Otpor

Publié le par Roger Cousin

OtporLe mouvement Otpor, (« Résistance »), est une organisation politique, créée en 1998, avec le soutien de l'organisation américaine National Endowment for Democracy, organisatrice de nombreuses révoltes violentes ou non de par le monde, dans les pays opposés politiquement aux États-Unis et généralement considérée comme l'un des acteurs majeurs de la chute du régime de Slobodan Milošević. Après la chute du régime, Otpor est devenu le centre de formation pour l'action non-violente et a formé des jeunes révolutionnaires de différents pays, en Géorgie, puis en Ukraine, mais aussi en Biélorussie, aux Maldives, en 2011 Égypte et en 2013 au Venezuela.

Alors que la classe politique serbe était fortement discréditée ou en exil[réf. nécessaire], le mouvement Otpor s'est principalement développé en dehors des structures de l'opposition traditionnelle, sous l'impulsion de jeunes étudiants en premier cycle universitaire et écoles supérieures, fréquemment membres du parti d'opposition9. Elle a été financée par des organisations occidentales de "soutien à la démocratie" : National Endowment for Democracy, l'Open Society Institute du milliardaire américain George Soros et Freedom House. Cette ONG américaine étant dirigée alors par l'ancien dirigeant de la CIA, James Woolsey.

Le premier objectif était bien entendu le renversement de Slobodan Milošević. Le mouvement aspirait par la suite à rapprocher la Serbie des standards occidentaux en matière de respect des droits de l'homme, des libertés civiques, d'économie de marché et d'institutions démocratiques. Il s'agissait enfin de sortir le pays de son isolement, de lutter contre la corruption, et de privatiser l'économie « sur une base équitable ». L'organisation du mouvement, dirigé par Srđa Popović était caractérisée par une structure hiérarchique relativement plane. Cette structure était un moyen de défense contre la répression : pour limiter l'impact de l'arrestation des cadres. C'était aussi une application de l'idéologie de résistance individuelle non violente véhiculée par Otpor (voir également conflit non-violent), dont le théoricien est Gene Sharp.

Avant la chute de Milošević, il avait lancé deux campagnes simultanées :

  • « Gotov je » (« Il est fini ! ») pour dénoncer le régime à l'aide de slogans bombés sur les murs des grandes villes de Serbie et de marches de protestation.
  • « Il est temps » pour convaincre les gens de voter en organisant des rencontres culturelles, des meetings et en organisant des manifestations de soutien à l'étranger.
  • Première utilisation du téléphone portable et d'internet dans une révolution.


Le logo du mouvement, le poing fermé sur fond noir, est une parodie du symbole bolchévique utilisé par le régime. En décembre 1989 Slobodan Milošević est élu à la présidence de la Serbie. En 1996 et 1997, des manifestations contre les fraudes électorales du régime échouent à cause des divisions de l'opposition. La répression du régime contre la liberté d'opinion s'accentue, notamment dans le milieu étudiant. En septembre 1998 onze organisations estudiantines rédigent la Déclaration pour l'avenir de la Serbie: départ de Milošević, l'organisation d'élections libres et rétablissement des libertés civiles en constituent les fondements. En octobre 1998, des étudiants de l’université de Belgrade exigent la démission du doyen, accusé d'être le relais de la politique répressive du régime. Le mouvement Otpor acquiert sa première visibilité politique après l'arrestation de quatre militants pour avoir peint des poings noirs sur des murs d'immeubles. Après trois mois de manifestations le doyen est cependant révoqué, le mouvement se diffuse progressivement dans le reste du pays. Fin 1999 il compte 4 000 adhérents.

Début 2000 de nombreux jeunes Serbes se rendent en Hongrie, officiellement pour visiter le monastère de Sent Andrej. En fait, ils ont rendez-vous à l'hôtel Hilton de Budapest pour suivre, avec Robert Helvey qui travaille pour l'Albert Einstein Institution, une formation aux techniques de résistance non-violente de Gene Sharp. Ils entrent également en contact avec des militants Polonais de Solidarność et des Slovaques de OK'98. En 2009, une partie des jeunes leaders de la révolution arabe ont tous été formés en Serbie par le mouvement otpor, parmi eux on compte Mohamed Abdel qui déclara aux médias après la révolution égyptienne ""J'étais en Serbie et je me suis formé à l'organisation de manifestations pacifiques et aux meilleurs moyens de s'opposer à la brutalité des services de sécurité".

