Reichstagsbrandverordnung

Publié le par Roger Cousin

La Reichstagsbrandverordnung (décret de l'incendie du Reichstag), ou, sous sa dénomination officielle la Verordnung des Reichspräsidenten zum Schutz von Volk und Staat vom 28. Februar 1933 (décret du président du Reich du 28 février 1933 pour la protection du peuple et de l'État), est un décret pris, à l'instigation d'Adolf Hitler, par le président de la République de Weimar, Paul von Hindenburg, à la suite de l'incendie du Reichstag du 27 février. Elle annule l'essentiel des libertés civiles et politiques établies par la Constitution et est la première disposition législative qui ouvre la voie à l’établissement du pouvoir total des nazis, notamment au travers de l'élimination de leurs opposants réels ou potentiels. 

Reichstagsbrandverordnung

Contexte

Accession des nazis au pouvoir

Adolf Hitler est nommé chancelier du Reich par le président Hindenburg le 30 janvier 1933, soit quatre semaines avant l'incendie du Reichstag. Hitler et son gouvernement exhortent Hindenburg à dissoudre le Reichstag et organiser des élections pour le 5 mars.

Incendie du Reichstag

Le soir du 27 février, six jours avant les élections parlementaires, un incendie se déclare dans les salles du palais du Reichstag. Les circonstances exactes de l'incendie restent inexpliquées, mais Hitler et ses partisans en tirent rapidement parti pour en faire l'outil de la consolidation de leur pouvoir. L'incendie est présenté comme le signal d'une « insurrection communiste », ce qui plonge des millions d'Allemands dans la peur d'une révolution rouge. Le rapport officiel, clairement mensonger, mentionne que « l'incendie du Reichstag était prévu comme le signal d'une sanglante insurrection et d'une guerre civile. Le pillage à grande échelle de Berlin était planifié. […] Il a pu être déterminé que […] à travers toute l'Allemagne, des actes de terrorisme auraient commencé contre les individus notables, la propriété privée, les vies et la sécurité de la population pacifique, et que la guerre civile devait faire rage. ». Le décret fut improvisé le lendemain de l'incendie, le 28, après négociations avec le ministre prussien de l'Intérieur, Hermann Göring, et fut présenté au Gouvernement du Reich. Dans les discussions qui suivirent, Hitler déclara que l'incendie en faisait dès lors une affaire de « confrontation brutale avec le KPD », et peu après, le président Hindenburg signa le décret. 

Dispositif du décret

Base juridique

Le décret invoquait l'article 48 de la Constitution, selon lequel le président était libre de prendre toute mesure appropriée pour sauvegarder la sécurité publique. 

Contenu

Il comprenait six articles:

  • L’article 1 suspendait la plupart des libertés civiles garanties par la république de Weimar – liberté des personnes, liberté d'expression, liberté de la presse, droit à l'association et aux réunions publiques, confidentialités des postes et téléphones, protection du domicile et des propriétés.
  • Les articles 2 et 3 transmettaient au Gouvernement du Reich certaines prérogatives normalement dévolues aux Länder.
  • Les articles 4 et 5 établissaient des peines très lourdes pour certains délits particuliers, notamment la peine de mort pour l'incendie de bâtiments publics.
  • L’article 6 disposait que le décret prenait effet le jour de sa proclamation.

Conséquences

Le décret ne fut accompagné d'aucune circulaire d'application par le gouvernement. Cette omission permettait la plus grande liberté d'interprétation, notamment pour Göring, qui était ministre de l'Intérieur de Prusse, et donc à la tête de la plus grande force de police d'Allemagne. Les Länder qui n'étaient pas encore sous le contrôle des nazis se limitèrent généralement à interdire la presse communiste, les manifestations et les réunions communistes, et à arrêter quelques dirigeants du KPD. En Prusse, en revanche, les arrestations sommaires des membres du KPD étaient monnaie courante ; des milliers de personnes furent arrêtées dans les jours qui suivirent l'incendie, et le nombre total d'arrestations sur la base du décret, en deux semaines, avoisine les dix mille. Parmi les communistes arrêtés figurait le président du KPD Ernst Thälmann. Certains membres fondateurs du KPD, tels Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, parvinrent à s'exiler et deviendront des figures importantes de la République démocratique allemande.

Göring publia une directive pour la police prussienne le 3 mars 1933 selon laquelle, en plus des droits constitutionnels, « toutes les autres restrictions sur les actions de la police imposée par les lois du Reich et du Land » étaient abolies « pour autant que cela soit nécessaire […] à l'application des objectifs du décret ». Göring alla jusqu’à dire que « dans l'esprit des buts et objectifs du décret, les mesures supplémentaires […] viseront les communistes dans un premier temps, mais aussi ceux qui collaborent avec les communistes et leurs buts criminels. […] Je voudrais préciser que toute mesure utile à l'encontre des membres ou des établissements autres que ceux des partis communistes, anarchistes ou sociaux-démocrates ne se justifient au sens de ce décret […] que s'ils servent à défendre contre les activités communistes dans leur acceptation la plus large. »

Moins de trois mois après la proclamation du décret, les nazis pressèrent leur avantage en faisant adopter la loi des pleins pouvoirs, qui donnait au gouvernement de Hitler le pouvoir légal de décréter les lois sans en référer au Reichstag. Ainsi, la Reichstagsbrandverordnung fut l'une des étapes clés par lesquelles les nazis détruisaient la séparation des pouvoirs et établissaient officiellement une dictature de parti unique. Il a été qualifié de « Magna Carta du Troisième Reich ». Le décret resta en vigueur jusqu'en 1945 et ne fut abrogé que par les Alliés après la capitulation allemande. 

Publié dans Evènements

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