec l'arrivée des nazis en Allemagne. 

Quelques heures plus tard, le Parlement vote sa destitution s'appuyant sur la Constitution qui permet au Parlement de destituer le président élu si ce dernier n'est pas capable d'assurer sa fonction ou s'il abandonne de facto ses fonctions. Le Parlement justifie également cette décision en accusant Viktor Ianoukovytch de violation massive des droits de l'homme. Le Parlement fixe également au 25 mai 2014 la prochaine élection présidentielle par 328 voix sur 450. Oleksandr Tourtchynov assure l'intérim et Ioulia Tymochenko, emprisonnée depuis deux ans et demi, recouvre la liberté. Parallèlement, les manifestants et la presse ont pu entrer dans la Mejyhiria, sa résidence située dans la banlieue de Kiev : celle-ci dévoile le patrimoine considérable de Viktor Ianoukovytch et le train de vie qu'il y menait. 

Ianoukovytch Viktor
Fuite vers la Russie

Viktor Ianoukovytch quitte Kiev dans la nuit du 21 au 22 février 2014, probablement en hélicoptère. Il se serait rendu dans la ville de Kharkiv, à l'est de l'Ukraine, où avait lieu un congrès du Parti des régions. Ce rendez-vous était officiellement inscrit dans l'agenda du président. Là-bas, il aurait passé la nuit dans sa résidence présidentielle avant de rejoindre, toujours via son hélicoptère, sa ville natale et son fief politique de Donetsk. Des gardes-frontières indiquent l'avoir aperçu le 22 février à l'aéroport de cette ville. Il aurait tenté de fuir l'Ukraine à bord d'un avion privé pour se rendre en Russie. Les gardes-frontières ont constaté que l'avion privé n'était pas en règle et ont refusé de le laisser décoller. Les gardes-frontières précisent également que quelques minutes plus tard, Viktor Ianoukovytch est sorti de l'avion pour se réfugier dans une voiture blindée qui a rapidement quitté l'aéroport. Il serait retourné ensuite brièvement à Donetsk avant de partir en voiture, très tard le soir et sans protection officielle, en direction de la Crimée. Il aurait atteint sa destination le 23 février 2014 où il aurait délaissé les résidences officielles pour des sanatoriums plus discrets. Inquiet pour sa sécurité à la suite des mesures prises à son encontre par le Parlement ukrainien, Viktor Inaoukovytch aurait tenté de gagner l'aéroport de Sébastopol (sud de l'Ukraine) où est stationnée une base navale russe, toujours en Crimée. Il aurait été vu dans cette région pour la dernière fois le 23 février 2014 à 23 h 50. Il ne serait finalement pas arrivé à Sébastopol, mais se serait arrêté dans une résidence privée où une partie de ses services de sécurité aurait préféré le laisser continuer seul. Ensuite, on perd momentanément la trace de Viktor Ianoukovitch.

Viktor Ianoukovytch refait entendre sa voix le 27 février dans une déclaration adressée au peuple ukrainien et transmise aux agences russes. Il souligne qu'il demeure toujours le président légitime de l'Ukraine et demande dans le même temps à la Russie de garantir sa sécurité. Sa requête aurait été immédiatement acceptée par la Fédération de Russie où il se serait de toute façon déjà réfugié. Mais ce n'est que le 28 février 2014 que Viktor Ianoukovytch réapparaît en public. Il donne alors une conférence de presse devant des journalistes russes dans la ville russe de Rostov-sur-le-Don, proche de la frontière ukrainienne. Il explique qu'il a choisi de tenir cette conférence à Rostov-sur-le-Don car il a pu trouver refuge chez un de ses amis vivant dans cette localité. Il indique qu'il considère qu'il n'a pas été renversé, réfute sa destitution qu'il juge illégale, et précise qu'il a finalement été contraint de quitter l'Ukraine contre son gré craignant pour sa vie et la sécurité de sa famille. Il réfute également avoir abandonné ses fonctions en quittant Kiev dans la mesure où il devait se rendre à Kharkiv pour rencontrer des membres du Parti des régions qu'il soutient, comme le stipulait son agenda officiel. Il affirme ne pas avoir donné l'ordre à la police ukrainienne de tirer sur la foule le 21 février 2014 : « Je n’ai jamais donné l’ordre à la police de tirer sur la foule. Elle a toujours été désarmée jusqu’à ce qu’on lui tire dessus ». Il souligne que le pouvoir a été pris illégalement à Kiev par « des jeunes nationalistes et profascistes ». 

