Le maréchal Keitel
Il y a dix sept ans le Tribunal militaire international de Nuremberg condamnait à la peine capitale le Feldmaréchal général Wilhelm Keitel. Jugé criminel de guerre celui-ci fut pendu haut et court le 16 octobre 1946. Le maréchal Keitel devait, dans l'esprit de Hitler représenter auprès de lui l'ensemble des forces armées. Il portait le titre de chef de l'O.K.W. (chef du commandement de la Wehrmacht). Mais cet homme ne détenait, malgré son rang élevé, aucun pouvoir de décision ni de commandement. Il a dû répondre à Nuremberg, des ordres qu'en sa qualité de chef suprême Hitler avait donnés, mais que lui n'a fait que transmettre. Parmi ces ordres il en était que réprouvait sa conscience de soldat. La position de secrétaire militaire qu'il assuma auprès de Hitler à partir de 1938 était l'une des plus ingrates que l'on pût concevoir. Elle l'a amené à épouser malgré lui certaines responsabilités morales. Keitel en a convenu sans réticene au cours de son procès. Dans ses souvenirs, c'est surtout sur lui-même qu'il porte un jugement objectif alors que la plupart de ses camarades du corps des officiers, et en particulier de l'état-major général, lui ont jeté la pierre en lui faisant grief de n'avoir su empêcher ce qu'eux-mêmes n'ont pu davantage éviter. Reste à savoir si, en de telles matières seul le Juge suprême est compétent, ou si des juges humains ont qualité pour en décider. En tout cas, les mémoires du Maréchal soulèvent quantité de problèmes : ils touchent à celui, toujours brûlant, de l'articulation du haut-commandement dans les trois armes : terre, mer, air. Problème qui s'apparente à l'organisation de l'Etat et qui n'a encore jamais été résolu nulle part de façon satisfaisante. En évoquant la crise Fritsch-Blomberg de 1938 à laquelle il fut mêlé, Keitel, par ses révélations, projette ne lueur nouvelle sur la façon dont Hitler a progressivement accaparé la totalité du pouvoir, et abouti à la suprématie incontestée d'un seul homme dans un état "totalitaire". Mais alors se pose la question cardinale du devoir d'obéissance du soldat, et des limites qu'il sied de lui assigner dans le monde moderne. Sans doute est-ce en cela que réside l'intérêt palpitant de ces mémoires écrits par un soldat qui savait qu'il allait périr quelques semaines plus tard de la main du bourreau. Keitel en écrivant ces lignes ne s'est pas ménagé. Il n'ignorait pas qu'il allait mourir en expiation d'ordres qu'il n'avait ni conçus ni donnés, mais qu'il avait contribué à diffuser et à faire exécuter. Il a tenu néanmoins, avant de disparaître, à apporter sa contribution à la vérité historique.
Fiche Technique
- Titre : Le maréchal Keitel
- Editeur : FAYARD
- Date de parution : 01/01/1963
- Auteur : Walter Gorlitz
- ASIN: B003WYZ2H2