Pasqua Charles
Charles Pasqua , né le 18 avril 1927 à Grasse (Alpes-Maritimes) et mort le 29 juin 2015 à Suresnes (Hauts-de-Seine), est un homme politique français. Résistant à l'âge de 15 ans, il est ensuite militant gaulliste dans le Sud de la France et vice-président du Service d'action civique (SAC), une association controversée au service du général de Gaulle. En 1968, il s'implante politiquement dans les Hauts-de-Seine, où il devient député puis sénateur et président du conseil général. Participant à la fondation du RPR, il est alors un conseiller influent de Jacques Chirac dont il s'éloigne par la suite. Il est ministre de l'Intérieur lors des deux premiers gouvernements de cohabitation, de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995.
Son activité ministérielle est marquée par la répression des manifestations contre le projet de loi Devaquet, ses actions contre le terrorisme et les lois Pasqua-Debré sur l'immigration et la nationalité française. Souverainiste, il milite pour le « non » au référendum de 1992 sur le traité de Maastricht et crée ensuite le Rassemblement pour la France (RPF), qui arrive en deuxième position aux élections européennes de 1999. Après avoir été député européen, il revient au Sénat, où il siège de 2004 à 2011 en tant qu'apparenté au groupe UMP.
Il est le petit-fils d'un berger corse de Casevecchie et le fils d'André Pasqua, policier à Grasse (Alpes-Maritimes), et de Françoise Rinaldi. À la suite de l'invasion de la zone libre par l'armée allemande en novembre 1942, Charles Pasqua, alors âgé de 15 ans, s'engage dans la Résistance sous le pseudonyme « Prairie », et rejoint les rangs de Combat. Son père est quant à lui déjà impliqué dans cette lutte. Il se marie en 1947, avec Jeanne Joly, une Québécoise rencontrée à Grasse avec qui il a un fils : Pierre-Philippe Pasqua, né en 1948 et mort en février 2015. Jeanne Joly décède à son tour le 7 février 2016.
Titulaire d'une licence en droit, il est embauché comme représentant par Paul Ricard en janvier 1952, grimpe les échelons et devient inspecteur des ventes en 1955, directeur régional en 1960, puis directeur général des ventes en 1962, et, enfin, directeur de l'exportation l'année suivante. Lorsqu'il quitte Ricard en 1967, il est alors numéro 2 du groupe. En 1967, Charles Pasqua quitte Ricard, et fonde avec des transfuges de cette société la société Euralim (Europe Alimentation) installée à Levallois-Perret pour importer la boisson Americano Gancia.
En 1947, il rejoint le Rassemblement du peuple français (RPF), fondé par le général de Gaulle. Il participe aux activités de son service d'ordre dans le Sud de la France. Il mobilise ses anciennes troupes du service d'ordre en mai 1958 à Marseille et participe ensuite à la fondation dans cette ville de l'Union pour la nouvelle République. Selon une source, il est, avec Jacques Foccart, Achille Peretti et Étienne Léandri l'un des créateurs, en 1959, du Service d'action civique (SAC), organisme de protection, « police privée » du gaullisme. Si l'historien du SAC François Audigier cite une interview de Pasqua en 1979 dans laquelle il se reconnaît comme l'un des fondateurs du SAC, ce-dernier le nie dans sa déposition donnée à la commission d'enquête parlementaire sur les activités du SAC créée à la suite de la Tuerie d'Auriol.
Il y affirme avoir rallié le SAC en 1962 après la guerre d'Algérie, avoir été chargé de mission régional pour les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes-Maritimes jusqu'à la fin de l'année 1964 ou au début de l'année 1965, lorsqu'il gagne la région parisienne. Il est ensuite désigné premier vice-président, de 1967 à sa démission à l'automne 1969, lorsque le SAC est réorganisé à la suite de l'élection de Pompidou à la présidence de la République. Il se lance dans la vie publique en 1964, en créant la liste « Libre entreprise » à la chambre de commerce de Marseille. Le 30 mai 1968, il est un des principaux organisateurs de la manifestation pro-gaulliste qui marque le basculement des « événements de mai ». Le mois suivant, alors qu'il est vice-président du SAC, il est élu député lors du raz-de-marée gaulliste, à Clichy-Levallois, sous l'étiquette UDR.
Membre des partis gaullistes depuis 1947, il s'établit politiquement dans les Hauts-de-Seine. Élu député dans la 4e circonscription des Hauts-de-Seine du 11 juillet 1968 au 1er avril 1973, il siège au conseil général à partir de 1970 et en devient le président trois ans plus tard. Après ses défaites aux élections législatives de 1973 et aux cantonales de 1976 dans le canton de Levallois-Perret-Sud, lors desquelles il est à chaque fois battu par le maire communiste de Levallois-Perret, Parfait Jans, Charles Pasqua s'implante dans la ville de Neuilly-sur-Seine.
