La Porte du Theil Joseph de

Publié le par Roger Cousin

La Porte du Theil Joseph deJoseph de La Porte du Theil, né dans une famille de l'ancienne noblesse est le fils d'un inspecteur général des Eaux et forêts. Après de brillantes études, il est reçu en 1903 à l'École Polytechnique (Promotion X1903), d'où il ressort officier d'artillerie. Pendant la Première Guerre mondiale, il est capitaine puis chef d'escadron d'artillerie.

De 1919 à 1930, il est professeur d'artillerie, d'abord à l'École d'application d'artillerie a Metz, puis à l'École de guerre a Paris. Il est promu lieutenant-colonel en 1928, colonel en 1930. En 1935, il est général commandant l'École d'application de l'artillerie de Fontainebleau. Au cours de la campagne de France, il est l'un des seuls généraux dont le dispositif ne soit ni enfoncé ni rompu par l'avance allemande.

Ce qui distingue pourtant le général de La Porte du Theil, ce n'est pas son excellence militaire. Très tôt, il s'est intéressé de très près à l'encadrement et à la formation de la jeunesse : ses différentes affectations en école et son passé de chef scout lui ont en effet fait comprendre tout le bien qui pouvait sortir d'une formation qui serait, à l'aube de la vie adulte, non plus académique, mais tout simplement humaine. On formerait des hommes.

Ces idées prennent corps après la déroute quand le 2 juillet 1940, le maréchal Pétain, soucieux de reprendre en main la jeunesse française, le charge de mettre en œuvre les futurs Chantiers de la Jeunesse. Le 2 aout 1940, il est l'un des membres du tribunal condamnant à mort le général de Gaulle, pour désertion (et probablement rébellion).

Le général de La Porte du Theil abandonne alors toute fonction militaire pour mettre en place les Chantiers, dont il est à la fois le fondateur et le commissaire général (jusqu'en 1944). Dans son esprit, il s'agit de donner aux jeunes français un complément de formation morale, physique et professionnelle pour les préparer à assumer un jour leurs responsabilités au service du régime de Vichy. On choisit pour cela de les isoler de la société civile dans des camps au grand air, dans le but de les aguerrir physiquement et moralement et de renforcer leur patriotisme et leur sens de la solidarité, valeurs qui a priori auraient prétendument fait défaut dans la société des années trente.

La Porte du Theil ne se limite cependant pas à des discours et à des feux de camps. Transgressant ses devoirs moraux d'ancien chef scout, il demande et obtient l'exclusion des jeunes français juifs des Chantiers, d'abord en Afrique du Nord, à l'initiative de son Commissaire régional, le lieutenant-colonel Van Hecke, puis en métropole l'année suivante. Le 15 juillet 1942, soit d'ailleurs 24 heures avant le déclenchement de la rafle du Vel'd'Hiv', il propose même au Commissariat Général aux Questions Juives un texte de loi, vite approuvé, qui met définitivement les Juifs en dehors des Chantiers. Cependant, sur le plan personnel, l'homme protègera ses quelques collaborateurs juifs et entretiendra des relations amicales après la guerre avec des Israélites.

Surpris par le débarquement allié dans les départements français d'Algérie, le 8 novembre 1942 (Opération Torch), La Porte du Theil, au lieu de reprendre du service dans l'armée d'Afrique alignée sur les Alliés et placée sous le commandement du général Henri Giraud, préfère retourner en France métropolitaine en avion, y laissant le lieutenant-colonel Van Hecke. Ce dernier, qui se rallie à la France libre en prenant contact avec la résistance locale, contribua alors à la formation d'unités militaires à partir d'anciens des Chantiers de Jeunesse dont le 7e régiment de chasseurs d'Afrique dont il prend le commandement en 1943 et qui prend part aux campagnes d'Italie, de France et d'Allemagne comme en atteste son étendard arborant le nom des batailles de Garigliano et Toulon en 1944, Wurtemberg en 1945; le fameux Chant des Africains est personnellement dédié à van Hecke et à son 7e RCA. En 1945, le général de Gaulle l'aurait décrit en ces termes "Jeune et splendide régiment dont les preuves ne sont plus à faire, s'est taillé une large part de gloire au cours des campagnes d'Italie et de France".

Lorsque les Allemands envahissent la zone Sud et dissolvent l'armée d'armistice, ils se gardent de porter atteinte aux Chantiers de jeunesse, qui à leurs yeux maintiennent la jeunesse française en de bonnes mains et peuvent servir de vivier de main-d'œuvre. Et de fait, en 1943, les Chantiers deviennent un piège pour des milliers de jeunes gens astreints au Service du travail obligatoire (STO). Nombre d'entre eux sont envoyés en Allemagne par groupements entiers, avec le concours actif de La Porte du Theil et de ses subordonnés. Ce concours est établi tant par les faits et les témoignages que par leurs instructions secrètes, conservées aux Archives Nationales [côte F60 1452 p.ex.]. On vit les jeunes partir et arriver au travail forcé outre-Rhin en uniforme, en rangs, bannières déployées, encadrés par leurs Chefs, et parfois musique en tête.

A la fin de 1943, La Porte du Theil tente enfin de limiter les prélèvements incessants de travailleurs pour l'Allemagne, qui réduisent considérablement ses effectifs, et peut-être donc son influence au sein de l'appareil de Vichy. S'il n'a rien d'un fervent collaborationniste et que nul opposant n'a jamais mis en doute ses sentiments patriotiques, il refuse toutefois de rompre avec le régime pétainiste collaborateur. Approché par la Résistance à l'automne 1943 au témoignage de Léo Hamon, il refuse de s'y joindre. Considéré néanmoins comme insubordonné par l'occupant allemand, sa révocation et son arrestation sont décidées. Mais, bien qu'averti, il refuse de s'enfuir et se laisse arrêter à son bureau de Châtel-Guyon, le 4 janvier 1944, 24 heures après avoir été démis de ses fonctions.

Il est interné à Munich, puis en Autriche. Il tombe entre les mains de l'armée française le 4 mai 1945. Après la Libération, il est jugé par la Haute Cour de Justice pour avoir participé au Gouvernement de Vichy. Ses 16 mois d'exil forcé en Allemagne, le soutien nullement prouvé censé avoir été apporté à la Résistance, comme sa tardive opposition à l'envoi des jeunes des Chantiers au STO lui permettent d'obtenir un arrêt de non-lieu. La cour constate toutefois que le crime d'indignité nationale, tel que défini par l'ordonnance du 26 décembre 1944, est bien constitué.


Publié dans Militaires

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article