Le 4 mars 2014, quelques jours après cette conférence, Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, indique dans sa première déclaration publique depuis la destitution de Ianoukovytch que celui-ci n'a plus d'avenir politique et qu'il le lui a signifié personnellement. Malgré son isolement politique, les déclarations russes sur son absence d'avenir politique et la reconnaissance de sa destitution par la communauté internationale, Viktor Ianoukovytch, dans une nouvelle conférence de presse tenue à Rostov-sur-le-Don le 11 mars 2014, continue de marteler qu'il est toujours le seul président légitime de l'Ukraine et le seul chef des armées et qu'il envisage de revenir dans les meilleurs délais à Kiev, dès que la situation lui permettra. Il qualifie la situation ukrainienne et sa destitution comme une parenthèse dans son mandat. L'une de ses dernières apparitions publiques et médiatiques remonte au 28 mars 2014 à Rostov-sur-le-Don, en territoire russe, où il avait alors donné une conférence de presse. Depuis, il continue de réagir ponctuellement dans cette ville face à des journalistes.

Ainsi, le 13 avril 2014 à Rostov-sur-le-Don, Viktor Ianoukovytch accuse les États-Unis, en particulier la CIA, d'être directement impliqués dans les événements en Ukraine, affirmant qu'ils doivent assumer « une part de responsabilité pour le déclenchement de la guerre civile dans ce pays ». Il ajoute que l'Ukraine a un pied dans la guerre civile, à cause de « nationalistes », et qu'elle se dirige « vers la faillite ». Le 12 mai suivant, il enjoint Kiev de retirer immédiatement ses troupes et ses mercenaires du Sud-Est de l'Ukraine, se considérant toujours comme le président légitime de ce pays. Le 29 mai, toujours à Rostov-sur-le-Don, il accuse sévèrement les autorités de Kiev et les dirigeants de certains « pays démocratiques » d'être responsables de la mort de nombreux Ukrainiens dans le sud-est du pays après avoir signé un document qui prévoit un règlement pacifique du conflit. Pour lui, la crise ukrainienne a été provoquée par l'Occident. Le 5 août 2014, on apprend que Viktor Ianoukovytch a saisi le tribunal de l'Union européenne pour contester la gel de ses actifs et son interdiction de rentrer sur le sol de l'Union européenne. Il juge ces mesures illégitimes au regard des droits de propriété garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il considère que les décisions qu'il a prises étaient politiquement motivées en tant que président « démocratiquement élu » en Ukraine

Exil et procès par contumace

Viktor Ianoukovytch doit faire face aux multiples accusations des nouvelles autorités ukrainiennes qui le recherchent activement pour « meurtres de masse », « abus de pouvoir », « crimes graves » et corruptions multiples, entre autres. En effet, le 24 février 2014 soit deux jours après sa destitution par le Parlement ukrainien, un mandat d'arrêt est lancé contre lui par la justice ukrainienne pour « meurtres de masse ». Le lendemain, le 25 février 2014, le Parlement ukrainien, la Rada, vote à une large majorité le renvoi de Viktor Ianoukovytch devant la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes graves ». Les autorités ukrainiennes ont justifié cette décision par la mort d'une centaine de manifestants face à la police à Kiev. Réagissant à ce vote du Parlement ukrainien, la CPI a toutefois fait savoir qu'elle attendait une requête officielle du pays afin de pouvoir formellement enquêter sur les causes directes de ces morts de civils et déterminer les responsables. Si l'Ukraine a bien signé le traité instituant la CPI en janvier 2000, elle ne l'a jamais ratifié. Ce fait ne devrait toutefois pas l'empêcher de saisir formellement la CPI si elle le souhaite. On apprend qu'en avril 2014, la procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda, « ouvre une enquête préliminaire sur la situation en Ukraine afin de déterminer si les critères nécessaires à l'ouverture d'une enquête (au long cours) sont réunis ».

Le 5 mars 2014, les autorités ukrainiennes demandent officiellement à Interpol de délivrer une notice rouge à l'encontre de Viktor Ianoukovytch pour « abus de pouvoir et meurtre ». Le bureau des affaires légales de l'organisation internationale de police étudie alors la demande pour vérifier sa compatibilité avec ses missions et ses règles. Après un examen attentif de la requête soumise par le ministère de l'Intérieur, le bureau du procureur général et le service de sécurité d'Ukraine le 5 mars 2014, une commission spéciale d'Interpol décide finalement, le 12 janvier 2015, de délivrer une notice rouge à l'encontre de Viktor Ianoukovytch, mais pas sur les motifs d'abus de pouvoir et de meurtre, jugés non conformes aux règles de l'organisation. En effet, la notice rouge émise précise que Viktor Ianoukovytch est recherché pour « malversations financières, soustraction, détournement ou conversion de biens par des manœuvres frauduleuses, commis à grande échelle ou en bande organisée ». Cette notice rouge, diffusée dans les 190 pays membres d'Interpol, doit permettre d'aider les autorités judiciaires ukrainiennes à localiser, faire arrêter et extrader Viktor Ianoukovytch sur la base d'un mandat d'arrêt ou d'une décision judiciaire de l'Ukraine à des fins de jugement dans son pays ou, comme l'a voté le Parlement ukrainien, devant la Cour pénale internationale si cette dernière juge la requête légitime et comme faisant partie de ses prérogatives. 