Il est élu pour la première fois sénateur dans les Hauts-de-Seine le 25 septembre 1977. En 1983, conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine, il est pressenti pour succéder à Achille Peretti, décédé d'un arrêt cardiaque. Il est devancé par Nicolas Sarkozy, dont il avait été témoin de mariage avec Marie-Dominique Culioli quelques mois plus tôt. Sur les conseils de Bernard Pons, Jacques Chirac renonce à le soutenir. Président du groupe RPR au Sénat à partir de 1981, il abandonne son mandat parlementaire le 19 avril 1986, lorsqu'il entre au gouvernement Jacques Chirac II.
Homme de réseau redouté, Charles Pasqua contribue à l'ascension politique de Jacques Chirac. Après l'avoir aidé à prendre la main sur le mouvement gaulliste, l'UDR, il travaille avec Marie-France Garaud et Pierre Juillet à la fondation du RPR, dont il devient secrétaire général adjoint. Il organise la campagne de Jacques Chirac pour l'élection présidentielle de 1981. Dans l'entre-deux tours, il contribue à la défaite du président de la République sortant, Valéry Giscard d'Estaing, en appelant les adhérents RPR à voter contre lui, favorisant ainsi la victoire du candidat socialiste, François Mitterrand.
Charles Pasqua est nommé ministre de l'Intérieur dans le premier gouvernement de cohabitation, lorsque Jacques Chirac est Premier ministre de François Mitterrand, de 1986 à 1988. Alors que Mitterrand s'oppose à quatre des nominations, dont la sienne, Chirac cède sur les trois autres mais maintient Pasqua à ce poste. À cette fonction, Charles Pasqua est l'auteur de la loi portant son nom, rendant plus difficile le séjour des étrangers en France, et de la loi du 24 novembre 1986 sur le découpage électoral, dénoncé comme déséquilibré par les socialistes. Il est en poste durant les manifestations étudiantes contre la loi Devaquet, qui verront la mort d'un manifestant, Malik Oussekine, le 5 décembre 1986. Il préside à l'arrestation du groupe terroriste Action directe. La gauche lui reproche sa politique sécuritaire, tandis qu'il séduit les militants gaullistes. Dans une interview publiée par le journal Valeurs actuelles entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1988, alors que Jean-Marie Le Pen a obtenu 14,4 % de voix au premier tour, Charles Pasqua préconise une alliance avec l'extrême-droite, déclarant que « le FN se réclame des mêmes préoccupations, des mêmes valeurs que la majorité ».
Après son passage au gouvernement, il redevient sénateur le 11 mai 1988, à la suite de la démission d'Émile Tricon. À nouveau président du groupe gaulliste, il reste membre de la Haute Assemblée jusqu'au 29 avril 1993. En octobre 1988, il dépose pour la seconde fois avec plusieurs autres sénateurs une proposition de loi « relative au rétablissement de la peine de mort ainsi que pour la protection des fonctionnaires de sécurité et de justice » (la première fut déposée en avril 1984). De 1993 à 1995, il est à nouveau ministre de l'Intérieur, du gouvernement Édouard Balladur, alors Premier ministre de François Mitterrand. La réforme du code de la nationalité française, dite « réforme Pasqua », est votée par le Parlement. En 1994, il doit faire face aux manifestations étudiantes contre le Contrat d'insertion professionnelle (CIP), qui sont marquées par des affrontements violents entre la police et des groupes de jeunes.
Puis, le 4 octobre 1994, il est confronté à une sanglante fusillade en plein Paris qui fait trois morts parmi les forces de l'ordre. Elle est perpétrée par deux étudiants Florence Rey et Audry Maupin qui sont présentés comme ayant participé activement à la mobilisation contre le CIP et que l'on dit proches des milieux anarchistes. À la suite de ce drame, Charles Pasqua se déclare une nouvelle fois « personnellement en faveur » du retour de la peine de mort pour « les assassins les plus sordides, ceux qui attaquent les personnes âgées sans défense, ceux qui violent ou qui tuent des enfants, ceux qui assassinent des responsables des forces de l'ordre ». C'est dans ce contexte tendu qu'il défend, à l'automne 1994, un projet de loi « d'orientation et de programmation relative à la sécurité » qui vise à harmoniser l'action des services de police, de douane et de gendarmerie ainsi qu'à augmenter leurs moyens d'actions. Parmi les dispositions qu'il prévoit pour maintenir l'ordre public figurent le renforcement des mesures de contrôle et de fouille en marge des manifestations et l'autorisation de la vidéosurveillance.