Les semaines précédant le scrutin du 24 septembre 2000, la répression à l’égard du mouvement s'accentue: perquisitions et interpellations se succèdent. Le mouvement Otpor comptait alors environ 35 000 membres. Le mouvement contribue à créer une coalition de dix-huit partis au sein de l'Opposition Démocratique (DOS), représentée par le nationaliste modéré Vojislav Koštunica. Celui-ci mène une campagne à la fois contre Milošević et contre l’OTAN, détesté après les bombardements consécutifs à la crise du Kosovo. Les résultats lui étant défavorables, Slobodan Milošević annule les élections. Une grève générale paralyse alors le pays. Le 5 octobre 2000, les militants d’Otpor participent massivement à la «Marche sur Belgrade» qui mobilise 700 000 personnes. Le 6, Vojislav Kostunica est élu à la présidence de la République.

Après la chute de Milošević, le mouvement est resté constitué avec l'objectif de prévenir la corruption. Il réduit cependant fortement son activité et de nombreux Serbes se désolidarisent progressivement du mouvement. Otpor tente par la suite de se convertir en parti politique. Avec seulement 1,6 % des voix aux élections législatives de 2003, il n'obtient aucun mandat parlementaire. Otpor fusionne alors avec le Parti démocratique (DS) du président Boris Tadic. Certains militants, dont Ivan Marovic and Srdja Popovic, s'éloignent alors d'Otpor et fondent l'ONG Center for Applied Non-Violent Action and Strategies (en) CANVAS) destinée à exporter les techniques non-violentes du mouvement. CANVAS organise des séminaires de formation à la lutte contre les fraudes électorales dans d'anciens satellites soviétiques. Leur objectif est de faire partager leur expérience pour organiser des mouvements de protestation non violente. Son influence sur le mouvement Kmara, lui même fortement impliqué dans la révolution des Roses en Géorgie, est avérée.

En Ukraine elle aurait assisté l'organisation Pora qui a été très active durant la révolution orange de décembre 2004. Les liens entre les deux organisations remonteraient à mars 2003. En avril 2004 dix-huit membres de Pora ont assisté à un séminaire à Novi Sad, au nord de la Serbie. Un membre du « Centre pour la résistance non-violente », Aleksandar Maric a été expulsé d'Ukraine peu avant les élections. L'ONG est également en relation avec MJAFT! en Albanie. Elle collabore enfin avec Zubr en Biélorussie, qui a tenté en 2001, 2004 et 2006 de mettre fin au régime autoritaire d'Aliaksandr Loukachenka, mais n'a pas atteint son objectif. En 2002, elle a aussi essaimé au Venezuela dans l'opposition au regime d'Hugo Chávez. En janvier et février 2011, on voit dans les rues du Caire le symbole de Otpor brandit par des étudiants égyptiens, on sait depuis que les membres du célèbre mouvement étudiant égyptiens, le Mouvement du 6 avril, ont été formés en Serbie pour organiser la révolution en Égypte.

Les partisans du régime de Milošević ont dénoncé Otpor comme étant une organisation insurrectionnelle visant à déstabiliser le pays pour le compte de puissances étrangères. L'organisation n'a jamais caché qu'une part non négligeable de ses financements vient de l'occident. Historiquement, les États-Unis ont été les premiers à répondre favorablement aux demandes de fonds. Il n'est donc pas étonnant qu'au fil des différentes crises, les régimes mis en cause aient reproché aux organisations affiliées au « Centre pour la résistance non-violente » de n'être que des émanations des services secrets des États-Unis. Robert Helvey a ainsi été mandaté par l'Institut international républicain (IRI) qui ne serait qu'une façade de la CIA. De même l'ONG américaine Freedom House a engagé deux cadres du « Centre pour la résistance non-violente », Aleksandar Maric et Stanko Lazendic, comme conseillers en Ukraine. Cette ONG a pour objectif d'exporter les valeurs américaines et son président actuel James Woolsey a été directeur de la CIA de 1993 à 1995.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article