Le ministre ukrainien de l'Intérieur, Arsen Avakov, a commenté cette décision : « Aujourd'hui, plusieurs mois après que l'Ukraine eut adressé une requête à Interpol, en mars 2014, avec des arguments et des explications préparés par le ministère de l'Intérieur, le bureau du procureur général et le service de sécurité d'Ukraine, une commission spéciale d'Interpol en est arrivée à cette décision ». Interpol précise toutefois que la notice rouge n'est pas un mandat d'arrêt international et qu'elle ne peut donc en aucun cas contraindre un de ses États-membres à arrêter Viktor Ianoukovytch. La notice rouge ne sert qu'à alerter les pays qui coopèrent avec Interpol sur le fait qu'un mandat d'arrêt international a été délivré par une autorité judiciaire. Le 21 octobre 2014, à Sotchi, Vladimir Poutine révèle que Moscou a aidé Viktor Ianoukovytch à fuir l'Ukraine : « Je ne vous cacherai pas que nous l'avons aidé à se réfugier en Crimée, où il a passé plusieurs jours. À cette époque, la Crimée faisait encore partie de l'Ukraine, mais puisque les événements à Kiev évoluaient très vite et de manière tumultueuse, il n'avait aucun intérêt à rentrer à Kiev ». À la demande de Viktor Ianoukovytch, qui souhaitait bénéficier d'un transfert vers la Russie pour des raisons de sécurité, Vladimir Poutine a répondu favorablement : « C'est ce que nous avons fait ». Malgré les demandes des autorités ukrainiennes, la Fédération de Russie a toujours refusé d'extrader Viktor Ianoukovytch et sa famille vers Kiev. 

Face aux déclarations d'Anton Gerachtchenko, conseiller du ministre des Affaires intérieures de l'Ukraine, indiquant que l'ancien président de l'Ukraine, ainsi que l'ex-Premier ministre Mykola Azarov et l’ancien Procureur général Viktor Pchonka auraient obtenu la citoyenneté russe, le chef du Service fédéral des migrations (SFM) de Russie, Konstantin Romodanovskiy, a simplement indiqué qu'il ne disposait pas d'informations sur le fait que l'ex-président de l'Ukraine ait effectivement obtenu cette citoyenneté. C'est dans ce contexte qu'en octobre 2014 le président ukrainien Petro Porochenko annonce avoir signé une loi qui permet de juger son prédécesseur dans le cadre d’un procès par contumace pour différents motifs, notamment pour les massacres perpétrés sur le Maïdan à Kiev. Si en février 2014 Viktor Ianoukovytch s'était réfugié en territoire russe, on ignore depuis où il se trouve précisément. Une rumeur répandue par la presse russe évoque l'idée qu'il puisse chercher refuge sur le Mont Athos. Ses dernières déclarations publiques depuis le territoire russe remontent à août 2014. En mars 2015, Interpol émet à son encontre une notice rouge. En juillet 2015, Interpol retire le mandat d'arrêt. Le Tribunal de l'Union européenne rejette, en septembre 2016, le recours qu'il avait déposé contre le gel de ses avoirs. Le 28 avril 2017, le procureur général, Iouri Loutsenko annonce le rapatriement vers l'Ukraine de 1,4 milliard d'euros qu'il a détournés, somme qui sera utilisée pour les aides sociales pour la guerre du Donbass. Le 24 janvier 2019, il est condamné par contumace par un tribunal de Kiev à treize ans de prison pour « haute trahison ». 

Affaires judiciaires

Le 15 décembre 1967, il est reconnu coupable de vol conformément à l'article 141 partie 2 du code pénal de la république socialiste soviétique d'Ukraine. Condamné à trois ans de prison, il est envoyé dans un camp pour mineurs. Sa peine est réduite à dix-huit mois en raison de l'amnistie décidée en l'honneur du cinquantième anniversaire de la révolution d'octobre. Libéré au bout de six mois pour bonne conduite, il est impliqué dans une rixe à Ienakiieve le 16 septembre 1969. Inculpé au titre de l'article 102 du code pénal de la république socialiste soviétique d'Ukraine (coups et blessures), il est condamné le 8 juin 1970 à deux ans de prison. Il est relâché en juin 1972. Les sanctions sont annulées en 1973 et effacées en 1978 par la justice soviétique. Une fois devenu homme politique, il qualifiera ses actes d'« erreurs de jeunesse ». 

Vie privée

En novembre 1971 Viktor Ianoukovytch se marie à Lyudmila Oleksandrivna Nastenko, née en 1949. Il a deux fils :

  • Oleksandr, né le 10 juillet 1973 à Donetsk, dentiste puis homme d'affaires ;
  • Viktor Jr, né le 16 juillet 1981 à Ienakiieve8, étudiant à l'Université nationale de Donetsk, député d'Ukraine de 2006 à 2014 pour le Parti des régions, mort en mars 2015 en Sibérie.
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