Ce projet de loi qui suscite de vives controverses avec l'opposition socialiste est finalement adopté en janvier 1995. En 1995, il introduit l'obligation de visa pour les Comoriens et procède à des régulations géographiques qui se traduiront par des déplacements forcés de Comoriens hors de l'île de Mayotte. Il favorise la police de proximité, censée être au plus près de la réalité du terrain. Il préside à l'arrestation du terroriste Carlos en 1994, ainsi qu'à la neutralisation, en décembre 1994, sur l'aéroport de Marseille, du commando du GIA qui avait détourné un Airbus parti d'Alger. En février 1995, il révèle publiquement les opérations d'espionnage économique menées en France par la CIA, et fait expulser le chef de poste de la CIA, Richard L. Holm, ainsi que plusieurs autres agents sous couverture diplomatique. Charles Pasqua est également connu pour deux déclarations qui sont souvent citées pour résumer son action politique : « il faut terroriser les terroristes » et « la démocratie s'arrête là où commence l'intérêt de l'État ». Il surprend en soutenant Édouard Balladur, jugé plus libéral et européen que Jacques Chirac, lors de l'élection présidentielle de 1995. Jacques Chirac devance finalement Édouard Balladur au premier tour, puis est élu président de la République. Quelques mois plus tard, Charles Pasqua est promu, par le nouveau président, officier de l'ordre national de la Légion d'honneur.
En 1990, lors des assises nationales du RPR, il présente, avec Philippe Séguin, une motion souverainiste, contre la motion Chirac-Juppé. Pour faire pencher les militants en sa faveur, Jacques Chirac a mis sa démission en jeu, et a repris les thématiques de la motion Pasqua-Séguin. Finalement, il obtient 68 % des suffrages, contre 31,9 % à Pasqua et Séguin. À partir de cela les relations ne seront plus jamais les mêmes entre Charles Pasqua et Jacques Chirac. Ce dernier dira dans une émission de télévision « Pasqua était un ami ». Il crée son propre mouvement, Demain la France, en 1991. Il se prononce pour le « non » au référendum de 1992 sur le traité de Maastricht. En compagnie de Philippe Séguin et de Philippe de Villiers, il dit souhaiter préserver « l'indépendance de la France face à l'ingérence future des institutions européennes ». Le 2 octobre 1992, Charles Pasqua présente sa candidature à la présidence du Sénat, qu'il dit convoiter depuis plusieurs années ; à l'issue du premier tour de scrutin, il recueille 102 voix, devant le socialiste Claude Estier (72 voix) mais derrière le centriste René Monory, qui l'a devancé de 23 suffrages.
Finalement, Pasqua se retire pour favoriser l'élection de Monory au « plateau ». Lors des élections européennes de 1999, il présente face à la liste RPR menée par Nicolas Sarkozy une liste souverainiste commune avec Philippe de Villiers. Avec 13,05 % des voix, cette alliance arrive 2e derrière celle du PS, menée par François Hollande, entrainant la démission de Nicolas Sarkozy de la tête du RPR. Député au Parlement européen, il est président du groupe Union pour l'Europe des nations durant toute la législature. Il fonde alors avec Philippe de Villiers le Rassemblement pour la France (RPF). Tous deux prennent position pour le « non » au référendum sur le quinquennat présidentiel. La mésentente s'installe néanmoins peu à peu entre les deux hommes, jusqu'à leur séparation politique définitive, en 2000.
Son soutien à Édouard Balladur lors de l'élection présidentielle de 1995 marque un coup d'arrêt à son ascension politique. Il est réélu sénateur dans les Hauts-de-Seine le 24 septembre 1995, et quitte ce mandat après son élection au Parlement européen, quatre ans plus tard. Charles Pasqua annonce sa candidature à l'élection présidentielle fin janvier 2002. Il ne parvient pas à réunir les 500 signatures nécessaires à sa candidature, et accuse l'entourage de Jacques Chirac de l'avoir empêché de se présenter en l'impliquant dans plusieurs affaires. De nouveau président du conseil général des Hauts-de-Seine de 1988 à 2004, il crée notamment le Pôle d'enseignement supérieur Léonard-de-Vinci, surnommé « fac Pasqua ». Nicolas Sarkozy lui succède. Après la fin de son mandat européen, il est réélu sénateur le 26 septembre 2004, à la tête d'une liste divers droite, et siège comme apparenté au groupe UMP.
Il ne se représente pas au scrutin sénatorial de 2011 et quitte la vie politique active. Dans ses dernières prises de position, il s'oppose au rapprochement entre l'UMP et les centristes et suggère d'envoyer les détenus islamistes sur une île pour lutter contre les filières djihadistes des prisons. Il fait sa dernière apparition publique lors du congrès fondateur des Républicains, en mai 2015. Charles Pasqua meurt le 29 juin 2015, à l'hôpital Foch de Suresnes, des suites d'un accident cardiaque. Une messe est célébrée le 3 juillet suivant par Mgr Luc Ravel, en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides, en présence de nombreux hommes politiques. Puis, ses obsèques sont célébrées le 7 juillet en la cathédrale Notre-Dame-du-Puy de Grasse, par Mgr André Marceau. Son éloge funèbre est alors prononcé par Nicolas Sarkozy. Il est ensuite inhumé dans le caveau familial, au cimetière Sainte-Brigitte de Grasse.
Charles Pasqua est mis en cause dans plusieurs affaires politico-financières dans les années 2000. Il a été relaxé dans quatre d'entre elles et condamné à de la prison avec sursis deux fois.
Le 17 juillet 2009, cette affaire est renvoyée devant la Cour de justice de la République. Le 30 avril 2010, Charles Pasqua est relaxé des accusations de « complicité et recel d'abus de biens sociaux ».
Dans l'affaire de la Sofremi, le juge d'instruction Philippe Courroye s'est dessaisi au profit de la Cour de justice de la République (CJR). Le 29 avril 2010, l'avocat général requiert quatre ans de prison dont deux avec sursis assortis d'une peine d'inéligibilité à l'encontre de Charles Pasqua, précisant que « ce grand ministre n'a pu résister à l'opportunité de favoriser ceux qui lui étaient chers ». Il indique néanmoins qu'il n'a montré « aucune âpreté personnelle au gain, ni aucune volonté d'enrichissement crapuleux ». Le lendemain, il est condamné à une année de prison avec sursis.
La justice lui reproche d'avoir bénéficié de 7,5 millions de francs (1,14 million d'euros) pour sa campagne électorale européenne de 1999, issus de la vente du casino d'Annemasse, dont il avait autorisé l'exploitation en 1994, en tant que ministre de tutelle. Son pourvoi en cassation ayant été rejeté le 8 avril 2010, Charles Pasqua est définitivement condamné à 18 mois de prison avec sursis dans l'affaire du casino d'Annemasse, pour « faux, financement illégal de campagne et abus de confiance ». Il s'agit de sa première condamnation définitive. Charles Pasqua fait par ailleurs l'objet, dans ce même dossier, d'un renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR). Le 30 avril 2010, il est relaxé des accusations de « corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique ».
Selon un rapport de synthèse du 5 avril 2006 de la brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), Charles Pasqua aurait bénéficié « d'environ 12 millions de barils »40 dans le cadre de trois contrats signés en 1999, correspondant aux phases 6, 7 et 8 du programme « Pétrole contre nourriture », qui en comptait treize. En 2011, Charles Pasqua est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption et trafic d'influence. Le 8 juillet 2013, tous les prévenus, dont Charles Pasqua, sont relaxés par le tribunal correctionnel de Paris.
Le 21 janvier 2013, le tribunal correctionnel de Versailles condamne Charles Pasqua à deux ans de prison avec sursis, à une amende de 150 000 euros et à deux ans d'inéligibilité. Ce jugement n'a jamais été définitif, Charles Pasqua étant décédé avant que la décision en appel ne soit rendue. Le 23 septembre 2015, la cour d'appel de Versailles prononce la relaxe d'André Santini, et à cette occasion, le président de la cour précise que Charles Pasqua « aurait été relaxé ».
Le 29 avril 2011, la cour d'appel de Paris le relaxe des chefs de trafic d'influence passif et de recel d'abus de biens sociaux.
Dans le téléfilm Crime d'État, diffusé sur France 3 le 29 janvier 2013, Charles Pasqua est présenté comme un des commanditaires de l'assassinat du ministre Robert Boulin. La version officielle étant une mort par suicide, ce documentaire présente sous forme de fiction la thèse d'un assassinat politique orchestré pour défendre les intérêts du RPR.
Des nombreux démêlés politico-judiciaires dans lesquels Charles Pasqua a été impliqué est né le Théorème de Pasqua qui tiendrait son origine de l'une de ses citations, probablement apocryphe, selon laquelle « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. ».